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CA MONTPELLIER (1re ch. sect. B), 3 avril 2013

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (1re ch. sect. B), 3 avril 2013
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 11/03953
Date : 3/04/2013
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4393

CA MONTPELLIER (1re ch. sect. B), 3 avril 2013 : RG n° 11/03953 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Constitue une clause abusive au sens de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, et comme telle réputée non écrite, la clause qui, dans un contrat de prêt, prévoit que le non-paiement des sommes exigibles, concernant quelque dette que ce soit de l'emprunteur vis à vis du prêteur fait partie des cas de survenance de déchéance du terme qui permet au prêteur de se prévaloir de l'exigibilité immédiate de la totalité de la créance. En effet, une telle clause crée, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties car, par une décision unilatérale du prêteur, en dehors du mécanisme de la condition résolutoire, elle induit une aggravation soudaine de la situation de l'emprunteur et une modification majeure de l'économie du contrat.

Tel est le cas de la clause 1.5 stipulée dans les conditions générales du contrat de prêt de 16.000 euros signé le 5 juillet 2006 qui permet à la CRCAM de se prévaloir de l'exigibilité immédiate de la totalité de sa créance en cas de résiliation d'autres prêts accordés à l'emprunteur puisqu'elle fait dépendre la durée du vie du contrat de la survenance d'événements extérieurs à celui-ci et rompt l'équilibre contractuel au détriment de l'emprunteur en rendant exigible, soudainement, les sommes restant dues hors de tout manquement de sa part dans l'exécution de ses obligations.

Cette clause abusive doit être réputée non écrite, ce qui constitue la seule sanction applicable en la matière. »

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B

ARRÊT DU 3 AVRIL 2013

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11/03953. Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er AVRIL 2011, TRIBUNAL D'INSTANCE DE BÉZIERS : R.G. n° 11-09-000441.

 

APPELANTE :

Madame X. épouse Y.

née le [date] à [ville], de nationalité Française, représentée par la SCP YVES G., YANN G., avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants et Maître Santiago M. DE P., avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

 

INTIMÉE :

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE SEINE - CRCAM

société coopérative à capital variable, régie par les articles L. 512-20 à L. 512-54 du Code Monétaire et Financier représentée en la personne de son Directeur en exercice domicilié ès qualités audit siège, représentée par Maître Joséphine H., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Maître B., avocat au barreau de BEZIERS substituant la SCP P.- D. - D., avocats au barreau d'EVREUX, avocat plaidant

 

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 12 février 2013

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 5 MARS 2013, en audience publique, Madame Caroline CHICLET ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : Monsieur Mathieu MAURI, Président, Madame Caroline CHICLET, Conseiller, Madame Marianne FEBVRE-MOCAER, Vice-Présidente, placée déléguée par ordonnance de Monsieur Le Premier Président du 7 janvier 2013, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Myriam RUBINI

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile ; - signé par Monsieur Mathieu MAURI, Président, et par Madame Myriam RUBINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 9 février 2001, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie aux droits de laquelle vient désormais celle de Normandie Seine (ci-après dénommée CRCAM) a consenti à Madame X. veuve Y. un prêt renouvelable dit « Open » n° 70XX01 au taux de 12 % l'an.

Le 5 juillet 2006, la CRCAM lui a consenti un prêt personnel n° 70XX99 de 16.000 euros pour une durée de 72 mois au taux effectif global de 7,7922 % l'an.

Ces crédits ont été consentis dans un contexte où Madame Y. bénéficiait par ailleurs, de la part de la CRCAM, de deux autres crédits immobiliers souscrits en septembre 1999 et juin 2006, et dont le paiement est poursuivi dans une instance autonome.

Par acte d'huissier en date du 24 mars 2009, la CRCAM a fait citer Madame Y. devant le tribunal d'instance de Béziers en paiement des crédits susvisés.

Par jugement en date du 1er avril 2011, ce tribunal a :

- constaté le désistement de la CRCAM de Normandie Seine s'agissant de l'offre de crédit Open n° 70XX01 ;

- déclaré recevable l'action de la CRCAM comme n'étant pas forclose s'agissant du prêt souscrit le 5 juillet 2006 sous le n° 70XX99 ;

- condamné Madame Y. à payer à la CRCAM Normandie Seine la somme de 12.715,44 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

- débouté la CRCAM du surplus de sa demande ;

- débouté Madame Y. du surplus de sa demande ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné Madame Y. aux dépens.

Madame Y. a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Vu les conclusions de l'appelante remises au greffe le 24 avril 2012 ;

Vu les conclusions de la CRCAM de Normandie Seine, appelante à titre incident, remises au greffe le 17 août 2012 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 12 février 2013 ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur le prêt Open n° 70XX01 du 9 février 2001 :

Les termes du jugement ne sont pas critiqués en ce qui concerne le désistement par la CRCAM de sa demande au titre du prêt Open n°70XX01 et le jugement sera confirmé de ce chef.

 

Sur le prêt n° 70XX99 du 5 juillet 2006 :

La CRCAM, formant appel incident, demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré abusive la clause 1.5 des conditions générales du prêt de 16.000 euros, l'a déchue du droit aux intérêts et l'a privée du droit à l'indemnité de résiliation de 8 %. Elle demande à la cour de condamner Madame Y. à lui payer les sommes de :

- 13.939,58 euros avec intérêts au taux contractuel de 6,50 % à compter du 16 janvier 2009 ;

- 1.115,17 euros au titre de l'indemnité de 8 % avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir.

La CRCAM précise, s'agissant des acomptes versés, que c'est Madame Y. qui a apuré le solde du prêt Open qui s'élevait à 2.635 euros, par un chèque de 2.655 euros adressé le 17 mai 2010 (pièces 15 et 16). Elle indique que les 20 euros supplémentaires ont été affectés au solde du prêt de 16.000 euros.

Madame Y., sur l'appel incident, conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré abusive l'article 1.5 du contrat, déclaré la clause litigieuse non écrite, débouté la CRCAM de sa demande au titre des intérêts légaux et de retard, rejeté sa demande au titre de l'indemnité de résiliation et déduit la somme de 300 euros du restant dû. Madame Y., sans critiquer la décision du premier juge qui a reçu la CRCAM dans son désistement du fait de l'apurement du solde du prêt Open, demande à la cour de constater que la CRCAM a abusivement et unilatéralement affecté les sommes versées dans le cadre du surendettement au crédit Open alors même que l'action au titre de ce crédit était forclose. Elle demande à la cour d'affecter les remboursements au solde du prêt de 16.000 euros.

Dans le cadre de son appel principal, elle demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses prétentions au titre des manquements contractuels de la CRCAM et de dire que la banque a manqué à ses obligations de conseil et de mise en garde en lui proposant de souscrire une assurance facultative non adaptée à ses besoins et en n'attirant pas son attention sur les risques d'endettement liés à la souscription du crédit de 16.000 euros alors qu'elle venait de souscrit un prêt relais immobilier de 220.000 euros. Elle réclame la condamnation de la CRCAM à lui payer la somme qu'elle reste devoir dans le cadre de ce prêt et d'ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties. Elle sollicite en outre le versement d'une indemnité de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral.

En vertu des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans leur version applicable au présent litige « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

Constitue une clause abusive au sens de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, et comme telle réputée non écrite, la clause qui, dans un contrat de prêt, prévoit que le non-paiement des sommes exigibles, concernant quelque dette que ce soit de l'emprunteur vis à vis du prêteur fait partie des cas de survenance de déchéance du terme qui permet au prêteur de se prévaloir de l'exigibilité immédiate de la totalité de la créance.

En effet, une telle clause crée, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties car, par une décision unilatérale du prêteur, en dehors du mécanisme de la condition résolutoire, elle induit une aggravation soudaine de la situation de l'emprunteur et une modification majeure de l'économie du contrat.

Tel est le cas de la clause 1.5 stipulée dans les conditions générales du contrat de prêt de 16.000 euros signé le 5 juillet 2006 qui permet à la CRCAM de se prévaloir de l'exigibilité immédiate de la totalité de sa créance en cas de résiliation d'autres prêts accordés à l'emprunteur puisqu'elle fait dépendre la durée du vie du contrat de la survenance d'événements extérieurs à celui-ci et rompt l'équilibre contractuel au détriment de l'emprunteur en rendant exigible, soudainement, les sommes restant dues hors de tout manquement de sa part dans l'exécution de ses obligations.

Cette clause abusive doit être réputée non écrite, ce qui constitue la seule sanction applicable en la matière.

Par conséquent, est non avenue la déchéance du terme du prêt de 16.000 euros en date du 25 juillet 2008 (pièce n° 5 de l'intimée), fondée sur cette clause et sur la survenance d'événements extérieurs au contrat, à savoir la défaillance de Madame Y. dans le remboursement d'un prêt-relais immobilier de 220.000 euros n° 70XX43 et la non-communication par l'emprunteur défaillant « d'un compromis de vente pour la maison située à [ville Q.] ».

Il est indifférent que Madame Y. ait eu des impayés dans le cadre du prêt de 16.000 euros au jour de la mise en demeure déclarée non avenue. En effet, le contrat prévoit, en cas de volonté du prêteur de se prévaloir de la déchéance du terme, l'envoi par celui-ci d'une lettre de mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception ; mise en demeure qui n'a pas été régularisée en l'espèce concernant les échéances impayées.

Le contrat n'a pas été valablement résilié et se poursuit à ce jour de sorte que la CRCAM doit être déboutée de toutes ses prétentions.

Les demandes de Madame Y. relatives aux manquements de la CRCAM à ses obligations de conseil et de mise en garde de la CRCAM sont sans objet, en l'absence de déchéance du terme.

Le jugement sera partiellement infirmé de ce chef.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour ;

Infirme partiellement le jugement déféré mais statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension du litige et y ajoutant ;

Constate le désistement de la CRCAM Normandie Seine pour le prêt Open n°70XX01 ;

Dit que la clause de « défaut croisé » prévue à l'article 1.5 des conditions générales du prêt n°70XX99 du 5 juillet 2006 est abusive et doit être réputée non écrite ;

Dit que la déchéance du terme prononcée par la CRCAM de Normandie Seine le 25 juillet 2008 et fondée sur cette clause est non avenue ;

Constate l'absence de déchéance du terme dans le contrat de prêt n° 70XX99 du 5 juillet 2006 ;

Déboute en conséquence la CRCAM de Normandie Seine de toutes ses prétentions ;

Constate que toutes les demandes de Madame Y. sont devenues sans objet ;

Condamne la CRCAM de Normandie Seine aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la CRCAM de Normandie Seine à payer à Madame X. veuve Y. la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais engagés en première instance et en cause d'appel.

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT