CA CAEN (1re ch. civ.), 18 mars 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 2897
CA CAEN (1re ch. civ.), 18 mars 2008 : RG n° 06/03554
Publication : Legifrance
Extraits : 1/ « Qu’en l’espèce il est constant qu’existe une prestation, celle de diriger les produits vers ces détaillants ; que cette direction est explicitée dans l’article 1 du contrat : « Nature de la prestation : Organisation et suivi centralisé de l’assortiment permettant au Fournisseur d’optimiser la production et le flux logistique des produits définis dans le tableau ci-dessous ou dont la liste est jointe au présent contrat. » Mais que cette activité concerne en réalité deux types de relations juridiques différentes : la relation entre la société Interdis et ceux pour le compte de qui elle intervient et la convention passée entre la société Interdis et le producteur ;
Que le producteur a un intérêt à ce que cette orientation intervienne, mais que le détaillant a aussi intérêt à être approvisionné ».
2/ « Que la désignation du producteur sous le qualificatif de bénéficiaire situe l’orientation affichée du contrat au bénéfice de celui-ci ; Qu’elle est présentée comme une prestation répondant à un souci du producteur et donc réalisée dans son intérêt, d’autant plus marqué qu’il est qualifié de bénéficiaire, en conséquence, financée par celui-ci ;
Que pourtant, les membres du groupe Carrefour ont aussi besoin d’être approvisionnés en légumes avec une grande présence des produits ; Que la présentation du contrat est inexacte puisque la prestation est réalisée au moins pour partie dans l’intérêt des membres du groupe Carrefour auquel appartient la prestataire de service ; […]
Mais que contrairement à la présentation du document, cet objet n’est pas dans l’intérêt du producteur mais dans l’intérêt commun du producteur et des détaillants, la prise en compte des divergences d’intérêts n’étant pas précisée ; Que, eu égard à la situation globale du marché telle qu’elle ressort du rapport de la commission parlementaire, la présentation de la prestation au bénéfice du producteur est d’autant plus fallacieuse ;
Attendu que l’application de cette présentation fallacieuse a été importante puisque la société Interdis fait valoir que la demande de dommages intérêts de cette fédération correspond au montant cumulé des contrats ; […]
Attendu que la diffusion et la mise en œuvre d’un contrat type à la présentation fallacieuse et permettant de cultiver l’opacité sur la participation des détaillants aux frais d’orientation des produits entre les divers membres du groupe Carrefour constitue bien une faute ; Que cette faute est d’autant plus caractérisée qu’elle permet de laisser dans l’ombre l’avantage procuré aux membres du groupe par rapport au coût d’une telle centrale d’achat pour ceux qui y adhèrent ;
Que, indépendamment des contrats particuliers et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur leur validité, cette faute affecte l’organisation du marché et donc les intérêts collectifs de la profession ; […] Attendu en conséquence que, dans toutes les hypothèses envisageables, reste l’opacité des coûts et des avantages ainsi organisée par la société Interdis. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE SECTION CIVILE
ARRÊT DU 18 MARS 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 06/03554. ORIGINE : DÉCISION du Tribunal de Grande Instance de CAEN en date du 6 novembre 2006.
APPELANTE :
La FÉDÉRATION NATIONALE DES PRODUCTEURS DE LÉGUMES
[adresse], prise en la personne des on représentant légal, représentée par la SCP GRAMMAGNAC-YGOUF BALAVOINE LEVASSEUR, avoués, assistée de Maître REDON de la SCP RAYNAUD, FALANDRY & Associés, avocat au barreau de PERPIGNAN
INTIMÉE :
La SNC INTERDIS
[adresse], prise en la personne de son représentant légal, représentée par la SCP PARROT LECHEVALLIER ROUSSEAU, avoués, assistée de Maître LE GOFF, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : M. BOYER, Président de Chambre, rédacteur, Mme BEUVE, Conseiller, M. VOGT, Conseiller,
DÉBATS : A l’audience publique du 31 janvier 2008
GREFFIER : Madame GALAND
ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 mars 2008 et signé par M. BOYER, Président de Chambre, et Madame GALAND, Greffier
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par jugement du 6 novembre 2006, le tribunal de grande instance de Caen a débouté les parties de leurs demandes.
Le tribunal relevait que les contrats objets du litige « contrats de prestation de service spécifique » stipulent que la société Interdis, agissant pour son compte et celui de diverses enseignes exploitées par le groupe Carrefour, se voit confier par un producteur l’organisation et le suivi spécialisé centralisé de l’assortiment permettant au fournisseur d’optimiser sa production et le flux logistique des produits définis par le contrat.
Il a distingué selon les périodes, l’applicabilité de l’article L 442-6-1 2° du Code de commerce, pour la première, considéré que le demandeur, en sa qualité de syndicat, n’a pas qualité pour invoquer l’absence d’objet du contrat et estimé que l’argument de la société Interdis selon lequel son intervention permettait au producteur de disposer de débouchés commerciaux plus nombreux n’était pas démenti.
La Fédération nationale des producteurs de légumes conclut ainsi :
« - Dire et juger que la société INTERDIS a imposé à ses contractants, producteurs de légumes, des prestations de services sans contrepartie réelles ou ne correspondant à aucun service effectivement rendus pour les années 2000 et 2001.
- Dire et juger que cette pratique a causé un préjudice commercial à l’égard de la profession des producteurs de légumes.
- Réformer en conséquence dans toutes ses dispositions le jugement attaqué.
- Condamner en conséquence la société INTERDIS à payer à la FÉDÉRATION NATIONALE DES PRODUCTEURS DE LEGUMES la somme de 3.663.471.8 € à titre de dommages intérêts.
- Condamner la SNC INTERDIS à payer à la FÉDÉRATION NATIONALE DES PRODUCTEURS DE LEGUMES la somme de 20.000 € en application des dispositions de l’article 700 de Nouveau Code de Procédure Civile. »
Elle indique que ces contrats stipulaient :
« le bénéficiaire a indiqué à CARREFOUR qu’il souhaitait « apporter une cohérence à son assortiment afin de pouvoir répondre à la demande « consommateur et optimiser son organisation »
« CARREFOUR a proposé au bénéficiaire un certain nombre de services destinés à « permettre la réalisation de cet objectif »
« Le bénéficiaire a donc confié à CARREFOUR l’exécution de la prestation ci après définie :
« - article 1 nature de la prestation : organisation et suivi centralisés de l’assortiment permettant au fournisseur d’optimiser la production et le flux logistique des « produits finis dans le tableau ci dessous où dont la liste est jointe au présent « contrat ».
Elle relate les péripéties procédurales nécessaires pour connaître le nombre de contrats portant cette clause, notamment d’une procédure initialement sur requête dont elle a été finalement autorisée à utiliser le constat.
Elle fait valoir les pouvoirs de son président à agir pour elle et sa qualité de syndicat professionnel l’autorisant à agir dans l’intérêt collectif de la profession, invoque l’article 470-7 du Code de commerce, sans pouvoir se voir opposer l’effet relatif des conventions, l’impossibilité économique des co-contractant, menacés de dans leur référencement fondant son intervention.
Elle fait valoir le déséquilibre économique de la profession.
Elle indique que le constat permet de retenir 54 contrats en 2000 et 129 en 2001 et fait valoir l’article 441-6 du Code de commerce abrogé par la loi du 2 août 2005 qui imposait « les conditions dans lesquelles un distributeur ou un prestataire de services rémunéré par ses fournisseurs, en contrepartie de services spécifique, doit faire l’objet d’un contrat écrit en double exemplaire détenu par chacune des parties. »
Elle invoque l’article 442-6.1 2° du Code de commerce dans sa rédaction de la loi du 17 mai 2001 : « - Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan :
2° - a) D’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucune service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d’une opération d’animation commerciale, d’une acquisition ou d’un investissement, en particulier « dans le cadre de la rénovation de magasins ou encore du rapprochement d’enseignes ou de centrales de référencement ou d’achat », étant observé selon elle que cette disposition reprenait et explicitait des normes déjà comprises dans l’article 442-6 al 1 du Code de commerce.
Elle critique le jugement en ce qu’il a estimé que le texte s’applique à des opérations de vente et non à des opérations de prestations de service alors que les prestations de service sont, en l’espèce, l’accessoire de contrats de vente.
Elle ajoute que l’alinéa 2 de l’article 446 condamne non pas le fait d’obtenir des pratiques discriminatoires, mais d’obtenir, dans le cadre bilatéral, un avantage de son partenaire sans contrepartie, ce qu’elle estime être le cas d’espèce.
Elle fait encore valoir que l’absence de services spécifiques dissimule en réalité des ristournes calculées en fonction du pourcentage du chiffre d’affaire qui devraient figurer sur les factures d’achat et considère qu’il ne s’agit que d’une application de l’article 1108 du Code civil.
Elle reproche encore au jugement d’avoir considéré qu’elle ne rapportait pas la preuve de l’absence de prestation de son adversaire, en retenant qu’il lui impose une preuve impossible puisqu’elle invoque le caractère fictif de la prestation et que le « suivi centralisé de l’assortiment » ne permet de repérer aucun service spécifique, le nombre de contrat, excluant un tel service spécifique.
Elle relève que si la prestation est constitué par l’accès à douze enseignes différentes, cela signifie que le référencement constituerait par lui-même la prestation, le flou de l’expression ne permettant de contrôler ni la réalité ni son adéquation aux prix.
Elle reproche aussi au tribunal d’avoir retenu l’optimisation de la production par la centralisation alors que c’est sa fonction de centrale d’achat.
Elle souligne le caractère rétroactif de certains accords, illustrant selon elle l’absence de prestations.
Sur l’évaluation du préjudice, elle rappelle qu’elle représente les intérêts collectifs de la profession.
La SNC Interdis conclut à la confirmation du jugement, subsidiairement à l’irrecevabilité de la Fédération nationale des producteurs de légumes, plus subsidiairement à la constatation que seuls sept contrats sont susceptibles d’être sanctionnés par l’article 442-6 1 2° du Code de commerce, à la réalité de la prestation et plus subsidiairement à la limitation des dommages intérêts à 155.497,989 euros correspondant à la rémunération de ces sept contrats.
Elle se présente comme une filiale de la Société CARREFOUR dont l’objet consiste notamment à sélectionner des fournisseurs de produits alimentaires, retrace la procédure.
Elle soutient l’irrecevabilité à agir de la Fédération nationale des producteurs de légumes qui tend à appréhender la rémunération perçue par la société Interdis en vertu des contrats visés alors que, n’étant signataire d’aucun contrat, elle doit se voir opposer l’effet relatif des conventions, et conteste la représentativité de la fédération dont les adhérents ne sont que des fédérations départementales de syndicat maraîchers et producteurs de légume sans que l’adhésion des producteurs adhérents soit établie.
Elle estime la fédération sans droit à faire annuler ces conventions à son seul profit et évoque une jurisprudence de la cour d’appel de Versailles déclarant le Ministres des Finances irrecevable dans une action analogue, faute d’avoir prévenu de son action les fournisseurs titulaires des droits.
Subsidiairement, elle fait valoir que l’article 442-6 1 2° du Code de commerce ne date que du 15 mai 2001, a été publié le 17 et ne concerne donc que sept contrats dans la présente instance
Elle affirme que les contrats comprenaient pour la société Interdis l’obligation de rendre un service et pour le fournisseur d’en payer le prix, selon les normes d’un contrat de prestation commerciale et reproche à la Fédération nationale des producteurs de légumes de développer une argumentation relevant d’une pétition de principe selon laquelle les relations commerciales entre un producteur et un distributeur sont toujours dépourvus de contreparties réelles au préjudice du fournisseur.
Elle fait valoir que :
« la FNPL est bien placée pour savoir qu’en période de production, les distributeurs sont fréquemment victimes d’exactions de producteurs de légumes qui leur reprochent au gré des circonstances, qui de ne pas pratiquer des prix suffisamment attractifs pour le consommateur, qui de pratiquer des promotions intempestives en début de campagne.., alors pourtant qu’aux dires de la FNPL, la Société INTERDIS ayant acheté les produits, en est propriétaire (ce qui correspond d’ailleurs à la stricte réalité juridique). ...
Que la prestation servie à chaque fournisseur consiste à lui permettre d’accéder à ces douze enseignes différentes à partir d’un seul référencement.
Que ce service n’a rien à voir avec une commission de référencement.
Qu’il est constant, en effet, qu’en s’adressant à une centrale de référencement plutôt qu’à douze enseignes, chaque fournisseur réalise des gains de temps importants, qui ont un prix, et assure à ses produits des débouchés commerciaux bien plus considérables.
Qu’en effet cette organisation centralisée garantit potentiellement au fournisseur une plus grande présence de ses produits en rayons avec un assortiment unique, cohérent au niveau national et pour chaque enseigne où sont susceptibles d’être présents.
Qu’il s’agit assurément d’un avantage considérable pour le fournisseur qui serait exposé à des négociations beaucoup plus longues et donc à une perte de temps beaucoup plus importante induisant des coûts de transactions bien au-delà de la rémunération facturée par INTERDIS s’il devait se présenter auprès de chacune de ces douze enseignes pour y faire référencer sa marchandise.
Que le service inclut donc une centralisation des commandes et des livraisons, ce qui représente ici encore un avantage considérable pour le fournisseur, qui ne se confond pas avec une commission de référencement, contrairement à ce qu’essaie de soutenir la FNPL dans ses conclusions d’appelante. »
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI :
Attendu que, en visant l’article 1108 du Code civil, la Fédération nationale des producteurs de légumes se réfère à l’objet du contrat ;
Attendu que, contrairement aux affirmations de la Fédération nationale des producteurs de légumes, une prestation est accomplie : la répartition des légumes produits entre les divers commerces de détail que la société Interdis relie à une plus grande présence de ses produits en rayons avec un assortiment unique ;
Qu’il n’est cependant pas sûr qu’elle soit réalisée en application du contrat intervenu entre le producteur et la société ;
Attendu que, selon le contrat, la société Interdis agissait pour son compte et pour le compte de toute entité juridique en France exploitant notamment les enseignes suivantes Carrefour, Champion, Comod, Marché Plus, ED l’épicier, ED le marché discount, Shopi , 8 à HUIT, etc. exploitées par le groupe Carrefour ;
Que, sans avoir à rechercher la définition précise d’une centrale d’achat, il suffit de relever que la société Interdis agit pour son compte et pour les compte des autres distributeurs du groupe Carrefour ;
Qu’elle ne précise pas quelles sont ses obligations envers ces entités, mais qu’elles relèvent nécessairement de l’approvisionnement de ces détaillants ;
Attendu que le contrat diffère de celui d’un agent chargé de représenter un producteur auprès de diverses personnes chargée de lui acheter ses produits et agissant donc dans l’intérêt du producteur qui le rémunère ;
Qu’en l’espèce il est constant qu’existe une prestation, celle de diriger les produits vers ces détaillants ; que cette direction est explicitée dans l’article 1 du contrat : « Nature de la prestation : Organisation et suivi centralisé de l’assortiment permettant au Fournisseur d’optimiser la production et le flux logistique des produits définis dans le tableau ci-dessous ou dont la liste est jointe au présent contrat. »
Mais que cette activité concerne en réalité deux types de relations juridiques différentes : la relation entre la société Interdis et ceux pour le compte de qui elle intervient et la convention passée entre la société Interdis et le producteur ;
Que le producteur a un intérêt à ce que cette orientation intervienne, mais que le détaillant a aussi intérêt à être approvisionné ;
Que les orientations peuvent se faire dans l’intérêt de l’un ou des autres, puisque les intérêts des producteurs et des distributeurs divergent parfois, comme le remarque la société Interdis notamment quand elle écrit :
« la FNPL est bien placée pour savoir qu’en période de production, les distributeurs sont fréquemment victimes d’exactions de producteurs de légumes qui leur reprochent au gré des circonstances, qui de ne pas pratiquer des prix suffisamment attractifs pour le consommateur, qui de pratiquer des promotions Intempestives en début de campagne… »
Attendu que l’appartenance de la société Interdis au dit groupe Carrefour apparaît dans le contrat puisque, après la désignation des co-contractants la société Interdis est dénommée « CARREFOUR » dans la suite du contrat ;
Attendu que, dans le contrat type qu’elle propose, la société présente la convention comme une réponse au souci du producteur :
« Le Bénéficiaire a indiqué à CARREFOUR, qu’il souhaitait apporter une cohérence à son assortiment, afin de pouvoir répondre à la demande consommateur et optimiser son organisation. CARREFOUR a proposé au Bénéficiaire un certain nombre de services destinés à permettre la réalisation de cet Objectif.
Le Bénéficiaire a donc confié à CARREFOUR l’exécution de la prestation ci-après définie : (suit l’article 1er « définition de la prestation ») » ;
Que la désignation du producteur sous le qualificatif de bénéficiaire situe l’orientation affichée du contrat au bénéfice de celui-ci ;
Qu’elle est présentée comme une prestation répondant à un souci du producteur et donc réalisée dans son intérêt, d’autant plus marqué qu’il est qualifié de bénéficiaire, en conséquence, financée par celui-ci ;
Que pourtant, les membres du groupe Carrefour ont aussi besoin d’être approvisionnés en légumes avec une grande présence des produits ;
Que la présentation du contrat est inexacte puisque la prestation est réalisée au moins pour partie dans l’intérêt des membres du groupe Carrefour auquel appartient la prestataire de service ;
Attendu que la Fédération nationale des producteurs de légumes fait valoir le déséquilibre des situations entre le groupe distributeur et les producteurs, déséquilibre confirmé par le rapport de commission à l’assemblée nationale dont un exemplaire est versé au dossier ;
Que l’on peut tenir ce document pour sérieux et retenir cette relation contractuelle déséquilibrée en défaveur des producteurs ;
Que la présentation d’une prestation tendant à répondre au souci du producteur sans référence aux avantages des détaillants s’avère d’autant plus inexacte ;
Attendu que la convention présente donc une prestation dans une orientation différente de la réalité et laisse cachée la répartition des coûts entre ses bénéficiaires ;
Attendu qu’il est tout à fait possible que dans les cas individuels les déséquilibres aient été compensés d’une manière ou d’une autre et que l’étude des consentements au cas par cas n’est pas l’objet de la présente instance ;
Que l’intérêt commun du producteur et des détaillants permet de d’envisager que contrairement à l’argumentation de la Fédération nationale des producteurs de légumes, la convention a un objet ;
Mais que contrairement à la présentation du document, cet objet n’est pas dans l’intérêt du producteur mais dans l’intérêt commun du producteur et des détaillants, la prise en compte des divergences d’intérêts n’étant pas précisée ;
Que, eu égard à la situation globale du marché telle qu’elle ressort du rapport de la commission parlementaire, la présentation de la prestation au bénéfice du producteur est d’autant plus fallacieuse ;
Attendu que l’application de cette présentation fallacieuse a été importante puisque la société Interdis fait valoir que la demande de dommages intérêts de cette fédération correspond au montant cumulé des contrats ;
Que le chiffre d’affaire de cette opération s’élève donc à 3.663.471,8 euros ;
Attendu que ce montant, pour la simple prestation accessoire d’orientation s’imputant donc du bénéfice espéré de la vente des produits, est de nature à avoir des effets sur le marché des fruits et légumes et donc sur l’intérêt collectif de la profession ;
Attendu que la Fédération nationale des producteurs de légumes est une union de plusieurs syndicats, pourvue des mêmes droits d’agir en justice ; que sa qualité de syndicat n’est pas contestée et que, dans la mesure où elle agit dans le type d’activité pour lequel elle a été créée, la question de sa représentativité ne se pose pas ;
Qu’en outre, la société Interdis indique qu’elle regroupe des syndicats de producteurs de légumes relevant de la FNSEA ce qui l’inscrit dans une organisation syndicale agricole à la représentativité difficilement contestable ;
Attendu que la diffusion et la mise en œuvre d’un contrat type à la présentation fallacieuse et permettant de cultiver l’opacité sur la participation des détaillants aux frais d’orientation des produits entre les divers membres du groupe Carrefour constitue bien une faute ;
Que cette faute est d’autant plus caractérisée qu’elle permet de laisser dans l’ombre l’avantage procuré aux membres du groupe par rapport au coût d’une telle centrale d’achat pour ceux qui y adhèrent ;
Que, indépendamment des contrats particuliers et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur leur validité, cette faute affecte l’organisation du marché et donc les intérêts collectifs de la profession ;
Qu’elles entrent bien dans le champ d’intervention de la fédération syndicale ;
Que la circonstance que le dommage causé à la profession trouve sa source dans des contrats n’interdit pas au syndicat d’agir, sans quoi le droit du travail aurait dû se développer indépendamment du contenu des contrats de travail ;
Que la Fédération nationale des producteurs de légumes a donc qualité à agir et que son action est fondée ;
Attendu par ailleurs que, à supposer que tous les producteurs ne soient pas concernés par ces contrats, la position de la société suppose que des producteurs puissent vendre aux détaillants du groupe sans participer à ces frais, puisqu’elle précise que cette participation diffère du référencement ;
Mais que, dans cette hypothèse, l’articulation des traitements entre les producteurs souscrivant ces contrats et les autres ne se conçoit pas ; qu’il faut que certains paient et bénéficient alors de prestations, tandis que les autres, vendant pourtant à une centrale d’achat ne bénéficieraient pas de la prestation, ce qui suppose que l’orientation, dans leur intérêt, soit moins élaborée, quoique la société n’explicite rien sur ce point ;
Que, agissant pour le compte des détaillants du groupe Carrefour, la société Interdis peut normalement acheter de manière groupée pour leur compte et dans leur seul intérêt ; qu’ elle n’explique pas comment elle articulerait les divers régimes d’achat ;
Qu’eu égard aux liens entre la société et le groupe Carrefour, il faudrait expliquer comment cette orientation et cette répartition se développe indépendamment de discriminations ;
Que sinon, c’est que, conformément aux conclusions de la Fédération nationale des producteurs de légumes, il n’y a aucune prestation en réponse au paiement, et la convention entre les producteurs « bénéficiaires » et la société est dépourvue d’objet ;
Attendu que, là encore, il s’agit de pratiques qui compromettent les intérêts collectifs de la profession, autorisant et fondant les demandes de la Fédération nationale des producteurs de légumes ;
Attendu en conséquence que, dans toutes les hypothèses envisageables, reste l’opacité des coûts et des avantages ainsi organisée par la société Interdis ;
Que cette opacité fautive cause un préjudice à la profession représentée par Fédération nationale des producteurs de légumes ; que celle-ci représente les intérêts de la profession ; que les dommages intérêts auxquels elle peut prétendre doivent être appréciés au regard du dommage causé aux intérêts collectifs de cette profession ;
Qu’elle n’équivaut pas au montant cumulé des contrats, mais ne doit pas non plus être fixée d’une manière qui serait dépourvue de lien avec ce montant ;
Qu’il faut rester dans le même ordre de chiffres ;
Que la cour retient un montant de un million d’euros ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
statuant contradictoirement
Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Caen le 6 novembre 2006,
Dit que la société Interdis a commis une faute à l’égard de la profession représentée par la Fédération nationale des producteurs de légumes en concluant des contrats favorisant l’opacité sur le coût de la répartition des produits entre les détaillants du groupe Carrefour et l’avantage procuré à ceux-ci,
Condamne en conséquence la société Interdis à payer un million de dommages intérêts à la Fédération nationale des producteurs de légumes outre 10.000 euros indemnité en application de l’article 700 du Code de procédure civile,
La condamne aux dépens avec application de l’article 699 du Nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
C. GALAND J. BOYER