CA CHAMBÉRY (2e ch.), 11 avril 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4428
CA CHAMBÉRY (2e ch.), 11 avril 2013 : RG n° 12/00560
Publication : Jurica
Extrait : « Il est exact que les dispositions des articles 9 et 12 du contrat signé sont, concernant les causes de résiliation, assez restrictives du côté du consommateur, en ce qu'elles ne prévoient que trois motifs légitimes de rupture du contrat et autorisent en dehors de ces cas, la société EUROCHALLENGES à conserver intégralement les sommes versées alors pourtant qu'elle ne va pas assurer de contrepartie. Un déménagement, un Pacs, des difficultés personnelles diverses peuvent également justifier de manière tout à fait légitime la suspension ou l'interruption du contrat, or, ces causes ne sont pas envisagées. Le déséquilibre consiste en une ouverture trop étroite du droit de résiliation par le client et en la rémunération intégrale de la société EUROCHALLENGES même dans ces cas de figure et en dehors de tout préjudice.
Cependant et contrairement à ce qui a été décidé par le premier juge, le contrat comportant une clause abusive n'est pas nul dans son intégralité et seule la clause abusive est réputée non écrite.
Monsieur X. ne démontre pas que son dossier photographique et personnel n'a pas été transmis aux 12 adhérentes qu'il avait sélectionnées lors de son adhésion, ce qui était l'obligation contractuelle de l'agence laquelle se réservait aussi de lui présenter d'autres adhérentes. Entre le mois de juin 2009 et le mois de septembre 2009, aucune des personnes qu'il a sélectionnées n'a souhaité établir un contact plus régulier mais 14 autres personnes lui ont été proposées, par courrier, dont les dossiers figurent à la procédure et qui à part l'une d'elles, correspondaient à des critères qu'il avait définis. Il n'y a pas eu d'inexécution totale de la convention par l'agence de courtage matrimonial.
La Cour estime en raison d'une exécution partielle de la convention et d'un motif fondé de résiliation du contrat, non contesté dans sa véracité, à savoir la rencontre d'une personne non adhérente par monsieur X. qui souhaitait être honnête avec elle, qu'il était fondé à résilier le contrat, sans pour autant rester débiteur de l'intégralité des honoraires. »
COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 11 AVRIL 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/00560. Décision déférée à la Cour : Jugement du Juridiction de proximité de BONNEVILLE en date du 5 décembre 2011, RG 91-11-000017.
Appelante :
SARL EUROCHALLENGES (anciennement CNRRH)
dont le siège social est [adresse] prise en la personne de son représentant légal, assistée de la SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY et Maître Denis VEREL, avocat plaidant au barreau d'ANNECY
Intimé :
M. X.,
né le [date] à [ville], demeurant [adresse], assisté de la SELARL SERRATRICE BOGGIO, avocats au barreau de BONNEVILLE
COMPOSITION DE LA COUR : Lors de l'audience publique des débats, tenue le 5 mars 2013 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffier,
Et lors du délibéré, par : - Madame Chantal MERTZ, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président - Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller, qui a procédé au rapport - Monsieur Franck MADINIER, Conseiller,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits, procédure et prétentions des parties :
Le 13 juin 2009, monsieur X. a signé un contrat de courtage matrimonial pour une durée d'un an avec la société CNRRH EUROCHALLENGES, ci après désignée EUROCHALLENGES. La prestation forfaitaire dénommée « excellence + » était facturée 5.350 euros.
Le 11 août 2009, monsieur X. manifestait sa décision de mettre un terme au contrat en raison de son engagement auprès d'une nouvelle amie.
A la suite d'une procédure d'injonction de payer portant sur le solde dû en exécution de la convention signée, soit 3.000 euros, et d'une opposition, le juge de proximité de Bonneville a, par décision du 5 décembre 2011 :
- prononcé la nullité de l'alinéa 5 de l'article 12 du contrat de courtage matrimonial,
- débouté la société EUROCHALLENGES de sa demande en paiement,
- l'a condamnée à payer la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
- l'a condamnée aux dépens.
Le Tribunal estimait que l'article 12 du contrat permettant à l'agence de conserver l'intégralité du prix quels que soient les préjudices réellement subis, l'état des prestations fournies, en cas de volonté de rupture contractuelle, constituait une clause abusive de sorte que le contrat signé était nul.
Le 12 mars 2012, la société CNRRH EUROCHALLENGES a fait appel de la décision par déclaration au greffe.
Le 11 octobre 2012, le conseiller de la mise en état a déclaré cet appel recevable malgré la qualification impropre de la décision énoncée en dernier ressort.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 17 septembre 2012, la société EUROCHALLENGES demande à la Cour de :
- la recevoir en son appel et le déclarer bien fondé,
- réformer le jugement déféré,
- débouter Monsieur X. de l'ensemble de ses demandes,
- dire et juger que le contrat souscrit le 13 juin 2009 est valable,
- dire et juger que le contrat ne recèle pas de clause abusive,
- dire et juger que monsieur X. ne fait état d'aucun motif légitime de résiliation,
- dire et juger que la Société EUROCHALLENGES a exécuté ses obligations contractuelles avec loyauté et bonne foi,
- condamner Monsieur X. à 3.000 Euros pour le paiement de la prestation de services qu'il a engagée le 13 juin 2009 outre intérêts au taux légal à compter du 14 Août 2009,
- condamner Monsieur X. à 1.000 Euros de dommages et intérêts pour résistance abusive dans le paiement des sommes dues,
En tout état de cause,
Si par extraordinaire la Cour devait retenir que le contrat a valablement été résilié au 13 août 2009,
- faire application de l'article 10 des conditions générales du contrat,
- condamner Monsieur X. au paiement de la somme de 453.67 Euros outre intérêts au taux légal à compter du 14 août 2009,
- condamner Monsieur X. à 1.500,00 Euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamner Monsieur X. aux entiers dépens, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, avocats associés sur leur seule affirmation de droit, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Elle expose qu'elle est une société de courtage matrimonial à objet international, afin de faciliter la réalisation d'une union sérieuse et stable en recherchant, selon mandat de son client, des personnes susceptibles de lui convenir. Elle soutient avoir respecté ses obligations contractuelles et que la résiliation du contrat ne repose sur aucun des motifs contractuellement prévus. A défaut pour la Cour de la suivre, elle demande la mise en œuvre de l'article 10 du contrat avec un calcul au prorata temporis de la durée des prestations.
Monsieur X. a développé ses moyens et prétentions dans des écritures du 23 octobre 2012, il demande à la Cour de :
- PRONONCER la résiliation du contrat de courtage matrimonial, motif pris de l'irrespect par la société EUROCHALLENGES de ses obligations contractuelles, et aux torts de celle ci,
En conséquence, CONDAMNER la société EUROCHALLENGES à rembourser à Monsieur X. la somme de 2.350,00 euros réglée au titre du forfait d'inscription et des premières mensualités, outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,
Subsidiairement pour le cas où la Cour n'accepterait pas de résilier le contrat dont s'agit,
- CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le Juge de Proximité de BONNEVILLE, le 5 décembre 2011,
En tout état de cause,
- CONDAMNER la société EUROCHALLENGES à payer à Monsieur X. la somme de 1.000,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance qui seront distraits au profit de la SELARL SERRATRICE BOGGIO.
Il demande à la Cour de confirmer la motivation de la décision déférée et d'admettre que la somme de 2.000 euros qu'il a versée indemnise largement la société des prestations qu'elle a accomplies. Il considère que la société EUROCHALLENGES qui ne lui a présenté que deux personnes, n'a pas fait toutes les diligences pour permettre une mise en relation de son client avec les candidates sélectionnées. Certaines propositions ne lui sont pas parvenues, d'autres ne correspondaient pas à ses choix.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 février 2013.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motivation de la décision :
Selon l’article 132-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment des seconds, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat. Les clauses abusives sont réputées non écrites mais le contrat reste applicable dans toutes les dispositions autres que celles jugées abusives, s'il peut subsister sans lesdites clauses.
La convention signée le 13 juin 2009 par monsieur X. a pour but, en contrepartie de l'adhésion, et pendant la durée d'exécution, selon son article 1er, de mettre à la disposition de l'adhérent, des conseils, une assistance, un ensemble de moyens pour lui permettre de rechercher une union avec l'une ou l'autre des adhérentes d'EUROCHALLENGES, dans la perspective d'un mariage, d'une vie commune ou d'une union stable et sérieuse.
Il est exact que les dispositions des articles 9 et 12 du contrat signé sont, concernant les causes de résiliation, assez restrictives du côté du consommateur, en ce qu'elles ne prévoient que trois motifs légitimes de rupture du contrat et autorisent en dehors de ces cas, la société EUROCHALLENGES à conserver intégralement les sommes versées alors pourtant qu'elle ne va pas assurer de contrepartie. Un déménagement, un Pacs, des difficultés personnelles diverses peuvent également justifier de manière tout à fait légitime la suspension ou l'interruption du contrat, or, ces causes ne sont pas envisagées. Le déséquilibre consiste en une ouverture trop étroite du droit de résiliation par le client et en la rémunération intégrale de la société EUROCHALLENGES même dans ces cas de figure et en dehors de tout préjudice.
Cependant et contrairement à ce qui a été décidé par le premier juge, le contrat comportant une clause abusive n'est pas nul dans son intégralité et seule la clause abusive est réputée non écrite.
Concernant les conditions d'exécution de la convention, il n'est pas contesté que monsieur X. a bénéficié de certaines contreparties prévues au contrat : entretien psychologique, établissement d'une fiche de renseignements et de souhaits, création avec un conseiller d'un dossier personnalisé, présentation sous la forme d'un dossier photographique et de caractérologie aux autres adhérents sélectionnés par lui afin d'obtenir des contacts.
Monsieur X. ne démontre pas que son dossier photographique et personnel n'a pas été transmis aux 12 adhérentes qu'il avait sélectionnées lors de son adhésion, ce qui était l'obligation contractuelle de l'agence laquelle se réservait aussi de lui présenter d'autres adhérentes.
Entre le mois de juin 2009 et le mois de septembre 2009, aucune des personnes qu'il a sélectionnées n'a souhaité établir un contact plus régulier mais 14 autres personnes lui ont été proposées, par courrier, dont les dossiers figurent à la procédure et qui à part l'une d'elles, correspondaient à des critères qu'il avait définis. Il n'y a pas eu d'inexécution totale de la convention par l'agence de courtage matrimonial.
La Cour estime en raison d'une exécution partielle de la convention et d'un motif fondé de résiliation du contrat, non contesté dans sa véracité, à savoir la rencontre d'une personne non adhérente par monsieur X. qui souhaitait être honnête avec elle, qu'il était fondé à résilier le contrat, sans pour autant rester débiteur de l'intégralité des honoraires. Monsieur X. ne contestait pas à l'origine, ce droit partiel à rémunération, offrant dans sa lettre du 11 août 2009 que la somme de 2.350 euros reste acquise à la société EUROCHALLENGES afin de l'indemniser de la rupture de la convention.
L'article 10 du contrat signé, concernant la résiliation anticipée pour motif légitime, dont la mise en œuvre constitue une demande subsidiaire de l'agence matrimoniale sera appliqué car adapté et contractuellement accepté, soit 65 % de 5.350 euros avec un calcul au prorata temporis sur deux mois (579.58 euros) et 35 % de 5.350 euros restant acquis en raison des frais initiaux de constitution du dossier, secrétariat, entretiens et démarches. Il est donc dû à la société EUROCHALLENGES une somme de 2.452.08 euros sur laquelle elle a déjà perçu 2 350 euros d'où un solde à lui payer de 102.08 euros.
Les motifs qui précédent conduisent au rejet de la demande de dommages et intérêts de la société EUROCHALLENGES, la résistance du client à payer tout le solde de facture étant justifiée.
Il est inéquitable de laisser à la charge de monsieur X. les frais irrépétibles engagés dans l'instance, une somme de 500 euros lui sera accordée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La partie perdante supporte les dépens, chacune succombe partiellement, ils seront donc répartis entre elles.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs :
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la Loi, statuant par décision contradictoire
RÉFORME partiellement la décision déférée,
Statuant à nouveau sur le tout,
DÉCLARE abusive la clause 12 de la convention signée entre les parties qui doit être réputée non écrite,
VALIDE le motif de résiliation invoqué par monsieur X.
CONDAMNE monsieur X. à payer à la société EUROCHALLENGES la somme de 2.452,08 euros en application de l'article 10 de la convention,
CONSTATE que sur ce montant, une somme de 2.350 euros a déjà été payée,
CONDAMNE la société EUROCHALLENGES à payer à monsieur X. la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
ORDONNE compensation entre les créances et dettes réciproques des parties,
DIT que chaque partie gardera à sa charge ses frais et dépens de première instance et d'appel, qui comprendront concernant la société EUROCHALLENGES les frais de procédure d'injonction de payer.
Ainsi prononcé publiquement le 11 avril 2013 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Chantal MERTZ, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Sylvie DURAND, Greffier.
- 5747 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Sort du contrat - Clause affectant l’existence du contrat
- 5734 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Nature - Clause réputée non écrite
- 5747 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Sort du contrat - Clause affectant l’existence du contrat
- 5748 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Sort du contrat - Impossibilité de maintenir le contrat
- 6334 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Agence matrimoniale