T. COM. CRÉTEIL (1re ch.), 13 décembre 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 4294
T. COM. CRÉTEIL (1re ch.), 13 décembre 2011 : RG n° 2009F01018
Publication : Lexbase
Extraits : 1/ « Attendu que l'assignation a été signée par M. Y. en vertu d'une délégation de signature du Ministre reçue par Arrêté du 31 juillet 2007 pris en application du Décret n° 87-163 du 12 mars 1987, Attendu que toutes ces mentions sont portées dans l'assignation, assignation faite au nom du Ministre par M. Y. qui l'a signée en vertu de ladite délégation de signature, qu'elle est donc parfaitement valable, l'Arrêté du 31 juillet 2007 pris en application du Décret n° 87-163 du 12 mars 1987 organisant la signature des actes relatifs à l'action prévue à l'article 36 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 442-6 du Code de commerce,
Attendu que, concernant le dépôt des conclusions et leur développement à l'audience, organisé par l'article L. 470-5 du Code de commerce, il n'est pas contesté que le représentant du Ministre n'a pas besoin de pouvoir spécial, que l'action ayant déjà été introduite par l'assignation, le dépôt de conclusions ne peut être assimilé à une intervention volontaire du Ministre ».
2/ « Attendu que, le 13 mai 2011, le Conseil Constitutionnel a dit conforme à la Constitution le second alinéa du paragraphe III de l'article L. 442-6 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, sous réserve que l'autorité publique qui engage une action en justice visant à faire cesser une pratique contractuelle contraire à l'ordre public informe au préalable les parties au contrat,
Attendu qu'à la suite de cette décision, le Ministre a modifié sa demande en supprimant sa demande visant à faire déclarer nulles les clauses qu'il considérait comme créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au profit du GALEC, demandant la cessation des pratiques litigieuses, […]
Attendu que le Ministre n'a pas justifié avoir informé les 58 fournisseurs concernés, Attendu qu'en conséquence, le Tribunal ne pouvant ni statuer de manière générale ni statuer sur les 124 contrats versés aux débats relatifs aux 58 fournisseurs, en l'absence de preuve que lesdits fournisseurs ont été informés de l'action du Ministre, dira l'action du Ministre irrecevable et le déboutera de l'ensemble de ses demandes. »
TRIBUNAL DE COMMERCE DE CRÉTEIL
PREMIÈRE CHAMBRE
JUGEMENT DU 13 DÉCEMBRE 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 2009F01018.
DEMANDEUR :
Mme LE MINISTRE DE L'ÉCONOMIE DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI aujourd'hui MINISTRE DE L'ÉCONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
élisant domicile [adresse], Représenté dans la région Île-de-France par M. X., chef de pôle C de la Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi (DIRECCTE), élisant domicile au [adresse], conformément à l'article R. 470-1-1 du Code de commerce, Comparant en personne conformément aux dispositions de l'article L. 470-5 du Code de commerce
DÉFENDEUR :
SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE GROUPEMENTS D'ACHATS DES CENTRES LECLERC
[adresse], comparant par la SEP SEVELLEC - CRESSON - RUELLE [adresse], et par Maître Laurent PARLEANI [adresse]
COMPOSITION DU TRIBUNAL : La présente affaire a été débattue à l'audience de plaidoirie du 11 octobre 2011, où siégeaient M. Xavier du VACHAT, Président, M. Didier COLLAS, Mme Meriem MICAS, Juges, qui ont clos les débats et mis en délibéré.
Décision contradictoire en premier ressort.
Délibérée par M. Xavier du VACHAT, Président, M. Didier COLLAS, Mme Meriem MICAS, Juges.
Prononcée ce jour par la mise à disposition au Greffe de ce Tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. Minute signée par M. Xavier du VACHAT, Président du délibéré, et Mme Maryse DENIEL, Greffier
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] LES FAITS
LE MINISTRE DE L'ÉCONOMIE DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI, aujourd'hui LE MINISTRE DE L'ÉCONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, dans le cadre d'une enquête nationale relative aux pratiques commerciales de la grande distribution dans ses relations avec ses fournisseurs, considère avoir mis en évidence des clauses contractuelles créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au profit de la SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE GROUPEMENTS D'ACHATS DES CENTRES LECLERC, ci-après le GALEC.
Le GALEC, ayant soulevé une question prioritaire de constitutionnalité concernant la notion de déséquilibre significatif, à laquelle l'article L. 442-6-1-2° se réfère, l'affaire a été renvoyée au rôle des parties en attente de la décision du Conseil Constitutionnel, par jugement du 9 novembre 2010.
Suite à la décision du Conseil Constitutionnel du 13 janvier 2011, qui a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du second alinéa du paragraphe I de l'article L. 442-6 du Code de commerce, l'instance a été reprise.
Ainsi est née la présente instance.
LA PROCÉDURE
Par acte d'huissier en date du 30 octobre 2009, délivré à personne se déclarant habilitée, Mme LE MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DE L'INDUSTRIE et DE L'EMPLOI, a donné assignation à la SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE GROUPEMENTS D'ACHATS DES CENTRES LECLERC, demandant au Tribunal de :
- Dire que les clauses 4.2.b, 4.2.c, 4.3.a, 4.3.h. 4.3.c de l'annexe 3 du contrat cadre annuel 2009 et 5 de l'article I du même contrat créent un déséquilibre significatif dans les droits et les obligations des parties au profit du GALEC,
- Dire que ces clauses contreviennent donc aux dispositions de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce,
- Constater en conséquence la nullité de ces clauses dans l'accord GALEC,
- Enjoindre au GALEC de cesser les pratiques dénoncées,
- Prononcer à l'encontre du GALEC une amende civile de 2 millions d'euros.
- Condamner le GALEC à verser au MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DE L'INDUSTRIE et DE L'EMPLOI la somme de 1.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du CPC.
- Condamner le GALEC aux entiers dépens.
Les dernières conclusions des parties étant récapitulatives, seules les demandes formulées dans les dernières conclusions ont été reprises.
Par conclusions récapitulatives déposées le 11 octobre 2011, le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE DES FINANCES et de L'INDUSTRIE demande au Tribunal de :
- Juger recevable l'action du Ministre chargé de l'économie.
- Dire que le paragraphe 5 de l'article I du contrat cadre annuel 2009, en ce qu'il exclut l'application des conditions générales de vente des fournisseurs, à toute livraison de produits ou prestation de services du fournisseur, au profit des conditions d'achat du GALEC, crée un déséquilibre significatif dans les droits et les obligations des parties au détriment des fournisseurs,
- Dire que la distorsion en matière de délais de paiement entre la société GALEC et ses fournisseurs qui résulte de la clause 4.3.a de l'annexe II (conditions d'achat) du contrat cadre 2009, crée un déséquilibre significatif dans les droits et les obligations des parties au détriment des fournisseurs,
- Dire que les clauses 4.2.b et 4.3.b de l'annexe II (conditions d'achat) du contrat cadre 2009, en ce qu'elles imposent des pénalités, pour paiement avec retard des ristournes et des prestations de services, d'un montant manifestement déconnecté de la réalité [minute page 3] économique du préjudice qu'elles entendent prévenir créent un déséquilibre significatif dans les droits et les obligations des parties au détriment des fournisseurs,
- Dire que les clauses 4.2.c et 4.3.c de l'annexe II (conditions d'achat) du contrat cadre 2009, en ce qu'elles excluent d'office les escomptes pour paiement anticipé des ristournes et des prestations de services, créent un déséquilibre significatif dans les droits et les obligations des parties au détriment des fournisseurs,
- Dire que la clause I 4.d de l'annexe II (conditions d’achat) du contrat cadre 2009, en ce qu'elle met à la charge des fournisseurs les coûts inhérents à la destruction par les consommateurs des produits et/ou de leurs emballages, crée un déséquilibre significatif dans les droits et les obligations des parties au détriment des fournisseurs.
- Dire que les clauses susvisées contreviennent aux dispositions de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce,
- Enjoindre au GALEC de cesser pour l'avenir la pratique consistant à mentionner les clauses susvisées dans ses contrats,
- Prononcer à l'encontre du GALEC une amende civile de 2 millions d'euros.
- Débouter le GALEC de sa demande reconventionnelle et de condamnation du Ministre à payer au GALEC la somme de 30.000,00 € pour procédure abusive.
- Condamner le GALEC à verser au MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner le GALEC aux entiers dépens.
Par conclusions récapitulatives déposées le 11 octobre 2011, le GALEC demande au Tribunal de
- Dire nulle l'assignation délivrée à la requête du MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI
Vu la décision du Conseil Constitutionnel du 13 mai 2011 (n° 2011-126 QPC),
Vu l'Article 6 § 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales,
- Dire irrecevable l'action du MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI
Subsidiairement,
- Débouter le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- Dire le GALEC recevable et bien fondé en sa demande reconventionnelle,
Y faisant droit,
- Condamner le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI à payer au GALEC la somme de 30.000,00 € pour procédure abusive,
- Condamner le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI à payer au GALEC la somme de 5.000,00 € au titre de l'Article 700 du CPC.
L'affaire fut plaidée devant le Tribunal à son audience du 11 octobre 2011, puis le Tribunal a clos les débats, mis le jugement en délibéré et dit qu'il serait prononcé le 13 décembre 2011 par mise à disposition au greffe.
Il sera statué par un jugement contradictoire en premier ressort.
LES MOYENS DES PARTIES
Le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE DES FINANCES et de L'INDUSTRIE expose :
Qu'il a demandé aux services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) d'étudier les conventions issues des négociations commerciales 2009 entre les enseignes de la grande distribution alimentaire et leurs fournisseurs.
Qu'une intervention a eu lieu le 30 avril 2009, auprès du GALEC et que, parmi les documents remis, il a sélectionné et analysé 124 contrats cadres annuels conclus en 2009 avec 58 fournisseurs différents référencés nationalement.
[minute page 4] Que l'objectif de ces contrôles était de vérifier la conformité de ces conventions avec le cadre législatif issu de la Loi de Modernisation de l'Économie (LME) du 4 août 2008.
Que l'étude de la convention mise en place par l'enseigne LECLERC a révélé que celle-ci, en plus d'énumérer des obligations très majoritairement à la charge du seul fournisseur, contenait des clauses créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au contrat.
Que la présente action, fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce, s'inscrit dans le cadre de la mission de protection générale de l'ordre public économique.
Qu'il exerce une action en responsabilité respectueuse des dispositions de l'article 6 § 1 de la CESDH.
Il verse aux débats :
- Procès-verbal de déclaration du 30 avril 2009 du GALEC,
- Tableau récapitulatif,
- Jurisprudence et doctrine.
Le GALEC répond :
Que l'assignation doit être déclarée nulle.
Que la question est de savoir si le représentant du Ministre peut ester en justice et agir devant le Tribunal de commerce sans le pouvoir spécial qu'exige l'article 853 du CPC.
Qu'il est constant que la représentation en justice doit être régulière au moment de la délivrance de l'assignation comme lors des audiences ultérieures.
Que la ligne de partage tracée par la jurisprudence passe par la distinction entre la délégation de pouvoirs et la délégation de signature.
Que le Décret du 12 mars 1987 n° 87-163 prévoit une délégation de signature et a été pris au visa de l'Article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'Article L. 442-6 du Code de commerce et que l'Arrêté du 12 mars 1987 prévoit quant à lui une délégation de pouvoirs et a été pris au visa de l'Article 56 de l'Ordonnance du 1er décembre 1986, devenu L. 470-5 du Code de commerce.
Que lorsque le représentant du Ministre agit sur le fondement de l'Article L. 470-5 du Code de commerce, il n'a pas besoin d'un pouvoir spécial, bénéficiant déjà d'un texte lui permettant de représenter le Ministre, par délégation de pouvoirs.
Que par contre, lorsque le représentant du Ministre agit sur le fondement de l'Article L. 442- 6, en se prévalant du Décret du 12 mars 1987 ce texte n'organisant qu'une simple délégation de signature, qu'il doit être titulaire d'un pouvoir spécial dans les termes de l'Article 853 du CPC.
Que la délégation de pouvoir prévue par l'Arrêté du 12 mars 1987 qui dispense le Ministre d'un pouvoir spécial et qui est pris en application de l'Article L. 470-5 ne peut concerner que l'intervention volontaire et non la saisine du Tribunal par voie d'assignation, puisqu'il ne concerne que le dépôt de conclusions.
Que, force est ainsi de constater que lors de la délivrance de l'assignation, le représentant du Ministre ne pouvait se prévaloir de la délégation de pouvoirs de l'Arrêté du 12 mars 1987, puisque cet Arrêté ne peut s'appliquer qu'en cas d'application de l'Article L. 470-5, c'est-à-dire en cas d'intervention volontaire du Ministre dans une instance déjà pendante, ce qui n'est pas le cas d'espèce.
Que le seul fondement restant de la représentation du Ministre est dès lors la délégation de signature qui impose le pouvoir spécial.
Que l'assignation est donc nulle, faute de représentation valable du Ministre et faute de pouvoirs de la personne figurant au procès, comme représentant d'une personne morale (Art. 117 du CPC).
Que l'action engagée par le Ministre est irrecevable en raison de son caractère anticonstitutionnel.
Qu'il résulte de la décision rendue par le Conseil Constitutionnel le 13 mai 2011 que les parties au contrat doivent être informées par le Ministre de l'introduction de son action.
Qu'il ne résulte nullement de l'assignation délivrée par le Ministre le 30 octobre 2009 pour introduire son action, que le parties aux contrats que sont les fournisseurs et qui sont visées en annexe de l'assignation, aient été Informées de l'introduction de cette action.
[minute page 5] Que pour tenter de trouver une échappatoire, le Ministre a imaginé de renoncer à son action en nullité, que ce changement dans les demandes du Ministre, postérieurement à l'introduction de l'action, constitue un subterfuge qui restera sans effet.
Que le Ministre demande ainsi et pour l'avenir seulement, la cessation de la pratique illicite qu'il dénonce, en l'occurrence la suppression pour l'avenir dans les contrats de clauses qui caractériseraient un déséquilibre significatif.
Que pour le passe le Ministre ne formule donc plus aucune autre demande que ce soit en nullité, ni d'ailleurs en responsabilité civile.
Que si le Ministre demande pour l'avenir l'exclusion de telles clauses, c'est parce que ces clauses sont contraires à l'ordre public, et de ce fait nulles, ce qui justifie qu'elles doivent disparaître, donc que leur nullité a été constatée dans le passé, que c'est cela seul qui interdit leur reproduction à l'avenir
Que, dès lors, l'action du Ministre est irrecevable faute pour celui-ci d'avoir informé les parties au contrat de l'introduction de son action.
Qu'enfin, et surabondamment, en demandant que ne soit pas incriminé le comportement passé que le Ministre reproche, il prive de tout fondement sa demande d'amende civile.
Il verse aux débats
- Conditions générales de vente des fournisseurs,
- Jurisprudence et doctrine.
Le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE DES FINANCES et de L'INDUSTRIE ajoute
Que la représentation du Ministre devant la présente juridiction est parfaitement valable.
Que le représentant du Ministre n'a pas à produire de pouvoir spécial devant les juridictions civiles et commerciales, dès lors qu'il bénéficie de l'Arrêté de délégation de pouvoirs du 12 mars 1987
Que, contrairement à ce que prétend le GALEC, la délégation de pouvoirs qui autorise les représentants du Ministre à déposer des conclusions et à les développer à l'oral, ne se limite pas aux cas où le Ministre interviendrait à une instance pendante, que la référence suivante de l'article L.470-5 du Code de commerce « Pour l'application des dispositions du présent livre » (Livre IV) démontre clairement que le représentant du Ministre peut déposer des conclusions et les développer oralement à l'audience dans le cadre d'une assignation (article L. 442-6 du Code de commerce) et d'une intervention.
Que, concernant la décision QPC 2011-126 du Conseil Constitutionnel, ce dernier a confirmé la constitutionnalité de l'action du Ministre en reconnaissant qu'elle n'interdisait pas aux victimes de pratiques abusives, d'agir en justice pour obtenir la condamnation de celles-ci et qu'elle ne les empêchait pas non plus de se joindre à l'instance pour faire valoir leurs droits ou encore être entendues.
Que le Conseil Constitutionnel a néanmoins formulé une réserve d'interprétation en considérant que l'exercice de l'action du Ministre chargé de l'économie visant à annuler des clauses ou contrats, instrument d'une pratique abusive, et/ou à la restitution de sommes indûment perçues, ne portait pas atteinte aux exigences constitutionnelles dès lors que les parties au contrat sont informées de l'introduction de l'action.
Qu'il a pris acte de cette décision et a retiré sa demande de nullité des clauses litigieuses. Que la nullité des clauses prévues dans le contrat type 2009, comme la nullité des clauses figurant dans les contrats effectivement signés en 2009 par le GALEC et ses fournisseurs, n'ont pas d'utilité dès lors que ces contrats n'ont plus d'existence juridique en 2011.
Que l'objectif de son action n'est donc pas de faire retirer les clauses litigieuses figurant dans les contrats signés en 2009 par le GALEC et ses fournisseurs, mais d'empêcher la réitération de telles clauses dans les conventions à venir.
Qu'une injonction de cesser la pratique dénoncée permettra d'assurer que les clauses, support de cette pratique, ne figurent plus dans les conventions à venir.
[minute page 6]
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LES MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande du GALEC de nullité de l'assignation :
Attendu que le GALEC, avant toute défense au fond, conteste le pouvoir du représentant du Ministre pour ester en justice du fait des dispositions de l'article 853 du CPC, demandant un pouvoir spécial,
Attendu que cette demande est recevable pour avoir été présentée avant toute défense au fond,
Attendu que l'assignation a été signée par M. Y. en vertu d'une délégation de signature du Ministre reçue par Arrêté du 31 juillet 2007 pris en application du Décret n° 87-163 du 12 mars 1987,
Attendu que toutes ces mentions sont portées dans l'assignation, assignation faite au nom du Ministre par M. Y. qui l'a signée en vertu de ladite délégation de signature, qu'elle est donc parfaitement valable, l'Arrêté du 31 juillet 2007 pris en application du Décret n° 87-163 du 12 mars 1987 organisant la signature des actes relatifs à l'action prévue à l'article 36 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 442-6 du Code de commerce,
Attendu que, concernant le dépôt des conclusions et leur développement à l'audience, organisé par l'article L. 470-5 du Code de commerce, il n'est pas contesté que le représentant du Ministre n'a pas besoin de pouvoir spécial, que l'action ayant déjà été introduite par l'assignation, le dépôt de conclusions ne peut être assimilé à une intervention volontaire du Ministre,
Qu'en conséquence, la procédure étant régulière, le Tribunal dira l'assignation valable et déboutera le GALEC de sa demande de nullité.
Sur la demande d'irrecevabilité de la demande suite à la décision du Conseil Constitutionnel du 13 mai 2011 :
Attendu que, le 13 mai 2011, le Conseil Constitutionnel a dit conforme à la Constitution le second alinéa du paragraphe III de l'article L. 442-6 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, sous réserve que l'autorité publique qui engage une action en justice visant à faire cesser une pratique contractuelle contraire à l'ordre public informe au préalable les parties au contrat,
Attendu qu'a la suite de cette décision, le Ministre a modifié sa demande en supprimant sa demande visant à faire déclarer nulles les clauses qu'il considérait comme créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au profit du GALEC, demandant la cessation des pratiques litigieuses,
Attendu que le Tribunal ne peut pas se prononcer sans faire référence à des faits précis, que le Ministre pour justifier sa demande verse aux débats 124 contrats relatifs à 58 fournisseurs et qu'il demande au Tribunal, sur cette base, de statuer sur « le contrat cadre annuel 2009 et son annexe II (conditions d'achat) » de manière générale indiquant qu'environ 2.750 fournisseurs pourraient être concernés, alors que chacun de ces contrats est individualisé avec le nom du fournisseur, que, même si ces 124 contrats comportent des clauses identiques, le Tribunal ne peut généraliser à l'ensemble des fournisseurs sur la base des 124 contrats en statuant de manière générale sans référence à des contrats précis et donc à des fournisseurs précis,
Attendu, néanmoins, que le Tribunal peut se limiter à statuer sur les 124 contrats versés aux débats, mais attendu que le Conseil Constitutionnel, dans sa décision du 13 mai 2011 a dit l'action du Ministre conforme à la Constitution, dès lors que les parties au contrat ont été informés de l'introduction d'une telle action,
Attendu que le Ministre n'a pas justifié avoir informé les 58 fournisseurs concernés,
Attendu qu'en conséquence, le Tribunal ne pouvant ni statuer de manière générale ni statuer sur les 124 contrats versés aux débats relatifs aux 58 fournisseurs, en l'absence de preuve que lesdits fournisseurs ont été informés de l'action du Ministre, dira l'action du Ministre irrecevable et le déboutera de l'ensemble de ses demandes.
[minute page 7]
Sur la demande reconventionnelle du GALEC :
Attendu que le GALEC demande à titre reconventionnel la condamnation du Ministre à lui payer 30.000,00 s€ pour procédure abusive, mais attendu qu'il ne démontre pas que le Ministre a fait dégénérer en abus son droit d'avoir recours à la justice en conséquence le Tribunal le déboutera de sa demande.
Sur l'article 700 du CPC :
Attendu qu'il n'estime pas nécessaire de faire application de l'article 700 du CPC, le Tribunal déboutera les parties de leur demande de ce chef.
Sur les dépens :
Attendu que l'action du Ministre sera déclarée irrecevable, le Tribunal le condamnera aux dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant en premier ressort par un jugement contradictoire,
Dit valable l'assignation et déboute la SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE GROUPEMENTS D'ACHATS DES CENTRES LECLERC de sa demande de nullité,
Dit irrecevable l'action du MINISTRE DE L'ÉCONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et le déboute de l'ensemble de ses demandes,
Déboute la SOCIETE COOPÉRATIVE GROUPEMENTS D'ACHATS DES CENTRES LECLERC de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du CPC,
Condamne LE MINISTRE DE L'ÉCONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE aux dépens,
Liquide les dépens à recouvrer par le Greffe à la somme de 164,33 euros TTC. (dont 19,6 % de TVA).
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