TGI METZ (1re ch. civ.), 29 mai 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 4141
TGI METZ (1re ch. civ.), 29 mai 2008 : RG n° 4015/05 ; jugt n° 544/08
(sur appel CA Metz (1re ch.), 21 octobre 2010 : RG n° 08/02759 ; arrêt n° 10/000798)
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE METZ
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 29 MAI 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° I. 4015/05. Jugement n° 544/08.
I - PARTIES
DEMANDERESSE :
Mme X., épouse Y.,
demeurant [adresse], représentée par Maître GURY, avocat à METZ
DÉFENDERESSE :
La Caisse d'Épargne de Lorraine Nord
dont le siège social est sis [adresse], représentée par son représentant légal, représentée par Maître WEYL, avocat à METZ
II - COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Margareth STRAGIER, Vice-Président statuant à Juge Unique sans opposition des avocats
Greffier : Mme ARZ
Après audition le 27 mars 2008 des avocats des parties.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] III - PROCÉDURE :
Par exploit d'huissier du 11 octobre 2005, Mme Y. a assigné devant la juridiction de céans la caisse d'épargne de Lorraine Nord exposant qu'elle avait souscrit auprès de cet établissement diverses obligations et actions, qui avaient perdu considérablement de leur valeur sans qu'elle n'obtienne jamais aucune explication sur ce point en dépit de ses demandes réitérées.
Estimant que la caisse d'épargne aurait dû, en sa qualité de professionnel, l'informer de la perte probable de certains bénéfices, qu'elle n'en avait rien fait et en outre avait réinvesti des bénéfices sans demander préalablement son avis, Mme Y., alléguait que l'établissement bancaire avait manqué à son devoir de conseil et de prudence.
Considérant que la responsabilité de la caisse d'épargne était engagée, elle sollicitait sa condamnation à lui verser la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts, outre une somme de 2.000 € à titre de manque de prudence et de conseil à son égard ainsi que la somme de 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives numéro 2 notifiées le 14 novembre 2007, la demanderesse exposait :
- avoir souscrit le 30 juin 1999 un PEA composé de « écureuil dynamique » + « écureuil énergie » dont elle indiquait que le fonctionnement ne lui avait pas été expliqué ;
- le 25 octobre 1999, un placement dénommé Europgradus 6 1/1000eme ;
- avoir remarqué une perte considérable de la valeur de ces placements et avoir sollicité des explications auprès de l'établissement bancaire par courrier du 20 février 2002 auquel elle n'avait jamais reçu de réponse satisfaisante ;
- avoir rencontré le directeur de la banque de Marly le 8 avril 2005 et demandé à récupérer les fonds placés en « écureuil dynamique » + « écureuil énergie » ;
- ne pas avoir obtenu satisfaction sur ce point, le directeur lui ayant expliqué par lettre du 22 juillet 2005 que la souscription postérieure de deux autres produits, Euro Gradus et Doublo Monde impliquait d'attendre leur échéance pour ce faire ;
- ne jamais avoir été informée du mécanisme allégué.
Mme Y. a indiqué que, si elle avait reçu la notice d'information, conditions générales et conditions particulières, elle n'avait pas compris le fonctionnement du PEA, dont le fonctionnement précis ne lui avait pas été expliqué.
Par ailleurs, en incluant dans le PEA des nouveaux supports, la caisse d'épargne de Lorraine Nord avait prolongé, sans l'en aviser, la durée minimum de ce PEA.
Ainsi, si un courrier du 14 octobre 2005 l'avisait qu'elle conservait l'entière liberté de sortir sans frais du FCP Europgradus à compter du 23 janvier 2006, la souscription de Doublo Monde à échéance au 28 février 2008 la contraignait à maintenir l'intégralité des placements.
[minute page 3] Un courrier du 23 décembre 2005 l'informait que FCP Europgradus serait automatiquement prorogé en Écureuil Europe Sécurité 13.
Elle estimait également n'avoir aucune liberté pour récupérer ses avoirs en ce sens qu'ayant sollicité la clôture du PEA, le 7 janvier 2007, il lui avait été répondu que des pénalités seraient prélevées.
Mme Y. considérait dès lors qu'en procédant à des réinvestissements des bénéfices sans l'informer des conséquences sur la durée totale du PEA, la caisse d'épargne de Lorraine Nord avait manqué à son égard à son devoir de conseil.
Par ailleurs, elle estimait que selon le code de la consommation, la caisse aurait dû l'avertir de la perte probable de certains bénéfices, ce qu'elle n'avait pas fait, manquant en cela à ses obligations.
Elle demandait par conséquent à la juridiction de :
- dire et juger la demande tant recevable que bien fondée,
- dire et juger qu'elle avait subi un préjudice du fait de la dépréciation de ces placements à la caisse d'épargne de Lorraine Nord,
- dire et juger que la caisse d'épargne de Lorraine Nord avait failli à son obligation de conseil, en conséquence,
- condamner la caisse d'épargne de Lorraine Nord à lui payer la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts, toutes causes confondues,
- condamner la caisse d'épargne de Lorraine Nord à lui payer la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens sur le fondement de l'article 696 du nouveau code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives notifiées le 1er octobre 2007, la Caisse d'épargne de Lorraine Nord a contesté les allégations et prétentions de la demanderesse, a demandé à la juridiction de la débouter de l'intégralité de ses demandes, fins en conclusion et de la condamner à lui verser la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La défenderesse a exposé avoir, à tout moment, dans le cadre de son devoir d'information et de conseil, non seulement expliqué mais également écrit à Mme Y. les informations nécessaires aux placements décidés par cette dernière.
Elle a produit les notices d'information signées par la demanderesse et les courriers complémentaires qui lui ont été adressés
- une note d'information générale l'informant des dispositions régissant le PEA, les conditions générales de fonctionnement d'un compte titres PEA, les conditions particulières du PEA souscrit le 2 juin 1999,
- [minute page 4] le bulletin de souscription des titres des 19 octobre 2001 et 26 octobre 2001 par lesquels elle reconnaissait avoir pris connaissance de la notice d'information relative aux émissions,
- les courriers annuels l'informant du détachement des dividendes de la sicav écureuil énergie (devenue FCP écureuil énergie) et de la sicav écureuil dynamique + (devenue FCP écureuil dynamique +), chacun de ces courriers l'informant de l'option enregistrée sur son compte et de la possibilité de modifier cette option,
- lors de l'arrivée à échéance des titres Europgradus 6 le 23 janvier 2006, le rendement réalisé, la transformation automatique sans frais et neutralité fiscale en FCP monétaire et la possibilité de sortir du fond né le 23 janvier 2006,
- des courriers de la banque des 22 octobre 2005 et 2 février 2007 l'informant qu'elle pouvait récupérer l'intégralité de ses avoirs mais perdait le bénéfice de l'exonération fiscale si le PEA était clôturé avant le terme de 8 années.
Enfin, la banque soulignait que le PEA de Mme Y. présentait au 21 septembre 2007 une plus-value latente de 5.275,89 €.
Une première ordonnance de clôture était prononcée le 7 décembre 2007, l'affaire étant renvoyée à l'audience du 27 mars 2008.
Par acte notifié le 20 mars 2008, le conseil de la demanderesse a déposé son mandat, le conseil nouvellement choisi déposant à la même date de nouvelles conclusions reprenant les dernières en date.
À l'audience du 27 mars 2008 était ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture prononcée le 7 décembre 2007 et était prononcée une seconde ordonnance de clôture. L'affaire était mise en délibéré au 22 mai, prorogée au 29 mai 2008.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Le mandat confié au banquier relativement à la tenue d'un compte en valeurs mobilières implique que le banquier doit s'enquérir de la situation financière de son client, de son expérience en matière d'investissements et de ses objectifs. À titre accessoire il est tenu d'une obligation d'information sur les opérations en cours et les formalités à accomplir.
Il ressort des pièces versées aux débats que Mme Y. a été régulièrement et complètement informée non seulement lors de la souscription du PEA, mais également lors de la réalisation des différents placements critiqués, de la nature et des effets financiers et juridiques de ces diverses opérations.
Il est également établi par la défenderesse qu'elle a informé Mme Y. des opérations réalisées durant la vie de ces placements, des effets attendus, des options qui lui étaient offertes et des conséquences d'une clôture du PEA avant terme.
[minute page 5] Dès lors, Mme Y. ne peut en aucune façon imputer à la défenderesse un défaut d'information ou de conseil à son égard, et ce d'autant moins que les opérations financières réalisées ont généré des plus-values.
Aucun manquement à son devoir d'information et de conseil ne pouvant être reproché à la caisse d'épargne, il convient de déclarer Mme Y. mal fondée en ses demandes et de la débouter de toutes fins et prétentions.
Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile se trouvant réunies, il y a lieu de condamner Mme Y. à verser à la Caisse d'Épargne de Lorraine Nord la somme de 1.000 €.
Mme Y. succombant, est condamnée aux entiers frais et dépens de la procédure.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
Déclare Mme Y. mal fondée en ses demandes ;
La déboute de toutes ses fins et prétentions ;
La condamne à verser à la caisse d'épargne de Lorraine Nord la somme de 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
La condamne en tous les frais et dépens de la procédure.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 29 mai 2008 par Mme STRAGIER, Vice-Président, assistée de Mme ARZ, Greffier Divisionnaire.