CA METZ (3e ch.), 10 janvier 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4170
CA METZ (3e ch.), 10 janvier 2013 : RG n° 11/02820 ; arrêt n° 13/00009
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Que néanmoins, d'une part, aucune disposition légale n'impose que le bordereau de rétractation dont l'usage est exclusivement réservé à l'emprunteur, figure aussi sur l'exemplaire de l'offre destinée à être conservée par le prêteur, la formalité du double s'appliquant uniquement à l'offre préalable elle-même et non au formulaire détachable de rétractation ou à la notice d'assurance qui y sont jointes ;
Que d'autre part, l'exemplaire de l'offre conservée par le prêteur mentionne que Monsieur X. et Madame Y., co-empruntrice, ont expressément reconnu, en signant l'offre préalable, rester en possession d'un exemplaire de cette offre doté d'un formulaire de rétractation et ont porté leur signature au bas de ces mentions ; Qu'en outre en leur article I-1-2-a, les conditions générales de l'offre précisent les modalités de rétractation « au moyen du formulaire détachable ci-joint » ; Que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE rapporte donc la preuve suffisante de ce qu'elle a satisfait aux prescriptions édictées par l'ancien article L. 311-15 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 ; Que le premier juge a donc à tort retenu une irrégularité de l'offre de prêt au regard de ces dispositions ».
2/ « Attendu qu'en revanche, l'offre préalable contient des clauses relatives aux modalités de remboursement anticipé du prêt par les emprunteurs et à la faculté de résiliation du contrat par le prêteur en cas d'inexactitude des renseignements fournis par les emprunteurs ; Que ces clauses ne sont pas prévues par le modèle type n° 3 applicable aux prêts personnels ; Que ces clauses ont pour effet d'aggraver la situation des emprunteurs par rapport à ce que prévoit le modèle type qui doit être établi en application de l’article L. 311-13 et R. 311-6 du Code de la consommation ; Que la sanction tirée de la déchéance du droit aux intérêts prévue à l'article L. 311-33 ancien du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, doit donc être appliquée à l'encontre du prêteur ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 10 JANVIER 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° AII N° 11/02820. Arrêt n° 13/00009. Jugement Au fond, origine Tribunal d'Instance de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 23 juin 2011, enregistrée sous le R.G. n° 11-10-125.
APPELANT :
Monsieur X.
Représenté par Maître Laure B.-M., avocat au Barreau de METZ
INTIMÉES :
Madame Y. épouse X.
Représentée par Maître Agnès B.-P., avocat au Barreau de METZ (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)
SA BNP PARISBAS PERSONAL FINANCE BNP PARISBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société CETELEM
Représenté par Maître E., avocat au Barreau de METZ
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Madame HAEGEL, Président de Chambre
ASSESSEURS : Madame PURY, Conseiller, Monsieur KNOLL, Conseiller
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Monsieur VALSECCHI
DATE DES DÉBATS : Audience publique du 18 octobre 2012.
L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 20 décembre 2012, à cette date elle a été prorogé au 10 janvier 2013.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE ;
Par acte sous seing privé en date du 12 février 2003, la SA CETELEM a accordé à M. X. et Mme Y. un prêt d'un montant de 6.279 euros pour une durée de 6 ans au taux de 10,30 % et remboursable en 72 mensualités de 117,26 euros.
Le 2 juillet 2003, M. X. et Mme Y. ont bénéficié d'un plan conventionnel de surendettement. Le 10 février 2006, un second plan conventionnel a prévu deux nouveaux moratoires de 24 et 18 mois et un troisième plan en date du 31 mai 2008 a prévu, après un moratoire de 13 mois, un échelonnement du remboursement de la créance de la SA CETELEM en 106 mensualités de 66,53 euros.
Par acte en date du 11 mars 2010, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la société CETELEM, a fait assigner Monsieur X. et Madame Y. devant le tribunal d'instance de SARREGUEMINES afin d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, leur condamnation solidaire au paiement des sommes suivantes ;
- 6.649,49 euros, avec intérêts au taux contractuel de 10,80 % à compter du 1er juin 2009, au titre du prêt ;
- 515,14 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation au titre de l'indemnité sur le capital ;
- 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
A l'appui de sa demande, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a fait valoir que les mensualités prévues au plan de surendettement sont impayées depuis le mois de juillet 2009.
Madame Y. n'a pas contesté le principe ni le montant de la créance. Elle a précisé qu'elle ne perçoit actuellement aucunes ressources et qu'elle ne peut faire aucune proposition réelle d'apurement de la dette.
Par mention au dossier, le Tribunal a invité la demanderesse à s'expliquer sur la régularité de l'offre de crédit.
En réponse à cette demande, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a expliqué qu'elle ne peut produire un exemplaire de l'offre doté d'un formulaire détachable de rétractation puisque celui-ci est uniquement joint à l'exemplaire remis à l'emprunteur. Elle a ajouté que l'utilisation du formulaire n'est pas indispensable pour l'exercice de la faculté de rétractation. Elle a considéré enfin que les clauses relatives au remboursement anticipé et à la résiliation du contrat ne sont pas abusives et que la déchéance du droit aux intérêts n'est pas encourue à ce titre.
Par jugement rendu le 23 juin 2011, le tribunal d'instance de SARREGUEMINES a :
- condamné conjointement M. X. et Mme Y. à payer à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 5.868,75 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2010, au titre du prêt,
- rejeté les demandes de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE pour le surplus,
- dit n'y avoir lieu d'ordonner 1'exécution provisoire du présent jugement,
- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
- condamné M. X. et Mme Y. aux dépens ;
Par déclaration du 8 septembre 2011, Monsieur X. a interjeté appel de ce jugement ;
En l'état de ses dernières conclusions déposées le 7 février 2012, il demande à la Cour de :
- ordonner l'interruption de la procédure concernant Monsieur X. en raison de la liquidation judiciaire de celui-ci intervenue par arrêt du 6 décembre 2011,
- statuer ce que de droit sur l'appel incident de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à l'encontre de Madame Y.,
- statuer ce que de droit sur les dépens ;
En l'état de ses dernières conclusions déposées le 2 février 2012, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE qui a formé appel incident demande à la Cour de :
- confirmer partiellement le jugement entrepris,
Y ajoutant,
- condamner Madame Y. à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la société CETELEM, la somme de 6.649,49 euros avec intérêts au taux contractuel de 10,80 % l'an à compter du mois de juin 2009,
- condamner Madame Y. à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la société CETELEM, la somme de 515,14 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'assignation,
- condamner Madame Y. à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la société CETELEM, la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
- condamner Madame Y. aux entiers dépens de la procédure ;
Elle soutient qu'elle ne peut produire un exemplaire de l'offre doté d'un formulaire détachable de rétractation puisque celui-ci est uniquement joint à l'exemplaire remis à l'emprunteur. Elle a ajouté que l'utilisation du formulaire n'est pas indispensable pour l'exercice de la faculté de rétractation.
S'agissant du formalisme de l'offre, elle fait valoir que l'irrégularité retenue par le premier juge n'est pas constitutive d'une clause abusive et de plus, la sanction de la déchéance du droit aux intérêts n'est pas expressément prévue par l’article L. 311-33 du Code de la consommation ;
En l'état de ses dernières écritures déposées le 18 juin 2012, Madame Y. conclut au débouté de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE en son appel incident, à la confirmation du jugement, ainsi qu'à la condamnation de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux entiers dépens ;
Elle oppose que l'offre de crédit n'étant pas munie d'un formulaire détachable de rétractation et que cette irrégularité doit être sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts et prive la banque de se prévaloir de l'indemnité contractuelle ;
Elle explique enfin n'avoir ni emploi ni revenu et être insolvable ;
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 juin 2012 ;
* * *
Vu les dernières conclusions sus-mentionnées des parties, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, en application des articles 455 et 954 du Code de procédure civile ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur les demandes en paiement dirigées contre Monsieur X. ;
Attendu qu'aux termes de l’article 369 du Code de Procédure Civile, l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce le redressement ou la liquidation judiciaires dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur ;
Qu'il y a donc lieu de faire application du texte susvisé, Monsieur X. étant dessaisi de l'administration de ses biens en vertu de l'arrêt de la Cour d'appel de METZ en date du 6 décembre 2011 ordonnant l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à son bénéfice ;
Sur les demandes en paiement dirigées contre Madame Y. ;
Attendu que les pièces versées aux débats, notamment l'offre préalable, le tableau d'amortissement, le décompte en date du 18 décembre 2009 et l'historique des paiements, établissent que la créance de la demanderesse correspondant au montant du capital emprunté, après déduction de l'ensemble des sommes versées par M. X. et Mme Y. en remboursement du prêt, s'élève à la somme de 5.868,75 euros ;
Attendu que, s'agissant des sommes dues au titre des intérêts, le jugement entrepris a déchu la banque du droit aux intérêts au motif que l'offre de prêt était irrégulière ;
Attendu que l’article L. 311-15 du Code de la consommation dispose que l'emprunteur peut, dans un délai de sept jours à compter de son acceptation de l'offre, revenir sur son engagement et que pour permettre l'exercice de cette faculté de rétractation, un formulaire détachable est joint à l'offre préalable ;
Que l’article R. 311-7 du Code de la consommation ajoute que le formulaire détachable de rétractation prévu à l'article L. 311-15 est établi conformément au modèle type et ne peut comporter au verso aucune mention autre que le nom et l'adresse du prêteur ;
Qu'en l’espèce, l'exemplaire du contrat de prêt du 12 février 2003 produit par la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ne comporte pas de bordereau détachable de rétractation ;
Que néanmoins, d'une part, aucune disposition légale n'impose que le bordereau de rétractation dont l'usage est exclusivement réservé à l'emprunteur, figure aussi sur l'exemplaire de l'offre destinée à être conservée par le prêteur, la formalité du double s'appliquant uniquement à l'offre préalable elle-même et non au formulaire détachable de rétractation ou à la notice d'assurance qui y sont jointes ;
Que d'autre part, l'exemplaire de l'offre conservée par le prêteur mentionne que Monsieur X. et Madame Y., co-empruntrice, ont expressément reconnu, en signant l'offre préalable, rester en possession d'un exemplaire de cette offre doté d'un formulaire de rétractation et ont porté leur signature au bas de ces mentions ;
Qu'en outre en leur article I-1-2-a, les conditions générales de l'offre précisent les modalités de rétractation « au moyen du formulaire détachable ci-joint » ;
Que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE rapporte donc la preuve suffisante de ce qu'elle a satisfait aux prescriptions édictées par l'ancien article L. 311-15 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 ;
Que le premier juge a donc à tort retenu une irrégularité de l'offre de prêt au regard de ces dispositions ;
Attendu qu'en revanche, l'offre préalable contient des clauses relatives aux modalités de remboursement anticipé du prêt par les emprunteurs et à la faculté de résiliation du contrat par le prêteur en cas d'inexactitude des renseignements fournis par les emprunteurs ;
Que ces clauses ne sont pas prévues par le modèle type n° 3 applicable aux prêts personnels ;
Que ces clauses ont pour effet d'aggraver la situation des emprunteurs par rapport à ce que prévoit le modèle type qui doit être établi en application de l’article L. 311-13 et R. 311-6 du Code de la consommation ;
Que la sanction tirée de la déchéance du droit aux intérêts prévue à l'article L. 311-33 ancien du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, doit donc être appliquée à l'encontre du prêteur ;
Qu'en effet et contrairement à ce que soutient la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, l’article L. 311-33 précité indique expressément s'appliquer au prêteur qui accorde un crédit sans satisfaire aux conditions fixées aux articles L. 311-8 à L. 311-13 du Code de la consommation ;
Attendu qu'enfin, c'est par des motifs pertinents et exempts d'insuffisance, que la Cour adopte expressément, que le premier juge a débouté la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de sa demande au titre de l'indemnité contractuelle ;
Attendu que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné Madame Y. à payer à cette banque la somme de 5.868,75 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation signifiée le 11 mars 2010 et a débouté la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE du surplus de ses demandes ;
Sur les dépens :
Attendu que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, partie succombante en cause d'appel, devra supporter les dépens exposés à hauteur de Cour dans l'instance l'opposant à Madame Y., conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile ;
Sur les frais irrépétibles :
Attendu que pour des motifs tirés de l'équité, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE doit être déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,
Constate l'interruption de l'instance à l'égard de Monsieur X.,
Confirme le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux demandes de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à l'encontre de Madame Y.,
Y ajoutant,
Déboute la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure Civile,
Condamne la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux dépens de la procédure d'appel l'opposant à Madame Y. et dit que ces dépens seront recouvrés en conformité avec la loi sur l'aide juridictionnelle.
Le présent arrêt été rendu par mise disposition publique au greffe le 10 janvier 2013, par Madame HAEGEL, Présidente de Chambre, assistée de Monsieur VALSECCHI, Greffier, et signé par eux
Le Greffier Le Président
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