CA VERSAILLES (3e ch.), 24 janvier 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4184
CA VERSAILLES (3e ch.), 24 janvier 2013 : RG n° 11/01473
Publication : Jurica
Extrait : « Il est constant que les conditions tarifaires de location figuraient dans les documents remis à M. X. lorsqu'il a signé son contrat avec la SAS AVIS LOCATION DE VOITURES. Il résulte de ces conditions qu'en cas de vol trois situations se présentent : - soit le preneur établit un cas de force majeure, et il n'était redevable d'aucun paiement, - soit il a souscrit la clause « rachat de franchise » et, à la condition de ramener les clés et la carte grise dans les 48 heures, il n'est redevable que de la franchise minorée de 1.300 euros, - soit enfin s'il n'a pas souscrit la franchise minorée ou n'a pas rapporté les clés et la carte grise dans les 48 heures, sans justifier d'une force majeure, il doit payer la « franchise sans complément souscrit » d'un montant de 25.000 euros.
Il convient tout d'abord de relever, que compte tenu de l'importance de la « franchise sans complément », la SAS AVIS LOCATION DE VOITURES, qui doit justifier avoir satisfait à son obligation d'information, par application de l'article L. 111-1 du code de la consommation, devait attirer particulièrement l'attention de M. X. sur cette clause. En effet et d'une part, il résulte de l'examen de la clause invoquée par la SAS AVIS LOCATION DE VOITURES, que celle-ci, sans être écrite en caractères minuscules, est rédigée en petits caractères, et surtout sans que les intitulés des conditions générales mettent l'accent sur l'importance d'une telle sanction. Ainsi, l'intitulé du paragraphe 4 est « obligations du preneur » et la déchéance est énoncée dans l'avant dernier paragraphe de cet article. Compte tenu des conséquences très graves de cette clause, la SAS AVIS LOCATION DE VOITURES n'établit donc pas avoir satisfait à son obligation d'information.
D'autre part, selon cette clause, et pour le cas où un vol intervient selon la technique du « car jacking », en l'absence de témoin et alors même que, par exemple, le preneur a laissé sa veste dans le véhicule, contenant la carte grise du véhicule et abandonné ses clés au voleur, le preneur, de bonne foi, n'est pas assuré et doit acquitter ce qui ne peut décemment porter le nom de franchise - laquelle évoque plutôt l'idée d'une « exemption » - eu égard à son montant. Or, le preneur doit être couvert dans toutes les situations de vol ; et l'hypothèse d'un vol selon la technique du « car jacking » n'est pas rare, compte tenu du type de voiture loué par M. X. Dès lors, on doit considérer qu'une telle clause a pour effet, dans ce cas précis qui est celui de M. X., de créer un déséquilibre significatif au détriment du preneur dont la faute n'est pas établie. La clause doit donc être déclarée inopposable à M. X., par application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, en ce qu'elle attache des conséquences abusives à la non remise dans les 48 heures des clés et de la carte grise du véhicule.
Certes, dans le cas présent, un doute existe sur la réalité des déclarations faites par M. X. relatives au vol avec violence dont il dit avoir fait l'objet, mais de simples suspicions ne peuvent asseoir la mise en jeu de sa responsabilité, alors même que ce doute doit lui profiter, selon les règles d'interprétation des conventions. »
Dispositif : « Dit la clause 4.3.2 des conditions générales de location AVIS, invoquée par l'intimée, abusive eu égard aux conséquences qu'elle attache à la non remise des clés et de la carte grise du véhicule dans les 48 heures ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 24 JANVIER 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/01473. Code nac : 59B. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 février 2011 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES (1re ch.) : R.G. n° 2009/2493.
LE VINGT QUATRE JANVIER DEUX MILLE TREIZE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité Portugaise, Représenté par Maître Stéphane CHOUTEAU de la ASS AARPI AVOCALYS, (avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 20110098), Assisté de Maître Nicolle BIRFET (avocat au barreau de VERSAILLES)
INTIMÉE :
SAS AVIS LOCATION DE VOITURES
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Franck LAFON (avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 20110218), Assistée de Maître Astrid RONZEL (avocat au barreau de PARIS)
Composition de la cour : En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 3 décembre 2012 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Annick DE MARTEL, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Marie-José VALANTIN, Président, Madame Annick DE MARTEL, Conseiller, Madame Marie-Bénédicte MAIZY, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Lise BESSON,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
M. X. est appelant d'un jugement rendu le 10 février 2011 par le Tribunal de Grande instance de VERSAILLES dans un litige l'opposant à la SAS AVIS LOCATION DE VOITURES.
Par contrat du 10 juillet 2008, M. X. a loué à la société AVIS un véhicule Audi A4 pour la période allant du 10 au 17 juillet 2008. Lors de la conclusion du contrat, il a souscrit un rachat total de franchise exonérant le preneur de sa responsabilité financière en cas de vol. L'application de cette clause était toutefois subordonnée au respect par le preneur des conditions générales de location AVIS.
Le 15 juillet 2008, M. X. déclarait le vol, avec violence, de son véhicule. Aucun témoin n'a assisté à ce vol.
A la demande de la société AVIS, M. X. a réglé la franchise de 1.300 euros correspondant à la pénalité prévue en cas de rachat de franchise. Puis la société AVIS a modifié sa position, et invoquant l'absence de restitution des clés du véhicule, elle a demandé à M. X. de lui régler la somme de 25.000 euros correspondant à la franchise contractuelle et selon lui, au prix du véhicule. M. X. a refusé.
Par acte du 2 mars 2009, la société AVIS a fait assigner M. X. aux fins principalement de le voir condamner à payer le montant de cette somme, outre celle de 4.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 10 février 2011, le tribunal a condamné M. X. à payer à la société AVIS la somme de 23.700 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 2008 et celle de 1.500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
M. X. a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
* * *
M. X., dans ses dernières conclusions visées le 14 novembre 2012, demande à la Cour d'infirmer la décision en toutes ses dispositions et de le décharger de toute condamnation ;
- de dire nul et de nul effet, l'article 4.3.2. des conditions générales de location Avis comme étant constitutive d'une clause abusive au sens de l’article L. 132-1 alinéa 1er du Code de la consommation et de la dire subsidiairement inopposable,
- très subsidiairement, de le dire bien fondé à opposer à la société AVIS l'existence d'un cas de force majeure,
- condamner la société AVIS à lui rembourser la somme de 1.300 euros et à lui payer la somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que la clause insérant l'option dite de rachat de franchise serait abusive au sens de l’article L. 132-1 alinéa 1er du Code de la consommation et de la recommandation n° 96-02 qui considère comme abusives les clauses insérées dans un contrat de location automobile qui prévoient qu'à défaut de restitution du document et des clés, le locataire doit au loueur la valeur du véhicule. En l'espèce, les conditions sont réunies ; de plus, cette clause a pour effet de vider de son contenu la clause de rachat de franchise. Elle créerait de manière évidente un déséquilibre à son détriment ; enfin, les conditions d'application de la force majeure sont réunies selon lui. Le vol ayant été commis par un tiers sous la menace d'une arme, il répondait aux conditions d'imprévisibilité et d'irrésistibilité.
La société AVIS, dans ses dernières conclusions visées le 11 octobre 2012, demande à la Cour de confirmer le jugement ; de juger que les conditions générales du contrat de location et les conditions tarifaires AVIS sont opposables à M. X.
Elle soutient que l'appelant avait une parfaite connaissance des conditions générales du contrat de location, même avant sa signature. La responsabilité contractuelle de M. X. est donc engagée et faute d'établir l'existence d'un cas de force majeure, il doit répondre des conséquences du vol.
La clause du contrat prévoyant l'option « rachat de franchise » ne peut être déclarée abusive en ce qu'elle prévoit des obligations réciproques entre les parties et n'entraîne donc pas un déséquilibre significatif entre les parties.
La cour renvoie à ces conclusions déposées et soutenues à l'audience, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il est constant que les conditions tarifaires de location figuraient dans les documents remis à M. X. lorsqu'il a signé son contrat avec la SAS AVIS LOCATION DE VOITURES.
Il résulte de ces conditions qu'en cas de vol trois situations se présentent :
- soit le preneur établit un cas de force majeure, et il n'était redevable d'aucun paiement,
- soit il a souscrit la clause « rachat de franchise » et, à la condition de ramener les clés et la carte grise dans les 48 heures, il n'est redevable que de la franchise minorée de 1.300 euros,
- soit enfin s'il n'a pas souscrit la franchise minorée ou n'a pas rapporté les clés et la carte grise dans les 48 heures, sans justifier d'une force majeure, il doit payer la « franchise sans complément souscrit » d'un montant de 25.000 euros.
Il convient tout d'abord de relever, que compte tenu de l'importance de la « franchise sans complément », la SAS AVIS LOCATION DE VOITURES, qui doit justifier avoir satisfait à son obligation d'information, par application de l'article L. 111-1 du code de la consommation, devait attirer particulièrement l'attention de M. X. sur cette clause.
En effet et d'une part, il résulte de l'examen de la clause invoquée par la SAS AVIS LOCATION DE VOITURES, que celle-ci, sans être écrite en caractères minuscules, est rédigée en petits caractères, et surtout sans que les intitulés des conditions générales mettent l'accent sur l'importance d'une telle sanction. Ainsi, l'intitulé du paragraphe 4 est « obligations du preneur » et la déchéance est énoncée dans l'avant dernier paragraphe de cet article. Compte tenu des conséquences très graves de cette clause, la SAS AVIS LOCATION DE VOITURES n'établit donc pas avoir satisfait à son obligation d'information.
D'autre part, selon cette clause, et pour le cas où un vol intervient selon la technique du « car jacking », en l'absence de témoin et alors même que, par exemple, le preneur a laissé sa veste dans le véhicule, contenant la carte grise du véhicule et abandonné ses clés au voleur, le preneur, de bonne foi, n'est pas assuré et doit acquitter ce qui ne peut décemment porter le nom de franchise - laquelle évoque plutôt l'idée d'une « exemption » - eu égard à son montant.
Or, le preneur doit être couvert dans toutes les situations de vol ; et l'hypothèse d'un vol selon la technique du « car jacking » n'est pas rare, compte tenu du type de voiture loué par M. X.
Dès lors, on doit considérer qu'une telle clause a pour effet, dans ce cas précis qui est celui de M. X., de créer un déséquilibre significatif au détriment du preneur dont la faute n'est pas établie. La clause doit donc être déclarée inopposable à M. X., par application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, en ce qu'elle attache des conséquences abusives à la non remise dans les 48 heures des clés et de la carte grise du véhicule.
Certes, dans le cas présent, un doute existe sur la réalité des déclarations faites par M. X. relatives au vol avec violence dont il dit avoir fait l'objet, mais de simples suspicions ne peuvent asseoir la mise en jeu de sa responsabilité, alors même que ce doute doit lui profiter, selon les règles d'interprétation des conventions.
Il appartenait à la SAS AVIS LOCATION DE VOITURES de prouver la fraude commise par M. X. ce qu'elle ne fait pas.
- Sur le versement de la somme de 1.300 euros ;
M. X. est redevable de cette somme, puisqu'il s'agit de l'option qu'il avait choisie et que seules les conséquences attachées à la restitution des clés et de la carte grise du véhicule sont déclarées abusives.
- Sur les frais irrépétibles :
Il est inéquitable de laisser à la charge de M. X. les frais exposés par lui et non compris dans les dépens de l'instance.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Versailles le 10 février 2011,
Et, statuant à nouveau,
Dit la clause 4.3.2 des conditions générales de location AVIS, invoquée par l'intimée, abusive eu égard aux conséquences qu'elle attache à la non remise des clés et de la carte grise du véhicule dans les 48 heures,
Déclare la clause, dans cette mesure, inopposable à M. X.,
Déboute la SAS AVIS LOCATION DE VOITURES de toutes ses prétentions,
Y ajoutant,
Déboute M. X. du surplus de ses demandes,
Condamne la SAS AVIS LOCATION DE VOITURES à lui payer la somme de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile et la condamne aux dépens de première instance et d'appel et autorise leur recouvrement dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-José VALANTIN, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,
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