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CA VERSAILLES (12e ch. sect. 2), 26 janvier 2006

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (12e ch. sect. 2), 26 janvier 2006
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 12e ch. sect. B
Demande : 04/07462
Date : 26/01/2006
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4331

CA VERSAILLES (12e ch. sect. 2), 26 janvier 2006 : RG n° 04/07462

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Considérant qu'il résulte de l’article L. 133-6 du Code de commerce que toutes les actions auxquelles le contrat de transport peut donner lieu sont prescrites dans le délai d'un an ;

Considérant que, toutefois, la prescription annale ne saurait s'appliquer à une action fondée sur les conditions de conclusion et d'exécution d'un contrat-cadre intervenu entre La POSTE et la Société IDF TRADING, et prévoyant les modalités de leur collaboration à venir à l'occasion de l'ensemble des prestations confiées à cette dernière, conformément aux formes et procédures précisées dans le cahier des charges de DILIPACK-La POSTE ; Considérant que tel est particulièrement le cas en l'espèce, dans la mesure où la demande de dommages-intérêts présentée par la partie appelante à l'encontre de La POSTE tend à obtenir la réparation du préjudice qui serait résulté pour la Société IDF TRADING d'agissements illégaux d'abus de domination prohibés par les articles L 420-2 et L 442-6 du Code de commerce ; Considérant qu'il y a donc lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée de ce chef par La POSTE ».

2/ « Considérant qu'il est constant que l'existence d'un état de dépendance économique, au sens de l’article L. 420-2 alinéa 2 du Code de commerce, s'apprécie en tenant compte, notamment, de l'importance de la part du fournisseur dans le chiffre d'affaires de son cocontractant, et de l'impossibilité pour celui-ci d'obtenir d'autres fournisseurs des produits équivalents ; Considérant qu'il résulte de l'article L 442-6-I-2° b) du même code qu’: « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait pour tout producteur ou commerçant... d'abuser de la relation de dépendance dans laquelle il tient un partenaire ou de sa puissance d'achat ou de vente en le soumettant à des conditions commerciales ou obligations injustifiées » ;

Or considérant qu'en l'occurrence, il s'infère de l'article 2 du marché de transport postal liant les parties que DILIPACK - La POSTE n'a souscrit aucune obligation de commande envers la Société IDF TRADING ; Considérant qu'il apparaît que cette dernière, qui n'était tenue par aucune clause d'exclusivité à l'égard de La POSTE, ne se trouvait pas dans une situation de nature à la priver de solutions alternatives en cas de rupture prématurée des relations contractuelles ; […] Considérant qu'au regard de ce qui précède, ne se trouve nullement mise en évidence l'existence de conditions commerciales ou d'obligations injustifiées que la société intimée aurait indûment imposées à sa cocontractante, et qui auraient généré les difficultés de trésorerie rencontrées par cette dernière et ayant conduit à sa cessation des paiements ; Considérant que, dès lors que la preuve n'est pas rapportée d'une situation de dépendance économique que La POSTE aurait abusivement exploitée au détriment de la Société IDF TRADING, il convient, en confirmant le jugement déféré, de débouter Maître SOUCHON, ès-qualités, de sa demande de dommages-intérêts sur ce fondement. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

DOUZIÈME CHAMBRE SECTION 2

ARRÊT DU 26 JANVIER 2006

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 04/07462. Code nac : 59A. Contradictoire. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 6 août 2004 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES (4e ch.) : R.G. n° 2002F2678.

LE VINGT SIX JANVIER DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANT :

Maître Alain-François SOUCHON, mandataire judiciaire, es-qualités de Mandataire liquidateur de SARL IDF TRADING

demeurant [adresse], représenté par Maître Claire RICARD, avoué - N° du dossier 240600, Rep/assistant : Maître Fabrice LECOQ, avocat au barreau de L'ESSONNE.

 

INTIMÉE :

LA POSTE,

Etablissement Public National, ayant son siège [adresse], agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège, représentée par la SCP GAS, avoués - N° du dossier 20040961, Rep/assistant : Maître Claudia MASSA de la SCP LEHMAN, avocat au barreau de PARIS.

 

Composition de la Cour : En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 novembre 2005 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Françoise LAPORTE, Président, Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller, Monsieur Denis COUPIN, conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Marie-Thérèse GENISSEL,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 28 février 2000, la Société IDF TRADING, qui exerçait l'activité de transports et de services de courses de moins de 3,5 tonnes, prestations de services en commerce international de tous produits non réglementés, a conclu avec LA POSTE un contrat-cadre, avec prise d'effet au 3 janvier 2000, portant sur le marché de transport postal n° 000201XX, en vertu duquel lui était sous-traité le transport des colis DILIPACK.

Par courrier du 3 décembre 2001, LA POSTE a résilié ce contrat, et fixé la date d'effet de cette résiliation à compter du 1er février 2002.

Faisant grief à LA POSTE de n'avoir pas respecté la tacite reconduction d'ores et déjà acquise jusqu'au 31 mars 2002, la Société IDF TRADING l'a, par acte du 13 juin 2002, assignée en paiement de factures et en dommages-intérêts pour abus de position dominante.

Par décision du 9 décembre 2002, le Tribunal de Commerce d'ÉVRY a ouvert une procédure simplifiée de redressement judiciaire de la Société IDF TRADING, et désigné Maître L. en qualité d'administrateur et Maître SOUCHON en tant que représentant des créanciers ; cette procédure a, par décision du 20 octobre 2003, été convertie en liquidation judiciaire, et Maître SOUCHON a été désigné en qualité de mandataire liquidateur.

Par jugement du 6 août 2004, le Tribunal de Commerce de VERSAILLES a :

- dit que le contrat n° 000201XX souscrit le 28 février 2000 entre les parties a été régulièrement résilié par LA POSTE, avec prise d'effet au 1er février 2002 ;

- débouté Maître Alain François SOUCHON, ès qualité, de l'ensemble de ses demandes principales ;

- dit n'y avoir lieu à dommages-intérêts ;

- fixé au passif de la SARL IDF TRADING la créance de LA POSTE pour la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Maître Alain François SOUCHON, en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société IDF TRADING, a interjeté appel de cette décision.

Il fait valoir que, dès lors que La POSTE n'a pas adressé sa lettre de résiliation au moins un mois avant la date d'expiration du contrat devant normalement intervenir le 31 décembre 2001, le contrat liant les parties s'est, en application de l'article 3, trouvé tacitement reconduit pour une durée déterminée et ferme de trois mois jusqu'au 31 mars 2002.

Il expose que les stipulations de l'article 9 de ce contrat, prévoyant un préavis limité à un mois en cas de résiliation, ne sauraient vider de leur substance les dispositions claires de l'article 3 précité, lesquelles traitent de la durée même de la convention et de ses reconductions successives pour une durée déterminée de trois mois, excepté l'hypothèse d'une résiliation pour faute grave et établie.

Il soutient que, dès lors qu'est en litige la rupture unilatérale et abusive d'un contrat-cadre tacitement reconduit, et non une action inhérente à une commande ou à un contrat de transport particulier, la prescription écourtée prévue à l’article L. 133-6 du Code de commerce ne saurait recevoir application.

Il allègue que, pour le mois de janvier 2002, La POSTE demeure redevable envers la Société IDF TRADING d'un solde égal à 69.868,47 euros sur les factures n° F0YY2002 et n° F0YY2017 du 31 janvier 2002, cette dernière correspondant aux prestations de tri qu'elle a assumées durant ce mois, et qui étaient auparavant contractuellement à la charge de la partie adverse.

Il observe que la Société IDF TRADING a également à bon droit émis le 31 janvier 2002 une facture n° F0YY2002, d'un montant TTC de 421.163,03 euros pour les mois de janvier, février et mars 2002, l'indemnisation sollicitée à hauteur de 280.775,35 euros pour les mois de février et de mars 2002 ayant été calculée par extrapolation du prix du travail facturé pour le mois de janvier 2002, valeur de référence pour les deux mois suivants.

Il allègue que la prescription annale ne saurait davantage être opposée à la Société IDF TRADING, s'agissant de la demande d'indemnisation présentée du chef d'abus de position dominante.

Il relève que la domination économique exercée par La POSTE sur le marché du colisage d'entreprises de moins de 3,5 tonnes conférait à cette dernière le pouvoir d'imposer à sa guise les conditions d'exécution de ses prestations.

Il précise que cette situation de dépendance économique s'est notamment traduite par la stipulation de courtes périodes de tacite reconduction ainsi que par la faculté pour la partie adverse de rompre le contrat sans motif moyennant un délai de prévenance d'un mois.

Il ajoute que la brutalité de la résiliation qui lui a été notifiée par la société intimée, sans que la perspective de cette résiliation lui ait été préalablement annoncée, a placé la Société IDF TRADING dans une situation financière impossible, ayant conduit à sa cessation des paiements.

Par voie de conséquence, il demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, de condamner LA POSTE à lui payer, en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société IDF TRADING, les sommes de :

- 69.867,97 euros, au titre du règlement de la facture n° F0YY2002 pour le mois de janvier 2002, et au titre du règlement de la facture n° F0YY2017 correspondant au mois de janvier 2002, soustraction déjà faite de l'acompte versé à hauteur de 91.662,71 euros ;

- 280.775,35 euros, au titre du règlement de la facture n° 02XX2002 correspondant aux mois de février et mars 2002, période tacitement reconduite jusqu'au 31 mars 2002 ;

- 805.000 euros, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, par suite de l'abus de position dominante de LA POSTE à l'égard de son propre cocontractant ;

lesdites sommes devant porter intérêts au taux légal, pour les factures à compter du 7 mars 2002, date de la mise en demeure, et pour les autres sommes à compter de l'assignation, et les intérêts devant être capitalisés par année entière.

Il réclame en outre, ès qualités, la somme de 7.000 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

 

LA POSTE conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit que le contrat liant les parties a été régulièrement résilié par elle et en ce qu'il a débouté Maître SOUCHON, ès qualités, de l'ensemble de ses prétentions.

Elle demande à la Cour, à titre liminaire, d'écarter des débats la pièce adverse n° 5, en raison de l'origine douteuse de ce document que la partie appelante se refuse à communiquer en original, et la pièce adverse n° 21, correspondant à une nouvelle facture n° F0YY2017 prétendument en date du 31 janvier 2002, laquelle n'est invoquée pour la première fois que dans des conclusions du 22 septembre 2003.

Elle conteste être débitrice de la somme de 69.867,97 euros qui lui est réclamée au titre de l'ensemble des prestations effectuées par la Société IDF TRADING au cours du mois de janvier 2002, dans la mesure où il avait été convenu que le montant de ces prestations s'élevait à la somme de 91.162,71 euros, objet de la facture n° F0YY2002Bis, intégralement acquittée par la société intimée.

Elle soulève l'irrecevabilité de la demande en paiement de la facture n° F0YY2017, datée du 31 janvier 2002, et correspondant à des prestations de tri prétendument réalisées au mois de janvier 2002, dès lors que cette demande, formulée pour la première fois au mois de septembre 2003, se trouve prescrite par application de l’article L. 133-6 du Code de commerce.

Elle indique avoir respecté le préavis d'un mois imposé par l'article 9 du contrat-cadre liant les parties, en résiliant ce contrat moyennant un délai de prévenance de deux mois, et elle précise avoir pris des précautions particulières en annonçant à son cocontractant dès l'été 2001 sa décision de fermer le service DILIPACK.

Subsidiairement, elle excipe du caractère fantaisiste de la réclamation formulée à titre de dommages-intérêts par la partie appelante au titre des mois de février et mars 2002, alors même que LA POSTE n'avait contractuellement aucune obligation de commande, et alors surtout qu'aucune justification n'est apportée quant à un éventuel manque à gagner durant la période de préavis.

Elle conclut à l'irrecevabilité de la demande de dommages-intérêts pour abus de position dominante formulée par la partie adverse, dans la mesure où cette demande, présentée pour la première fois en septembre 2003, soit plus d'une année après l'introduction de l'instance, et près de deux ans après la fin du contrat, est prescrite par application de l’article L 133-6 du Code de commerce .

Elle stigmatise l'amalgame effectué par la Société IDF TRADING, représentée par son mandataire liquidateur, entre les notions d’« abus de position dominante » et d’« abus de dépendance économique ».

Elle fait valoir que la Société IDF TRADING n'était, ni juridiquement, ni matériellement, dans l'impossibilité de trouver une solution équivalente, le marché du transport offrant d'innombrables moyens de substitution.

Elle constate que cette société avait une activité importante avec d'autres clients que LA POSTE, qu'elle n'a jamais été soumise à des conditions commerciales ou à des obligations injustifiées, et que son insuffisance d'actif a été provoquée par les choix du gérant, et notamment par les avances importantes consenties au profit de la Société A. dont l'associé majoritaire était le gérant de la Société IDF TRADING.

Elle estime que la résiliation de la convention liant les parties ne peut être qualifiée de brutale, puisque LA POSTE a respecté les délais contractuels de préavis, et a informé les responsables de la Société IDF TRADING dès le mois d'août 2001 de l'interruption du service DILIPACK.

Elle souligne qu'aucune conséquence ne saurait être tirée du recrutement de personnel auquel la Société IDF TRADING aurait procédé pour pouvoir faire face aux obligations contractées avec LA POSTE, alors qu'il est établi que cette société avait d'autres activités lui apportant d'autres clients par le biais de la Société A.

Elle ajoute que les prétentions indemnitaires de la partie adverse, correspondant à l'équivalent du chiffre d'affaires de l'année 2001, sont manifestement exorbitantes, et que la preuve n'est pas non plus rapportée du lien de causalité entre le préjudice allégué et la prétendue faute de la société intimée.

Elle sollicite en outre la condamnation de Maître SOUCHON, en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société IDF TRADING, au paiement des sommes de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du nouveau Code de procédure civile, et de 8.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 novembre 2005.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. Sur la demande en paiement des factures :

Considérant qu'il est constant que le montant réclamé à ce titre par Maître SOUCHON ès qualités, soit à hauteur de la somme globale de 69.867,97 euros, se décompose de la manière suivante :

- Facture n° F0YY2002, à concurrence de 117.381 euros HT, soit : 140.387,68 euros TTC,

- Facture n° F0YY2017, à concurrence de 17.260,50 euros HT, soit : 20.643,56 euros TTC,

Total : 161.031,24 euros TTC,

duquel doit être déduit l'acompte de 91.213,27 euros TTC versé par La POSTE ;

Considérant que la facture n° F0YY2002 en date du 31 janvier 2002, d'un montant total de 421.163,03 euros, correspond à l'équivalent de 550 distributions effectuées courant janvier 2002 par la Société IDF TRADING pour le compte de La POSTE, sur la base d'un tarif unitaire de 213,42 euros par distribution ;

Considérant que, pour tenter de justifier ce tarif unitaire de 213,42 euros, Maître SOUCHON, ès-qualités, fait état d'un courrier de la Société IDF TRADING en date du 4 février 2002, aux termes duquel celle-ci explique que La POSTE lui aurait demandé d'inclure la prestation de tri dans son forfait de distribution, ce qui aurait fait passer ce forfait de 182,94 euros à 213,42 euros ;

Mais considérant qu'il n'est démontré, ni que la société intimée aurait chargé la Société IDF TRADING d'une prestation de tri non prévue aux termes du contrat-cadre faisant la loi des parties, ni qu'elle aurait donné son accord sur cette nouvelle tarification ;

Considérant qu'au demeurant, la facture n° F0YY2002 vise uniquement des opérations de distribution, lesquelles, ainsi qu'il résulte du courrier susvisé de la Société IDF TRADING, devaient être rémunérées sur la base d'un tarif de 182,94 euros, et non de 213,42 euros, par jour ouvrable et par chauffeur ;

Considérant qu'au surplus, la prestation de tri qui, selon l'appelant, légitimerait l'application du tarif de 213,42 euros, a donné lieu à une facturation séparée, n° F0YY2017, également émise le 31 janvier 2002 ;

Considérant qu'en toute hypothèse, dès lors qu'au regard de ce qui précède, la preuve n'est pas rapportée d'un accord de La POSTE sur le tarif de 213,42 euros intégrant l'opération de tri, Maître SOUCHON, ès-qualités, doit être débouté de sa demande en paiement du solde de la facture n° F0YY2002 ;

Considérant que la facture n° F0YY2017 d'un montant de 20.643,56 euros, également du 31 janvier 2002, correspond à des prestations de tri prétendument effectuées par la Société IDF TRADING pour le compte de La POSTE au cours du mois de janvier 2002 ;

Considérant que, dans la mesure où aucun élément objectif n'autorise à remettre en cause la sincérité de la facture précitée se rapportant à l'opération spécifique de tri, il n'y a pas lieu d'accueillir la demande de La POSTE tendant à voir écarter des débats la pièce n° 21 afférente à cette facture ;

Considérant que, pour s'opposer à la réclamation présentée de ce chef par la partie appelante, la POSTE fait valoir qu'elle se heurte à la prescription annale de l’article L. 133-6 du code de commerce ;

Considérant qu'à cet égard, il est admis que la prescription annale s'applique aux actions dirigées contre le voiturier, le commissionnaire de transport, l'expéditeur ou le destinataire, à condition qu'elles soient fondées sur le contrat de transport ou sur des faits se rattachant accessoirement à l'exécution de ce contrat ;

Or, considérant qu'il doit être observé que les prestations, objet du contrat-cadre conclu entre la POSTE et la société IDF TRADING, comprennent les opérations d'enlèvement, de reconnaissance, de transport et de livraison des marchandises, sans viser expressément l'opération de tri ;

Considérant qu'au demeurant, l'intimé soutient, dans le cadre de son argumentation sur le fond, n'avoir jamais demandé à la société IDF TRADING d'effectuer en janvier 2002 des prestations de tri ;

Considérant qu'il s'ensuit que la preuve n'est pas rapportée du caractère accessoire de l'activité de tri par rapport aux opérations de transport et de distribution qui constituent l'objet principal de la réclamation présentée par l'appelant ;

Considérant qu'il y a donc lieu de rejeter la fin de non recevoir soulevée par la POSTE ;

Mais considérant qu'il apparaît que la prestation de tri, dont la société intimée aurait chargé la société IDF TRADING, n'est nullement prévue aux termes du contrat-cadre faisant la loi des parties ;

Considérant qu'en l'absence de preuve qu'une opération de tri aurait été spécialement confiée en janvier 2002 à la société IDF TRADING, c'est à bon droit que le tribunal a énoncé que cette prestation est dépourvue de caractère contractuel ;

Considérant que, par voie de conséquence, il convient, en confirmant par substitution partielle de motifs le jugement déféré, de débouter Maître SOUCHON, en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société IDF TRADING, de sa demande en paiement de la somme de 69.867,97 euros, correspondant au solde prétendument dû à cette dernière sur les deux factures n° F0YY2002 et F0YY2017.

 

2. Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 du contrat-cadre liant les parties, celui-ci a été conclu initialement pour une durée ferme et déterminée à compter du 3 janvier 2000 jusqu'au 1er juillet 2000, et était renouvelable à l'expiration de ce délai par tacite reconduction et par périodes d'une durée de trois mois, 'faute pour l'une des parties contractantes d'avoir dénoncé le contrat par lettre recommandée... 1 mois au plus tard avant la date de son expiration’;

Considérant qu'il s'ensuit qu'en l'absence de dénonciation notifiée au moins un mois avant ses termes successifs, le contrat s'est trouvé renouvelé une première fois le 2 juillet 2000, puis le 2 octobre 2000, et enfin le 2 janvier 2001 pour une nouvelle période de trois mois, soit jusqu'au 1er avril 2001 ;

Mais considérant qu'à l'article 9, les parties ont également prévu :

- une faculté de résiliation de plein droit, à tout moment, par l'une ou l'autre des parties, par lettre recommandée avec avis de réception postal, avec respect d'un préavis d'un mois (article 9 alinéa 1er) ;

- une faculté de résiliation de plein droit sans préavis, à l'initiative de La POSTE, par lettre recommandée avec avis de réception postal, en cas de faute grave de son cocontractant (article 9 alinéa 2) ;

Considérant qu'en l'occurrence, il est constant que La POSTE a, par courrier en date du 03 décembre 2001, informé la Société IDF TRADING que, par suite de sa décision de fermeture définitive du réseau DILIPACK, elle était conduite : « à résilier, à la date de fermeture de notre agence de [ville S.], soit le 1er février 2002, le contrat n° 000201XX » ;

Considérant qu'au regard de ce qui précède, il apparaît que la société intimée a exercé la faculté qui lui était ouverte par l'article 9 alinéa 1er susvisé, en résiliant le contrat liant les parties moyennant le respect du préavis d'un mois exigé par cette stipulation ;

Considérant qu'à cet égard, si les parties ne peuvent mettre unilatéralement fin à un contrat à durée déterminée avant son terme, c'est à la condition que celui-ci ne soit pas assorti d'une clause résolutoire les autorisant à y mettre fin de façon anticipée ;

Or considérant qu'il résulte de la stipulation précitée que l'une et l'autre parties se sont réservé la possibilité de résilier le contrat à tout moment et sans motif, moyennant la seule obligation de respecter un préavis d'un mois ;

Considérant qu'au demeurant, il apparaît qu'en prenant l'initiative de résilier le contrat par lettre du 3 décembre 2001 pour l'échéance du 1er février 2002, la société intimée a en réalité fait bénéficier la Société IDF TRADING d'un préavis plus long que si elle avait, conformément à l'article 3, dénoncé le contrat au plus tard le 30 novembre 2001 pour le terme du 1er janvier 2002 ;

Considérant qu'il s'ensuit que les conditions dans lesquelles La POSTE a exercé sa faculté de résiliation ne revêtent aucun caractère déloyal ni abusif ;

Considérant qu'il y a donc lieu, en confirmant le jugement déféré, de débouter Maître SOUCHON, ès-qualité, de sa demande de dommages-intérêts du chef de résiliation anticipée et abusive du contrat-cadre liant la Société IDF TRADING à La POSTE.

 

3. Sur la demande de dommages-intérêts pour abus de position dominante :

* Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

Considérant qu'il résulte de l’article L. 133-6 du Code de commerce que toutes les actions auxquelles le contrat de transport peut donner lieu sont prescrites dans le délai d'un an ;

Considérant que, toutefois, la prescription annale ne saurait s'appliquer à une action fondée sur les conditions de conclusion et d'exécution d'un contrat-cadre intervenu entre La POSTE et la Société IDF TRADING, et prévoyant les modalités de leur collaboration à venir à l'occasion de l'ensemble des prestations confiées à cette dernière, conformément aux formes et procédures précisées dans le cahier des charges de DILIPACK-La POSTE ;

Considérant que tel est particulièrement le cas en l'espèce, dans la mesure où la demande de dommages-intérêts présentée par la partie appelante à l'encontre de La POSTE tend à obtenir la réparation du préjudice qui serait résulté pour la Société IDF TRADING d'agissements illégaux d'abus de domination prohibés par les articles L 420-2 et L 442-6 du Code de commerce ;

Considérant qu'il y a donc lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée de ce chef par La POSTE ;

 

* Sur la demande du chef d'abus de position dominante :

Considérant qu'aux termes de l’article L. 420-2 alinéa 1er du Code de commerce, est prohibée : « l'exploitation abusive, par une entreprise ou un groupe d'entreprises, d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci » ;

Considérant que, toutefois, la détermination de l'existence d'un abus de domination suppose que soit préalablement analysé le marché des produits ou services sur lesquels cette domination est susceptible de s'exercer ;

Or considérant que la seule affirmation par la partie appelante de la situation de quasi-monopole dans laquelle se trouveraient La POSTE et ses filiales dans le domaine du colisage des moins de 3,5 tonnes ne peut suffire à définir le marché de référence par rapport auquel doit s'apprécier la puissance économique de la société intimée sur ce marché ;

Considérant que, de surcroît, il n'est ni démontré ni même allégué que le contrat liant les parties comporterait des clauses attentatoires au jeu de la libre concurrence, et qu'il aurait été exécuté dans des conditions de nature à entraver le fonctionnement normal du marché concerné ;

Considérant qu'au regard de ce qui précède, la demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'abus de position dominante ne peut prospérer et doit donc être écartée ;

 

* Sur la demande du chef d'abus de dépendance économique :

Considérant qu'il est constant que l'existence d'un état de dépendance économique, au sens de l’article L. 420-2 alinéa 2 du Code de commerce, s'apprécie en tenant compte, notamment, de l'importance de la part du fournisseur dans le chiffre d'affaires de son cocontractant, et de l'impossibilité pour celui-ci d'obtenir d'autres fournisseurs des produits équivalents ;

Considérant qu'il résulte de l'article L 442-6-I-2° b) du même code qu’: « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait pour tout producteur ou commerçant... d'abuser de la relation de dépendance dans laquelle il tient un partenaire ou de sa puissance d'achat ou de vente en le soumettant à des conditions commerciales ou obligations injustifiées » ;

Or considérant qu'en l'occurrence, il s'infère de l'article 2 du marché de transport postal liant les parties que DILIPACK - La POSTE n'a souscrit aucune obligation de commande envers la Société IDF TRADING ;

Considérant qu'il apparaît que cette dernière, qui n'était tenue par aucune clause d'exclusivité à l'égard de La POSTE, ne se trouvait pas dans une situation de nature à la priver de solutions alternatives en cas de rupture prématurée des relations contractuelles ;

Considérant qu'au demeurant, l'allégation de la partie appelante, suivant laquelle la Société IDF TRADING aurait réalisé environ 82 % de son chiffre d'affaires avec La POSTE ne peut être entérinée, compte tenu de l'absence de transparence dans les relations commerciales entre la Société IDF TRADING et la Société A. à laquelle cette dernière avait sous-traité une partie de son activité de transport des colis de La POSTE ;

Considérant que, de surcroît, ne sont pas démontrées les prétendues assurances qu'IDF TRADING aurait reçues de sa cocontractante quant à la pérennité d'un marché dont le caractère précaire s'infère de la courte durée des périodes de renouvellement auxquelles il était possible à l'une et l'autre parties de mettre fin sous la seule réserve du respect d'un mois de préavis ;

Considérant qu'au regard de ce qui précède, ne se trouve nullement mise en évidence l'existence de conditions commerciales ou d'obligations injustifiées que la société intimée aurait indûment imposées à sa cocontractante, et qui auraient généré les difficultés de trésorerie rencontrées par cette dernière et ayant conduit à sa cessation des paiements ;

Considérant que, dès lors que la preuve n'est pas rapportée d'une situation de dépendance économique que La POSTE aurait abusivement exploitée au détriment de la Société IDF TRADING, il convient, en confirmant le jugement déféré, de débouter Maître SOUCHON, ès-qualités, de sa demande de dommages-intérêts sur ce fondement.

 

4. Sur les demandes complémentaires et annexes :

Considérant que, dans la mesure où l'action dont la Société IDF TRADING, ultérieurement représentée par son mandataire liquidateur, a pris l'initiative, ne revêt pas le caractère d'un abus de droit d'ester en justice de nature à justifier une indemnisation en faveur de la société intimée, il y a lieu, en confirmant également de ce chef la décision entreprise, de débouter La POSTE de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du nouveau Code de procédure civile ;

Considérant que l'équité commande d'allouer à La POSTE la somme complémentaire de 2.000 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Considérant qu'il n'est cependant pas inéquitable que la partie appelante conserve la charge des frais non compris dans les dépens exposés par elle dans le cadre de la présente instance ;

Considérant que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a dit que les dépens de première instance seront employés en frais privilégiés de procédure collective ;

Considérant que Maître SOUCHON, en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société IDF TRADING, qui succombe en son recours, doit être condamné aux dépens d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l'appel interjeté par Maître Alain François SOUCHON, pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société IDF TRADING, le dit mal fondé ;

Confirme par substitution partielle de motifs le jugement déféré ;

Y ajoutant :

Condamne Maître Alain François SOUCHON, ès qualités, à payer à La POSTE la somme complémentaire de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne Maître Alain François SOUCHON, ès qualités, aux dépens d'appel, et autorise la SCP GAS, Société d'Avoués, à recouvrer directement la part la concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Arrêt prononcé par Madame Françoise LAPORTE, Président, et signé par Madame Françoise LAPORTE, Président et par Mme Marie-Thérèse GENISSEL, greffier, présent lors du prononcé

Le GREFFIER,                     Le PRÉSIDENT,