CA VERSAILLES (1re ch. 2e sect.), 6 septembre 2002
CERCLAB - DOCUMENT N° 4234
CA VERSAILLES (1re ch. 2e sect.), 6 septembre 2002 : RG n° 00/06260
Publication : Legifrance ; Bull. inf. C. cass. 15 juin 2003, n° 743, p. 35
Extrait : « Considérant que subordonner la garantie à une soustraction frauduleuse commise par effraction caractérisée, définie comme nécessitant à la fois la trace d’effraction pour l’accès au véhicule mais également pour sa mise en route, n’est pas à l’origine d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; qu’en effet la soustraction frauduleuse d’un véhicule retrouvé après avoir été déplacé, a nécessairement imposé sa mise en route ; que celle-ci ne peut se faire, à défaut d’être en possession des clefs de contact, que par une détérioration des appareils électriques et du dispositif de blocage ; que la clause litigieuse qui impose l’effraction pour pénétrer dans le véhicule mais également sur son dispositif de mise en route ne présente pas un caractère abusif ; Considérant que le jugement mérite infirmation en ce qu’il a considéré réputée non écrite la clause du contrat comportant définition du vol ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
PREMIÈRE CHAMBRE DEUXIÈME SECTION
ARRÊT DU 6 SEPTEMBRE 2002
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 2000-6260.
APPELANTE :
COMPAGNIE LLOYD’S DE LONDRES
INTIMÉE :
Mademoiselle X.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Suivant exploit d’huissier en date du 16 septembre 1999, Mademoiselle X. a fait assigner la COMPAGNIE LLOYD’S DE LONDRES (ci-après la LLOYD’S DE LONDRES) devant le Tribunal d’Instance de GONESSE aux fins de la voir condamner au paiement des sommes suivantes :
- 4.573,47 euros à titre de dommages et intérêts,
- 1.524,49 euros pour résistance abusive,
- 914,69 euros, par application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par jugement contradictoire en date du 3 mai 2000, le Tribunal d’Instance de GONESSE a rendu la décision suivante :
- condamne la Société LLOYD’S DE LONDRES à payer à Mademoiselle X. la somme de 3.283,75 € à titre de dommages et intérêts,
- condamne la défenderesse à lui payer une somme de 457,35 € par application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- déboute la demanderesse du surplus de ses autres demandes,
- ordonne l’exécution provisoire du présent jugement,
- condamne la défenderesse aux entiers dépens.
Par déclaration en date du 22 août 2000, la LLOYD’S DE LONDRES a interjeté appel de cette décision. La LLOYD’S DE LONDRES expose que la clause subordonnant la garantie du vol à la preuve matérielle par l’assuré d’une effraction n’est pas abusive dès lors qu’elle ne crée aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Elle soutient en outre qu’il appartient à l’assuré, qui se prétend créancier de son assureur, de démontrer que la réalité des faits et leur soumission à un risque faisant l’objet d’une garantie. Elle affirme qu’en l’espèce, Madame X. ne rapporte pas la preuve d’une effraction caractérisée pour pénétrer dans le véhicule ainsi que sur ses organes de mise en route. La LLOYD’S DE LONDRES demande donc à la Cour de :
y faisant droit,
- infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau,
- débouter Mademoiselle X. de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- décharger LES LLOYD’S DE LONDRES des condamnations prononcées contre eux en principal, intérêts, frais et accessoires,
- ordonner le remboursement des sommes qui auront pu être versées en vertu de l’exécution provisoire de la décision entreprise, en principal, intérêts, frais et accessoires, avec intérêts au taux légal à compter de leur versement,
- condamner Mademoiselle X. à porter et payer aux concluants la somme de 762,25 € par application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- condamner Mademoiselle X. en tous les dépens.
Mademoiselle X. répond que le seul fait que la colonne de direction soit intacte, ne saurait exclure la survenance d’un vol et par conséquent exonérer l’assureur de son obligation de garantie, dès lors qu’une effraction a été constatée sur la portière, démontrant ainsi la réalité du vol. Elle soutient en outre que l’exigence d’effractions multiples pour engager la responsabilité de l’assureur du fait du vol, est une clause abusive qui doit par conséquent être réputée non écrite. Mademoiselle X. prie donc en dernier la Cour de :
- déclarer recevable et mal fondée la Société LLOYD’S DE LONDRES en son appel, la débouter ainsi que de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- confirmer la décision entreprise en son principe,
- l’infirmer sur le quantum, à titre subsidiaire,
- prononcer la nullité de la convention signée le 25 mai 1999 entre la Compagnie LLOYD’S DE LONDRES et Mademoiselle X. en vertu des dispositions de l’article 1110 du Code Civil,
- condamner en conséquence la Compagnie LLOYD’S DE LONDRES au paiement de la somme de 4.573,47 € à titre de dommages et intérêts sauf à parfaire,
- condamner la même au paiement de la somme de 1.524,49 € pour résistance abusive au paiement,
- condamner la même au paiement de la somme de 914,69 € en vertu des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- dit que ces sommes porteront intérêt à compter du 6 août 1999, date de la mise en demeure adressée à la Compagnie LLOYD’S DE LONDRES,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- condamner la Compagnie LLOYD’S aux entiers dépens de première instance et d’appel.
La clôture a été prononcée le 2 mai 2002 et l’affaire appelée à l’audience du 31 mai 2002.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
Considérant que Mademoiselle X. qui avait acheté un véhicule le 4 avril 1999 PEUGEOT 306, a déclaré le vol de ce véhicule survenu le 3 mai entre 22 heures et 23 heures 35 à GARGES LES GONESSE ; que ce véhicule a été retrouvé dans un parking souterrain d’une résidence située à GONESSE le 4 mai à 3 heures ; qu’il manquait la calandre avant, le pare-choc avant, le radiateur, les optiques avant et le feu arrière gauche, les charnières avant gauche et la serrure gauche, le pare-choc arrière est cassé ; que l’expert mandaté par la Compagnie LLOYD’S DE LONDRES a constaté que les éléments démontés par les voleurs ont été retrouvés endommagés à l’arrière du véhicule hormis les optiques et clignotants avant ;
Sur la clause opposée par la Compagnie LLOYD’S DE LONDRES :
Considérant que la police d’assurances souscrite par Mademoiselle X. garantit le montant des dommages, résultant de la disparition ou de la détérioration du véhicule assuré à la suite du vol ou d’une tentative de vol ; que le vol est défini comme étant la soustraction frauduleuse du véhicule commise par effraction caractérisée ; que celle-ci ressort des indices suivants : [* traces d’effraction pour pénétrer à l’intérieur du véhicule, *] forcement de la colonne de direction ou de son dispositif de blocage, dégradation des appareils électriques et du système antivol ;
Considérant que cette clause est insérée dans un contrat type, qu’il n’est pas démontré par Mademoiselle X. qu’elle n’avait pas connaissance de cette clause avant la signature du contrat ;
Considérant qu’en application de l’article L. 132-1 du Code de la Consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;
Considérant que subordonner la garantie à une soustraction frauduleuse commise par effraction caractérisée, définie comme nécessitant à la fois la trace d’effraction pour l’accès au véhicule mais également pour sa mise en route, n’est pas à l’origine d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; qu’en effet la soustraction frauduleuse d’un véhicule retrouvé après avoir été déplacé, a nécessairement imposé sa mise en route ; que celle-ci ne peut se faire, à défaut d’être en possession des clefs de contact, que par une détérioration des appareils électriques et du dispositif de blocage ; que la clause litigieuse qui impose l’effraction pour pénétrer dans le véhicule mais également sur son dispositif de mise en route ne présente pas un caractère abusif ;
Considérant que le jugement mérite infirmation en ce qu’il a considéré réputée non écrite la clause du contrat comportant définition du vol ;
Considérant que les conditions générales du contrat d’assurances comportent les termes : « vol, effraction caractérisée » (précédant leur définition) ; que ceux-ci sont inscrits en rouge ; qu’un cadre rouge destiné à attirer le regard du lecteur explicite ce qui n’est pas garanti : le vol qui ne présente pas les indices suivants : forcement de la colonne de direction ou de son dispositif de blocage, dégradation des appareils électriques et du système antivol ainsi que traces d’effraction pour pénétrer à l’intérieur du véhicule ; que Mademoiselle X. ne peut sérieusement soutenir ne pas avoir été informée des clauses de contrat et notamment de la condition d’une double effraction et ne pas avoir donné son consentement à ce contrat de manière libre et éclairé ; qu’elle n’est pas fondée à en demander la nullité ;
Sur la mise en œuvre de la garantie :
Considérant que la demande d’indemnisation de Mademoiselle X. suppose d’établir que le dommage dont elle demande réparation constitue un risque garanti par la police qu’elle a souscrite auprès de la Compagnie LLOYD’S DE LONDRES ;
Considérant que Monsieur Y., du Bureau Commun Automobile, Expert missionné par la Compagnie LLOYD’S DE LONDRES, indiquait, dans le rapport en date du 6 juillet 1999 : [* avoir constaté une effraction de la porte avant droite et l’absence de radiateur d’eau, du pare-choc de la façade et feux avant, *] avoir constaté que les éléments démontés par les voleurs ont été retrouvés endommagés à l’arrière du véhicule, [* avoir pris contact téléphoniquement avec Mademoiselle X. sans cependant qu’aucune rencontre ne soit possible, *] avoir reçu la fiche de renseignement adressée par Mademoiselle X., confirmant les termes de la déposition faite aux Services de Police et notamment l’absence de vol des clés de contact ; qu’il précisait que le manque de trace d’effraction sur la mise en route du véhicule éveille ses soupçons ;
Considérant que l’expert a été missionné par l’assureur, qu’il a procédé à ses constatations sans convoquer Mademoiselle X.; qu’il a néanmoins tenté en vain de la rencontrer ; que ses conclusions n’ont pas la valeur d’un rapport d’expertise judiciaire ; que s’agissant de constations effectuées à la demande de l’une des parties, elles constituent un élément de preuve qui n’encourt pas l’inopposabilité pour non respect du contradictoire ; que Mademoiselle X. qui a été en mesure de discuter les conclusions de cet expert ne formule aucune critique sur les constatations faites ; qu’il lui appartenait si elle entendait contester les constatations techniques de l’expert de demander la désignation d’un expert judiciaire, ce qu’elle n’a pas fait ;
Considérant que la police souscrite par Mademoiselle X. auprès de la Compagnie LLOYD’S DE LONDRES subordonne la garantie vol à une effraction caractérisée par la présence des indices suivants : forcement de la colonne de direction ou de son dispositif de blocage, dégradation des appareils électriques et du système anti-vol ainsi que traces d’effraction pour pénétrer dans le véhicule ; que la garantie suppose donc, ainsi que le fait observer à juste titre la Compagnie LLOYD’S DE LONDRES, une double effraction ;
Considérant que force est de constater que seules les traces d’effraction pour accéder à l’intérieur du véhicule (serrure avant droite démontée) ont été constatées ; que le deuxième indice requis pour la mise en œuvre de la garantie à savoir : une effraction sur la mise en route du véhicule n’a pas été constatée ; qu’en effet l’expert précise expressément n’avoir relevé aucune effraction ni sur la colonne de direction ni sur l’antivol de direction ni sur l’appareillage électrique ; que la condition d’une double effraction exigée par le contrat n’est pas satisfaite ; que les conditions de mise en œuvre de la garantie ne sont pas réunies ; que le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant qu’il convient en tant que de besoin d’ordonner la restitution des sommes versées par la Compagnie LLOYD’S DE LONDRES au titre de l’exécution provisoire ;
Considérant que l’équité commande d’allouer à la Société LLOYD’S DE LONDRES une somme de 500,00 € par application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Considérant que l’intimée qui succombe supportera la charge des dépens de première instance et d’appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort.
- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Et statuant à nouveau y ajoutant,
- Déboute Mademoiselle X. de sa demande d’indemnisation.
- Ordonne en tant que de besoin la restitution des sommes perçues par Mademoiselle X. au titre de l’exécution provisoire du jugement, avec intérêts au taux légal à compter des conclusions du 23 décembre 2000 comportant demande de restitution.
- Condamne Mademoiselle X. à payer à la Compagnie LLOYD’S DE LONDRES la somme de 500,00 € en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
- La condamne à tous les dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés directement contre elle pour ce qui est des dépens d’appel par la SCP LISSARRAGUE-DUPUIS & ASSOCIÉS, conformément aux dispositions de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Et ont signé le présent arrêt :
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT.
- 6095 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Lisibilité - Couleur des caractères
- 6375 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances multirisques - Véhicule automobile - Obligations de l’assureur - Vol