CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 15 novembre 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 4040
CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 15 novembre 2012 : RG n° 12/00134
Publication : Jurica
Extrait : « Que cette clause a pour principal objet d'organiser la subrogation au profit de l'établissement de crédit dans le droit de réserve de propriété du vendeur contre l'acheteur ; Que dans la mesure où elle constitue ainsi une garantie de paiement pour le prêteur en cas de défaillance par l'emprunteur dans le remboursement du prêt accordé, elle ne saurait être considérée comme abusive au sens de l'article L. 132-1 précité ;
Qu'en outre et contrairement à l'analyse du premier juge, le caractère abusif de la clause ne peut résulter du seul fait que la subrogation de l'établissement de crédit dans les droits du vendeur serait inopposable à l'emprunteur comme étant non conforme aux dispositions de l’article 1250 du code civil, circonstance au demeurant non établie en l'espèce dès lors que l'établissement de crédit est bien une tierce personne, prêteur des deniers servant à acquitter le prix de la vente du véhicule, opération à laquelle il n'est pas partie, et ce dès le paiement effectué au profit du vendeur ; que s'agissant par ailleurs de cocontractants professionnels, le vendeur et l'établissement de crédit ne peuvent se voir imposer de restrictions aux modalités de preuve de leur accord ;
Qu'il importe peu enfin que cette clause, qui n'est pas interdite, ne soit pas énoncée dans les modèles-types de contrat, la liberté contractuelle restant la règle dans les limites fixées par les articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation ;
Que c'est donc à tort que le premier juge a qualifié d'abusive cette clause et en a déduit qu'elle entraînait la déchéance de l'établissement de crédit aux intérêts contractuels ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/00134. Jugement (R.G. n° 11-11-000676) rendu le 3 novembre 2011 par le Tribunal d'Instance de BÉTHUNE.
APPELANTE :
SA CREDIPAR
ayant son siège social : [adresse], Représentée par Maître Benoît DE BERNY (avocat au barreau de LILLE)
INTIMÉ :
Monsieur X.
demeurant : [adresse], de nationalité Française, N'a pas constitué avocat
DÉBATS à l'audience publique du 19 septembre 2012 tenue par Hélène BILLIERES magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Annie DESBUISSONS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Pierre CHARBONNIER, Président de chambre, Benoît PETY, Conseiller, Hélène BILLIERES, Conseiller
ARRÊT RENDU PAR DÉFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Annie DESBUISSONS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant offre préalable acceptée le 14 février 2006, la société COMPAGNIE GÉNÉRALE DE CRÉDIT AUX PARTICULIERS dite CREDIPAR a consenti à Monsieur X. un prêt accessoire à la vente d'un véhicule automobile de marque PEUGEOT, d'un montant de 21.900 euros, remboursable en 72 mensualités de 426,70 euros chacune, assurance comprise, incluant des intérêts au taux effectif global de 10,82 % et au taux nominal de 9,95 %.
Alléguant le défaut de paiement des échéances mensuelles, la société CREDIPAR a assigné Monsieur X. en paiement des sommes dues au titre de ses engagements.
Par jugement réputé contradictoire du 3 novembre 2011, le tribunal d'instance de Béthune, après avoir constaté l'irrégularité de l'offre préalable tenant dans l'existence d'une clause abusive différant le transfert du bien financé jusqu'au paiement intégral du prix et subrogeant le prêteur dans le bénéfice de cette réserve de propriété, a prononcé la déchéance de son droit aux intérêts conventionnels et a débouté l'établissement de crédit de ses demandes.
La société CREDIPAR a relevé appel de ce jugement le 20 janvier 2012.
Elle critique le jugement en ce qu'il a qualifié d'abusive la clause de réserve de propriété que le vendeur du véhicule lui a transmis en garantie du remboursement de son prêt alors qu'elle est conforme aux dispositions de l'article 1250-1) du code civil et qu'elle ne constitue pas une clause abusive.
Elle ajoute qu'en toute hypothèse, la sanction encourue n'est pas la déchéance du droit aux intérêts mais l'inexistence de ladite clause.
Réitérant devant la cour les demandes qu'elle avait formées devant le premier juge, elle sollicite en conséquence la condamnation de Monsieur X. au paiement des sommes de 5.930,27 euros avec intérêts au taux contractuel de 9,95 % à compter du 20 mai 2011, et de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Bien qu'assigné en l'étude de l'huissier instrumentaire, Monsieur X. n'a pas constitué avocat.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Sur le moyen tiré du caractère abusif de la clause de réserve de propriété :
Attendu que selon l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;
Que sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie, en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat ; qu'il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre ;
Attendu en la cause que l'offre préalable de crédit accessoire à la vente du véhicule PEUGEOT 407 par la société commerciale SABA à Monsieur X., consentie à ce dernier par la société CREDIPAR prévoit en son article 8 b que « si le transfert de propriété du véhicule acheté est différé jusqu'à son paiement, le prêteur pourra exiger d'être subrogé dans le bénéfice de la clause de réserve de propriété du bien sur un document spécifique mentionnant les conditions auxquelles les parties se soumettent » ; qu'elle contient en outre une clause intitulée « clause de réserve de propriété » qui prévoit que « si, par une clause convenue entre vous et le vendeur, le transfert de propriété du bien acquis est différé jusqu'au paiement intégral du prix, le prêteur est subrogé par le vendeur dans le bénéfice de cette clause et doit être considéré comme seul bénéficiaire de la réserve de propriété sans qu'il soit nécessaire de notifier par ailleurs la subrogation [à l'emprunteur] » ;
Que cette clause a pour principal objet d'organiser la subrogation au profit de l'établissement de crédit dans le droit de réserve de propriété du vendeur contre l'acheteur ;
Que dans la mesure où elle constitue ainsi une garantie de paiement pour le prêteur en cas de défaillance par l'emprunteur dans le remboursement du prêt accordé, elle ne saurait être considérée comme abusive au sens de l'article L. 132-1 précité ;
Qu'en outre et contrairement à l'analyse du premier juge, le caractère abusif de la clause ne peut résulter du seul fait que la subrogation de l'établissement de crédit dans les droits du vendeur serait inopposable à l'emprunteur comme étant non conforme aux dispositions de l’article 1250 du code civil, circonstance au demeurant non établie en l'espèce dès lors que l'établissement de crédit est bien une tierce personne, prêteur des deniers servant à acquitter le prix de la vente du véhicule, opération à laquelle il n'est pas partie, et ce dès le paiement effectué au profit du vendeur ; que s'agissant par ailleurs de cocontractants professionnels, le vendeur et l'établissement de crédit ne peuvent se voir imposer de restrictions aux modalités de preuve de leur accord ;
Qu'il importe peu enfin que cette clause, qui n'est pas interdite, ne soit pas énoncée dans les modèles-types de contrat, la liberté contractuelle restant la règle dans les limites fixées par les articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation ;
Que c'est donc à tort que le premier juge a qualifié d'abusive cette clause et en a déduit qu'elle entraînait la déchéance de l'établissement de crédit aux intérêts contractuels ;
Que le jugement sera donc infirmé du chef de la déchéance du droit aux intérêts de la société CREDIPAR ;
Sur la créance de la société prêteuse :
Attendu qu'aux termes de l’article L. 311-30 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au cas d'espèce, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ; que jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt ; qu'en outre, le prêteur pourra demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231 du code civil, sera fixé suivant un barème déterminé par décret, soit 8 % du capital restant dû ;
Attendu qu'au vu des pièces communiquées par la société CREDIPAR, et notamment du contrat de prêt, du tableau d'amortissement, de la demande de financement, de l'historique de fonctionnement du compte, du décompte de la vente du véhicule, du décompte de créance en date du 20 mai 2011 et de la mise en demeure de payer adressée à l'emprunteur le 21 octobre 2010, la créance de la société CREDIPAR s'établit de la manière suivante :
- échéances exigibles impayées : 2.138,25 euros ;
- capital restant dû : 11.122,43 euros ;
- sous déduction du produit net de la vente du 29 mars 2010 : - 6.281,60 euros ;
- sous déduction des acomptes perçus : - 2.865,60 euros ;
soit un sous total de : 4.113,48 euros ;
- indemnité de 8 % sur capital restant dû : 889,79 euros ;
soit un total de 5.003,27 euros ;
Que par conséquent, Monsieur X. sera, par infirmation du jugement déféré, condamné à payer à la société CREDIPAR les sommes de 4.113,48 euros avec intérêts au taux contractuel de 9,95 % l'an à compter du 21 octobre 2010, date de la mise en demeure, et de 889,79 euros avec intérêts au taux légal à compter de cette même date ;
Sur les frais irrépétibles :
Attendu enfin qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société CREDIPAR les frais exposés par elle tant en première instance qu'en cause d'appel et non compris dans les dépens ; qu'il lui sera en conséquence alloué la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et par défaut ;
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Condamne Monsieur X. à payer à la SA CREDIPAR les sommes de 4.113,48 euros avec intérêts au taux contractuel de 9,95 % l'an à compter du 21 octobre 2010, et de 889,79 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2010 ;
Condamne Monsieur X. à payer à la SA CREDIPAR la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur X. aux dépens de première instance et d'appel ;
Dit que ces derniers seront recouvrés par Maître DE BERNY, avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
A. DESBUISSONS P. CHARBONNIER
- 6054 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Garanties d’exécution en faveur du professionnel
- 6629 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit affecté