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TGI CAEN (1re ch.), 6 novembre 2006

Nature : Décision
Titre : TGI CAEN (1re ch.), 6 novembre 2006
Pays : France
Juridiction : Caen (TGI)
Demande : 03/01161
Décision : 282/2006
Date : 6/11/2006
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 26/02/2003
Décision antérieure : CA CAEN (1re ch. civ.), 18 mars 2008
Numéro de la décision : 282
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4134

TGI CAEN (1re ch.), 6 novembre 2006 : RG n° 03/01161 ; jugt n° 282/2006

(sur appel CA Caen (1re ch. civ.), 18 mars 2008 : RG n° 06/03554)

 

Extraits : 1/ « En l'espèce, dès lors que la FNPL fonde son action sur les dispositions de l'article L. 442-6-I-2° du Code de Commerce, issu de la loi Nouvelle Réglementation Economique du 15 mai 2001 qui vise à garantir l'équilibre des relations économiques des relations commerciales entre producteurs et distributeurs, celle-ci est recevable, ce d'autant que l'article L. 470-7 du Code de Commerce, autorise les organisations professionnelles à introduire l'action devant la juridiction civile ou commerciale pour les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession ou du secteur qu'elles représentent ou à la loyauté de la concurrence. »

2/ « Le fait que la même prestation est offerte aux différents signataires des contrats ne peut rapporter la preuve de ce qu'il s'agirait d'un service fictif, alors que seule importe l'effectivité du service rendu à chacun des signataires d'une convention type. »

3/ « Toutefois, la Société INTERDIS a répliqué qu'en réalité, son intervention permettait au producteur de disposer de débouchés commerciaux plus nombreux puisqu'il peut ainsi vendre ses produits à diverses enseignes, le contrat lui permettant d'accéder aux enseignes CARREFOUR, CHAMPION, COMOD, MARCHE PLUS, ED L'épicier, ED le marché discount, PRODIREST, OOSHO, ainsi qu'à tout site internet CARREFOUR, outre toute autre enseigne qui serait exploitée par le groupe CARREFOUR. Il s'agit là d'un avantage pour le producteur qui peut ainsi assurer l'écoulement de ses produits sans avoir en permanence à rechercher de nouveaux acheteurs.

D'autre part, et sans être contredite, la Société INTERDIS a fait valoir que le service fourni inclut une centralisation des commandes et des livraisons, ce qui permet au fournisseur d'effectuer une réelle économie sur les frais annexes de son activité.

La FNPL n'a rapporté aucun élément de nature à démontrer que l'argumentation développée par la défenderesse serait fallacieuse, alors qu'à supposer que ses adhérents puissent avoir une crainte à engager l'action, elle pouvait cependant aisément obtenir d'eux des éléments lui permettant d'infirmer les dires de la Société INTERDIS.

Enfin, il doit être observé que le contrat lui-même montre que la Société INTERDIS a intérêt à permettre à son cocontractant de réaliser un chiffre d'affaires aussi important que possible puisqu'elle est rémunérée en fonction de celui-ci.

Dès lors, la FNPL ne prouve pas que la prestation objet du contrat est fictive, et elle doit par conséquent être déboutée de l'ensemble de ses demandes. »

 

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE

JUGEMENT DU 6 NOVEMBRE 2006

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 03/01161. Jugement n° 282/2006.

 

DEMANDEUR(S) :

FÉDÉRATION NATIONALE DES PRODUCTEURS DE LÉGUMES,

dont le siège social est sis [adresse], représentée par Maître SALMON avocat postulant au Barreau de CAEN vestiaire : 70 et par la SCP RAYNAUD & associés avocats plaidants du Barreau des Pyrénées Orientales et de Paris

 

DÉFENDEUR(S) :

SNC INTERDIS,

dont le siège social est sis [adresse], représentée par la SCP POTEL-BOUGERIE, avocats postulants au Barreau de CAEN vestiaire : 11 et par la société LPLG avocats plaidants du Barreau de PARIS

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Lors des débats et du délibéré :

Président : M. H. de BECDELIEVRE, Vice-Président

Juges : Mme B. DUPUIS, Vice-Présidente et Mme J. RUBANTEL, Vice-Présidente (rédactrice)

Greffier lors des débats : Mme M. LEBOUVIER adjoint administratif principal faisant fonction de greffier

DÉBATS à l'audience publique du 18 septembre 2006

DÉCISION, contradictoire, en premier ressort. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 6 novembre 2006, date indiquée à l'issue des débats.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE, DE LA PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :

Par actes des 26 février 2003 et 6 mars 2003, la Fédération Nationale des Producteurs de Légumes (ci-après désignée FNPL) a fait assigner la Société INTERDIS afin d'obtenir sa condamnation au paiement d'une somme de 3.663.471,80 euros à titre de dommages-intérêts, avec exécution provisoire, outre la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Au soutien de sa demande, la FNPL expose que ses statuts lui donnent mission de représenter et défendre les producteurs de légumes et leurs intérêts sur le plan national.

Elle a été rendue destinataire d'un exemplaire de contrat signé par la Société INTERDIS, agissant pour le compte d'enseignes exploitées par le groupe CARREFOUR, avec un bénéficiaire qui a biffé son identité, par crainte d'être exclu des marchés, contrat dont les termes donnent à penser qu'il s'agit en réalité de modalités de vente non justifiées par des contreparties réelles.

Ce contrat précise que le « bénéficiaire a indiqué à CARREFOUR qu'il souhaitait apporter une cohérence à son assortiment afin de pouvoir répondre à la demande [du] consommateur et optimiser son organisation ».

Ses adhérents n'osant pas dénoncer de telles pratiques par crainte de représailles économiques, elle a été contrainte de saisir le Président du Tribunal de Grande Instance de Caen, afin d'obtenir la désignation d'un Huissier de justice mandaté pour se rendre au siège de la Société INTERDIS afin d'obtenir l'ensemble des contrats de même type.

Ce magistrat avait sollicité des précisions complémentaires et a ensuite rejeté la requête, refusant de rétracter cette ordonnance, laquelle a été déférée à la Cour d'Appel.

La Cour d'Appel a fait droit à la demande, désignant la SCP VARIN et BAUQUESNE aux fins de procéder au constat sollicité.

Elle a ensuite rejeté la demande de rétractation formée par la Société INTERDIS, par arrêt du 8 octobre 2002, arrêt qui a donné lieu à un pourvoi en cassation.

Par arrêt du 18 novembre 2004, la Cour de Cassation a cassé cette décision, et renvoyé l'affaire devant la Cour d'Appel de Rouen.

Par ordonnance du 14 septembre 2005, le Juge de la Mise en État a condamné la Société INTERDIS, sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard, à communiquer l'intégralité des contrats de prestation de services signés par elle [au] cours des années 2000 et 2001.

La défenderesse ayant indiqué qu'elle ne retrouvait pas ces contrats, elle a consenti à ce que soit produit, dans le cadre du présent litige, le constat d'Huissier et ce malgré l'arrêt de la Cour de cassation.

Elle fait valoir qu'elle a bien qualité pour agir puisqu'elle est un syndicat professionnel, son article 8 prévoyant qu'elle a essentiellement pour objet de représenter les producteurs de légumes et de défendre leurs intérêts sur le plan national, Européen et international.

Elle détient des dispositions de l'article L. 411-11 du Code du Travail le pouvoir d'ester en justice afin de préserver l'intérêt collectif de la profession et peu importe à cet égard que certaines fédérations de producteurs ne soient pas adhérentes.

[minute page 3] Dès lors qu'elle justifie que le préjudice invoqué se rapporte à la profession à laquelle appartiennent ses membres, et qu'il existe bien un préjudice, elle est a intérêt à agir.

Elle a qualité pour agir en application de l'article 8 de ses statuts et de l'article 470-7 du Code de Commerce, mais plus généralement de celles de l'article 31 du Nouveau Code de Procédure Civile, qui ouvre l'action à tous ceux qui y ont un intérêt légitime.

En l'espèce, les pratiques commerciales de INTERDIS et de la grande distribution en général, ont pour effet de déséquilibrer les relations économiques entre distributeurs et producteurs, et malgré la loi NRE de 2001, les distributeurs imposent la négociation de prestations sur facturées voire fictives, ce qui lèse l'ensemble de la profession.

Il ne peut lui être opposé l'effet relatif des conventions puisque les contrats litigieux portent atteinte à l'intérêt collectif de la profession qu'elle a mission de représenter.

Au fond, elle expose que les distributeurs imposent aux producteurs des contrats dont l'objet est inexistant.

Or les constatations effectuées par l'huissier de justice ont montré que la Société INTERDIS a fait signer 54 contrats en 2000 et 129 contrats en 2001 tendant à « l'organisation et au suivi centralisé de l'assortiment permettant au fournisseur d'optimiser la production et le flux logistique des produits définis dans les produits ou gammes référencées », prestation convenue pour un an, et donnant lieu à un pourcentage du chiffre d'affaires total de l'année en cours, facturé hors taxe.

Cette prestation est fictive, dans la mesure où il appartient justement à un distributeur d'organiser et de suivre les différents produits fournis par le producteur.

Les termes utilisés « suivi centralisé de l'assortiment » et « organisation et suivi centralisé » sont extrêmement flous.

En outre, il ne s'agit pas de services spécifiques puisqu'en réalité, la quasi-totalité des producteurs se voient proposer la même prestation de service.

Enfin, la facturation proportionnelle au chiffre d'affaires est excessive alors qu'elle devrait être calculée en fonction du service rendu.

Les producteurs subissent une baisse de leurs marges en raison des pratiques de la distribution et par conséquent, la réparation doit être proportionnelle au chiffre d'affaires versé par les différents producteurs en violation de l'article L. 441-6 du Code de Commerce.

En réponse à l'argumentation de la Société INTERDIS, la FNPL fait valoir les arguments suivants :

* La loi du 15 mai 2001 n'a pas fixé de nouvelles règles mais souligné des comportements illicites que le droit existant pouvait déjà combattre, et c'est ainsi que le texte vise l'article L. 442-6 du Code de Commerce, applicable à la date de signature des contrats.

Des juridictions ont ainsi été amenées à sanctionner des comportements similaires à ceux aujourd'hui reprochés à la défenderesse et ce, sur la base de l'article L. 442-6 du Code de Commerce. Il a notamment été jugé que constitue une pratique discriminatoire illicite l'obtention par une société de ristournes auprès de sept de ses fournisseurs au titre de la diffusion d'un catalogue, remplacé par l'apposition de panneaux dans chaque magasin comportant un nombre moindre de produits.

Les faits reprochés à la Société INTERDIS sont similaires puisque les contrats litigieux sont dénués de contreparties réelles et créent ainsi une discrimination entre partenaires.

[minute page 4] Ces comportements relèvent également des dispositions de l'article L. 441-6 alinéa 5 du Code de Commerce.

Dans la mesure où l'absence d'objet au contrat dissimule des ristournes calculées en fonction du pourcentage de chiffres d'affaires réalisé par chaque société, elles devraient figurer sur les factures d'achat des produits, et leur omission est une violation de l'article L. 441-3 alinéa 3.

Subsidiairement, l'absence de services effectivement rendus visé par l'article L. 442-6 du Code de Commerce n'est qu'un renvoi aux mécanismes de l'article 1108 du Code Civil. Le prix payé ne correspondant à aucune contrepartie, les contrats sont nuls ce qui porte directement atteinte aux intérêts collectifs de la profession.

La FNPL soutient ainsi que le Tribunal peut faire droit à sa demande tant sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de Commerce que 1382 du Code Civil pour les contrats postérieurs au 17 mai 2001, que sur le fondement des articles L. 441-3 alinéa 3 et L. 446-1 du Code de Commerce et 1382 du Code Civil pour les contrats antérieurs.

* La défenderesse ne peut soutenir qu'elle offre en contrepartie une prestation réelle alors que les dispositions de l'article L. 442-6-II alinéa 1 du Code de Commerce déclare nuls les clauses ou contrats prévoyant le paiement d'un droit d'accès au référencement préalablement à la passation de toute commande. Le flou de la rédaction du contrat permet à la défenderesse de lui attribuer maintenant le sens qui lui convient.

La Société INTERDIS qui prétend assurer une prestation réelle n'apporte aucune preuve de l'activité qu'elle affirme déployer et ne produit pas les factures adressées aux producteurs, lesquelles devraient rendre compte de ses prestations.

La Société INTERDIS s'oppose aux demandes et sollicite :

- à titre principal : le rejet de l'ensemble des demandes, et la condamnation de la demanderesse au paiement d'une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- subsidiairement, qu'il lui soit donné acte que seuls sept contrats de coopération commerciale parmi les 183 invoqués par la demanderesse sont susceptibles d'être sanctionnés par les dispositions de l'article L. 442-6-I-2° du Code de Commerce,

- encore plus subsidiairement, la limitation de toute condamnation à la somme de 155.497,99 euros, correspondant à la rémunération perçue au titre des sept contrats de coopération commerciale conclu postérieurement la loi NRE et ayant donné lieu à rémunération.

Elle soutient en premier lieu que la FNPL n'a pas qualité pour agir. En effet, elle ne peut critiquer le contenu des contrats sans porter atteinte à l'effet relatif des conventions de l'article 1165 du Code Civil, alors qu'aucun des signataires n'a jamais critiqué son contrat de coopération commerciale.

Aux termes de l'article 1134, seul le signataire d'une convention peut invoquer son absence de cause, et par conséquent, la FNPL ne saurait avoir qualité pour invoquer un prétendu défaut de cause des contrats litigieux.

Elle ne peut davantage prétendre agir pour la défense d'un intérêt collectif alors qu'elle veut obtenir à son seul profit l'annulation de ces contrats.

[minute page 5] D'autre part, alors qu'elle prétendait notamment devant la Cour d'Appel que son président était habilité à agir en justice par les articles 23 et ses statuts, elle a cependant produit une délibération de son Conseil d'Administration du 12 décembre 2001 autorisant sa présidente à agir en justice au nom de la A.

Or, si elle a pris le soin de faire établir un tel document, c'est bien parce qu'elle était consciente de la nécessité d'une telle production.

La demanderesse fonde son action sur les dispositions de l'article L. 442-6-I-2° du Code de Commerce, issu de la loi NRE publiée au journal officiel du 16 mai 2001 et par conséquent applicable à compter du 17 mai 2001.

Or, sur les cent-quatre vingt-trois contrats de coopération commerciale contestés, seuls sept ont été signés postérieurement à cette date.

La FNPL ne peut prétendre que ces contrats seraient irréguliers puisque ne comportant pas l'indication des obligations réciproques des parties, alors qu'ils répondent bien à ces exigences.

La validité d'un contrat liée à l'absence d'objet s'apprécie au moment de sa formation, lequel existait et était conforme aux bonnes mœurs et par conséquent licite.

Enfin, l'application des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de Commerce ne peut permettre que la restitution des fonds aux parties, et non pas à un tiers.

A titre infiniment subsidiaire, elle expose que les contrats type étaient complétés de mentions manuscrites propres à chaque partie, notamment d'un descriptif précis des produits ou de la gamme concernée ainsi que les références de ces produits. Il s'agit donc bien de contrats de coopération commerciale telle que la loi la décrit.

Le contrat permet à chaque fournisseur d'accéder directement à douze enseignes différentes, réalisant ainsi des gains de temps importants, et ce qui lui permet également de disposer de débouchés commerciaux beaucoup plus étendus.

Le producteur réalise ainsi des économies importantes sur ses transactions, dont le coût serait nettement supérieur à la rémunération par elle facturée.

Il livre ses produits à un seul entrepôt d'INTERDIS, alors qu'à défaut d'une telle convention, il serait tenu de livrer plusieurs commandes par semaine, voire même par jour pour des produits à cycle court tels que les légumes frais.

Par ailleurs, le fait qu'une même prestation soit fournie à l'ensemble de ses fournisseurs ne signifie pas qu'il n'y ait pas de contrepartie réelle dès lors que la prestation est nécessairement dépendante des produits de chaque fournisseur et suppose des démarches différentes selon les produits et les saisons.

La tarification au pourcentage des transactions est justifiée puisque le chiffre d'affaires sera dépendant du dynamisme d’INTERDIS pour écouler les produits d'un producteur.

Enfin, la loi a le 2 août 2005 affirmé que la rémunération de la coopération commerciale est exprimée en pourcentage du chiffre d'affaires.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Selon l'article 23 des statuts, le Président de la FNPL a qualité pour exercer toutes actions judiciaires, tant en défendant qu'en demandant, et l'article 27, complétant ces dispositions prévoit que le Président représente la Fédération vis-à-vis des tiers en toutes circonstances et notamment en justice, étant à cet effet investi des pouvoirs les plus étendus.

Dès lors, l'action engagée par la Présidente du Syndicat est recevable, ce d'autant qu'il est justifié que pour le cas d'espèce, l'assemblée générale a voté le 12 décembre 2001 une délibération, investissant celle-ci de la mission d'agir [minute page 6] pour le compte du syndicat, cette délibération étant antérieure à l'ensemble des actions entreprises, même si elle a été produite dans le cours de la procédure.

La Fédération de Syndicats Agricoles a été formée entre les Fédérations départementales de syndicats maraîchers et producteurs de légumes à vocation départementale, affiliée à la Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles.

Selon l'article 8 de ses statuts, elle a pour objet de représenter les producteurs de légumes et de défendre leurs intérêts sur le plan national, européen et international.

L'intérêt à agir d'un syndicat professionnel peut trouver sa source non dans la violation d'une obligation contractuelle, l'action n'appartenant qu'au signataire de la convention dont les obligations auraient été violées par le cocontractant, mais dans l'existence même de conventions dont les dispositions seraient contraires à celles régissant l'équilibre des relations professionnelles.

En l'espèce, dès lors que la FNPL fonde son action sur les dispositions de l'article L. 442-6-I-2° du Code de Commerce, issu de la loi Nouvelle Réglementation Economique du 15 mai 2001 qui vise à garantir l'équilibre des relations économiques des relations commerciales entre producteurs et distributeurs, celle-ci est recevable, ce d'autant que l'article L. 470-7 du Code de Commerce, autorise les organisations professionnelles à introduire l'action devant la juridiction civile ou commerciale pour les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession ou du secteur qu'elles représentent ou à la loyauté de la concurrence.

Les contrats objets du litige sont intitulés « contrat de prestations de services spécifiques » et stipulent que la Société INTERDIS, agissant pour son compte et celui de diverses enseignes exploitées par le groupe CARREFOUR, se voit confier par un producteur l'organisation et le suivi centralisé de l'assortiment permettant au fournisseur d'optimiser sa production et le flux logistique des produits définis par le contrat, selon une liste apposée sur l'écrit.

La FNPL fondait initialement son action sur les seules dispositions de l'article susvisé, lequel est issu de la loi du 15 mai 2001, publiée au Journal Officiel du 16 mai 2001. A défaut de disposition spécifique de la loi, celle-ci entrait en vigueur le lendemain de sa publication par application de l'article 1er du Code Civil.

Il ne peut donc s'appliquer aux conventions signées antérieurement au 17 mai 2001.

La demanderesse soutient que seraient applicables les dispositions de l'article L. 442-6 alinéa 1 en vigueur à la date des contrats antérieurs au 17 mai 2001, le texte prévoyant qu'engageait la responsabilité de son auteur et l'obligation de réparer le préjudice causé le fait pour tout producteur, commerçant, industriel ou artisan, de pratiquer à l'égard d'un partenaire économique, ou d'obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achat discriminatoires et non justifiées par des contreparties réelles en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence.

Cependant, la lettre même du texte démontre que le texte ne concernait que les contrats de vente, alors qu'en l'occurrence, les contrats portent sur une prestation de services et qu'au-delà de leur intitulé, il résulte clairement qu'est bien en cause une prestation de services.

[minute page 7] La FNPL soutient qu' elle serait fondée à obtenir réparation sur le fondement des articles 1108 et 1382 du Code Civil, alors que les contrats seraient dépourvus d'objet, les textes du Code de Commerce n'étant qu'un renvoi aux mécanismes de la responsabilité civile, argumentant sur le fait qu'étant sans objet, les contrats critiqués porteraient atteinte à l'intérêt collectif de la profession, leur nombre démontrant qu'ils sont imposés à l'ensemble de la profession.

Les contrats n'ont qu'un effet relatif entre les parties, et un tiers, ne peut au lieu et place du signataire, invoquer le défaut de validité de celui-ci et pour obtenir réparation du préjudice qui en résulterait fut-ce en invoquant un intérêt collectif.

Par conséquent, l'action ne peut prospérer sur le fondement de l'article L. 442-6 ancien du Code de Commerce, et 1108 et 1382 du Code Civil.

Il convient donc de rechercher si pour les contrats signés à compter du 17 mai 2001, l'article L. 442-6-I-2° peut s'appliquer.

Le fait que la même prestation est offerte aux différents signataires des contrats ne peut rapporter la preuve de ce qu'il s'agirait d'un service fictif, alors que seule importe l'effectivité du service rendu à chacun des signataires d'une convention type.

Il est indéniable que les termes même des conventions sont peu précis, et ne permettent pas d'appréhender avec certitude la nature et l'étendue de la contrepartie fournie par la Société INTERDIS.

La FNPL par la production des conventions litigieuses rapportait un commencement de preuve du caractère fictif de la prestation qu'elle alléguait.

Toutefois, la Société INTERDIS a répliqué qu'en réalité, son intervention permettait au producteur de disposer de débouchés commerciaux plus nombreux puisqu'il peut ainsi vendre ses produits à diverses enseignes, le contrat lui permettant d'accéder aux enseignes CARREFOUR, CHAMPION, COMOD, MARCHE PLUS, ED L'épicier, ED le marché discount, PRODIREST, OOSHO, ainsi qu'à tout site internet CARREFOUR, outre toute autre enseigne qui serait exploitée par le groupe CARREFOUR.

Il s'agit là d'un avantage pour le producteur qui peut ainsi assurer l'écoulement de ses produits sans avoir en permanence à rechercher de nouveaux acheteurs.

D'autre part, et sans être contredite, la Société INTERDIS a fait valoir que le service fourni inclut une centralisation des commandes et des livraisons, ce qui permet au fournisseur d'effectuer une réelle économie sur les frais annexes de son activité.

La FNPL n'a rapporté aucun élément de nature à démontrer que l'argumentation développée par la défenderesse serait fallacieuse, alors qu'à supposer que ses adhérents puissent avoir une crainte à engager l'action, elle pouvait cependant aisément obtenir d'eux des éléments lui permettant d'infirmer les dires de la Société INTERDIS.

Enfin, il doit être observé que le contrat lui-même montre que la Société INTERDIS a intérêt à permettre à son cocontractant de réaliser un chiffre d'affaires aussi important que possible puisqu'elle est rémunérée en fonction de celui-ci.

Dès lors, la FNPL ne prouve pas que la prestation objet du contrat est fictive, et elle doit par conséquent être déboutée de l'ensemble de ses demandes.

[minute page 8] L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, alors que comme il l'a été indiqué, la Société INTERDIS a pris le risque de libeller ses contrats en des termes peu précis, susceptibles de faire naître le doute quant à leur objet réel, même si la prestation n'est en rien fictive.

La FNPL qui succombe en son action sera tenue aux dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal statuant publiquement, par décision contradictoire, et en premier ressort,

DÉBOUTE la FNPL de l'ensemble de ses demandes,

DÉBOUTE la Société INTERDIS de sa demande de dommages-intérêts,

CONDAMNE la FNPL aux dépens.

Le présent jugement a été signé par M. H. de BECDELIEVRE, président et par Mme M. LEBOUVIER adjoint administratif principal faisant fonction de greffier, greffière, présente lors de sa mise à disposition au greffe de la juridiction.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT