CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA BASTIA (ch. civ.), 15 mai 2013

Nature : Décision
Titre : CA BASTIA (ch. civ.), 15 mai 2013
Pays : France
Juridiction : Bastia (CA), ch. civ.
Demande : 11/00771
Date : 15/05/2013
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 26/09/2011
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 4451

CA BASTIA (ch. civ.), 15 mai 2013 : RG n° 11/00771

Publication : Jurica

 

Extrait : « Or, l’article L. 132-1 du code de la consommation ne s'appliquant pas aux contrats conclus entre sociétés commerciales, l'appelante, qui est une société anonyme, ne peut donc s'en prévaloir.

En ce qui concerne l’article 1131 du code civil, sur la base duquel l'appelante conteste aussi les clauses limitatives de responsabilité objet du litige, en faisant valoir le caractère essentiel de l'obligation pesant sur la société France Télécom d'assurer la mise en service de ses lignes téléphoniques dans le délai de trois jours contractuellement prévu.

Toutefois, l'obligation incombant à la SA France Télécom s'analyse en une obligation de moyen et non de résultat, qui a bien été réalisée mais tardivement, (12 jours au lieu de 3), et le respect de ce délai de mise en service lors du transfert des lignes suite au déménagement des locaux de la société appelante, ne constitue pas en soi, un caractère essentiel des obligations résultant du contrat liant les parties.

Il convient donc d'appliquer la clause (article 9.3) prévoyant que « sont exclus de toute demande de réparation, les préjudices indirects subis par le client, tels notamment les préjudices financiers, commerciaux ou pertes de bénéfice ».

 

COUR D’APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 15 MAI 2013

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11/00771. Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce de BASTIA, décision attaquée en date du 26 août 2011, enregistrée sous le R.G. n° 2010/00177

 

APPELANTE :

SOCIÉTÉ ANONYME D'ÉCONOMIE MIXTE POUR L'AMÉNAGEMENT DE BASTIA ET DE SA RÉGION - (SAEM SEMAB)

agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, ayant pour avocat Maître Pierre Paul MUSCATELLI, avocat au barreau de BASTIA

 

INTIMÉE :

SA FRANCE TELECOM

prise en sa personne de son représentant légal, ayant pour avocat la SCP JOBIN, avocats au barreau de BASTIA, et la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIES, avocats au barreau d'AJACCIO

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 février 2013, devant Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Pierre LAVIGNE, Président de chambre, Mme Marie-Paule ALZEARI, Conseiller, Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Marie-Jeanne ORSINI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 24 avril 2013, prorogée par le magistrat par mention au plumitif au 15 mai 2013.

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. Signé par M. Pierre LAVIGNE, Président de chambre, et par Mme Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La Société anonyme mixte pour l'aménagement de Bastia (SAEM SEMAB) est abonnée auprès de la SA France Télécom, dans le cadre d'un contrat « Oléane Open ».

La SAEM SEMAB informait la SA France Télécom de son intention de déménager de ses locaux, initialement le 4 juin 2008 puis reporté aux dates des 17, 18 et 19 juin et confirmait la demande de transfert de l'ensemble de ses lignes de télécommunications, par un bon de commande du 5 mai 2008, suivi de messages téléphonique et par internet de la date du report.

Ce déménagement est intervenu le 17 juin 2008 mais la mise en service des lignes analogique, numéris et ADSL a été faite, respectivement les 26 juin, 30 juin et 2 juillet 2008.

Par lettre du 10 juillet 2008 la SAEM SEMAB réclamait des indemnités au titre d'une perte d'exploitation à la SA France Télécom qui, par lettre du 25 juillet 2008, lui répondait en excusant son retard et l'indemnisait forfaitairement par le règlement des pénalités correspondant à deux mois d'abonnement pour chaque ligne.

La SAEM SEMAB, arguant d'un préjudice plus important, a, par acte d'huissier du 21 juin 2010, assigné la SA France Télécom devant le tribunal de commerce de Bastia, en vue d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 70.032 euros en réparation du préjudice subi par suite du retard du transfert de ses lignes, outre la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par jugement contradictoire du 26 août 2011, le tribunal a débouté la SAEM SEMAB de sa demande à l'encontre de France Télécom, l'a condamnée à payer à société France Télécom la somme de 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens et a rejeté toutes autres demandes.

Par déclaration reçue le 26 septembre 2011, la SAEM SEMAB a interjeté appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions déposées le 12 novembre 2012, elle demande à la cour d'infirmer cette décision en toutes ses dispositions ; à titre principal, de dire et juger l'intimée entièrement responsable du préjudice qu'elle a subi du fait des retards pris par France Télécom dans le cadre des opérations de transfert de l'ensemble de ses lignes : téléphonie, internet, télécopie et de condamner cette dernière au paiement de la somme de 70.032 euros, en réparation du préjudice subi suite au retard dans le transfert de ses lignes téléphoniques consécutivement à son déménagement ainsi qu'à la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de première instance et d'appel.

Subsidiairement, l'appelante sollicite, avant dire droit, sur la fixation de l'indemnisation lui revenant de ce chef, une mesure d'expertise à l'effet de déterminer le préjudice qu'elle a subi au titre des postes ci-après listés :

- perte d'exploitation, calculée une période de quinze jours,

- mobilisation d'un salarié de la société, affecté durant quatre jours aux démarches et relances auprès de la requise pour parvenir au rétablissement complet de l'ensemble des lignes téléphoniques,

- troubles dans la bonne marche de la SAEM et désorganisations de la structure.

Par ses dernières conclusions déposées le 10 septembre 2012, la SA France Télécom sollicite la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour, d'une part, de constater que les parties sont liées par un contrat « Oleane » stipulant un plafond de responsabilité et, d'autre part, que le « préjudice d'exploitation » a été contractuellement exclu de toute indemnisation et de lui donner acte des règlements au titre des pénalités contractuelles effectués et retracés dans son courrier du 25 juillet 2008 soit 629 euros et les dires satisfactoires.

A titre subsidiaire, l'intimée demande de dire et juger que le préjudice d'exploitation chiffré à la somme de 50.000 euros n'est pas démontré à défaut de justification d'éléments comptables et fiscaux probants et notamment des bilans et grands livres des exercices 2007, 2008, 2009 et que le « pretium doloris » chiffré à la somme de 20.000 euros ne peut être revendiqué par une personne morale.

Elle demande le rejet des toutes les prétentions de l'appelante et sa condamnation à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère au jugement déféré et à leurs dernières conclusions sus-visées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 décembre 2012.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande par la SAEM SEMAB d'indemnisation des préjudices allégués :

Ayant retenu que la SAEM SEMAB agissait sur le fondement du contrat liant les parties, le tribunal a procédé à son analyse ainsi qu'à celle des courriers échangés et a considéré que les clauses de ce contrat apparaissaient comme licites, qu'elles mettaient bien à la charge de France Télécom une obligation de moyen et non de résultat compte tenu de la technicité des technologies mises en œuvre et que la SAEM SEMAB ne démontrait pas une faute caractérisée d'autant qu'un message électronique du 3 juin 2008, faisait état de problème de câblage dans l'immeuble.

Le tribunal a relevé que le contrat litigieux prévoyait la réparation d'un préjudice direct et immédiat alors que les demandes de la SAEM SEMAB étaient basées sur une perte d'exploitation qui n'est pas prévue audit contrat et doit relever d'une assurance générale de cette dernière.

Sur la mobilisation d'un salarié par la SAEM SEMAB pour les démarches et relances, le tribunal a considéré que le préjudice en terme d'image allégué ne pouvait s'apprécier sur une durée aussi courte qu'un retard de 12 jours et qu'il convenait de ne retenir que le principe d'un trouble et d’une désorganisation très passagère de la structure commerciale dont le montant ne pouvait être apprécié et justifié ni au regard des conditions contractuelles, ni par les pièces déposées.

En ce qui concerne la demande subsidiaire d'expertise par la SAEM SEMAB pour chiffrer son préjudice, il a estimé qu'elle aboutirait à suppléer la carence de ladite société dans son obligation de preuve.

En cause d'appel, la SAEM SEMAB, d'une part, réitère ses prétentions et moyens de première instance et, d'autre part, soulève devant la cour, l'inopposabilité des conditions générales et particulières dont se prévaut la SA France Télécom au motif qu'elles ne lui ont pas été communiquées.

L'appelante fonde ses prétentions sur les articles 1131 et 1134 du code civil et soutient que la société intimée en opérant les transferts de lignes avec un retard de 12 jours, n'a pas respecté son engagement de les réaliser au plus tard le 19 juin 2008, et a commis un manquement à son obligation de moyens, de sorte que des fautes contractuelles sont avérées à son encontre. Elle soulève, subsidiairement l'inopposabilité des conditions générales et particulières formulées, pour la première fois en cause d'appel, le caractère réputé non écrit des clauses contractuelles de responsabilité de ces conditions comme étant des clauses abusives, invoquant les dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation.

Elle précise que ses préjudices, estimés globalement à 70.416 euros, comprennent, outre la perte d'exploitation (50.000 euros) et la mobilisation d'un salarié affecté aux démarches pour parvenir au rétablissement complet de ses lignes (416 euros), l'indemnisation à hauteur de 20.000 euros, et non 50.000 euros comme indiqué à la suite d'une erreur matérielle affectant son assignation, ne correspondant pas à un préjudice corporel, mais à des « troubles dans la bonne marche de la SAEM et la désorganisation de la structure ».

La SA France Télécom, en réplique, fait valoir avoir mis en œuvre tous les moyens dont elle disposait pour satisfaire sa cliente, être tenue d'une obligation de moyen et non de résultat et n'avoir commis aucune faute contractuelle.

L'intimée qui soutient que les conditions générales et particulières du contrat liant les parties ont bien été communiquées à l'appelante et que les pertes d'exploitation ne sont pas garanties par ce contrat en vertu de la clause 9.3 des conditions générales, conteste le caractère abusif de cette clause soulevé par l'appelante ainsi que le bénéfice des dispositions du code de la consommation dont se prévaut cette dernière, qui est un professionnel, en tant qu'une société commerciale régie par la législation commerciale.

La SA France Télécom relève que l'appelante lui réclame des indemnités « pharaoniques » pour 12 jours de retard et que l'indemnisation de 50.000 euros réclamée au titre des pertes d'exploitation, a été chiffrée de manière totalement empirique.

 

La communication régulière des conditions générales et particulières du contrat à la SAEM SEMAB apparaît suffisamment établie par la production des pièces versées aux débats et notamment le bon de commande du 5 mai 2008, plus précisément, le document intitulé « conditions particulières Maintien du Numéro », qui au paragraphe 9 (Signatures) mentionne « Le contrat se compose des présentes conditions particulières et des documents suivants dont le Client reconnaît avoir pris connaissance et reçu un exemplaire, à savoir les conditions générales d'abonnement ainsi que les conditions spécifiques visées », juste au-dessus du cachet de la SAEM SEMAB et de la signature apposée par sa représentante, Mme X. en qualité d'assistante de direction.

L'appelante ne peut donc valablement soutenir l'inopposabilité des conditions générales et particulières à son égard.

En ce qui concerne le moyen subsidiaire tiré du caractère réputé non écrit des clauses contractuelles de responsabilité, l'appelant soutient que la clause 12.2 « Responsabilité - Assurances » des conditions générales du « Contrat de service OLEANE » ainsi que l'article 9.3 des conditions générales, sont des clauses abusives, sur le fondement, d'abord des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation, puis de l’article 1131 du code civil.

Or, l’article L. 132-1 du code de la consommation ne s'appliquant pas aux contrats conclus entre sociétés commerciales, l'appelante, qui est une société anonyme, ne peut donc s'en prévaloir.

En ce qui concerne l’article 1131 du code civil, sur la base duquel l'appelante conteste aussi les clauses limitatives de responsabilité objet du litige, en faisant valoir le caractère essentiel de l'obligation pesant sur la société France Télécom d'assurer la mise en service de ses lignes téléphoniques dans le délai de trois jours contractuellement prévu.

Toutefois, l'obligation incombant à la SA France Télécom s'analyse en une obligation de moyen et non de résultat, qui a bien été réalisée mais tardivement, (12 jours au lieu de 3), et le respect de ce délai de mise en service lors du transfert des lignes suite au déménagement des locaux de la société appelante, ne constitue pas en soi, un caractère essentiel des obligations résultant du contrat liant les parties.

Il convient donc d'appliquer la clause (article 9.3) prévoyant que « sont exclus de toute demande de réparation, les préjudices indirects subis par le client, tels notamment les préjudices financiers, commerciaux ou pertes de bénéfice ».

Au regard de l'ensemble des éléments et pièces versées aux débats, la cour estime que les premiers juges ont fait une juste appréciation des éléments de la cause et du droit des parties, sauf en ce qu'ils n'ont pas évalué le montant du seul préjudice indemnisable causé par le retard fautif de la société intimée, au demeurant, non contesté par cette dernière, ce préjudice consistant en la désorganisation très passagère de la structure commerciale.

Le montant de l'indemnisation forfaitaire allouée par la société France Télécom, soit la somme de 624,30 euros HT n'apparaît pas satisfactoire au regard de ce préjudice subi. Au vu des éléments soumis à son appréciation, il y a lieu, pour la cour, d'évaluer le préjudice réparable à la somme de 4.000 euros.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il n'a pas évalué le montant du préjudice pour trouble et désorganisation de la structure commerciale et de condamner la société intimée à payer à l'appelante la somme de 4.000 euros en réparation du préjudice sus-visé.

 

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

L'équité commande de condamner la société France Télécom à payer à la SAEM SEMAB la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L'intimée, partie principalement perdante, supportera les dépens d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il n'a pas évalué le montant du préjudice pour trouble et désorganisation de la structure commerciale subi par la SA Société anonyme mixte pour l'aménagement de Bastia (SAEM SEMAB) et n'a pas condamné la société France Télécom à indemniser ce chef de préjudice,

Statuant sur les chefs infirmés,

Condamne la société France Télécom à payer à la SA Société anonyme mixte pour l'aménagement de Bastia (SAEM SEMAB) la somme de QUATRE MILLE EUROS (4.000 euros) en réparation du préjudice pour trouble et désorganisation de la structure commerciale,

Condamne la société France Télécom à payer à la SA Société anonyme mixte pour l'aménagement de Bastia (SAEM SEMAB), la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1.500 euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de toutes autres demandes,

Condamne la société France Télécom aux entiers dépens d'appel.

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT