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CA METZ (ch. urg.), 24 novembre 2009

Nature : Décision
Titre : CA METZ (ch. urg.), 24 novembre 2009
Pays : France
Juridiction : Metz (CA), ch. urg.
Demande : 09/00873
Décision : 09/00949
Date : 24/11/2009
Nature de la décision : Infirmation
Date de la demande : 25/02/2009
Décision antérieure : TGI METZ (1re ch. civ.), 8 janvier 2009, CASS. CIV. 1re, 3 mars 2011
Numéro de la décision : 949
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2445

CA METZ (ch. urg.), 24 novembre 2009 : RG n° 09/00873 ; arrêt n° 09/00949

(sur pourvoi Cass. civ. 1re, 3 mars 2011 : pourvoi n°10-14205)

 

Extrait : « Par ailleurs Madame X., qui se borne à arguer du caractère abusif de la clause « d'exigibilité anticipée » au motif qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, ne fournit aucun élément de nature à caractériser un tel « déséquilibre significatif » entre les parties alors qu'une telle clause, si elle autorise le prêteur à se prévaloir ou non de l'exigibilité anticipée, subordonne l'exercice d'une telle faculté à la présence de circonstances objectives précises telles que la destruction du bien financé qui ont pour conséquence de diminuer voire d'anéantir pour cette partie les garanties liées à la consistance du bien financé et notamment de l'hypothèque dont le bien détruit était grevé. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE DES URGENCES

ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 09/00873. Arrêt n° 09/00949.

 

APPELANTE :

SA BNP PARIBAS

prise en la personne de son représentant légal représentée par Maître Agnès BIVER-PATE, avocat à la Cour

 

INTIMÉE :

Madame X.

représentée par la SCP ROZENEK ET MONCHAMPS, avocats à la Cour

 

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 6 octobre 2009 tenue par Monsieur LEBROU, Magistrat Rapporteur qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré pour l'arrêt être rendu le 24 Novembre 2009.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : PRÉSIDENT : M. LEBROU, Président de Chambre

ASSESSEURS : M. KNOLL, Conseiller ; Mme KNAFF, Conseiller

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Madame THEIS

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Selon acte notarié du 25 mai 2000, Monsieur Y. et Madame X. ont acquis une maison d'habitation avec meubles sise [...] au prix de 990.000 F. soit 150.924,53 euros financé par un prêt souscrit le 18 avril 2000 auprès de la BNP pour un montant de 900.000 F. Soit 137.204,11 euros remboursable par mensualités de 6.487,50 F. soit 989,01 euros du 25 juin 2000 au 25 décembre 2014 et garanti par une hypothèque de 1er rang, avec adhésion à l'assurance groupe auprès de l'UAP en cas de décès ou d'invalidité et assurance habitation auprès de NATIO-ASSURANCES.

Cette maison a été partiellement endommagée par un incendie survenu le 19 février 2004 et la BNP s'est fait directement attribuer par NATIO-ASSURANCES la somme de 120.884,12 euros en sa qualité de créancier hypothécaire afin de solder le prêt. Monsieur Y. est décédé le 23 avril 2005 par autolyse.

Le 21 décembre 2005, Madame X. a assigné la SA BNP Paribas devant le tribunal de grande instance de Metz à l'effet de la voir condamner au paiement des sommes de :

- 120.884,12 euros perçue à tort par la BNP,

- 40.821,02 euros correspondant à la quote-part du capital restant dû par Monsieur Y. au jour de son décès,

- 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

- 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

La BNP a résisté a cette demande en se prévalant de l'exigibilité immédiate du solde du prêt prévue en cas de destruction totale ou partielle des biens financés par le prêt et de son droit de se voir attribuer une partie de l'indemnité d'assurance en vertu de l’article L. 121-13 du Code des assurances.

Par jugement du 8 janvier 2009, le tribunal a condamné la société BNP Paribas à payer à Madame X. la somme de 161.705,14 euros avec les intérêts légaux ainsi que la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Pour statuer ainsi il a, au visa de l'article VII des conditions générales du contrat de prêt, considéré que la destruction du bien financé n'a pas pour effet immédiat et automatique de rendre exigibles les sommes restant dues car il incombe au prêteur de décider s'il entend ou non prononcer la déchéance et les sommes restant dues ne deviennent exigibles que quinze jours après la notification de la déchéance du terme aux bénéficiaires ce qui n'a pas été fait.

Le tribunal a ensuite relevé que l’article L. 121-13 du Code des assurances ne peut s'appliquer qu'aux créances certaines, liquides et exigibles et que tel n'était pas le cas en l'espèce puisque la déchéance du terme n'avait pas été prononcée de sorte que, en agissant comme elle l'a fait, la Banque a commis une faute engageant sa responsabilité.

Le tribunal a en conséquence estimé que la somme de 120.884,12 euros ayant été prélevée à tort par la BNP elle doit la reverser à Madame X. étant précisé que celle-ci reste redevable des échéances échues non encore réglées et il a retenu que, le contrat de prêt n'ayant pas été résilié, le contrat d'assurance décès est susceptible de s'appliquer ce qui justifie le paiement de la somme de 40.821,02 euros due à ce titre. Il a enfin relevé que Madame X. ne justifie pas que la faute de la BNP lui a causé un préjudice distinct de celui réparé par l'allocation de ces deux sommes pour rejeter le surplus de sa demande.

La société BNP Paribas a interjeté appel de ce jugement, le 25 février 2009, et elle conclut au rejet de l'appel incident, à l'infirmation du jugement, à l'irrecevabilité et au mal fondé des demandes de Madame X. et au débouté de cette dernière de ses demandes, subsidiairement qu'il soit dit et jugé que Madame X. devra reprendre le paiement des échéances du prêt, et à la condamnation de cette dernière aux dépens des deux instances et au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Madame X. conclut au rejet de l'appel et, sur appel incident, à la réformation du jugement entrepris, à la condamnation de la société BNP Paribas à lui payer la somme de 261.705,14 euros avec les intérêts légaux à compter du 7 octobre 2004 sur 120.884,12 euros et à compter du 21 décembre 2005 sur 140.821,02 euros, au besoin au rejet comme irrecevable de la prétention formée à titre subsidiaire par l'appelante et à la condamnation de cette dernière aux dépens et au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur ce,

Vu les dernières conclusions de la société BNP Paribas du 22 septembre 2009 et les conclusions de Madame X. du 27 avril 2009,

L'article VII des conditions générales du contrat de prêt stipule sous le titre « exigibilité anticipée » que :

« La totalité des sommes dues en principal, intérêts, frais et accessoires, deviendrait immédiatement exigible et aucune autre utilisation à l'avenir ne pourra être réclamée à la Banque :

a) (...)

b) si bon semble à la Banque et cela, quinze jours après une notification faite aux bénéficiaires par lettre recommandée avec avis de réception, sans qu'il soit besoin d'aucune formalité judiciaire dans l'un des cas suivants :

en cas de destruction totale ou partielle des biens financés à l'aide du prêt objet des présentes, à l'exclusion du prêt à 0 % pour lequel le bénéficiaire dispose, à compter de la date du sinistre, d'un délai de reconstruction maximal de quatre ans ; »

L'exigence de la notification par lettre recommandée avec accusé de réception instituée par cette clause a pour objet d'assurer l'information des destinataires quant à la décision de la Banque de se prévaloir de l'exigibilité immédiate du solde du prêt et à permettre de faire la preuve qu'une telle notification a eu lieu.

Or, en l'espèce, il résulte des courriers échangés entre le conseil de Monsieur Y. et Madame X. et la BNP que, en réponse à la demande du 15 juin 2004 de celui-là de se voit autoriser à percevoir l'indemnité d'assurance pour le compte de ses mandants, celle-ci lui a fait connaître son refus par lettre du 5 août 2004 au motif qu'il lui restait dû la somme de 120.884,12 euros en capital, outre les intérêts, de sorte que l'indemnité d'assurance devait lui être versée en apurement de sa créance ce à quoi l'avocat des consorts Y.-X. ne s'est pas opposé ainsi qu'il s'évince de la lettre qu'il a adressé le 25 août 2004 à la compagnie AXA Assurances chargée du règlement de l'indemnité et de la transmission du chèque de 120.884,12 euros daté du 7 octobre 2004 que lui a envoyé cet assureur qu'il a effectuée à destination de la BNP désignée comme bénéficiaire de ce chèque.

Il suit de là que la BNP s'est prévalue de manière explicite, par son courrier du 5 août 2004, du bénéfice de la clause d'exigibilité immédiate du solde du prêt en raison de la destruction partielle de la maison financée par le prêt consenti aux consorts Y.-X. du fait de l'incendie survenu le 19 février 2004 et que ces derniers ont été informés de cette décision par cette lettre du 5 août 2004 sans émettre la moindre protestation tant sur la déchéance du terme que sur le versement de l'indemnité réparatrice à la BNP de sorte qu'il doit être considéré que les conditions de l'application de l'article VII des conditions générales du prêt étaient réunies et que les exigences prévues par cette clause n'ont pas été méconnues par la BNP.

Par ailleurs Madame X., qui se borne à arguer du caractère abusif de la clause « d'exigibilité anticipée » au motif qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, ne fournit aucun élément de nature à caractériser un tel « déséquilibre significatif » entre les parties alors qu'une telle clause, si elle autorise le prêteur à se prévaloir ou non de l'exigibilité anticipée, subordonne l'exercice d'une telle faculté à la présence de circonstances objectives précises telles que la destruction du bien financé qui ont pour conséquence de diminuer voire d'anéantir pour cette partie les garanties liées à la consistance du bien financé et notamment de l'hypothèque dont le bien détruit était grevé.

En conséquence, la BNP est bien fondée à se prévaloir des dispositions de l’article L. 121-13 du Code des assurances et sa responsabilité pour faute ne peut donc pas être retenue pour avoir revendiqué le versement de l'indemnité d'assurance dans les conditions et circonstances ci-dessus évoquées.

De plus, le contrat de prêt ayant été résilié par la BNP, le contrat d'assurance décès souscrit par les emprunteurs n'a pas lieu de s'appliquer de sorte que Madame X. n'est pas fondée à réclamer le paiement de la somme correspondante de 40.821,02 euros à la BNP.

Enfin, la BNP n'ayant commis aucune faute engageant sa responsabilité, la demande de dommages et intérêts de Madame X. doit également être rejetée.

En définitive il y a lieu, en rejetant l'appel incident de Madame X., d'infirmer le jugement entrepris, de débouter Madame X. de ses demandes et de la condamner aux dépens des deux instances.

En revanche l'équité s'oppose à sa condamnation sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Déclare l'appel principal recevable et fondé,

Rejette l'appel incident,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau :

Déboute Madame X. de ses demandes,

Condamne Madame X. aux dépens de première instance et d'appel,

Rejette la demande de la SA BNP Paribas fondée sur l’article 700 du Code de Procédure Civile.