CA METZ (1re ch.), 21 octobre 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2941
CA METZ (1re ch.), 21 octobre 2010 : RG n° 08/02759 ; arrêt n° 10/000798
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que pour critiquer la décision entreprise, l'appelante invoque les dispositions relatives aux clauses abusives ; Mais attendu que si elle vise spécialement la recommandation n° 91-02, laquelle a été émise par la commission des clauses abusives le 23 mars 1990, l'appelante ne précise pourtant pas quelles seraient en l'espèce selon elle la ou les clauses abusives au regard des 22 recommandations différentes énoncées par cette recommandation de synthèse, ni en quoi elles seraient abusives au regard de la définition de l'article L. 132-1 du code de la consommation, sans démontrer en quoi elles auraient pour effet ou objet un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties en l'espèce, se contentant en effet de se prévaloir de sa qualité de consommateur face au professionnel qu'est la Caisse d'Epargne ».
COUR D’APPEL DE METZ
PREMIÈRE CHAMBRE
ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/02759. Arrêt n° 10/000798.
APPELANTE :
Madame Y. épouse X.,
représentée par Maître Maryvonne CHAUVE-GRAY, avocat à la Cour
INTIMÉE :
CAISSE D'ÉPARGNE DE LORRAINE NORD,
prise en la personne de son représentant légal représentée par Maître Jean-Luc HENAFF, avocat à la Cour,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Madame STAECHELE, Président de Chambre,
ASSESSEURS : Madame DUROCHE, Conseiller, Mademoiselle OTT, Conseiller
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Madame PERSIALI
DATE DES DÉBATS : Audience publique du 1er juillet 2010
L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 21 octobre 2010.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
Se plaignant des manquements au devoir d'information, de conseil et de mise en garde commis par la Caisse d'Epargne en lui ayant fait souscrire des placements dans le cadre d'un PEA (« écureuil dynamique et écureuil énergie ») sans l'aviser des risques de pertes ni l'informer précisément des règles de fonctionnement d'un PEA et en ayant d'autorité réinvesti des bénéfices ce qui avait pour effet de prolonger la durée du PEA et de lui faire perdre la libre disponibilité de son épargne, Madame Y. épouse X. a par acte du 11 octobre 2005 assigné la Caisse d'Epargne de Lorraine Nord aux fins de paiement de dommages et intérêts, chiffrés selon ses dernières écritures à la somme de 5.000 euros toutes causes confondues, en réparation du préjudice subi par elle suite à la dépréciation de ses placements ainsi souscrits.
La Caisse d'Epargne de Lorraine Nord a conclu au débouté en l'absence de toute faute de sa part envers Madame X. qui a toujours été parfaitement et régulièrement informée, ainsi au surplus qu'en l'absence de tout préjudice pour la demanderesse.
Par jugement en date du 29 mai 2008, le Tribunal de Grande Instance de Metz, 1ère chambre civile, a débouté Madame X. de l'ensemble de ses demandes, et l'a condamnée à payer à la Caisse d'Epargne de Lorraine Nord la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, Madame X. étant en outre condamnée aux dépens.
Pour statuer ainsi le tribunal a, au vu des pièces produites, considéré que Mme X. a été régulièrement et complètement informée non seulement lors de la souscription du PEA, mais également lors de la réalisation des différents placements critiqués, de la nature et des effets financiers et juridiques de ces diverses opérations ; qu'elle a été informée des opérations réalisées durant la vie de ces placements, des effets attendus, des options qui lui étaient offertes et des conséquences de la clôture d'un PEA avant terme ; que dans ces conditions elle ne pouvait en aucune façon imputer à la Caisse d'Epargne de Lorraine Nord un défaut d'information ou de conseil à son égard et ce d'autant moins que les opérations financières réalisées ont généré des plus-values.
Par déclaration enregistrée au greffe le 14 août 2008, Madame X. a régulièrement interjeté appel du dit jugement.
Par ses dernières écritures notifiées le 28 septembre 2009, Madame X. demande à la Cour, par application de l'article 1147 du Code Civil, en infirmant le jugement entrepris de :
- dire que la Caisse d'Epargne de Lorraine Nord a commis une faute dans son devoir d'information et son obligation de mise en garde,
- en conséquence, vu les circonstances de l'espèce et la qualité de Madame X., dire que la banque a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle et la condamner à payer à Madame X. la somme de 7.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier et moral, outre un montant de 2.000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
L'appelante précise qu'elle est totalement ignorante du monde financier (étant âgée puisque née en 1932, ayant travaillé comme cuisinière dans l'Education Nationale, vivant seule) et que cliente depuis 1952 de la Caisse d'Epargne elle s'est laissée convaincre en 1999 par un conseiller financier d'ouvrir un PEA sans avoir reçu de véritables explications sur les modalités d'un tel placement ni avoir été par la suite tenue informée du fonctionnement en dépit de ses demandes d'explications restées vaines. Elle se prévaut comme simple consommateur face à un professionnel de l'obligation d'information et de mise en garde qui pèse sur ce dernier, obligation à laquelle selon elle la Caisse d'Epargne de Lorraine Nord a failli. Elle souligne que la banque ne rapporte pas la preuve d'avoir satisfait à cette obligation. Elle invoque les dispositions relatives aux clauses abusives, ainsi que les règles de bonne conduite reprises notamment par l'article « L. 533-4 du Code des marchés financiers ». Elle maintient qu'elle a été abusée par la banque qui lui a fait perdre de l'argent.
La Caisse d'Epargne de Lorraine Nord par ses dernières écritures du 22 mai 2009 conclut à la confirmation du jugement entrepris et au paiement par l'appelante de la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Elle réplique avoir pleinement satisfait à son devoir d'information en se référant aux différents courriers qui ont été adressés à Mme X., et conteste l'existence d'un quelconque préjudice en faisant observer que le 21 septembre 2007, le PEA dont Madame X. n'a pas demandé la clôture à l'échéance des 8 ans, présentait une plus-value latente de 5.275,89 euros ce qui montre bien que les placements qui lui ont été conseillés se sont avérés particulièrement judicieux compte-tenu des aléas qu'a connus la bourse à la même époque. L'intimée fait valoir que la demande de l'appelante, en ce qu'elle excède la somme réclamée en première instance aux termes de ses conclusions récapitulatives, est irrecevable.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 novembre 2009.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Vu les dernières écritures des parties auxquelles la Cour se réfère expressément ; vu les pièces ;
Attendu que par ses dernières écritures du 13 novembre 2007 en première instance Madame X. concluait au paiement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts toutes causes de préjudice confondues ; qu'ayant interjeté appel du jugement qui l'a déboutée de sa demande, Madame X. conclut à hauteur de Cour à la condamnation de la Caisse d'Epargne au paiement d'une somme de 7.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier et moral ;
Attendu qu'il ne s'agit pas là de prétentions nouvelles, irrecevables comme opposé par l'intimée, dès lors que la demande présentée en appel par Madame X. ne diffère que par l'importance du montant réclamé à titre de dommages et intérêts de celle formulée en première instance, et tend dans les deux cas à la même fin, à savoir la réparation des préjudices qu'elle estime lui avoir été causés par la faute commise par la Caisse d'Epargne pour non-respect du devoir d'information et de mise en garde ;
Attendu que pour critiquer la décision entreprise, l'appelante invoque les dispositions relatives aux clauses abusives ;
Mais attendu que si elle vise spécialement la recommandation n° 91-02, laquelle a été émise par la commission des clauses abusives le 23 mars 1990, l'appelante ne précise pourtant pas quelles seraient en l'espèce selon elle la ou les clauses abusives au regard des 22 recommandations différentes énoncées par cette recommandation de synthèse, ni en quoi elles seraient abusives au regard de la définition de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, sans démontrer en quoi elles auraient pour effet ou objet un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties en l'espèce, se contentant en effet de se prévaloir de sa qualité de consommateur face au professionnel qu'est la Caisse d'Epargne ;
Attendu que pour critiquer la décision entreprise, l'appelante invoque par ailleurs les règles de bonne conduite résultant de la loi de « modernisation des activités financières » ;
Mais attendu que les règles de bonne conduite, figurant aux articles L. 341-11 et suivants du Code monétaire et financier, ont été créées par la loi du 1er août 2003 de sécurité financière ; qu'elles sont dès lors inapplicables en l'espèce, puisque les opérations ont été effectuées par Madame X. avant leur entrée en vigueur, étant observé qu'il ressort des pièces versées aux débats que le compte PEA a été ouvert le 2 juin 1999, que la souscription EUROSPGRADUS 61/1000EME est intervenue le 25 octobre 1999 (pièce n° 6 de l'appelante) et la souscription DOUBLO MONDE 3DEC les 19 et 21 octobre 2001 (pièces n° 7 de l'appelante) ;
Attendu que dans ces conditions l'appelante ne peut donc rechercher la responsabilité de la Caisse d'Epargne que sur le fondement des règles jurisprudentielles de la responsabilité contractuelle d'un établissement financier ;
Mais attendu que l'ouverture d'un PEA et la souscription de valeurs placées en PEA ne constituent pas des opérations spéculatives ; que cela se trouve confirmé notamment au vu du document d'information relatif à la conversion de EUROSPGRADUS 6 en ECUREUIL EUROSPE SECURITE 13 produit par l'appelante, qui fait état de « une gestion prudente qui consiste à obtenir une évolution régulière de la valeur liquidative » ;
Qu'en l'absence de caractère spéculatif des opérations, la Caisse d'Epargne ne peut être tenue à un devoir de mise en garde ;
Attendu s'agissant du devoir d'information auquel est tenue la Caisse d'Epargne envers son client, il ressort des pièces produites aux débats, ainsi que l'ont fort justement rappelé les premiers juges, que la Caisse d'Epargne a régulièrement et complètement informé Madame X., non seulement lors de l'ouverture du PEA mais encore lors de la souscription des différents placements critiqués « étant précisé que lors de la convention d'ouverture du 2 juin 1999 Madame X. a expressément reconnu avoir reçu une note d'informations générales l'informant des dispositions régissant le PEA, les conditions générales de fonctionnement d'un compte titres PEA ainsi que les conditions particulières (pièce n° 3 de l'intimée), et que lors de la souscription DOUBLO MONDE 3DEC en octobre 2001 elle a expressément reconnu avoir pris connaissance de la notice d'information relative à cette émission (pièces n° 7 de l'appelante) », de la nature et des effets financiers et juridiques de ces opérations ; qu'il en ressort également que la Caisse d'Epargne a tenu Madame X. informée tout au long de la durée de ces placements des effets attendus, des options offertes et des conséquences de la clôture anticipée d'un PEA;
Attendu que dans ces conditions, contrairement à ce que soutient l'appelante, aucun manquement à l'obligation d'information n'est caractérisé à la charge de la Caisse d'Epargne, et spécialement aucun manquement fautif aux règles de bonne conduite, résultant de l'article L. 533-4 du Code monétaire et financier dans sa rédaction issue de la loi du 2 juillet 1996 applicable en l'espèce à l'époque de l'ouverture du PEA et de la souscription des premiers placements en PEA, tel qu'un manque de loyauté ;
Qu'il convient en conséquence de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris qui a débouté Madame X. de ses demandes ;
Attendu que l'équité n'exige pas à hauteur de Cour la mise en œuvre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
Attendu que l'appelante qui succombe sur son appel doit être condamnée aux entiers frais et dépens d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire :
Déclare Madame X. recevable mais mal fondée en son appel ; l'en déboute ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Grande Instance de Metz, 1re chambre civile, en date du 29 mai 2008 ;
Dit n'y avoir lieu à hauteur de Cour à en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamne Madame Anne Y. épouse X. aux entiers frais et dépens d'appel.
Le présent arrêt a été prononcé le 21 octobre 2010 par mise à disposition publique au greffe par Madame STAECHELE, Président de Chambre, assistée de Madame PERSIALI, Greffier, et signé par elles.
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