TGI BÉTHUNE, 7 février 2006
CERCLAB - DOCUMENT N° 4226
TGI BÉTHUNE, 7 février 2006 : RG n° 05/00343 ; jugt n° 79/2006
Publication : Site CCA
Extrait : « Attendu qu'à la lecture, cette clause ainsi contestée apparaît ambiguë et potestative au sens de l'article 1170 du Code Civil. Qu'en effet le fait de prévoir l'alternative de « ET » et « OU », laisse à penser que, selon le bon vouloir de l'assureur, celui-ci peut opposer à l'adhérent, pour refuser sa garantie, ou simplement le fait qu'il ne puisse plus exercer une activité rémunérée ou à la fois qu'il ne puisse exercer une activité rémunérée et qu'il ne puisse plus se livrer à aucune occupation. Par ailleurs, le terme « occupation », sans adjectif adjoint, permet au seul assureur d'exiger ou non comme condition de sa prise en charge qu'il y ait impossibilité d'exercer une occupation professionnelle ou privée ou les deux.
Attendu que dans le cas où l'assureur exigerait cumulativement l'impossibilité d'exercer une activité quelconque et une occupation même privée (comme les activités ménagères), on ne voit pas en quoi cette clause serait différente de celle prévue au titre de la garantie IPA exigeant le recours à une tierce personne. Qu'ainsi la rédaction de la clause, objet du contrat, apparaît ambiguë et potestative dans la mesure où il revient à l'assureur seul le choix d'en imposer un sens strict ou large pour accorder ou non sa garantie. Qu'au demeurant, la preuve de cette ambiguïté résulte de la lecture même de la lettre adressée à Monsieur X. par la SA C. le 12 juillet 2001 lui précisant qu'elle lui refusait sa garantie dans la mesure où les conclusions médicales avaient déterminé qu'il n'était pas dans l'impossibilité d'effectuer ses activités non rémunérées ; qu'elle se basait donc pour ce faire sur le premier membre de la phrase de la clause contestée dont il a été reconnu l'ambiguïté faute de caractériser « les occupations » que l'adhérent ne pouvait plus exercer.
Attendu en conséquence que l'adhérent peut, au visa de l'article 1175 et 1162 du Code Civil, se prévaloir de ce caractère ambigu et potestatif de la clause pour considérer que dans l'esprit des parties, et en tous cas dans son esprit, cette garantie ITD lui était due à partir du moment où son invalidité définitive reconnue l'empêchait de se livrer à son activité professionnelle qui est la seule qu'il soit capable d'exercer. »
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BÉTHUNE
JUGEMENT DU 7 FÉVRIER 2006
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 05/00343. Jugement n° 79/2006.
DEMANDEUR :
Monsieur X.
Né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représente(e) par Maître François HERMARY, substitué à l’audience par Maître DRUART, avocat au barreau de BÉTHUNE
DÉFENDERESSE :
SA C.
Dont le siège social est sis [adresse], représente(e) par Maître Henri DECROIX, avocat au barreau de BÉTHUNE
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : DOAT Joëlle, Vice-présidente, CHAILLET Charlotte, Vice-présidente, METTEAU Pascale ; Juge,
Assistés lors des débats de Monsieur Philippe QUILLIET, Greffier
JUGEMENT : réputé contradictoire
DÉBATS : Vu l'ordonnance de clôture en date du 5 octobre 2005 fixant l'affaire à plaider au 3 janvier 2006. À la clôture des débats, l'affaire a été mise en délibéré et les parties ont été avisées que le jugement sera la disposition au Greffe au 7 février 2006.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte du 11 janvier 2005, M. X. a fait assigner la SA C.
Par conclusions déposées le 29 juin 2005, il demande au Tribunal de :
- déclarer la clause du contrat prévue en son article 4-2 abusive en la forme et potestative en son fond, et en conséquence de l'écarter des relations contractuelles,
- subsidiairement, interpréter cette clause en disant que « toute activité rémunérée » doit être entendue au sens d'activité habituelle,
- en tout état de cause, déclarer nul le refus de garantie opposé par la SA C.,
- condamner la SA C. au remboursement des sommes par lui versées depuis la date de consolidation de son état d'invalidité, soit le montant des échéances des prêts C. qui auraient dû être garanties par la SA C. à compter de la date de cessation de son activité professionnelle (le 1er novembre 2000) pour un montant de 26.196,54 € ainsi qu'a lui verser la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Il estime pouvoir être pris en charge par la SA C. depuis cette date dans la mesure où il ne peut plus exercer son métier d'agriculteur ni aucune autre activité professionnelle, étant âgé de plus de 60 ans, n'ayant aucun bagage scolaire et n'ayant exercé que cette activité d'agriculteur. Il estime que la clause visée par la SA C. pour dénier sa garantie est ambiguë et potestative.
Par conclusions déposées le 25 mai 2005, la SA C. demande au Tribunal de déclarer Monsieur X. tant irrecevable que mal fondé en ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle estime que la clause sur laquelle elle se base pour refuser sa garantie est parfaitement claire et non susceptible d'une quelconque interprétation. Qu'elle doit s'appliquer in abstracto et non in concreto.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 octobre 2005.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
SUR CE :
Monsieur X. né le [date], agriculteur, a adhéré au contrat d'assurance-groupe de la SA C. les 22 novembre 1991 et 30 mai 1995 à l'occasion de demi prêts de 320.000 Frs (48.783,69 €) et 50.000 Frs (7.622,45 €) par lui souscrits auprès de la SA C.
Il a été mis en arrêt de travail à compter du 10 avril 2000 du fait d'une cardiopathie avec valvulopathie aortique et n'a plus repris son activité professionnelle et placé en invalidité totale définitive par la MSA à compter du 1er novembre 2000.
Par courrier du 13 février 2001, réitéré par courrier du 12 juillet 2001, la SA C. refusait la prise en charge sollicitée le 1er janvier 2001 par Monsieur X. dans le cadre de l’ITD (Invalidité totale et définitive) dans la mesure où il ne serait pas reconnu définitivement incapable de se livrer à. toute occupation et/ou à toute activité pouvant lui procurer gain ou profit.
Attendu que l'article 23 « Invalidité totale et définitive » (IDT) des conditions générales du contrat d'assurance est ainsi défini « l'assuré est en état d’ITD lorsque les conditions n° 1 et 3 de l'IPA (Invalidité permanente et absolue) sont remplies cumulativement ».
[minute page 3] Que la condition n° I de l’IPA est ainsi libellée : quand « l’invalidité dont il est atteint le place dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit » et la condition n° 3 précise « la date de réalisation du risque reconnu par l'assureur se situe avant l'âge limite de couverture stipulée aux conditions particulières ».
Attendu que seule la condition n° 1 est contestée.
Attendu que l'expert judiciaire désigné par ordonnance de référé du 26 décembre 2002 précise en conclusion que :
- « l'état de santé de Monsieur X., âgé de 60 ans, a justifié un arrêt de ses activités professionnelles en tant qu'agriculteur du 10 avril 2000 jusqu'à ce jour, à titre définitif ;
- du point de vue fonctionnel, son état de santé a justifié une incapacité temporaire totale du 10 avril au 5 octobre 2000, puis partielle à 75 % du 6 octobre au 23 novembre 2000, puis partielle à 50 % du 24 novembre 2000 au 11 octobre 2002, date de la consolidation l'incapacité permanente partielle fonctionnelle est de 50 %.
L'état de santé de Monsieur X. lui permet l'exercice d'une profession aménagée, de par ses antécédents, de par sa pathologie stabilisée, inapte au port des charges lourdes supérieur à 10 Kg, au travail avec marche prolongée ou rapide.
Son état est compatible avec un travail léger, administratif, la conduite automobile, le travail administratif ou de direction.
Si Monsieur X. est inapte à la reprise de son activité professionnelle antérieure, soit agriculteur, il n'est pas inapte à se livrer à toute activité ou occupation rémunérée lui procurant gain et profit à condition que cette occupation soit aménagée compte tenu de son âge et de son état de santé antérieur ».
Attendu qu'à la lecture, cette clause ainsi contestée apparaît ambiguë et potestative au sens de l'article 1170 du Code Civil.
Qu'en effet le fait de prévoir l'alternative de « ET » et « OU », laisse à penser que, selon le bon vouloir de l'assureur, celui-ci peut opposer à l'adhérent, pour refuser sa garantie, ou simplement le fait qu'il ne puisse plus exercer une activité rémunérée ou à la fois qu'il ne puisse exercer une activité rémunérée et qu'il ne puisse plus se livrer à aucune occupation.
Par ailleurs, le terme « occupation », sans adjectif adjoint, permet au seul assureur d'exiger ou non comme condition de sa prise en charge qu'il y ait impossibilité d'exercer une occupation professionnelle ou privée ou les deux.
Attendu que dans le cas où l'assureur exigerait cumulativement l'impossibilité d'exercer une activité quelconque et une occupation même privée (comme les activités ménagères), on ne voit pas en quoi cette clause serait différente de celle prévue au titre de la garantie IPA exigeant le recours à une tierce personne.
Qu'ainsi la rédaction de la clause, objet du contrat, apparaît ambiguë et potestative dans la mesure où il revient à l'assureur seul le choix d'en imposer un sens strict ou large pour accorder ou non sa garantie.
Qu'au demeurant, la preuve de cette ambiguïté résulte de la lecture même de la lettre adressée à Monsieur X. par la SA C. le 12 juillet 2001 lui précisant qu'elle lui refusait sa garantie dans la mesure où les conclusions médicales avaient déterminé qu'il n'était pas dans l'impossibilité d'effectuer ses activités non rémunérées ; qu'elle se basait donc pour ce faire sur le premier membre de la phrase de la clause [minute page 4] contestée dont il a été reconnu l'ambiguïté faute de caractériser « les occupations » que l'adhérent ne pouvait plus exercer.
Attendu en conséquence que l'adhérent peut, au visa de l'article 1175 et 1162 du Code Civil, se prévaloir de ce caractère ambigu et potestatif de la clause pour considérer que dans l'esprit des parties, et en tous cas dans son esprit, cette garantie ITD lui était due à partir du moment où son invalidité définitive reconnue l'empêchait de se livrer à son activité professionnelle qui est la seule qu'il soit capable d'exercer.
Que dans ces conditions, Monsieur X. sera accueilli en ses demandes qui sont justifiées en application des clauses prévues au contrat.
Que la SA C. sera par ailleurs condamnée à lui régler la somme de 200 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
le Tribunal,
Statuant par mise à disposition du jugement au Greffe, contradictoirement et en premier ressort.
CONDAMNE la SA C. à rembourser à Monsieur X. le montant des échéances des prêts C. qu'il a réglé indûment à cet organisme bancaire depuis le 1er novembre 2000.
La condamne aux dépens et à régler à Monsieur X. la somme de 200 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes.
Et la Présidente a signé avec le Greffier.
Le Greffier La présidente
Ph. QUILLIET J. DOAT
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