TGI SAINTES, 3 mars 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 4101
TGI SAINTES, 3 mars 2009 : RG n° 07/01645 ; jugt n° 2009/83
(sur appel CA Poitiers (1re ch. civ.), 1er octobre 2010 : RG n° 09/01194)
Extraits : 1/ « En signant cette demande d'admission, Monsieur X. reconnaît expressément avoir reçu « le résumé des principales dispositions du contrat d'assurance ci-annexé, en avoir pris connaissance recto verso ». La notice d'information qui est versée aux débats par le Crédit Foncier (pièce n° 2) est composée de 4 pages recto verso. La signature de Monsieur X. est apposée sur la dernière page de ce document. Le demandeur soutient pour sa part qu'une seule page qui ne comprenait pas la définition des garanties lui aurait été remise au moment de la souscription. Pour autant la production aux débats d'un document tronqué, ne comportant que la dernière page du dit document ne peut emporter la conviction du Tribunal…. ».
2/ « La notice d'information définit de façon claire et précise la garantie de « Invalidité absolue et définitive ». En effet, outre la perte de toute activité professionnelle, le recours à l'aide d'une tierce personne pour accomplir les actes de la vie ordinaire est clairement précisé de sorte que l'adhérent ne pouvait se méprendre sur la nature et la portée des garanties souscrites.
Il ne peut être considéré que cette définition de garantie, extrêmement restrictive, était de nature à induire un non spécialiste de l'assurance sur la portée effective de celle-ci ». En effet, la notion de « tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie », est aisément compréhensible pour un consommateur moyen. […]. Ce faisant, Monsieur X a manifesté la compréhension qui était la sienne de la portée de la garantie en discutant simplement sa rigueur au regard de sa situation personnelle. […] Si Monsieur X souhaitait se prémunir du risque lié à son impossibilité de travailler sans pour autant que son état de santé nécessite le recours à une tierce personne, il lui appartenait de souscrire une garantie complémentaire à un coût nécessairement plus élevé. »
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINTES
JUGEMENT DU 3 MARS 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07/01645. Jugement n° 2009/83. NAC : 58H.
LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINTES, Composé de :
PRÉSIDENT : Madame Catherine JEANPIERRE-CLEVA, Présidente
ASSESSEURS : Monsieur Patrick BROUSSOU, Vice-Président, Madame Marie-Danièle SION, Juge
GREFFIER : Madame Nicole LECLERC
a rendu le jugement dont la teneur suit dans l'affaire n° 07/01645 opposant :
DEMANDEUR
Monsieur X. époux de Madame Y.
né le [date] à [Ville], demeurant [adresse], ayant constitué pour avocat Maître Vincent HUBERDEAU, avocat au barreau de SAINTES,
DÉFENDERESSES
SA AXA COLLECTIVES,
dont le siège social est sis [adresse], ayant constitué pour avocat plaidant Maître Emmanuelle MENARD, avocat au barreau de BORDEAUX, Maître Georges VAUVILLE, avocat au barreau de SAINTES,
SA CRÉDIT FONCIER,
dont le siège social est sis [adresse], ayant constitué pour avocat Maître Pierre BOISSEAU, avocat au barreau de SAINTES,
[minute page 2]
DÉBATS : en audience publique du 3 février 2009 devant Patrick BROUSSOU et Madame Marie-Danièle SION, Juges rapporteurs, qui ont entendu les plaidoiries, et en ont rendu compte au Tribunal dans son délibéré
JUGEMENT : prononcé en audience publique du 3 mars 2009 par mise à disposition du greffe.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
OBJET DU LITIGE :
Le 14 novembre 1996, Monsieur X. s'est vu proposé par le Crédit Foncier de France SA une offre de prêt d'un montant de 289.220 € remboursable par 40 mensualités au taux de 6 % l'an intitulé « prêt locatif intermédiaire ».
Le 30 octobre 2006 Monsieur X. avait signé une demande d'admission à une assurance de groupe - convention de base - le garantissant contre les risques « décès, invalidité absolue et définitive ».
Il a ainsi ratifié un document intitulé « résumé des principales dispositions de la convention d'assurances n° AG 3.870/12.468 souscrite par Le Crédit Foncier de France et l'auxiliaire du Crédit Foncier de France.
Le 8 décembre 2004, Monsieur X. a été reconnu en invalidité absolue et définitive de deuxième catégorie avec effet rétroactif au 1er mars 2004 par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Var.
Par courrier du 13 novembre 2006, la Compagnie AXA qui vient aux droits de l'UAP a cependant refusé de prendre en charge le remboursement de l'emprunt au motif le recours à une tierce personne pour accomplir les actes de la vie ordinaire était une condition nécessaire de la mise en jeu de la garantie.
Par un avis du 12 janvier 2007, le médiateur qui avait été saisi par Monsieur X. a confirmé la position de la Compagnie d'Assurances.
Par actes du 24 juillet 2007, Monsieur X. a assigné la Compagnie AXA COLLECTIVITES et Le Crédit Foncier de France SA devant le Tribunal de Grande Instance de SAINTES pour voir juger qu'elles ont manqué à leur devoir d'information et les voir condamner in solidum, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui payer la somme de 20.312,54 € représentant les échéances du prêt qu'il a réglées, outre 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
En l'état de ses dernières écritures, Monsieur X. soutient que son action n'est pas prescrite dès lors qu'en matière de responsabilité extracontractuelle, le délai de prescription ne court que du jour où l'action peut être légalement exercée et qu'à compter où le manquement aux obligations nées du contrat est révélé.
[minute page 3] Le refus de garantie résultant d'un courrier du 10 mars 2006, le délai de 10 ans a commencé à courir à compter de cette date, rendant recevable son action.
Il argue encore que le Crédit Foncier de France SA a manqué à son devoir d'information en lui remettant un document composé d'une seule page et qui ne comportait pas la définition de « invalidité absolue et définitive ».
Il considère ainsi que cette définition n'est pas entrée dans le champ contractuel et lui est inopposable.
Il maintient en conséquence l'ensemble de ses demandes initiales et porte à 3.000 € sa réclamation au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
* * *
Le Crédit Foncier de France SA soulève en premier lieu l'irrecevabilité de l'action pour cause de prescription au motif que le contrat de prêt a été accepté le 26 novembre 1996 tandis que l'action a été engagée le 24 juillet 2007, soit plus de 10 ans après la signature du contrat.
Il ajoute que les conditions restrictives de l'assurance étaient connues de Monsieur X. dès le 31 octobre 1996 par la signature de la demande d'adhésion et la remise du résumé des principales dispositions du contrat.
Le Crédit Foncier de France SA soutient en effet que ce résumé contient une définition complète de la garantie « invalidité absolue et définitive » imposant d'une part la cessation d'activité et d'autre part le recours à une tierce personne pour les actes ordinaires de la vie quotidienne.
En sa qualité de souscripteur, Le Crédit Foncier de France SA soutient qu'il a satisfait à son devoir d'information, tel que défini par l'article L. 312-9 du Code de la Consommation et L. 414-4 du Code des Assurances en remettant à l'emprunteur la notice énumérant les risques garantis.
Il conclut au rejet des demandes et réclame 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
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La Compagnie AXA FRANCE VIE qui vient aux droits de la Compagnie AXA COLLECTIVES soutient pour sa part qu'elle a satisfait à son devoir d'information en établissant une notice d'information définissant de manière claire et précise les risques garantis, notice qui a été remise par le souscripteur à l'emprunteur au moment de sa demande d'adhésion à l'assurance de groupe.
Elle fait état ensuite de la définition contractuelle de la garantie « invalidité absolue et définitive » pour justifier son refus de garantie.
[minute page 4] Elle indique à cet effet que pour être mobilisable, Monsieur X. devait établir son impossibilité de se livrer au moindre […] travail pouvant lui procurer gain et profit et l'obligation de recourir à l'aide d'une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie.
L'état d'invalidité de 2ème catégorie ne nécessitant pas l'aide d'une tierce personne, la Compagnie AXA FRANCE VIE soutient que la garantie ne peut jouer, car correspondant à une invalidité de 3ème catégorie.
La compagnie d'assurance conclut au rejet des demandes et sollicite 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
A titre subsidiaire et si le Tribunal faisait droit aux demandes de Monsieur X., elle demande de ne pas ordonner l'exécution provisoire du jugement et à défaut de désigner un séquestre ou de juger que Monsieur X. devra fournir une caution bancaire à hauteur des sommes allouées.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 novembre 2008.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la prescription de l'action :
La Société Crédit Foncier de France soulève la prescription de l'action au visa des dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce au motif que le contrat de prêt a été conclu le 26 novembre 1996 puis a été réitéré par acte authentique le 20 décembre 1996 de sorte que l'action était prescrite le 24 juillet 2007.
Vis à vis du prêteur de deniers, l'obligation d'information qui pèse sur lui au moment de la souscription du prêt à l'égard de l'emprunteur est une obligation quasi-délictuelle puisque l'établissement bancaire n'est pas parti au contrat d'assurance.
En matière de responsabilité pour manquement au devoir de conseil et d'information, il convient de considérer que le délai de prescription ne court qu'à compter du jour où l'action peut être légalement exercée et où ce manquement est révélé à la victime.
Ainsi vis à vis de l'assureur le délai de prescription biennal ne court qu'à compter du refus de garantie notifié par celui-ci (Civ. 1ère, 27 mars 2001)
Considérant que Monsieur X. n'a été en mesure d'apprécier la réalité du manquement allégué qu'à compter de ce refus de garantie, son action n'était pas en conséquence prescrite à la date du 24 juillet 2007.
Sur les demandes de Monsieur X. :
Il ressort des pièces de la procédure que le 30 octobre 1996 Monsieur X. a signé une demande d'admission à l'assurance de groupe convention de base souscrite par le Crédit Foncier.
[minute page 5] En signant cette demande d'admission, Monsieur X. reconnaît expressément avoir reçu « le résumé des principales dispositions du contrat d'assurance ci-annexé, en avoir pris connaissance recto verso »
La notice d'information qui est versée aux débats par le Crédit Foncier (pièce n° 2) est composée de 4 pages recto verso.
La signature de Monsieur X. est apposée sur la dernière page de ce document.
Le demandeur soutient pour sa part qu'une seule page qui ne comprenait pas la définition des garanties lui aurait été remise au moment de la souscription.
Pour autant la production aux débats d'un document tronqué, ne comportant que la dernière page du dit document ne peut emporter la conviction du Tribunal.
En effet Monsieur X. a reconnu avoir reçu un résumé des principales conditions du contrat d'assurance recto-verso et n'a pas voulu produire l'original du document en sa possession, malgré sommation en ce sens.
Ainsi, il peut être valablement déduit de ces indices concordants que Monsieur X. a bien reçu en son temps une notice d'information recto-verso.
En page 3 de ce document la rubrique « Invalidité absolue et définitive » définit cette garantie comme suit « l'invalidité absolue et définitive est l'état dans lequel l'assuré se trouve lorsque qu'à la suite d'un accident survenu postérieurement à l'entrée dans l'assurance ou d'une maladie constatée médicalement postérieurement à la date précitée :
- il est définitivement mis dans l'incapacité de se livrer au moindre travail pouvant lui procurer gain ou profit ou à la moindre occupation.
- il est obligé en outre, de recourir pendant toute son existence à l'aide d'une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie »
En matière de prêt immobilier, les dispositions spécifiques de l'article L. 312-9 du code de la consommation disposent que : « lorsque le prêteur offre à l'emprunteur ou exige de lui l'adhésion à un contrat d'assurance collective qu'il a souscrit en vue de garantir en cas de survenance d'un des risques que ce contrat définit, soit le remboursement total ou partiel du montant du prêt restant dû, soit le paiement de tout ou partie des échéances du dit prêt, les dispositions suivantes sont obligatoirement appliquées :
1° Au contrat de prêt est annexée une notice énumérant les risques garantis et précisant toutes les modalités de la mise en jeu de l'assurance ;
2° Toute modification apportée ultérieurement à la définition des risques garantis ou aux modalités de la mise en jeu de l'assurance est inopposable à l'emprunteur qui n'y a pas donné son acceptation ».
Le banquier est ainsi tenu d'annexer la notice d'information à l'offre de prêt.
En l'espèce, le Crédit Foncier établit qu'il a satisfait à cette obligation.
[minute page 6] La notice d'information définit de façon claire et précise la garantie de « Invalidité absolue et définitive ».
En effet, outre la perte de toute activité professionnelle, le recours à l'aide d'une tierce personne pour accomplir les actes de la vie ordinaire est clairement précisé de sorte que l'adhérent ne pouvait se méprendre sur la nature et la portée des garanties souscrites.
Il ne peut être considéré que cette définition de garantie, extrêmement restrictive, était de nature à induire un non spécialiste de l'assurance sur la portée effective de celle-ci ».
En effet, la notion de « tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie », est aisément compréhensible pour un consommateur moyen.
Au demeurant Monsieur X. ne discute pas véritablement la définition de la garantie puisque dans un courrier du 27 octobre 2006, il faisait état de son besoin de tierce personne pour port de charge, effort de soulèvement et travaux domestiques, reconnaissant cependant qu'il pouvait manger, boire et faire sa toilette sans aide.
Ce faisant, Monsieur X a manifesté la compréhension qui était la sienne de la portée de la garantie en discutant simplement sa rigueur au regard de sa situation personnelle.
S'agissant de la définition même de la garantie et non d'une clause d'exclusion, les dispositions de l'article L. 112-4 du code des assurances sur le caractère très apparent des clauses d'exclusion n'ont pas vocation à s'appliquer.
De même le grief tiré du manque d'adéquation de l'information donné par le banquier à sa situation personnelle n'est pas plus pertinent puisque la garantie souscrite avait une portée générale, sans qu'il ne soit possible de procéder à une adaptation spécifique de la garantie à la situation personnelle ou professionnelle de chaque adhérent.
Si Monsieur X souhaitait se prémunir du risque lié à son impossibilité de travailler sans pour autant que son état de santé nécessite le recours à une tierce personne, il lui appartenait de souscrire une garantie complémentaire à un coût nécessairement plus élevé.
Considérant que Le Crédit Foncier de France et que la Compagnie AXA FRANCE VIE ont satisfait à leurs obligations respectives au titre de leur devoir de conseil et d'obligation et que le refus de garantie opposé par la compagnie est justifié au regard des dispositions contractuelles, il en résulte que M. X doit être débouté de l'ensemble de ses prétentions.
Sur l'exécution provisoire :
La solution donnée au litige ne nécessite pas qu’elle soit ordonnée.
[minute page 7]
Sur les dépens et article 700 du Code de Procédure Civile :
Monsieur X. qui succombe sera tenu aux dépens avec distraction au profit des avocats de la cause, mais aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au profit des parties défenderesses.
La solution donnée au litige ne nécessite pas qu'elle soit ordonnée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe de la juridiction et en premier ressort :
REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action,
DÉBOUTE Monsieur X. de l'ensemble de ses prétentions,
DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement,
CONDAMNE Monsieur X. aux dépens dont distraction au profit des avocats de la cause, mais DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au profit des parties défenderesses,
AINSI fait et jugé par le Tribunal et prononcé par Madame JEANPIERRE-CLEVA, Présidente,
ET le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier.
Le Greffier Le Président
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