CA PARIS (25e ch. A), 1er février 2002
CERCLAB - DOCUMENT N° 4063
CA PARIS (25e ch. A), 1er février 2002 : RG n° 1999/07880
Publication : Site CCA
Extrait : « Considérant que la SARL Z. ne peut se prévaloir du fait qu'elle a renoncé au contrat par lettre recommandée avec avis de réception du 28 juillet 1997 ; qu'en tout état de cause, les dispositions légales instituant une faculté de renonciation au contrat pendant 7 jours ne sont pas applicables à une personne morale ;
Considérant, que pas davantage, la SARL Z. ne saurait invoquer l'article L. 132-1 du Code de la consommation pour voir prononcer la nullité du contrat de vente du 18 juin 1997 ; que la législation sur les clauses abusives n'est pas applicable en l'espèce, l'achat d'une machine à glaces, objet du contrat, ayant un rapport direct avec l'activité professionnelle de la SARL Z. qui exploite un bar et ce même à [ville V.] ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
VINGT CINQUIÈME CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 1er FÉVRIER 2002
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 1999/07880. Arrêt n° 55 (8 pages). Pas de jonction. Décision dont appel : Jugement rendu le 16 décembre 1998 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PARIS (8ème Ch. A) : R.G. n° 1997/81776 (Mme ROBERT).
Date ordonnance de clôture : 6 décembre 2001. NATAF : 502. Nature de la décision : CONTRADICTOIRE
APPELANTE :
SARL E.
prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège [adresse]
INTERVENANTS VOLONTAIRES :
Monsieur X.
demeurant. [adresse], agissant en qualité de liquidateur amiable de la SARL EUROLAND
Maître HAUWEL
demeurant [adresse] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL EUROLAND en remplacement de Maître Philippe LACOMBE,
représentés par la SCP AUTIER, avoué, assistés de Maître PACCIONI, Toque A 749, Avocat au Barreau de PARIS
[minute page 2]
INTIMÉ :
Monsieur Y.
exploitant sous l'enseigne L., demeurant [adresse]
INTERVENANT VOLONTAIRE :
SARL Z.
prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège [adresse]
représentés par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoué, assistés de Maître BOUTIERE, Toque D 386, Avocat au Barreau de PARIS, (SCP BELLAT du barreau de RENNES)
COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats et du délibéré :
PRÉSIDENTE : Madame RIFFAULT-SILK
CONSEILLERS : Madame BERNARD ; Monsieur PICQUE
DÉBATS : à l'audience publique du 14 DÉCEMBRE 2001
GREFFIÈRE lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame MARTEYN
ARRÊT : CONTRADICTOIRE ; Prononcé publiquement par Madame RIFFAULT-SILK, Présidente, laquelle a signé la minute, avec Madame MARTEYN, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] Par contrat du 18 juin 1997, M. Y. exploitant un bar sous l'enseigne L. a commandé à la SARL E. une machine à glace au prix de 132.660 francs et a remis un chèque d'acompte de 22.000 francs. Par courrier du 25 juin 1997, la SARL E. a envoyé une facture proforma de 132.660 francs à M. Y. Par lettre recommandée avec avis de réception du 28 juillet 1997, M. Y. indique avoir refusé l'installation de la machine à glace, les conditions de son paiement sur 5 ans figurant au contrat n'étant pas celles exprimées par le représentant de la société et demandé le remboursement du chèque d'acompte, lequel ne devait pas être immédiatement encaissé.
Après avoir vainement réclamé l'exécution forcée de la vente, la SARL E. a assigné le 25 septembre 1997 M. Y. en paiement de la somme de 110.660 francs majorée des intérêts au taux légal à compter du 18 juin 1997. M. Y. a répliqué en soulevant l'absence de tout contrat de vente puis en sollicitant le prononcé de la nullité du contrat de vente.
Par jugement rendu le 16 décembre 1998, le tribunal de commerce de PARIS a prononcé la résolution du contrat du 18 juin 1997 et a condamné, avec exécution provisoire, la SARL E. à payer à M. Y. exploitant sous l'enseigne L. la somme de 22.000 francs majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 1997 ainsi que la somme de 10.000 francs en application de l'article 700 du NCPC.
La SARL E. a relevé appel. En cours d'appel sont intervenus volontairement aux débats la SARL Z. ainsi que les liquidateurs successifs de la SARL E., dissoute par anticipation, Maître Philippe LACOMBE puis Maître Patrick HAUWEL.
Dans ses dernières conclusions d'intervention volontaire et d'appelant signifiées le 4 décembre 2001 et auxquelles il convient de renvoyer, Maître HAUWEL ès qualités estime que la vente du 18 juin 1997 est parfaite et doit être exécutée. Il reproche au tribunal d'avoir mal interprété le contrat concernant le crédit auquel pouvait recourir M. Y. au lieu de payer comptant, cette option relative aux modalités de règlement du prix ne supprimant pas l'obligation de l'acquéreur de payer le solde du prix convenu à la livraison. Maître HAUWEL ès qualités soutient, par ailleurs, que la SARL E. a traité avec M. Y., personnellement et n'a pas accepté de changement de débiteur. En tous cas, il tient la SARL Z. pour solidairement tenue avec M. Y. et exclut que cette société puisse bénéficier des dispositions du Code de la consommation tout comme M. Y. lequel est commerçant et n'a dénoncé le contrat que plus d'un mois après sa conclusion. Maître HAUWEL ès qualités fait également valoir que M. Y. ne caractérise pas les manœuvres frauduleuses dont il aurait été victime ni la violence qu'il allègue avoir subie. L'appelant argue enfin que contrairement à ce qu'allègue M. Y., la nullité de la vente ne peut être prononcée ni pour indétermination du prix fixé à « TTC 132.660 francs » sur [minute page 4] le contrat, ni en raison d'une exclusivité d'approvisionnement en glaces auprès de la SARL E. qui aurait été stipulée, la venderesse s'étant simplement obligée à fournir à M. Y. 1.200 litres de produit « à prendre selon ses besoins », le prix de ce produit étant compris dans celui de la machine. Enfin, Maître HAUWEL ès qualités, qualifie de dilatoire la plainte déposée par M. Y., en cause d'appel, pour abus de faiblesse, laquelle ne pourra concerner une personne morale, et s'oppose à la demande de sursis à statuer. Maître HAUWEL ès qualités sollicite, en conséquence, l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation in solidum de M. Y. et de la SARL Z. à lui payer la somme de 110.000 francs ainsi que la somme de 10.000 francs en application de l'article 700 du NCPC.
M. Y. et la SARL Z. ont signifié le 4 décembre 2001 leurs dernières écritures auxquelles il est renvoyé. Ils soulèvent, en premier lieu, l'irrecevabilité des écritures régularisées au nom du liquidateur amiable de la SARL E., M. X., dont l'adresse est incertaine. En second lieu, ils affirment que la SARL E. a traité en connaissance de cause avec M. Y., représentant de la SARL Z. en cours de formation et qu'aucune condamnation ne saurait intervenir à l'encontre de M. Y. personnellement. En troisième lieu, au fond, les intimés demandent à la Cour de prononcer la nullité du contrat du 18 juin 1997, pour défaut de mentions obligatoires, en application des articles L. 121-23 à L. 121-28 du Code de la consommation, la SARL Z. devant, en raison de sa taille, de son chiffre d'affaires, de son bénéfice et de la nature de son activité, être assimilée à une personne physique démarchée sur son lieu de travail pour une prestation sans rapport direct avec son activité professionnelle. Ils ajoutent qu'il n'avait jamais été question d'un paiement à la livraison de la machine placée pour 5 ans, la société E. devant prélever la moitié de la recette effectuée avec les 1.200 litres de produit à glaces achetés auprès d'elle et reprendre la machine au terme de 5 ans. Ils soutiennent, en outre, que le contrat contient des clauses abusives conférant un avantage excessif à la SARL E. ce qui justifie également la nullité requise. Au surplus, M. Y. et la SARL Z. font valoir que la nullité du contrat s'impose d'autant plus que la signature du contrat a été obtenue à la suite de renseignements mensongers ayant déterminé M. Y. à souscrire à une opération qui ne pouvait qu'aggraver sa situation financière et avec violence, que le prix est indéterminé et que le contrat contient une convention de fourniture exclusive de produits. Subsidiairement, les intimés sollicitent la résolution du contrat du 18 juin 1997 avec remise des parties en l'état antérieur à la vente, pour manquement du vendeur à son obligation de renseignement et de conseil. En tout état de cause, ils requièrent la condamnation de la SARL E. et de M. X. ès qualités à leur payer une somme de 22.000 francs majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 1997, une somme de 30.000 francs pour troubles et tracas sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ainsi que la somme de 30.000 francs en application de l'article 700 du NCPC.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 5] SUR QUOI,
Considérant que M. Y. et la SARL Z. soulèvent l'irrecevabilité des conclusions de M. X., liquidateur amiable de la SARL E. ; que cependant, les dernières conclusions signifiées le 4 décembre 2001 pour le compte de la liquidation de la SARL Z. et qui sont les seules que la Cour retient, l'ont été par Patrick HAUWEL, nommé liquidateur de la SARL E. par délibération de l'assemblée générale extraordinaire du 20 septembre 2000, en remplacement de M. X.. comme il en est justifié ; que l'irrecevabilité de ces écritures n'est pas soulevée ; qu'au demeurant, l'adresse de Patrick HAUWEL figure dans le procès-verbal de l'assemblée précitée ; qu'elle est la suivante : [adresse] ; que le siège social de la SARL E. a aussi été transféré à cet endroit ;
Considérant que M. Y., qui a signé le contrat de vente du 18 juin 1997 avec la SARL E., doit être mis hors de cause ; que la SARL E. ne s'est pas méprise sur la qualité en laquelle M. Y. signait ledit contrat ; que ce dernier a contracté en qualité de dirigeant de l'entreprise individuelle à responsabilité limitée dont il a apposé le cachet mentionnant son nom commercial G. au bas du contrat, mais qu'il est établi que l'EURL s'est transformée de plein droit à la même époque en SARL sous la dénomination sociale de « SARL Z. », avec le même nom commercial, à la suite d'une cession de parts à W. devenue personnellement associée ; que la société Z. en formation a été engagée par les actes de son gérant M. Y. ; que le chèque de 22.000 francs, payé à titre d'acompte, a été tiré sur le compte de la SARL Z. dans les livres de la Caisse d'Épargne de Bretagne ainsi que le démontre le relevé bancaire au 15 juillet 1997 ; que le 30 juillet 1997, la SARL E. écrivait naturellement à M. Y. « gérant de la SARL Z. » pour exiger l'exécution du contrat du 18 juin 1997 ; qu'il y a enfin eu régularisation de la procédure par l'intervention volontaire à l'instance de la SARL Z., par conclusions signifiées le 2 novembre 1999 ;
Considérant encore qu'il est constaté que, dans ses dernières écritures signifiées le 14 décembre 2001 avec M. Y., la SARL Z. ne demande plus qu'il soit sursis à statuer jusqu'à l'issue de sa plainte avec constitution de partie civile, déposée conjointement avec M. Y., le 12 mai 2000 contre la SARL E. et pour abus de faiblesse et escroquerie ; que d'ailleurs, cette prétention n'aurait pu être satisfaite après la mise hors de cause de M. Y. dans la mesure notamment où le délit de faiblesse ne peut être constitué qu'à l'égard d'une personne physique ;
[minute page 6] Considérant sur ce, quant au fond, que le contrat de vente du 18 juin 1997 apparaît correctement rédigé et contient un accord des parties sur la chose et sur le prix ; que le contrat vise expressément la vente d'une machine à glace Gelmatic 2 P + 1 M et de 1.200 litres de produit pour le prix HT de 110.000 francs et TTC de 132.660 francs ; qu'un acompte de 22.000 francs devait être versé par l'acheteur à la commande, le solde soit 110.660 francs étant payable comptant ou par financement sur 5 ans à la livraison ;
Qu'il est démonté par les pièces versées aux débats que le financement sur 5 ans était une modalité de paiement du prix pour laquelle la SARL Z. pouvait librement choisir d'opter, ce qu'elle a fait après avoir versé l'acompte ; que par courrier du 25 juin 1997, la SARL E. lui a adressé une facture pro-forma ; que la SARL Z. a alors sollicité un financement à crédit auprès de sa banque, la Caisse d'Épargne de Bretagne, qui a rejeté cette demande le 7 juillet 1997 ; que ce refus du crédit dont l'obtention n'était pas une condition suspensive de la vente ne peut avoir aucun effet sur la validité de cette vente laquelle est parfaite ;
Considérant que la SARL Z. ne peut se prévaloir du fait qu'elle a renoncé au contrat par lettre recommandée avec avis de réception du 28 juillet 1997 ; qu'en tout état de cause, les dispositions légales instituant une faculté de renonciation au contrat pendant 7 jours ne sont pas applicables à une personne morale ;
Considérant, que pas davantage, la SARL Z. ne saurait invoquer l'article L. 132-1 du Code de la consommation pour voir prononcer la nullité du contrat de vente du 18 juin 1997 ; que la législation sur les clauses abusives n'est pas applicable en l'espèce, l'achat d'une machine à glaces, objet du contrat, ayant un rapport direct avec l'activité professionnelle de la SARL Z. qui exploite un bar et ce même à [ville V.] ;
Considérant, par ailleurs, que la SARL Z. ne rapporte la preuve ni de la violence dont elle aurait été victime lors de la souscription de la vente ni de l'existence de manœuvres frauduleuses par la SARL qui l'auraient déterminée à contracter ;
Qu'aucune pièce hormis l'attestation du chargé d'affaires entreprises de la Caisse d'Épargne de Bretagne datée du 25 septembre 1998 n'accrédite la version soutenue par la SARL Z. et selon laquelle le financement de la machine à glaces aurait été, en fait, assuré par le prélèvement au profit de la SARL E. de la moitié des recettes pendant 5 ans ; que cette attestation est insuffisante à établir un dol alors que M. Y. est le gérant de la SARL Z. et qu'il peut être exigé de ce mandataire d'une société commerciale qu'il lise le contrat sur lequel il appose sa signature, ledit contrat étant clair et non ambigu ;
[minute page 7] Considérant que la demande de nullité du contrat de vente du 18 juin 1997 sera donc rejetée ; que la résolution de la même convention est subsidiairement réclamée pour manquement par la venderesse à l'obligation de renseignement et de conseil ; que cette prétention ne peut aboutir, l'obligation de conseil portant sur les besoins de l'acheteur en corrélation avec les contraintes techniques mais non financières de la chose vendue et le devoir d'information sur les précautions à prendre pour faire de la chose un usage correct conforme à sa destination ; que surabondamment, l'achat d'une machine à glaces pouvait permettre d'accroître la rentabilité du bar, et de faciliter ainsi l'amortissement du prix de la machine ; que le fait que la Caisse d'Épargne de Bretagne ait déconseillé l'opération ne peut signifier que cette dernière n'était pas bonne mais seulement que la banque a voulu préserver ses intérêts ; qu'enfin il ne peut être déduit du seul montant du bénéfice net réalisé en 1996 par la SARL Z. soit 79.026 francs en l'absence de toute autre pièce comptable, que la dépense représentée par l'achat de la machine à glaces était disproportionnée avec les ressources de la société et ne correspondait pas aux besoins de son activité professionnelle ;
Considérant qu'en raison du rejet de ses demandes principales, la SARL Z., sera aussi déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;
Considérant que le contexte de l'affaire permet de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elles ont exposés pour la présente instance ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
Contradictoirement,
Dit la demande d'irrecevabilité des écritures régularisées par M. X. liquidateur de la SARL E. sans objet,
Constate que l'irrecevabilité des dernières écritures de P. HAUWEL, liquidateur actuel de la SARL E., signifiées le 4 décembre 2001 n'est pas soulevée,
Constate que le sursis à statuer n'est plus requis dans les dernières conclusions signifiées par M. Y. et la SARL Z. le 4 décembre 2001,
Au fond, infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Met hors de cause M. Y.,
[minute page 8] Déboute la SARL Z. de ses demandes de nullité et de résolution de la vente d'une machine à glaces signée le 18 juin 1997 avec la SARL E.,
Condamne en conséquence la SARL Z. à payer à Patrick HAUWEL, ès qualités de liquidateur de la SARL E., la somme de 16.769,39 euros en exécution de la vente du 18 juin 1997,
Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,
Condamne la SARL Z. aux entiers dépens,
Admet la SCP AUTIER, avoué, au bénéfice de l'article 699 du NCPC
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
- 5861 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Démarchage à domicile
- 5914 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus en vue d’une activité - Adjonction d’une activité supplémentaire : matériels de cuisine