CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. A), 18 mars 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4339
CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. A), 18 mars 2013 : RG n° 11/04382
Publication : Jurica
Extrait : « Il s'avère, en effet, que les enfants de Mme Z. ne peuvent valablement prétendre au versement d'un capital de 80.000 euros, lequel est dû exclusivement, en application des stipulations du contrat, en cas de décès du conducteur assuré, à son conjoint non séparé de corps ou à son concubin.
Les consorts X. ne peuvent valablement fonder leurs demandes sur les dispositions relatives aux contrats d'assurance sur la vie qui s'avèrent inapplicables en l'espèce, s'agissant d'un contrat d'assurance automobile. De plus, le bénéficiaire du capital de 80.000 euros est parfaitement déterminé et identifiable au moment de son exigibilité, s'agissant du conjoint ou du concubin. Le fait que Madame Z. vivait seule à l'époque de son décès a simplement pour effet de rendre ce capital non dû par la compagnie d'assurances.
La clause litigieuse ne s'avère pas abusive dès lors qu'elle n'a pas pour objet ou pour effet de créer, au détriment de l'assuré, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Le fait que cette clause soit incluse au contrat d'assurance et donnait donc lieu à cotisations, alors que Madame Z. était célibataire, ne permet pas de caractériser son caractère abusif ou déséquilibré, alors que la situation matrimoniale de Mme Z. était susceptible d'évolution dans le temps.
De même, il ne peut être soutenu que cette clause prive les personnes célibataires de pouvoir laisser un capital à des enfants de plus de 21 ans, l'objet de cette clause étant d'indemniser le conjoint actuel ou futur de l'assuré, en cas de décès de celui-ci, et ne fait pas obstacle à ce qu'une autre clause du contrat ou d'un autre contrat indemnise d'autres personnes. »
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRÊT DU 18 MARS 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/04382. Rédacteur : Brigitte ROUSSEL, président. Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 24 mai 2011 par le Tribunal de Grande Instance de BERGERAC (RG : 10/00326) suivant déclaration d'appel du 4 juillet 2011.
APPELANTS :
Marion X.
née le [date] à [ville], de nationalité Française - Profession : […], demeurant [adresse]
Marc X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française - Profession : […], demeurant [adresse]
Alise X.
née le [date] à [ville], de nationalité Française - Profession : Etudiante, demeurant [adresse]
Be. X. épouse Y.
née le [date] à [ville], de nationalité Française - Profession : […], demeurant [adresse]
Pierre X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française - Profession : Etudiant, demeurant [adresse]
représentés par Maître Patricia C., avocat au barreau de BORDEAUX, et assistés de la SCP LE G., avocats au barreau de BERGERAC
INTIMÉE :
SA MAAF ASSURANCES,
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [adresse], et en son agence [adresse], représentée par Maître Christophe B., avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 4 février 2013 en audience publique, devant la cour composée de : Brigitte ROUSSEL, président, Jean-Claude SABRON, conseiller, Thierry LIPPMANN, conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Annick BOULVAIS
ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mme Z. a souscrit, à effet du 16 novembre 2007, un « contrat auto assurance multirisque » auprès de la société MAAF Assurances, pour un véhicule automobile Renault Espace immatriculé XX.
Mme Z. est décédée, le 25 janvier 2008, des suites d'un accident de la circulation survenu alors qu'elle conduisait le véhicule assuré, laissant pour héritiers ses 5 enfants. Elle était divorcée et n'avait ni conjoint, ni concubin lors de son décès.
Les conditions générales du contrat d'assurance comportaient une garantie « dommages corporels du conducteur » dont une clause prévoyait qu'en cas de décès du conducteur assuré, la société MAAF Assurances s'engageait à régler :
«- pour le conjoint non séparé de corps ou concubin, un capital de 80.000 euros,
- pour chacun des enfants célibataires et de moins de 21 ans de l'assuré, un capital égal à 460 euros multiplié par le nombre de mois séparant la date du décès de l'assuré de la date du 21ème anniversaire de chacun des enfants,
- le remboursement dans la limite de 3.100 euros à la personne qui justifie en avoir fait l'avance, des frais de transport du corps de l'assuré décédé et des frais funéraires. »
La société MAAF Assurances a, en application des termes du contrat, versé les sommes dues pour les enfants célibataires et de moins de 21 ans, ainsi que dans le cadre des frais d'obsèques.
Estimant que la somme de 80.000 euros, due au conjoint ou au concubin, aurait dû, leur être versée, les enfants de Mme Z. : Marion, Marc, Alice, Be. et Pierre X., ont par acte du 4 mars 2011 fait assigner la société MAAF Assurances afin de la voir condamner à leur payer la somme de 80.000 euros au titre de la garantie dommages corporels prévue au contrat d'assurance souscrit par leur mère, ainsi que la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 24 mai 2011, le tribunal de grande instance de Bergerac a débouté les consorts X. de toutes leurs demandes et les a condamnés à payer à la société MAAF Assurances la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les consorts X. ont relevé appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 30 mai 2012, les consorts X. concluent à la réformation du jugement déféré afin de voir déclarer bien fondées leurs prétentions.
Ils demandent, à titre superfétatoire, au visa de l’article 1147 du Code civil, de constater le caractère abusif de la clause litigieuse au regard du code des assurances et le manquement à l'obligation de conseil de l'assureur.
Ils sollicitent, en conséquence, la condamnation de la société MAAF Assurances
à leur payer la somme de 80.000 euros au titre de la garantie dommages corporels, avec intérêts au taux légal à compter de l'introduction d'instance, et la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ils font essentiellement valoir à ces fins que :
- la désignation du conjoint ou du concubin comme bénéficiaire du contrat d'assurance résulte d'une clause type qui est caduque et qui se trouve privée d’effet dans la mesure où Mme Z. vivait seule et n'était plus mariée au jour de son décès,
- à défaut de l'existence de bénéficiaire nommément désigné au contrat ou en cas de désignation caduque, ce sont les héritiers qui doivent bénéficier de l'assurance au titre des dispositions de l’article L. 132-11 du code des assurances,
- il appartient au juge du fond de rechercher la volonté du stipulant et d'apprécier si les qualités énoncées permettent de considérer le bénéficiaire comme déterminé, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, Madame Z. étant divorcée et vivant seule,
- Mme Z. ayant payé une cotisation pour un produit auquel elle n'aurait jamais eu droit, la clause litigieuse, qui de plus est restrictive et discriminatoire en ce qu'elle prive des personnes célibataires de pouvoir laisser un capital à des enfants âgés de plus de 21 ans, est abusive,
- l'assureur n'apporte pas la preuve d'avoir rempli son obligation d'information au sens de l’article L. 112-2 du code des assurances,
- l'assureur n'a pas proposé à Mme X. d'avenant au contrat lorsque la situation de cette dernière a changé à la suite de son divorce.
Dans ses dernières conclusions déposées le 25 juillet 2012, la société MAAF Assurances conclut à la confirmation du jugement déféré afin de voir dire que la clause litigieuse n'est pas abusive, que c'est à bon droit qu'elle n'a pas versé le capital de 80.000 euros aux consorts X. et qu'elle n'a manqué ni à son obligation d'information ni à son devoir de conseil ni à son obligation d'adapter les contrats en cas de changement dans la situation des parties.
Elle sollicite la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait essentiellement valoir à ces fins que :
- le versement de la somme de 80.000 euros était exclusivement réservé, aux termes du contrat, au conjoint séparé ou au concubin de l'assuré,
- les dispositions des articles L. 132-5, L. 132-8 et L. 132-11 du code des assurances sont relatives aux contrats d'assurance sur la vie et inapplicables au présent litige,
- le bénéficiaire du contrat, désigné comme le conjoint non séparé de corps ou le concubin, était déterminé au moment du décès,
- l'assuré conducteur étant pas de bénéficiaire, le capital ne tombe pas dans la succession de ce dernier,
- la garantie prévue au contrat d'assurance automobile n'a pas vocation à se substituer à un contrat d'assurance-vie ou d'assurance- décès,
- la clause n'est pas abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation puisqu'elle ne crée pas de déséquilibre entre Mme X. et la compagnie d'assurances,
- Mme Z. était parfaitement informée des conditions de versement des différents capitaux prévus en cas de décès et elle a entendu protéger son éventuel conjoint ou concubin et ses enfants célibataires de moins de 21 ans,
- elle a rempli son obligation d'information et, s'agissant d'un contrat d'assurance automobile, son devoir de conseil ne porte pas sur la situation familiale de l'intéressée,
- de plus, selon le développement des consorts X., Mme Z. était déjà divorcée lors de la souscription du contrat, ce qui implique une absence de changement dans sa situation familiale,
- les garanties prévues aux conditions générales du contrat sont identiques à celles des conditions particulières.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 octobre 2012.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur ce,
Il ressort de l'examen de l'ensemble des éléments du dossier que les premiers juges ont effectué en l'espèce une exacte analyse des faits de la cause et une juste appréciation du litige en droit.
Il s'avère, en effet, que les enfants de Mme Z. ne peuvent valablement prétendre au versement d'un capital de 80.000 euros, lequel est dû exclusivement, en application des stipulations du contrat, en cas de décès du conducteur assuré, à son conjoint non séparé de corps ou à son concubin.
Les consorts X. ne peuvent valablement fonder leurs demandes sur les dispositions relatives aux contrats d'assurance sur la vie qui s'avèrent inapplicables en l'espèce, s'agissant d'un contrat d'assurance automobile.
De plus, le bénéficiaire du capital de 80.000 euros est parfaitement déterminé et identifiable au moment de son exigibilité, s'agissant du conjoint ou du concubin.
Le fait que Madame Z. vivait seule à l'époque de son décès a simplement pour effet de rendre ce capital non dû par la compagnie d'assurances.
La clause litigieuse ne s'avère pas abusive dès lors qu'elle n'a pas pour objet ou pour effet de créer, au détriment de l'assuré, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Le fait que cette clause soit incluse au contrat d'assurance et donnait donc lieu à cotisations, alors que Madame Z. était célibataire, ne permet pas de caractériser son caractère abusif ou déséquilibré, alors que la situation matrimoniale de Mme Z. était susceptible d'évolution dans le temps.
De même, il ne peut être soutenu que cette clause prive les personnes célibataires de pouvoir laisser un capital à des enfants de plus de 21 ans, l'objet de cette clause étant d'indemniser le conjoint actuel ou futur de l'assuré, en cas de décès de celui-ci, et ne fait pas obstacle à ce qu'une autre clause du contrat ou d'un autre contrat indemnise d'autres personnes.
Par ailleurs, aucun manquement à son obligation d'information et de conseil ne peut être retenu à l'encontre de l'assureur, alors que Madame Z. a été informée des garanties prévues aux conditions générales du contrat et qu'elle pouvait voir sa situation familiale évoluer, avec reprise d'une vie commune avec un conjoint ou un concubin.
Il n'est, par ailleurs, aucunement établi que la situation matrimoniale de Mme Z. ait évolué en cours de contrat et il ne peut donc être reproché à la MAAF Assurances de ne pas avoir proposé une adaptation du contrat en cours à l'assuré.
Au vu de ces considérations, il convient de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, notamment en celles relatives à l'application de l’article 700 du code de procédure civile, et de débouter les consorts X. de toutes leurs demandes.
L'équité ne commande pas de faire application en appel de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens doivent être laissés à la charge des consorts X. qui succombent dans leurs prétentions principales.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs,
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré.
- Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
- Condamne in solidum les consorts X. aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Madame Brigitte ROUSSEL, président, et par Madame Annick BOULVAIS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
- 5852 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de consommateur - Particulier personne physique - Consommateur partie au contrat
- 6010 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Principes généraux - Appréciation à la date de conclusion
- 6374 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances multirisques - Véhicule automobile - Obligations de l’assureur - Dommages au conducteur