CA POITIERS (1re ch. civ.), 11 janvier 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4171
CA POITIERS (1re ch. civ.), 11 janvier 2013 : RG n° 11/04358
Publication : Jurica
Extrait : « Le GAEC DE LA V. invoque l'existence d'un abus de position dominante de la part de la Société GEA FARM TECHNOLOGIES FRANCE. Cependant, il procède par voie d'affirmation. En effet il ne démontre pas l'impossibilité pour lui de faire intervenir une autre entreprise pour la maintenance de son robot de traite. De même il ne rapporte pas la preuve d'un usage abusif de la position dominante de la Société GEA FARM TECHNOLOGIES FRANCE sur le marché de la maintenance des robots de traite notamment par la pratique de prix d'intervention prohibitifs.
En l'absence de la preuve d'un abus de position dominante ou de pratiques anti-commerciales de la part de la Société GEA FARM TECHNOLOGIES FRANCE ou encore en l'absence de la démonstration d'une dépendance économique du GAEC DE LA V. à l'égard de celle-ci, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné le GAEC DE LA V. à verser à la Société GEA FARM TECHNOLOGIES FRANCE la somme de 38.675,47 euros avec intérêts au taux contractuel à compter du 20 octobre 2010 et en ce qu'il a débouté le GAEC DE LA V. de sa demande en dommages et intérêts. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 11 JANVIER 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/04358. Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 19 juillet 2011 rendu par le Tribunal de Grande Instance de SAINTES.
APPELANTE :
GAEC GROUPEMENT AGRICOLE D'EXPLOITATION EN COMMUN DE LA V.
représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège, ayant pour avocat postulant la SCP MUSEREAU François MAZAUDON Bruno PROVOST-CUIF Stéphanie, avocats au barreau de POITIERS, ayant pour avocat plaidant Maître Valérie BURGAUD de la SELAFA FIDAL, avocats au barreau de LA ROCHE-SUR-YON,
INTIMÉE :
SAS GEA FARM TECHNOLOGIES FRANCE venant aux droits de la société GEA WESFALIASURGE FRANCE
représentée par ses Président et Directeur Général domiciliés en cette qualité audit siège, ayant pour avocat postulant la SCP TAPON Eric MICHOT Yann, avocats au barreau de POITIERS, ayant pour avocat plaidant la SELARL PAYET FILLOUX DI MARTINO HENNEMANN, avocats au barreau de SAINTES,
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 22 octobre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Colette MARTIN-PIGALLE, Président, Madame Marie-Jeanne CONTAL, Conseiller, Madame Danielle SALDUCCI, Conseiller, qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Pascale BERNARD,
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, - Signé par Madame Colette MARTIN-PIGALLE, Président et par Madame Pascale BERNARD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Le GAEC DE LA V. a acquis le 5 septembre 1999, auprès de la société AMS, un robot de traite pour un prix de 1.650.000 Francs HT (soit 251.540,87 euros HT).
Lors de l'achat de ce robot par le GAEC DE LA V., un contrat de maintenance pluriannuel a été signé avec le vendeur AMS, prévoyant une tarification forfaitaire pour les opérations de maintenance préventive. Les pièces et consommables nécessaires à la maintenance curative du robot étaient facturés en plus du forfait, en fonction d'une grille tarifaire annuelle négociée avec les exploitants, qui avaient en outre obtenu l'engagement d'être dépannés dans les plus brefs délais.
La société AMS ayant cessé son activité, celle-ci fut reprise par plusieurs sociétés dont la Société WESFALIA aux droits desquels vient la Société GEA FARM TECHNOLOGIES FRANCE.
La Société WESFALIA a proposé au GAEC DE LA V. un contrat de maintenance en novembre 2008 qui n'a pas été signé par le GAEC.
La Société WESFALIA a cependant continué d'assurer la maintenance du robot de traite et le remplacement des pièces détachées et de consommables.
Le GAEC constatant que les pannes du robot se multipliaient et que le coût des interventions de la Société WESFALIA augmentait dans des proportions importantes, s'est équipé d'un robot d'une autre marque.
La Société WESFALIA a fait assigner le GAEC DE LA V. devant le Tribunal de Grande Instance de SAINTES pour obtenir le paiement d'une somme de 38.675,47 euros en principal augmenté des intérêts au taux légal majoré de 10 points à compter du 15 septembre 2010 correspondant à des factures impayées outre une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Par jugement du 19 juillet 2011, le Tribunal de Grande Instance de SAINTES a condamné le GAEC LA V. à verser 38.675,47 euros avec intérêts contractuels à compter du 20 octobre 2010 outre 1.500 euros d'indemnité au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
LA COUR
Vu l'appel de ce jugement interjeté par le GAEC DE LA V. ;
Vu les conclusions du GAEC DE LA V. du 3 octobre 2012 aux termes desquelles il demande à la Cour de :
- réformer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Saintes le 19 juillet 2011
Vu les articles L. 420-2 et L. 442-6 du code de commerce et 1382 du code civil,
- a titre liminaire
- voir désigner un expert judiciaire tel qu'il plaira à la Cour de le désigner, aux fins de se déplacer sur les lieux de l'exploitation et d'analyser le bien fondé et l'efficacité des interventions de la société GEA WESFALIA auprès du GAEC DE LA V. ;
- dire si ces interventions étaient satisfaisantes au plan technique et dire si leur chiffrage apparaît correspondre à la prestation effectuée ;
- dire si le GEA WESFALIA a commis des négligences dans l'entretien du robot et si les pannes successives ont entraîné des pertes financières pour le GAEC DE LA V. ;
- dire s'il s'en est suivi un préjudice imputable à ces interventions et chiffrer ces préjudices ;
- établir un compte entre les parties ;
- a titre subsidiaire
- condamner la société GEA WESFALIASURGE France à payer au GAEC LA V. une somme de 40.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
- débouter la société GEA WESFALIASURGE France de toutes demandes ;
- condamner la société GEA WESFALIASURGE à payer au GAEC LA V. une indemnité de 4.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
- condamner la société GEA WESFALIASURGE aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP MUSEREAU MAZAUDON CUIF.
Vu les conclusions de la Société GEA FARM TECHNOLOGIES FRANCE du 16 octobre 2012 dans lesquelles elle demande à la Cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué ;
- débouter le GAEC DE LA V. de l'intégralité de son argumentation ;
- débouter le GAEC DE LA V. de sa demande d'expertise ;
- condamner le GAEC DE LA V. au paiement d'une somme supplémentaire de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
- le condamner aux entiers dépens de l'instance ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Le GAEC DE LA V. soutient que la société WESFALIA se livre à des pratiques commerciales prohibées par l’article L. 442-6 du Code de Commerce en soumettant son client à des obligations qui créent un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et en lui imposant des conditions manifestement abusives concernant les prix.
Il affirme qu'il est démontré qu'il se trouve dans un état de dépendance vis-à-vis de ce fournisseur affectant le fonctionnement ou la structure de la concurrence.
Il fait valoir que ce fournisseur lui imposait des tarifs discrétionnaires et exorbitants des pièces et de la maintenance et qu'en outre, il était dans l'impossibilité de trouver une autre entreprise pour intervenir sur ce robot spécifique.
Le GAEC DE LA V. affirme qu'il s'est trouvé contraint d'acquérir un nouveau robot de traite en raison du fait que celui acquis en 1999 présentait de nombreuses anomalies et que seule la Société GEA FARM TECHNOLOGIES FRANCE pouvait intervenir sur celui-ci.
Il demande à titre principal l'organisation d'une mesure d'expertise.
Subsidiairement le GAEC DE LA V. demande la réparation de son préjudice subi du fait des pratiques abusives de la Société GEA FARM TECHNOLOGIES FRANCE et sollicite une somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Il convient de rappeler tout d'abord que le GAEC DE LA V. a acquis le robot de traite litigieux non pas auprès de la Société GEA FARM TECHNOLOGIES FRANCE mais auprès de la Société AMS en 1999.
Il ressort des conclusions des parties que ce robot a nécessité de nombreuses interventions dès l'origine.
De même, il n'est pas contesté que la Société GEA FARM TECHNOLOGIES FRANCE n'a repris l'activité de maintenance de ce robot de traite qu'à compter de l'année 2007, étant précisé de plusieurs entreprises ont été amenées à intervenir sur ce robot avant elle.
La cour constate que le GAEC DE LA V. a sollicité l'intervention de la Société GEA FARM TECHNOLOGIES FRANCE entre le mois de décembre 2007 et le mois de juillet 2010, étant rappelé que le GAEC a fait l'acquisition d'un nouveau robot de traite au mois de juin 2010.
La cour relève enfin, à l'examen des pièces du dossier, que le GAEC DE LA V. a signé les différents bons d'intervention de la Société GEA FARM TECHNOLOGIES FRANCE sans émettre la moindre réserve. De même, le GAEC DE LA V. ne justifie de l'existence d'aucun courrier de contestation suite à la réception des factures correspondant à ces interventions.
Le GAEC DE LA V. demande une mesure d'expertise s'appuyant pour cela sur le fait qu'une telle expertise a été ordonnée dans un litige opposant la Société GEA FARM TECHNOLOGIES FRANCE à un autre agriculteur.
Outre le fait que dans ce cas d'espèce, le robot de traite avait été vendu par la Société GEA FARM TECHNOLOGIES FRANCE ce qui n'est pas le cas dans le présent litige, le seul fait qu'il existe un autre litige impliquant la Société GEA FARM TECHNOLOGIES FRANCE n'est pas de nature à justifier l'organisation d'une mesure d'expertise. De même le seul fait que ce robot de traite vendu par la Société AMS ait nécessité de nombreuses interventions entre 2007 et 2010 ne suffit pas à démontrer que celui-ci présentait des désordres sans la mesure où certaines de ces interventions étaient des interventions de maintenance, interventions normales correspondant à l'entretien de ce matériel de traite.
Il y a lieu en conséquence de débouter le GAEC DE LA V. de ce chef de demande.
En ce qui concerne le paiement des factures, la cour relève qu'il n'est pas démontré que la Société GEA FARM TECHNOLOGIES FRANCE a manqué à ses obligations contractuelles. Le GAEC DE LA V. ne peut reprocher à la Société GEA FARM TECHNOLOGIES FRANCE l'absence de contrat de maintenance dans la mesure où il lui a été proposé un tel contrat qu'elle a refusé.
Le GAEC DE LA V. invoque l'existence d'un abus de position dominante de la part de la Société GEA FARM TECHNOLOGIES FRANCE. Cependant, il procède par voie d'affirmation. En effet il ne démontre pas l'impossibilité pour lui de faire intervenir une autre entreprise pour la maintenance de son robot de traite. De même il ne rapporte pas la preuve d'un usage abusif de la position dominante de la Société GEA FARM TECHNOLOGIES FRANCE sur le marché de la maintenance des robots de traite notamment par la pratique de prix d'intervention prohibitifs.
En l'absence de la preuve d'un abus de position dominante ou de pratiques anti-commerciales de la part de la Société GEA FARM TECHNOLOGIES FRANCE ou encore en l'absence de la démonstration d'une dépendance économique du GAEC DE LA V. à l'égard de celle-ci, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné le GAEC DE LA V. à verser à la Société GEA FARM TECHNOLOGIES FRANCE la somme de 38.675,47 euros avec intérêts au taux contractuel à compter du 20 octobre 2010 et en ce qu'il a débouté le GAEC DE LA V. de sa demande en dommages et intérêts.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Déboute le GAEC DE LA V. de sa demande d'expertise.
Condamne le GAEC DE LA V. à verser à la Société GEA FARM TECHNOLOGIES FRANCE la somme complémentaire de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamne le GAEC DE LA V. aux dépens.
Autorise l'application de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.
- 6171 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Domaine de la protection - Suppression de la condition de dépendance économique
- 6216 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Prestation de services
- 6229 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par clause - Contenu du contrat - Prix - Montant du prix