CA LYON (1re ch. civ. B), 19 mars 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4340
CA LYON (1re ch. civ. B), 19 mars 2013 : RG n° 12/03053
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « La cour étant compétente pour statuer sur le caractère abusif d'une clause contractuelle et en l'absence de circonstances particulières pouvant le justifier, il n'y a pas lieu de saisir la commission des clauses abusives en application de l’article R. 132-6 du code de la consommation. »
2/ « Sont abusives les causes de résiliation de plein droit qui sont étrangères au manquement par l'emprunteur à son obligation essentielle ou se rapportent à des informations qui ne sont pas de nature à éclairer le prêteur sur le risque de défaillance de l'emprunteur.
Aux terme de l'article 16.1 du contrat : « Les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles, si bon semble à la banque, sans formalité ni mise en demeure : - en cas de règlement amiable, de redressement judiciaire civil, de redressement ou liquidation judiciaire, de l'emprunteur ou des cautions, ou si même en dehors de ces cas, l'emprunteur ou les cautions cessent ou suspendent leurs paiements pour quelque cause que ce soit ».
Cette cause de résiliation de plein droit ne dépend pas de la volonté discrétionnaire de la banque, puisqu'elle dépend au préalable du prononcé de la liquidation judiciaire par une juridiction. Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, cette clause n'est pas « totalement étrangère » à l'obligation essentielle de l'emprunteur « consistant au remboursement régulier de son prêt », dès lors que cette clause est relative à la défaillance d'un co-emprunteur solidaire et indivisible. Au surplus cette clause se rapporte à une information qui est de nature à éclairer le prêteur sur le risque de défaillance de l'autre emprunteur par « effet domino ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE B
ARRÊT DU 19 MARS 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/03053. Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON, Au fond, du 16 avril 2012 : R.G. n° 10/15611.
APPELANTE :
Mme X.
née le [date], représentée par la SCP B. - S., avocats au barreau de LYON, assistée de la SCP B. DE C.- A. & LANEYRIE, avocats au barreau de LYON,
INTIMÉE :
SA LYONNAISE DE BANQUE
représentée par la SCP B. & ASSOCIÉS, avocats au barreau de LYON
Date de clôture de l'instruction : 2 octobre 2012
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 février 2013
Date de mise à disposition : 19 mars 2013
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Jean-Jacques BAIZET, président, - Marie-Pierre GUIGUE, conseiller, - Michel FICAGNA, conseiller, assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier
A l'audience, Michel FICAGNA a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 24 décembre 2004, la société Lyonnaise de Banque a consenti à Mme X. et M. Y. un prêt immobilier d'un montant de 134.000 euros, au taux de 4,40 % l'an, remboursable en 300 échéances de 737,23 euros chacune.
Le 13 avril 2010, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de M. Y.
Invoquant la clause de déchéance du terme prévue au contrat de prêt en cas de « liquidation judiciaire de l'emprunteur », la société Lyonnaise de Banque a sollicité le règlement immédiat du capital restant dû alors même que Mme X. poursuivait le remboursement régulier de ses échéances.
Par assignation du 4 novembre 2010, Mme X. a saisi le tribunal de grande instance de Lyon aux fins de voir déclarer abusive la clause invoquée par la banque.
Suivant jugement en date du 16 avril 2012, le tribunal l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, l'a condamnée à payer à la société Lyonnaise de banque la somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a fixé la créance de la société Lyonnaise de Banque à la somme de 123.712,61 euros., arrêtée au 30 juillet 2010.
Le tribunal a considéré que la clause litigieuse n'était pas abusive dans la mesure où :
- l'événement suite auquel la banque pouvait considérer que le prêt est exigible était totalement indépendant de la volonté du prêteur, la liquidation judiciaire résultant d'une décision de justice,
- la clause attaquée ne conférait pas d'avantage exorbitant au prêteur,
- cette clause ne faisait que reprendre les termes de l’article L. 643-1 du code de commerce.
Mme X. a interjeté appel de ce jugement.
Elle a notifié de nouvelles conclusions « récapitulatives et complétives» postérieurement à l'ordonnance de clôture.
Mme X. demande à la cour :
- de déclarer recevables ses conclusions récapitulatives postérieures à l'ordonnance de clôture, s'agissant de conclusions aux fins d'actualisation de sa créance,
- d'infirmer le jugement entrepris,
En conséquence,
- déclarer la clause de déchéance du terme en cas de liquidation de l'emprunteur abusive et non écrite,
- dire nulle et de nul effet la correspondance de la société Lyonnaise de Banque en date du 10 mai 2010, prononçant la résiliation du prêt,
- de condamner la société Lyonnaise de Banque à exécuter le contrat de prêt en date du 21 décembre 2004, en l'absence de toute défaillance,
- de condamner la Lyonnaise de Banque à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 1134 du code civil, la mauvaise foi de la banque étant patente dans l'exécution du contrat,
- condamner la société Lyonnaise de Banque à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
- de rejeter toutes demandes, fins, et conclusions contraires,
Avant-dire-droit sur le fondement des dispositions de l’article R. 132-6 du code de la consommation,
- de saisir la commission des clauses abusives pour avis sur le caractère abusif de la clause incluse à l'article 16.1 de l'offre de prêt,
- en cas de confirmation du jugement entrepris, d'actualiser la dette de Mademoiselle X. au jour du prononcé du jugement.
La société Lyonnaise de banque demande à la cour :
- de rejeter les conclusions récapitulatives de Mme X. postérieures à l'ordonnance de clôture,
- de réformer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- de débouter Mme X. de ses prétentions,
- de confirmer le jugement pour le surplus et y ajoutant,
- de condamner Mme X. à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient :
- que s'il est exact que les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment de non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat sont réputées non écrites, il convient d'objecter que la liquidation judiciaire de l'emprunteur n'est pas une cause de déchéance du terme dépendant de son seul bon vouloir et qu'elle n'est nullement abusive,
-que l'action de Mme X. était non seulement infondée mais au surplus fantaisiste.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la recevabilité des conclusions :
Aux termes de l’article 783 du code de procédure civile : « sont cependant recevables les demandes en interventions volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats ».
Les loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus s'entendent de ceux de la période entre l'ordonnance de clôture et avant l'ouverture des débats.
Tel n'est pas le cas des conclusions litigieuses qui sollicitent, pour la première fois, que la cour tienne « compte de l'ensemble des échéances de remboursement du prêt intervenu depuis juillet 2010 », alors que l'ordonnance de clôture est intervenue le 2 octobre 2012.
Il convient en conséquence de déclarer irrecevables les conclusions de Mme X. notifiées le 29 janvier 2013 et il sera statué sur ses dernières conclusions notifiées le 17 juillet 2012.
Sur la déchéance du terme :
La déchéance du terme intervenue du fait de la liquidation judiciaire de M. A. conformément aux dispositions de l’article L. 643-1 du code de commerce pour le prêt consenti par la société Lyonnaise de Banque est opposable à la co-emprunteuse, débitrice principale de la dette contractée.
Sur la demande de saisine de la commission des clauses abusives en application de l’article R. 132-6 du code de la consommation :
La cour étant compétente pour statuer sur le caractère abusif d'une clause contractuelle et en l'absence de circonstances particulières pouvant le justifier, il n'y a pas lieu de saisir la commission des clauses abusives en application de l’article R. 132-6 du code de la consommation.
Sur la validité de la clause de déchéance du terme :
Aux termes de l’article L. 132-1 du code de la consommation :
« Est considérée comme abusive toute clause qui a pour objet ou effet de créer au détriment du consommateur ou du non professionnel un déséquilibre significatif entre les droits et objets des parties […] Les clauses abusives sont réputées non écrites. Les dispositions du présent article sont d'ordre public.».
Sont abusives les causes de résiliation de plein droit qui sont étrangères au manquement par l'emprunteur à son obligation essentielle ou se rapportent à des informations qui ne sont pas de nature à éclairer le prêteur sur le risque de défaillance de l'emprunteur.
Aux terme de l'article 16.1 du contrat :
« Les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles, si bon semble à la banque, sans formalité ni mise en demeure :
- en cas de règlement amiable, de redressement judiciaire civil, de redressement ou liquidation judiciaire, de l'emprunteur ou des cautions, ou si même en dehors de ces cas, l'emprunteur ou les cautions cessent ou suspendent leurs paiements pour quelque cause que ce soit ».
Cette cause de résiliation de plein droit ne dépend pas de la volonté discrétionnaire de la banque, puisqu'elle dépend au préalable du prononcé de la liquidation judiciaire par une juridiction.
Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, cette clause n'est pas « totalement étrangère » à l'obligation essentielle de l'emprunteur « consistant au remboursement régulier de son prêt », dès lors que cette clause est relative à la défaillance d'un co-emprunteur solidaire et indivisible.
Au surplus cette clause se rapporte à une information qui est de nature à éclairer le prêteur sur le risque de défaillance de l'autre emprunteur par « effet domino ».
En conséquence, au vu de ces éléments, il convient de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Sur la demande de dommages intérêts pour procédure abusive :
La société Lyonnaise de banque ne caractérise aucun fait de nature à faire dégénérer en abus, le droit qu'avait Mme X. de faire juger sa cause.
En conséquence, il convient de la débouter de sa demande.
Sur l’article 700 du code de procédure civile :
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
- Déclare irrecevables les conclusions de Mme X. déposées postérieurement à l'ordonnance de clôture,
- Dit n'y avoir lieu à saisir la commission des clauses abusives,
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- Déboute la société Lyonnaise de Banque de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- Condamne Mme X. aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, par ceux qui en ont fait la demande.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5791 - Code de la consommation - Régime de la protection – Commission des clauses abusives - Procédure d’avis
- 6623 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Régime général - Obligations de l’emprunteur - Déchéance et résiliation - Nature des manquements
- 6638 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit immobilier - Présentation générale