CA LYON (8e ch.), 18 décembre 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 4088
CA LYON (8e ch.), 18 décembre 2012 : RG n° 11/06074
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu qu'aux termes de l'article 9 du contrat de réservation, lorsque l'une des parties refuse d'exécuter ses obligations contractuelles, après mise en demeure restée infructueuse, alors même que toutes les conditions relatives à l'exécution des présentes obligations contractuelles sont remplies, cette partie devra verser une somme d'argent égale à 5 % du prix de vente TTC et ce, à titre de la clause pénale conformément aux dispositions des articles 1152 et 1226 du code civil ;
Attendu que cette clause pénale réclamée aujourd'hui par la société AST GROUPE aux époux Y. a pour objet de sanctionner l'inexécution sans motif valable par les acquéreurs de leurs obligations de réaliser la vente et ne se confond pas avec l'attribution au vendeur du dépôt de garantie qui n'est que la contrepartie de l'immobilisation initiale du bien ;
Que la clause pénale ne saurait donc être qualifiée de clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, étant noté, au surplus, qu'elle ne correspond pas aux clauses visées par l'article R. 132-1 du même code ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
HUITIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 18 DÉCEMBRE 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/06074. Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON (1re ch.), Au fond, du 30 mars 2011 : RG n° 09/12847.
APPELANTS :
Mme X. épouse Y.
née le [date] à [ville], représentée par la SCP B. - S., avocats au barreau de LYON (toque 1547), assistée de Maître Jean-Marc B., avocat au barreau de LYON, substitué par Maître LE B.
M. Y.
né le [date] à [ville], représenté par la SCP B. - S., avocats au barreau de LYON (toque 1547), assisté de Maître Jean-Marc B., avocat au barreau de LYON substitué par Maître LE B.
INTIMÉE :
SA AST GROUPE
représentée par ses dirigeants légaux, représentée par la SCP ELISABETH L. DE M. & LAURENT L., avocats au barreau de LYON (toque 1983), assistée de Maître Fouziya B., avocat au barreau de LYON substituée par Maître B.
Date de clôture de l'instruction : 20 février 2012
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 23 octobre 2012
Date de mise à disposition : 11 décembre 2012 prorogé au 18 décembre 2012 (les avocats ayant été avisés)
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Pascal VENCENT, président - Dominique DEFRASNE, conseiller - Françoise CLEMENT, conseiller, assistés pendant les débats de Aurore JACQUET, greffier.
A l'audience, Dominique DEFRASNE a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Pascal VENCENT, président, et par Aurore JACQUET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte sous-seing privé du 15 décembre 2008, monsieur Y. et madame X., son épouse, ont régularisé avec la SA AST GROUPE un contrat préliminaire de vente en l'état de futur achèvement portant sur une maison individuelle à [Ville P.], moyennant le prix de 224.224 euros TTC.
En contrepartie de la réservation, les époux Y. ont versé le même jour la somme de 11.211 euros à titre de dépôt de garantie.
Le 27 janvier 2008, la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE a informé la société AST GROUPE de son accord pour financer l'acquisition des époux T.
Le 22 avril 2009, maître M., notaire à [ville L.], a adressé aux acquéreurs le projet d'acte authentique de vente dès lors que toutes les conditions suspensives étaient réalisées.
Toutefois, par courrier du 29 avril 2009, les époux T. ont indiqué au vendeur : « vouloir annuler la réservation du lot n° 33 au domaine de la soie à [Ville P.] pour des raisons de divorce. »
La société AST GROUPE les a informés que le motif invoqué n'était pas une cause légitime de rupture du contrat et leur a réclamé la somme de 22.422 euros à titre de clause pénale en leurs indiquant également qu'elle était en droit de conserver le dépôt de garantie.
Après mise en demeure de signer l'acte authentique de vente ou de payer le montant de la clause pénale, restée sans effet, elle les a fait assigner devant le tribunal de grande instance de LYON pour voir prononcer la résiliation du contrat à leurs torts et griefs et pour avoir paiement de la somme de 11.211 euros à titre de dépôt de garantie et de celle 11.222 euros à titre de clause pénale.
Par jugement du 30 mars 201, le tribunal de grande instance a :
- prononcé la résiliation du contrat de réservation de vente en l'état futur d'achèvement signé par les parties, aux torts de monsieur et madame Y.,
- condamné monsieur et madame Y. à payer à la société AST GROUPE la somme de 11.211 euros au titre du dépôt de garantie et celle 1.200 euros au titre de la clause pénale,
- rejeté toutes les autres demandes des parties,
- condamné monsieur et madame Y. aux dépens.
Le 29 août 2011, les époux Y. ont interjeté appel de cette décision.
Les appelants demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance,
- de condamner la société AST GROUPE à leur restituer le dépôt de garantie de 11.222 euros,
- de prononcer la nullité de la clause pénale insérée au contrat préliminaire du 15 décembre 2008,
- subsidiairement, de dire que les conditions d'application de cette clause pénale ne sont pas réunies,
- plus subsidiairement, de réduire la clause pénale à 100 euros,
- en tout état de cause, de condamner la société AST GROUPE aux dépens ainsi qu'au paiement de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Ils font d'abord valoir que l'article 6 c du contrat de réservation relatif au dépôt de garantie fait expressément référence à la condition suspensive de l’article 16 de la loi n°79-597 du 13 juillet 1979 alors que cet article n'existe plus, ayant été codifié dans le code de la consommation sous l'article L 312-15 et qu'ils n'en ont pas eu connaissance.
Ils soutiennent qu'il s'agit d'une irrégularité formelle affectant l'article 6 et que les dispositions de cet article doivent être déclarées non écrites comme étant contraires aux dispositions d'ordre public du code de la construction et de l'habitation en application de l'article L 261-16 dudit code.
Ils font valoir en second lieu que la clause pénale prévue à l'article 9 du contrat de réservation fait doublon avec l'indemnité de résiliation qui sanctionne déjà le préjudice supposé né de l'indisponibilité du bien pendant le contrat de réservation et que cette clause étant ainsi abusive doit être réputée non écrite en application des articles L132-1 et R132-2 du code de la consommation.
À titre subsidiaire ils indiquent que le réservataire n'a pas l'obligation de conclure la vente et que la société AST GROUPE ne justifie pas en l'espèce de la violation par les acquéreurs de leurs obligations contractuelles.
Ils ajoutent que la clause pénale est en toute hypothèse excessive et disproportionnée dans le cadre d'un simple contrat préliminaire.
La société AST GROUPE demande de son coté à la cour :
- de confirmer le jugement querellé sauf à porter à 11.211 euros le montant de la clause pénale,
- de condamner les époux Y. à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Elle indique que les époux Y. en refusant de régulariser l'acte authentique de vente alors que toutes les conditions suspensives étaient réalisées et qu'ils n'avaient pas usé de la faculté de rétractation ont bien manqué à leurs obligations contractuelles.
Elle fait valoir que le dépôt de garantie reste acquis au vendeur conformément à l'article 6 c du contrat de réservation, lequel n'est nullement contraire aux dispositions du code de la construction et de l'habitation et que la codification en termes identiques de l’article 16 de la loi du 13 juillet 1979 ne saurait justifier la nullité de la clause, dès lors que l'information des consommateurs relative aux conséquences de la non-réalisation de la condition suspensive figure bien au contrat.
Elle valoir également que la clause pénale stipulée à l'article 9 du contrat de réservation est parfaitement valable et ne fait pas double emploi avec l'article 6 c puisqu'il s'agit de sanctionner par des dommages et intérêts le comportement fautif de l'acquéreur alors que la conservation du dépôt de garantie par le réservant n'est que la contrepartie de l'immobilisation initiale du bien.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu que l'article 6 du contrat de réservation prévoit que la somme versée par le réservant à titre de dépôt de garantie :
a/ s'imputera sur la fraction exigible du prix de la vente si celle-ci se réalise, à la date de la signature de l'acte authentique de vente,
b/ sera restituée par le tiers détenteur, sans indemnité de part et d'autre, au réservataire dans les trois mois de sa demande dans le cas prévus à l'article R. 261-31 du code de la construction et de l'habitation et si la condition suspensive de l'article 16 de la loi 79-597 du 13 juillet 1979 n'est pas réalisée,
c/ sera acquise au réservant, si pour des raisons qui lui sont propres le réservataire ne donne pas suite à sa réservation ou si dans le délai ci-dessus imparti, le réservataire ne signe pas l'acte authentique de vente accompagné du paiement de la partie du prix payable au comptant ainsi que des frais et honoraires de l'acte, pour une raison autre que celles invoquées à l'alinéa b) du présent paragraphe ;
Que dans les deux hypothèses prévues à l'alinéa c ci-dessus le versement effectué au profit du réservant aura lieu à titre d'indemnité forfaitaire pour l'indisponibilité entre ses mains des biens formant l'objet des présentes et sera donc en conséquence versé au compte du réservant dès sa première demande auprès de la banque dépositaire sans que le réservataire [ait] besoin de concourir à cette demande et sans qu'il puisse s'y opposer ;
Attendu que le contrat fait référence à l’article 16 de la loi du 13 juillet 1979 qui exige l'indication dans l'acte, du prêt ou des prêts contracté(s) par l'acquéreur et dont l'obtention aux termes de l'article 17 constitue une condition suspensive de la réalisation de la vente ;
Que l’article 16 de la loi du 13 juillet 1979 a été codifié en termes constants à l'article L. 312-15 du code de la consommation ;
Que les époux Y. ont donc bien été informés de cette disposition légale relative au financement du bien à acquérir et ne peuvent sérieusement soutenir que le vendeur aurait méconnu à cet égard les dispositions d'ordre public du code de la construction et de l'habitation ;
Que leur demande d'application de l'article L. 261-16 dudit code est totalement injustifiée et que la société AST GROUPE en application de la clause contractuelle est en droit de conserver le dépôt de garantie d'un montant de 11.211 euros ;
Attendu qu'aux termes de l'article 9 du contrat de réservation, lorsque l'une des parties refuse d'exécuter ses obligations contractuelles, après mise en demeure restée infructueuse, alors même que toutes les conditions relatives à l'exécution des présentes obligations contractuelles sont remplies, cette partie devra verser une somme d'argent égale à 5 % du prix de vente TTC et ce, à titre de la clause pénale conformément aux dispositions des articles 1152 et 1226 du code civil ;
Attendu que cette clause pénale réclamée aujourd'hui par la société AST GROUPE aux époux Y. a pour objet de sanctionner l'inexécution sans motif valable par les acquéreurs de leurs obligations de réaliser la vente et ne se confond pas avec l'attribution au vendeur du dépôt de garantie qui n'est que la contrepartie de l'immobilisation initiale du bien ;
Que la clause pénale ne saurait donc être qualifiée de clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, étant noté, au surplus, qu'elle ne correspond pas aux clauses visées par l'article R. 132-1 du même code ;
Attendu que l’article 1152 du code civil permet au juge même d'office de modérer la clause pénale si elle est manifestement excessive ;
Que tel est le cas en l'espèce dès lors que la société AST GROUPE ne justifie pas d'un préjudice important en sus de celui réparé par l'immobilisation du bien, les époux Y. lui ayant fait connaître rapidement leurs intentions ;
Qu'il convient donc de réduire le montant de la clause pénale à la somme de 5.605,50 euros ;
Attendu, par ailleurs, que la société AST GROUPE ne démontre pas que les époux Y. ont résisté de manière fautive à ses demandes en paiement ni qu'il en ait résulté pour elle un préjudice particulier distinct de celui déjà réparé en l'espèce ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à sa demande en paiement de dommages et intérêts complémentaires ;
Attendu que les époux Y. qui succombent supporteront les entiers dépens ;
Qu'il convient d'allouer en cause d'appel à la société AST GROUPE la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Dit l'appel recevable.
Confirme le jugement querellé sauf sur le montant de la clause pénale.
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne monsieur Y. et madame X. son épouse à payer à la SA AST GROUPE la somme de 5.605,50 euros au titre de la clause pénale contractuelle.
Y ajoutant,
Condamne solidairement monsieur Y. et madame X. son épouse à payer à la SA AST GROUPE la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne solidairement monsieur Y. et madame X. son épouse aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 6121 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du consommateur - Clauses pénales ou d’indemnité forfaitaire - Droit postérieur au décret du 18 mars 2009 (R. 132-2-3° C. consom.)
- 6492 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente d’immeuble à construire (1) - Présentation générale