TI PONT-L’ÉVÊQUE, 12 mai 2005
CERCLAB - DOCUMENT N° 4145
TI PONT-L’ÉVÊQUE, 12 mai 2005 : RG n° 11-04-548
(sur appel CA Caen (1re ch. sect. civ.), 3 mai 2007 : RG n° 05/02689)
Extrait : « Qu'en l'espèce, les relevés de compte, versés au débat par la SA FINAREF et contenant seulement la mention renouvellement du contrat, restent taisant quant au contenu de l'information donnée à l'emprunteur, ce qui ne permet pas de s'assurer de leur conformité aux exigences légales ; Qu'en effet, cette mention dépourvue de toute indication concrète ne permet pas à l'emprunteur de prendre en connaissance de cause la décision de poursuivre le contrat ou d'y mettre fin, au vu du taux d'intérêt pratiqué, des modalités de remboursement qui lui incomberaient, s'il poursuivait ou s'il résiliait le contrat ; Que force est de constater que la SA. FINAREF ne rapporte pas en l'espèce la preuve qui lui incombe d'avoir informé Madame X. de la poursuite éventuelle du contrat, des conditions de reconduction, et de leur possibilité d'y mettre fin ».
TRIBUNAL D’INSTANCE DE PONT-L’ÉVÊQUE
JUGEMENT DU 12 MAI 1005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-04-548.
DEMANDERESSE :
La SA FINAREF
siège social [adresse], agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration, domicilié en cette qualité audit siège. DEMANDERESSE à l'injonction de payer, DÉFENDERESSE à l'opposition. Représentée par Maître GUESDON, Avocat au Barreau de CAEN. D'UNE PART,
DÉFENDERESSE :
Mademoiselle X.
demeurant [adresse]. DÉFENDERESSE à l'injonction de payer et OPPOSANTE. Bénéficiaire de l'Aide Juridictionnelle partielle Décision du 31 janvier 2005 N° BAJ : XXX. Représentée par Maître STRATONOVITCH, Avocat au Barreau de CAEN. D'AUTRE PART,
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Juge devant qui l'affaire a été débattue : Philippe BELLOIR
Greffier : Francine IACUZZI
DÉBATS : Après avoir entendu à notre audience publique du 7 avril 2005, les avocats des parties en leurs plaidoiries, L'affaire a été mise en délibéré, Et ce jour, 12 mai 2005, après en avoir délibéré conformément à la Loi, Le jugement suivant a été rendu par mise à disposition au greffe :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE
Par lettre recommandée en date du 18 novembre 2004, Madame X., par l'intermédiaire de son Conseil, a formé opposition à une ordonnance rendue le 21 février 2002, signifiée le 12 mars 2002, lui enjoignant de payer à la SA FINAREF la somme principale de 5.434,98 euros avec intérêts au taux contractuel de 17,46 % à compter du 18 septembre 2001.
Par conclusions signées du 21 janvier 2005, reprises à l'audience, la SA FINAREF entend obtenir la condamnation de Madame X. au paiement des sommes suivantes, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
* 7.920,39 euros en principal avec intérêts au taux contractuel de 18,93 % l'an à compter du 29 novembre 2004 jusqu'à parfait paiement ;
* 350 euros en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;
* aux entiers dépens du jugement et de l'injonction de payer.
En réplique, Madame X. expose que la demande est forclose, le premier incident de paiement datant du 10 mai 1999. Ensuite, elle invoque l'irrégularité de l'offre préalable de crédit, notamment l'absence de renouvellement annuel du contrat, entraînant la déchéance du droit aux intérêts. Enfin, elle sollicite des délais de paiement.
Et en application de l'article 455 du Nouveau code de procédure civile, il convient de se référer aux explications des parties figurant dans leurs conclusions reprises oralement et remises à l'audience.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'opposition
L'opposition formée, par Madame X. dans les formes et dans le délai prévus par les dispositions de l'article 1415 et 1416 du Nouveau code de procédure civile sera déclarée recevable ;
Sur la forclusion
Attendu que, selon l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978 « relative à l'information et à la protection des consommateurs dans le domaine de certaines opérations de crédit », devenu l'article L. 311-37 du Code de la consommation, les actions engagées devant le tribunal d'instance doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion ;
[minute page 3] Attendu que la Cour de Cassation a défini depuis le 9 décembre 1986 le point de départ de ce délai comme étant la date de la première échéance impayée ; qu'elle a par la suite précisé qu'il s'agissait du premier incident de paiement non régularisé (Civ. 1ère, 15 février 2000, Bull. civ. n° 130 à 133) ;
Attendu que cette règle, inscrite dans une loi d'ordre public, doit s'appliquer à toutes les formes de crédit, y compris à celle qui est la plus dangereuse pour l'emprunteur, et qui est de plus en plus utilisée, l'ouverture de crédit consentie sous forme d'un découvert en compte reconstituable ;
Que l'on comprendrait mal, en effet, que le législateur n'ait entendu protéger que les emprunteurs qui courent le moins de risques ;
Attendu que l'ouverture de crédit sous forme de découvert en compte reconstituable est la plus dangereuse pour l'emprunteur en raison des facilités de son octroi, de la modestie des versements initiaux mais surtout de l'impossibilité pour l'emprunteur de connaître à tout moment le montant de sa dette, qui varie constamment et qui ne peut être déterminée qu'après mise en œuvre de formules inaccessibles au consommateur moyen ;
Attendu qu'en l'espèce, l'examen de l'historique du compte démontre que, s'il est vrai que des incidents de paiements sont survenus au mois de mai 1999, ceux-ci ont été intégralement régularisés ;
Que par application de la règle d'imputation des paiements ultérieurs, la date du premier incident de paiement non régularisé doit être fixé au mois de septembre 2000 ;
Attendu que l'injonction de payer a été reçue au greffe le 20 février 2002, le délai de forclusion de deux ans n'était pas accompli ;
Qu'il y a donc lieu de déclarer l’action recevable.
Sur le renouvellement du crédit en harmonie avec l'article L. 311-9 du Code de la consommation
Attendu qu'aux termes de l'article L. 311-33 du Code de la consommation, le prêteur qui ne saisit pas l'emprunteur ou la caution d'une offre conforme aux dispositions d'ordre public des articles L. 311-8 à L. 311-13 du Code de la consommation est déchu du droit aux intérêts ;
Attendu que selon l'article L. 311-9 alinéa 2 du Code de la consommation, la durée d'une ouverture de crédit est limitée à un an, et, trois mois avant le terme, le prêteur doit faire connaître à l'emprunteur les conditions de renouvellement du contrat initial ;
[minute page 4] Attendu que la Cour de Cassation, dans un avis du 4 octobre 1996, a indiqué que la méconnaissance par le prêteur de son obligation d'information est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts sur les sommes prêtées en exécution du contrat renouvelé ;
Attendu qu'aux termes de l'article 1315 du Code civil, le débiteur d'une obligation, de quelque nature qu'elle soit, doit rapporter la preuve de sa libération ; que la bonne foi, laquelle est effectivement toujours présumée, n'a aucune incidence sur les règles d'administration de la preuve, un débiteur, qu'il s'agisse d'une obligation de faire ou de payer, bénéficiant toujours de cette présomption de bonne foi ; que cependant cette présomption n'a pas pour effet de renverser la charge de la preuve de sa libération ;
Que les parties ne peuvent pas déroger aux dispositions d'ordre public de l'article L. 311-9 du Code de la consommation, qui font exception aux exigences des articles L. 311-8 et suivants du Code de la consommation, qui imposent pour tout crédit ou modification de crédit la remise à l'emprunteur d'une offre préalable ;
Que les dispositions relatives à l'information du prêteur sur les conditions de renouvellement du contrat ont manifestement pour objet d'appeler l'attention de l'emprunteur sur les conditions du contrat reconduit de sorte que son consentement à la reconduction soit suffisamment éclairé et donné en connaissance de cause ;
Qu'un tel objet ne peut être rempli que par l'exigence d'un rappel exprès des conditions essentielles du contrat reconduit ;
Que la SA FINAREF, en tant que professionnelle des opérations de crédit, est tenue à un devoir de conseil et d'information envers son cocontractant profane ; qu'il lui appartient donc de faire la preuve qui lui incombe qu'elle a informé l'emprunteur, par écrit et de manière complète et explicite au sujet des conditions de reconduction de son contrat, lesquelles concernent aussi bien la durée, que le montant, le taux du crédit et les modalités de remboursement ;
Que si aucun formalisme n'est prévu et que la preuve est libre, celle-ci pouvant se faire notamment par l'envoi d'une lettre simple ou d'une lettre recommandée (avec ou sans accusé de réception), l'article 1315 du Code civil met néanmoins à la charge du prêteur de rapporter la preuve de la réalité de cette information laquelle conditionne la tacite reconduction ;
Que le prêteur, qui n'est pas juge de l'opportunité d'une loi, doit adapter son comportement de telle sorte qu'il soit compatible avec des exigences légales ;
Qu'en l'espèce, les relevés de compte, versés au débat par la SA FINAREF et contenant seulement la mention renouvellement du contrat, restent taisant quant au [minute page 5] contenu de l'information donnée à l'emprunteur, ce qui ne permet pas de s'assurer de leur conformité aux exigences légales ;
Qu'en effet, cette mention dépourvue de toute indication concrète ne permet pas à l'emprunteur de prendre en connaissance de cause la décision de poursuivre le contrat ou d'y mettre fin, au vu du taux d'intérêt pratiqué, des modalités de remboursement qui lui incomberaient, s'il poursuivait ou s'il résiliait le contrat ;
Que force est de constater que la SA. FINAREF ne rapporte pas en l'espèce la preuve qui lui incombe d'avoir informé Madame X. de la poursuite éventuelle du contrat, des conditions de reconduction, et de leur possibilité d'y mettre fin ;
Que cette seule mention sur le relevé de compte ne peut constituer une présomption suffisante de ce que la SA FINAREF a rempli son obligation d'information à l'égard de Madame X. ;
Attendu de surcroît, que le manquement reproché, soit l'absence d'envoi trois mois avant chaque terme annuel du contrat des conditions de renouvellement de l'offre de crédit, en violation de l'article L. 311-9 alinéa 2 du Code de la consommation, est une infraction pénale conformément à l'article L. 311-34 du Code de la consommation ;
Que la SA FINAREF qui est un prêteur professionnel et qui ne peut donc ignorer cette législation qui existe depuis 1978 n'a pu que commettre cette illégalité volontairement ;
Qu'il s'agit d'une fraude à la loi ;
Que la SA FINAREF, auteur de cette fraude à la loi ne peut pas, conformément à la théorie générale de la fraude à la loi, se prévaloir de la régularité de son offre préalable à l'égard des emprunteurs qui sont eux de bonne foi ;
Qu'en conséquence, les moyens de preuve fournis ne permettent pas de démontrer que l'emprunteur a bien été destinataire d'une information écrite personnelle, complète et explicite, répondant aux exigences de cet article L. 311-9 alinéa 2 du Code de la consommation ;
Que dès lors la déchéance du droit aux intérêts est encourue, à compter du terme annuel, c'est à dire à compter du 8 septembre 1998, étant rappelé que les intérêts conventionnels courus pendant la première année restent dus ;
Sur le montant de la créance
Attendu que la déchéance du droit aux intérêts, qui est destinée à assurer le respect des règles protectrices instaurées par les articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation, en faveur de l'ensemble des consommateurs n'est absolument pas [minute page 6] subordonnée à l'existence d'un préjudice quelconque ou d'un grief pour l'emprunteur (CA Paris, 27 octobre 1987, D. 87. IR. 249) ;
Qu'il s'ensuit que, conformément à l'article L. 311-33 du Code de la consommation, le débiteur n'est tenu qu'au remboursement du seul capital restant dû, après déduction des intérêts réglés à tort (Cass avis, 8 octobre 1993, D 1993. IR. n° 48 ; Civ 1ère, 30 mars 1994, D. 94. IR. p. 101) ;
Que cette limitation légale de la créance du prêteur exclut qu'il puisse prétendre au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 311-30 du Code de la consommation et l'article D. 311-11 du Code de la consommation ;
Qu'il convient en conséquence de condamner Madame X. à payer à la SA FINAREF la somme de 5.807,37 euros sous déduction des intérêts contractuels appliqués à compter du 8 septembre 1998 et avec intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2004 date de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer exécutoire ;
Sur la demande de délais de paiement
Attendu que l'article 1244-1 du code civil permet d'accorder au débiteur impécunieux des délais de paiement qui empruntent leurs mesures aux circonstances sans pouvoir excéder deux ans ;
Qu'en l'espèce, le débiteur justifie être dans une situation financière précaire ;
Que compte tenu de sa solvabilité réduite, il paraît conforme tant à son intérêt qu'à celui du créancier de faire droit à sa demande de délai de paiement et de l'autoriser, conformément aux dispositions de l'article 1244-1 du Code Civil et suivant les modalités fixées au dispositif, à se libérer de sa dette par paiements échelonnés, de façon à limiter les frais d'exécution susceptibles d'aggraver la dette sans contrepartie pour le créancier ;
Sur les autres demandes
Attendu que l'octroi de délais justifie que soit ordonnée l'exécution provisoire de la présente décision ;
Attendu qu'aucune considération tirée de l'équité ou de la situation économique des parties ne justifie l'application de l'article 700 Nouveau code de procédure civile ;
Attendu que la partie succombante doit supporter les dépens de l'instance et de la procédure d'injonction de payer ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 7] PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition du jugement au greffe du tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau code de procédure civile ;
DÉCLARE Madame X. recevable en son opposition ;
MET A NÉANT l'ordonnance du 21 février 2002 ;
Et statuant à nouveau
DÉCLARE la SA FINAREF recevable en son action ;
PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts de l'offre de crédit consentie le 8 septembre 1997 à Madame X. à compter du 8 septembre 1998 ;
CONDAMNE Madame X. à payer à la SA FINAREF la somme de CINQ MILLE HUIT CENT SEPT EUROS ET TRENTE SEPT CENTIMES (5.807,37 euros) sous déduction des intérêts contractuels appliqués à compter du 08 septembre 1998, et avec intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2004 date de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer exécutoire ;
DIT que Madame X. pourra payer sa dette en 23 mensualités de CINQUANTE EUROS (50 euros) chacune et une 24ème égale au solde, en principal, intérêts et frais ;
DIT que la première échéance devra être réglée avant le 5 du mois suivant la signification de la présente décision et les autres avant le 5 des mois suivants ;
RAPPELLE que conformément à l'article 1244-2 du code civil, la présente décision suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier et que les majorations d'intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d'être dues pendant le délai fixé par la présente décision ;
DIT qu'à défaut de paiement d'une seule de ces mensualités à son échéance, la totalité de la créance redeviendra immédiatement exigible et les intérêts de retard suspendus reprendront leur cours ;
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions ;
ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision ;
[minute page 8] DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame X. à régler les dépens de l'instance et de la procédure d'injonction de payer ;
Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an susdits ;
Le présent jugement a été signé par M. BELLOIR, Président et par Mme. IACUZZI, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT