TGI METZ (1re ch. civ.), 8 janvier 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 4142
TGI METZ (1re ch. civ.), 8 janvier 2009 : RG n° 121/06 ; jugt n° 08/2009
(sur appel CA Metz (ch. urg.), 24 novembre 2009 : RG n° 09/00873 ; arrêt n° 09/00949)
Extrait : « Contrairement à ce que soutient la société BNP PARIBAS, la destruction des biens financés par le prêt n'a pas pour effet immédiat et automatique de rendre exigibles les sommes restant dues puisqu'il incombe à l'établissement de crédit de décider s'il entend ou non prononcer cette déchéance et que les sommes ne deviennent exigibles que quinze jours après la notification, aux bénéficiaires, de la déchéance du terme. Il n'est pas contesté qu'en l'espèce, cette notification n'a pas été faite. Dès lors c'est à tort que la société BNP PARIBAS a considéré que le solde du prêt était devenu immédiatement exigible. »
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE METZ
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 8 JANVIER 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 121/06. Jugement n° 08/2009.
I - PARTIES
DEMANDERESSE :
Mme X.
demeurant [adresse], représentée par Maître CHILSTEIN-NEUMANN et LEUPOLD, avocats à METZ
DÉFENDERESSE :
La Société Anonyme BNP PARIBAS
dont le siège social est sis [adresse], représentée par son représentant légal, représentée par Maître TABARY, avocat à METZ
II - COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Christophe SOULARD, Premier Vice-Président statuant à Juge Unique sans opposition des avocats
Greffier : Mme ARZ
Après audition le 20 novembre 2008 des avocats des parties.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] III - PROCÉDURE
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte signifié le 21 décembre 2005, Mme X. a assigné la société BNP PARIBAS devant le tribunal de céans.
Elle expose que, le 18 avril 2000, elle-même et son concubin, M. Y., ont souscrit auprès de cette banque un prêt de 900.000 francs destiné à financer l'acquisition d'un immeuble situé [adresse] à [ville S.] ; qu'à cette occasion ils ont souscrit un contrat d'affiliation au contrat d'assurance de groupe de BNP PARIBAS auprès de la société UAP ASSURANCES, garantissant le remboursement de l'emprunt en cas de décès ou d'invalidité de l'un des co-emprunteurs, ainsi qu'une assurance multi-risque habitation auprès de NATIO ASSURANCES ; qu'un incendie étant survenu dans leur immeuble, l'indemnité à verser en application du contrat multirisques habitation a été fixée à 274.002 euros ; qu'à la demande de la société BNP PARIBAS, NATIO ASSURANCES a versé directement à la banque une partie de cette indemnité, soit la somme de 120.884,12 euros, afin de solder le prêt.
Mme X. soutient qu'en agissant ainsi, la société BNP PARIBAS a manqué à ses obligations contractuelles puisque l'incendie de l'immeuble ne devait pas avoir pour effet de mettre fin à l'emprunt. Elle ajoute que cette faute commise par la défenderesse a causé un préjudice important à la demanderesse puisque 1) elle l'a privée de la possibilité de financer les travaux de remise en l'état de son immeuble et de percevoir ainsi les indemnités différées, versées sur la base des factures acquittées 2) M. Y. étant décédé le 23 avril 2005, la demanderesse a été privée de la possibilité de faire prendre en charge une partie du remboursement du prêt par l'assurance décès.
En conséquence, Mme X. demande la condamnation de la société BNP PARIBAS à lui payer les sommes suivantes :
- 120.884,12 euros perçue à tort ;
- 40.821,02 euros correspondant à la quote part du capital restant dû par M. Y. au jour de son décès ;
- 100.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral ;
- 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
le tout avec exécution provisoire.
Pour s'opposer à la demande, la société BNP PARIBAS fait valoir que :
[minute page 3] 1) le contrat de prêt prévoit que les sommes restant dues deviennent immédiatement exigibles en cas de destruction totale ou partielle des biens financés à l'aide du prêt
2) le prêt était assorti d'une sûreté hypothécaire de rang 1 au profit de l'organisme prêteur ; ce dernier était donc en droit, par application de l'article L. 121-13 du code des assurances, de se voir attribuer une partie de l'indemnité d'assurance habitation
3) Mme X. ayant elle-même perçu 113.902,53 euros au titre de l'indemnité d'assurance, elle pouvait procéder à des travaux de remise en état et percevoir ensuite l'indemnité différée sur présentation des factures.
La société BNP PARIBAS demande 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
En réponse, Mme X. soutient que :
1) par courrier du 3 juin 2005, la société BNP PARIBAS s'était engagée sur le principe d'une indemnisation de la demanderesse ;
2) le chapitre VII des conditions générales de l'offre de prêt stipule que l'exigibilité anticipée ne peut être prononcée que quinze jours après notification faite aux bénéficiaires ; or la société BNP PARIBAS n'a jamais prononcé la déchéance du terme du contrat de prêt du fait de la destruction partielle du bien financé.
La société BNP PARIBAS réplique qu'elle n'avait pas à prononcer la déchéance du terme, l'exigibilité de la créance étant immédiatement acquise en cas de destruction de l'immeuble.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions récapitulatives, en date respectivement du 28 avril 2008 (pour Mme X.) et du 27 novembre 2007 (pour la société BNP PARIBAS).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la responsabilité de la société BNP PARIBAS :
Sur la déchéance du terme :
L'article VII des conditions générales du contrat de prêt conclu entre les parties stipule que : [minute page 4] la totalité des sommes dues en principal, intérêts, frais et accessoires deviendra immédiatement exigible et aucune autre utilisation à l'avenir ne pourra être réclamée à la banque :
(...) b) si bon semble à la banque et cela, quinze jours après une notification faite aux bénéficiaires par lettre recommandée avec avis de réception, sans qu'il soit besoin d'aucune formalité judiciaire dans l'un des cas suivants :
(…) en cas de destruction totale ou partielle des biens financés à l'aide du prêt objet des présentes (…) ;
Contrairement à ce que soutient la société BNP PARIBAS, la destruction des biens financés par le prêt n'a pas pour effet immédiat et automatique de rendre exigibles les sommes restant dues puisqu'il incombe à l'établissement de crédit de décider s'il entend ou non prononcer cette déchéance et que les sommes ne deviennent exigibles que quinze jours après la notification, aux bénéficiaires, de la déchéance du terme.
Il n'est pas contesté qu'en l'espèce, cette notification n'a pas été faite. Dès lors c'est à tort que la société BNP PARIBAS a considéré que le solde du prêt était devenu immédiatement exigible.
Sur l'application de l'article L. 121-13 du code des assurances :
Aux termes de cet article, les indemnités dues par suite d'assurance contre l'incendie, contre la grêle, contre la mortalité du bétail, ou les autres risques, sont attribuées sans qu'il y ait besoin de délégation expresse, aux créanciers privilégiés ou hypothécaires, suivant leur rang.
Cet article ne peut s'appliquer qu'aux créances certaines, liquides et exigibles. Or, à la date à laquelle la société BNP PARIBAS s'est fait remettre directement une partie de l'indemnité d'assurance habitation en paiement du solde du prêt, celui-ci ne constituait pas une créance exigible puisque la déchéance du terme n'avait pas été prononcée.
En agissant comme elle l'a fait, la société BNP PARIBAS a donc commis une faute engageant sa responsabilité.
Sur le montant de l'indemnité :
La société BNP PARIBAS ayant prélevé à tort la somme de 120.884,12 euros sur l'indemnité due à Mme X., elle doit être condamnée à la reverser à cette dernière, étant précisé que la demanderesse reste redevable des échéances échues non encore réglées.
[minute page 5] Le contrat de prêt n'ayant pas été résilié, le contrat d'assurance décès est susceptible de s'appliquer. La société BNP PARIBAS ne conteste pas que la somme qui doit être versée à ce titre s'élève à 40.821,02 euros. Il convient de la condamner au paiement de cette somme.
Mme X. ne justifie pas que la faute de la société BNP PARIBAS lui a causé un préjudice distinct de celui qui sera réparé par l'allocation des sommes susvisées. Il convient donc de la débouter du surplus de sa demande.
Sur les demandes accessoires :
Aucun motif d'équité ne commande de dispenser la société BNP PARIBAS du paiement de l'indemnité que l'article 700 du code de procédure civile met à la charge de la partie qui succombe. Cette indemnité sera fixée à la somme de 2.000 euros.
Compte de l'ancienneté de l'affaire, il convient d'ordonner l'exécution provisoire.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort ;
CONDAMNE la société BNP PARIBAS à payer, à Mme X., la somme de 161.705,14 euros, avec intérêts au taux légal à compte de ce jour, ainsi que la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE Mme X. du surplus de sa demande ;
ORDONNE l'exécution provisoire ;
CONDAMNE la société BNP PARIBAS aux dépens.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 8 janvier 2009 par M. SOULARD, Premier Vice-Président, assisté de Mme ARZ, Greffier Divisionnaire.
- 6623 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Régime général - Obligations de l’emprunteur - Déchéance et résiliation - Nature des manquements
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