CA DOUAI (3e ch.), 25 octobre 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 4009
CA DOUAI (3e ch.), 25 octobre 2012 : RG n° 11/06477 ; arrêt n° 12/988
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « La SA Thomas Cook Voyages n'établit pas que le cahier des prix - composant avec le catalogue présentant les voyages, la brochure Jet Tours « Amérique Eté 2009 » - contenant des informations sur les formalités administratives pour les ressortissants français, a été remis aux époux Y., ce que ces derniers contestent au demeurant. […]. Il n'est pas ensuite davantage démontré de remise de la brochure lors de l'établissement du bulletin d'inscription du 17 février 2009, les époux Y. ayant attesté avoir « reçu la brochure et/ou devis, proposition, programme de l'organisateur et/ou contrat d'assurance mentionnés ci-dessus ». Aucune des mentions et/ou n'ayant été rayée, la SA Thomas Cook Voyages ne peut donc soutenir qu'une telle attestation vaudrait preuve de la remise de la brochure. »
2/ « En indiquant seulement aux époux Y. qu'ils devaient être en possession d'un passeport valide ou d'un passeport électronique, sans leur indiquer ce qu'était un passeport valide au sens de la règlementation américaine, la SA Thomas Cook Voyages n'a pas satisfait à son obligation légale d'information, prévue aux articles L. 211-8 et R. 211-4 du code du tourisme, sur les conditions de franchissement des frontières et sur les formalités administratives.
Au regard de ce manquement, Monsieur Y. qui ne disposait pas - contrairement à son épouse - d'un passeport à lecture optique, n'a donc pas été en mesure de solliciter dès le mois de février 2009, un passeport lui permettant de se rendre aux Etats-Unis. La SA Thomas Cook Voyages n'est pas fondée à reprocher à Monsieur Y. de ne pas s'être « préoccupé » de son passeport puisque c'est précisément en raison du manque d'information qu'il n'a pas fait les démarches nécessaires. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/06477. Arrêt n° 12/988. Jugement (N° 11.11.0001) rendu le 13 mai 2011 par le Tribunal d'Instance de DOUAI.
APPELANTS :
Madame X. épouse Y.
née le [date] à [ville], demeurant [adresse], représentée et assistée par Maître BONY-DEMESMAEKER, avocat au barreau de DOUAI, constituée aux lieu et place de la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, anciens avoués
Monsieur Y.
né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté et assisté par Maître Nadia BONY-DEMESMAEKER, avocat au barreau de DOUAI, constituée aux lieu et place de la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, anciens avoués
INTIMÉE :
SA THOMAS COOK VOYAGES
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, représentée par Maître Sylvie REGNIER, constituée aux lieu et place de la SCP CARLIER REGNIER, anciens avoués, devenus avocats, et assistée par Maître Caroline QUENET, avocat au barreau de Paris
DÉBATS : à l'audience publique du 13 septembre 2012, tenue par Marie Laure BERTHELOT magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile ).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne DUFOSSE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Martine DAGNEAUX, Président de chambre, Bénédicte ROBIN, Conseiller, Marie Laure BERTHELOT, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Martine DAGNEAUX, Président et Fabienne DUFOSSE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 5 juin 2012
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 17 février 2009, M. Y. et Mme X. épouse Y. ont signé un bulletin d'inscription auprès de l'agence de voyages Aquatour pour un circuit à destination des États-Unis dans le cadre d'un forfait touristique du 25 août 2009 au 7 septembre 2009.
Le 30 mars 2009, l'agence Aquatour a émis un nouveau bulletin d'inscription annulant et remplaçant le bulletin du 17 février 2009.
Le 25 août 2009, les époux Y. n'ont pas embarqué à destination des Etats-Unis, le passeport de M. Y. n'étant pas valide.
Par acte d'huissier du 28 mai 2010, les époux Y. ont fait assigner devant le tribunal d'instance de Douai la SA Thomas Cook Voyages, exerçant sous la marque Aquatour, en vue d'obtenir sa condamnation à les indemniser du préjudice subi.
Par jugement contradictoire du 13 mai 2011, le tribunal d'instance a :
- dit que la SA Thomas Cook Voyages ne peut être regardée comme responsable de la non exécution du contrat de voyage souscrit par les époux Y. auprès d'elle le 17 février 2009,
- débouté les époux Y. de leurs demandes de remboursement ainsi que de celle concernant leur préjudice moral,
- laissé les parties supporter leurs frais irrépétibles,
- condamné les époux Y. aux dépens.
Le 20 septembre 2011, les époux Y. ont interjeté appel de la décision.
Le 3 février 2012, Maître Bony s'est constituée pour le compte des époux Y. aux lieu et place de la SCP Levasseur-Castille-Levasseur.
Dans leurs dernières conclusions du 6 février 2012, les époux Y. demandent à la cour de :
- constater que la SA Thomas Cook Voyages n'a pas fourni, conformément aux dispositions légales, d'informations écrites préalablement à la conclusion du contrat sur la prestation fournie, et notamment sur les conditions de franchissement des frontières,
- constater également que la convention signée par les parties ne contenait pas l'information nécessaire pour le franchissement de la frontière aux Etats-Unis,
- constater en tant que de besoin l'inopposabilité des clauses générales de vente revendiquées par la SA Thomas Cook Voyages, celles-ci n'ayant aucun caractère contractuel et relevant en outre de clauses abusives, telles que prévues par le code de la consommation, puisque de nature à exonérer le prestataire de services d'obligations d'ordre public figurant dans le code du tourisme,
- constater que la SA Thomas Cook Voyages a failli à son devoir d'information,
- la déclarer responsable de la non exécution du contrat de voyages en date du 17 février 2009,
- la condamner à les indemniser de leur préjudice en leur payant :
* la somme de 4 829 euros au titre du remboursement du voyage avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2009 sur la somme de 1.500 euros et à compter du 17 avril 2009 sur la somme de 3.387,26 euros,
* la somme de 142,60 euros au titre des frais SNCF pour se rendre et revenir de l'aéroport,
* la somme de 4.000 euros au titre du préjudice moral,
- la condamner à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les époux Y. expliquent que le jour du départ, ils se sont présentés à l'enregistrement et que par trois fois ils ont été « refoulés » à défaut de présenter un passeport biométrique, alors même, vérification faite auprès de l'ambassade des Etats-Unis, que Madame Y. disposait d'un passeport valable et aurait dû être admise à l'enregistrement.
Les époux Y. soutiennent que la SA Thomas Cook Voyages n'a pas satisfait à son obligation légale d'information, l'information fournie pour le franchissement des frontières - exclusivement celle figurant sur le bulletin d'inscription du 17 février 2009 - étant non seulement insuffisante mais aussi erronée. Ils ajoutent en toute hypothèse que la mention reprise sur ledit bulletin au terme duquel il est indiqué qu'il appartient au client de vérifier les informations données au titre des formalités est abusive, en ce qu'elle exclut ou limite les droits légaux du consommateur à l'égard du professionnel.
Ils soutiennent que l'agence de voyages qui a eu en sa possession les passeports aurait dû à tout le moins aviser Monsieur Y. que le voyage était impossible au regard de son passeport et que ce dernier n'a donc pas eu l'information nécessaire, dès février 2009, date de son inscription, pour solliciter un passeport biométrique lui permettant de voyager.
Ils ajoutent enfin que la SA Thomas Cook Voyages n'est pas fondée à vouloir leur opposer la clause XIV au titre du défaut d'enregistrement puisqu'ils n'en n'ont pas eu connaissance.
Dans ses dernières écritures du 10 avril 2012, la SA Thomas Cook Voyages conclut à la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de :
- constater qu'elle a parfaitement et complètement rempli son obligation d'information,
- constater que l'inexécution du contrat conclu entre les parties résulte du seul fait des époux Y.,
- en conséquence, débouter les époux Y. de leurs demandes,
- condamner les époux Y. à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La SA Thomas Cook Voyages précise en premier lieu que l'agence n'a jamais eu les passeports des époux Y. en sa possession, et que quand bien même les aurait-elle eus, il ne lui appartenait pas d'en vérifier la régularité.
La SA Thomas Cook Voyages estime qu'elle a parfaitement rempli son devoir d'information, en délivrant par écrit, avant et au moment de la conclusion du contrat, des informations figurant tant dans la brochure Jet Tours été 2009 laquelle a constitué l'offre préalable au contrat, a été remise aux époux Y. avant sa souscription et a fait partie intégrante du contrat, que dans les bulletins d'inscription, et que les informations reprises tant en première page du bulletin d'inscription que de la page 16 du cahier des prix sont complètes et suffisantes sur les formalités administratives.
L'intimée indique par ailleurs qu'il n'est pas établi que l'embarquement de Madame Y. aurait été refusé, les époux Y. ne procédant sur ce point que par voie d'allégations.
En toute hypothèse, la SA Thomas Cook Voyages soutient que sa responsabilité ne saurait être engagée alors même qu'aux termes des dispositions contractuelles, elle ne peut être tenue pour responsable du défaut d'enregistrement « lorsque le participant ne présente pas les documents d'identification et/ou sanitaires nécessaires à la réalisation du voyage » et qu'en outre en application de l'article L. 211-16 alinéa 2 du code du tourisme, la responsabilité de l'agence de voyages est exclue en cas de faute de l'acheteur.
Le 4 septembre 2012, Maître Regnier s'est constituée pour le compte de la SA Thomas Cook Voyages aux lieu et place de la SCP Carlier-Regnier.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Les seules informations portées par la SA Thomas Cook Voyages à la connaissance des époux Y., au titre du franchissement des frontières et des formalités administratives, sont celles reprises dans le bulletin d'inscription du 17 février 2009 qu'ils ont signé et celles reprises dans le bulletin d'inscription du 30 mars 2009, non signé, mais qu'ils produisent aux débats, ce qui établit qu'ils l'ont reçu. En toute hypothèse, les éléments d'informations sont identiques dans les deux bulletins.
La SA Thomas Cook Voyages n'établit pas que le cahier des prix - composant avec le catalogue présentant les voyages, la brochure Jet Tours « Amérique Eté 2009 » - contenant des informations sur les formalités administratives pour les ressortissants français, a été remis aux époux Y., ce que ces derniers contestent au demeurant.
Il est en effet produit en premier lieu un courrier signé de « [prénom] » de l'agence Aquatour dans lequel celle-ci indique adresser aux époux Y. tout au plus le catalogue Jet Tours.
Il n'est pas ensuite davantage démontré de remise de la brochure lors de l'établissement du bulletin d'inscription du 17 février 2009, les époux Y. ayant attesté avoir « reçu la brochure et/ou devis, proposition, programme de l'organisateur et/ou contrat d'assurance mentionnés ci-dessus ». Aucune des mentions et/ou n'ayant été rayée, la SA Thomas Cook Voyages ne peut donc soutenir qu'une telle attestation vaudrait preuve de la remise de la brochure.
Les informations au titre du franchissement des frontières et des formalités administratives reçues par les époux Y., telles qu'elles ressortent des bulletins d'inscription, sont donc les suivantes :
« Formalités - A titre d'information au jour de l'inscription
Pour les ressortissants français
Passeport valide + visa ou passeport électronique
Autorisation électronique d'entrée aux USA via le site http://esta.cbp.dhs.go
Il appartient au client de vérifier les informations mentionnées ci-dessus ».
En indiquant seulement aux époux Y. qu'ils devaient être en possession d'un passeport valide ou d'un passeport électronique, sans leur indiquer ce qu'était un passeport valide au sens de la règlementation américaine, la SA Thomas Cook Voyages n'a pas satisfait à son obligation légale d'information, prévue aux articles L. 211-8 et R. 211-4 du code du tourisme, sur les conditions de franchissement des frontières et sur les formalités administratives.
Au regard de ce manquement, Monsieur Y. qui ne disposait pas - contrairement à son épouse - d'un passeport à lecture optique, n'a donc pas été en mesure de solliciter dès le mois de février 2009, un passeport lui permettant de se rendre aux Etats-Unis.
La SA Thomas Cook Voyages n'est pas fondée à reprocher à Monsieur Y. de ne pas s'être « préoccupé » de son passeport puisque c'est précisément en raison du manque d'information qu'il n'a pas fait les démarches nécessaires.
Du fait qu'il a perdu la chance de pouvoir solliciter un passeport biométrique, Monsieur Y. a perdu celle, pour lui et son épouse, de faire le voyage. Il ne peut en effet être reproché à Madame Y., même s'il n'est pas établi qu'elle a également été refoulée, de ne pas avoir pris seule le départ.
Au vu des éléments dont la cour dispose, les pertes de chance doivent être évaluées à 99 % du préjudice subi qui se décompose comme suit :
- 4.829 euros au titre du prix du voyage,
- 142,60 euros au titre des frais pour se rendre et revenir de l'aéroport, les époux Y. versant aux débats leur billet de train,
- 2.000 euros au titre du préjudice moral, dès lors que les époux Y. ont été privés d'un voyage qu'ils préparaient depuis plusieurs mois et qu'ils avaient organisé pour les 60 ans de Madame Y.,
soit la somme de 6.901,88 euros, après application du pourcentage de perte de chance, que la SA Thomas Cook Voyages sera condamnée à payer aux époux Y. avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
* * *
Le jugement du 13 mai 2011 doit donc être infirmé en toutes ses dispositions.
* * *
Partie succombante, la SA Thomas Cook Voyages doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, déboutée de sa demande d'indemnité procédurale et condamnée en équité à payer aux époux Y. la somme de 3.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement du tribunal d'instance de Douai en date du 13 mai 2011 en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
Condamne la SA Thomas Cook Voyages à payer à M. Y. et Mme X. épouse Y. la somme de 6.901,88 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Y ajoutant,
Condamne la SA Thomas Cook Voyages à payer à M. Y. et Mme X. épouse Y. la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Déboute la SA Thomas Cook Voyages de sa demande d'indemnité procédurale.
Condamne la SA Thomas Cook Voyages aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
F. DUFOSSE M. DAGNEAUX