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CA AGEN (1re ch. civ.), 11 septembre 2013

Nature : Décision
Titre : CA AGEN (1re ch. civ.), 11 septembre 2013
Pays : France
Juridiction : Agen (CA), 1re ch. civ.
Demande : 13/00649
Décision : 746-13
Date : 11/09/2013
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 7/05/2013
Numéro de la décision : 746
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4486

CA AGEN (1re ch. civ.), 11 septembre 2013 : RG n° 13/00649 ; arrêt n° 746-13 

Publication : Jurica

 

Extrait : « A cet égard, en matière de procédure sur saisie immobilière, l’article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution stipule : « A peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande d'incident ne peut sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 à moins qu'elle ne porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Dans ce cas, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'acte La CRCAM prétend que sont irrecevables les demandes ».

Dès lors, les époux X. ne sont plus recevables à formuler pour la première fois devant la cour d'appel des moyens de fait ou de droit tendant à contester les poursuites, ce d'autant que le régime des saisies immobilières est dérogatoire au principe général des articles 564 et suivants du code civil.

En conséquence, est irrecevable la demande de déchéance du droit aux intérêts fondée sur le calcul du taux effectif global, comme la libération précoce des fonds notamment avant l'expiration du délai de rétractation, ou celle relative aux clauses abusives ; dès lors, devient sans objet, la question du délai de contestation dont dispose les époux X., et par suite, celle subséquente de la déchéance du droit aux intérêts contractuels, sachant que le juge n'a pas à relever d'office les moyens de droit dont pouvaient se prévaloir les époux X., qui de surcroît étaient assistés d'un conseil. »

 

COUR D’APPEL D’AGEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2013

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/00649. ARRÊT n° 746-13.

Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l’article 450 et 453 du Code de procédure civile le onze septembre deux mille treize, par Dominique NOLET, conseiller, assistée de Nathalie CAILHETON, greffier,

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,

 

ENTRE :

Monsieur X.

le [date] à [ville], retraité SNCF

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville], retraité SNCF

domiciliés ensemble : [adresse], représentés par Maître David LLAMAS, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN, et Maître Nezha FROMENTEZE, membre de la SELARL FRECHET ET ASSOCIES, avocat plaidant inscrit au barreau du LOT, APPELANTS d'un jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de CAHORS en date du 5 avril 2013, D'une part,

 

ET :

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D'ILE DE FRANCE,

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, représentée par Maître Lynda TABART, exerçant au sein de la SCP ALARY-GAYOT-TABART-CAYROU-SOULADIE, avocat postulant inscrit au barreau du LOT, et Maître Myriam HATEM-LEFEBVRE, du cabinet LEFEBVRE-HATEL-LEFEBVRE, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS,

SA BANQUE CIC SUD OUEST,

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, représentée par Maître Thierry CHEVALIER, SCP MERCADIER-CHEVALIER, avocat inscrit au barreau du LOT

INTIMÉES, D'autre part,

 

a rendu l'arrêt contradictoire suivant. La cause a été débattue et plaidée en audience publique, le 27 juin 2013 sans opposition des parties, devant Dominique NOLET, conseiller faisant fonction de président, et Aurore BLUM, conseiller, rapporteurs assistées de Nathalie CAILHETON, greffier. Les conseillers rapporteurs en ont, dans leur délibéré, rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Christine GUENGARD, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 786 du code de procédure civile, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées par le président, à l'issue des débats, que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu'il indique.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par acte authentique du 8 juillet 2008, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France (ci dénommée CRCAM) consentait à M. X. et à Mme Y. son épouse un prêt de trésorerie d'un montant de 160.000 euros au taux contractuel de 6,9 % sur une durée de 24 mois.

En raison d'échéances impayées, la CRCAM mettait en demeure les époux X. le 26 janvier 2012.

Un commandement de saisie immobilière leur était signifié le 25 juin 2012, et publié le 9 juillet suivant à la conservation des hypothèques.

Le 24 juillet 2012, une assignation à l'audience d'orientation leur était délivrée.

Le 25 juillet 2012, l'assignation était dénoncée à la banque CIC Sud Ouest.

Le juge de l'exécution de Cahors par jugement du 5 avril 2013 :

- constatait la défaillance des époux X.,

- constatait que la banque CIC Sud Ouest déclare une créance de 21.582,22 euros outre les intérêts,

- déboutait les époux X. de leur demande de nullité et déchéance du droit aux intérêts contractuels,

- fixait la créance de la CRCAM à la somme de 182.838,41 euros outre les intérêts,

- déboutait les époux X. de leur demande de délais sur le fondement de l’article 1244-1 du code civil,

- autorisait les époux X. à vendre à l'amiable l'immeuble à une somme qui ne sera pas inférieure à 500.000 euros ce avant le 5 juillet 2013,

- fixait la mise à prix à la somme de 350.000 euros.

Par acte en date du 7 mai 2013, M. et Mme X. relevaient appel.

Par ordonnance du 15 mai 2013, les époux X. étaient autorisés à assigner à jour fixe.

 

Par conclusions déposées le 25 juin 2013 auxquelles il convient de se référer pour de plus amples développements, M. et Mme X. demandent notamment de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a autorisé à vendre à l'amiable le bien,

- dire que la vente ne pourra intervenir à l'amiable pour une somme inférieure à 500.000 euros et 350.000 euros en cas de vente forcée,

Le réformer pour le surplus :

- constater que les fonds ont été libérés en violation des règles d'ordre public,

- prononcer en conséquence la nullité du prêt conclu le 8 juillet 2008,

- déclarer nulle en conséquence l'hypothèque conventionnelle,

- enjoindre le CRCAM à procéder à la radiation des époux X. du fichier FICP,

A titre subsidiaire :

- constater l'absence d'offre,

- constater que l'action n'est ni forclose ni prescrite,

- Prononcer la déchéance du droit aux intérêts,

- Fixer la créance à la somme de 160.000 euros,

- leur accorder 24 mois de délais,

En toute hypothèse :

- leur accorder 24 mois de délai, outre une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de leurs prétentions, ils font valoir au visa des articles L. 311-17 et L. 311-33 du code de la consommation :

- que les fonds ne peuvent pas être libérés avant un délai de rétraction de 7 jours alors applicable, que la sanction est la nullité du prêt, or le déblocage des fonds est intervenu avant l'acte notarié,

- que l'hypothèque faisant partie de l'acte doit aussi être déclarée nulle, que le prêt n'ayant jamais existé les époux X. n'ont jamais été défaillants et n'ont pas à être inscrit au FICP,

- que le prêteur qui accorde un crédit sans proposer une offre est déchu du droit aux intérêts, que le délai d'action est de cinq ans.

 

En réponse, par conclusions déposées le 25 juin 2013 auxquelles il convient de se référer pour de plus amples développements, la CRCAM de Paris et d'Ile de France conclut notamment à la confirmation sauf à l'infirmer en ce qu'il a :

- réduit l'indemnité contractuelle,

- fixé la créance à la somme de 182.838,41 euros,

- fixé la mise à prix à la somme de 350.000 euros,

En tout état de cause :

- condamner les époux X. à la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir :

- que sont irrecevables les demandes tenant à voir constater une erreur de calcul du taux effectif global, une libération précoce des fonds, pour être présentées pour la première fois en appel,

- que l'action en annulation des intérêts est soumise au délai de forclusion de deux ans, que par suite toute demande à ce titre est irrecevable.

Par conclusions déposées le 4 juin 2013 auxquelles il convient de se référer pour de plus amples développements, la SA banque CIC Sud Ouest conclut à la confirmation s'agissant de sa créance.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR :

Sur l'irrecevabilité des demandes formulées par les consorts X. :

La CRCAM soutient que le demandeur se devait de formuler dès la première instance l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder sa demande, ce d'autant qu'aucune demande incidente ou contestation ne peut plus être formée après l'audience d'orientation.

Ainsi, la demande fondée sur l'erreur de calcul du taux effectif global, sur la libération précoce des fonds, sur la législation des clauses abusives est irrecevable.

Les époux X. s'appuient sur les articles 564 et suivants du code de procédure civile pour estimer recevables leurs demandes.

A cet égard, en matière de procédure sur saisie immobilière, l’article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution stipule : « A peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande d'incident ne peut sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 à moins qu'elle ne porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Dans ce cas, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'acte La CRCAM prétend que sont irrecevables les demandes ».

Dès lors, les époux X. ne sont plus recevables à formuler pour la première fois devant la cour d'appel des moyens de fait ou de droit tendant à contester les poursuites, ce d'autant que le régime des saisies immobilières est dérogatoire au principe général des articles 564 et suivants du code civil.

En conséquence, est irrecevable la demande de déchéance du droit aux intérêts fondée sur le calcul du taux effectif global, comme la libération précoce des fonds notamment avant l'expiration du délai de rétractation, ou celle relative aux clauses abusives ; dès lors, devient sans objet, la question du délai de contestation dont dispose les époux X., et par suite, celle subséquente de la déchéance du droit aux intérêts contractuels, sachant que le juge n'a pas à relever d'office les moyens de droit dont pouvaient se prévaloir les époux X., qui de surcroît étaient assistés d'un conseil.

 

Sur la déchéance du droit aux intérêts en raison de l'absence d'offre :

Les époux X. font valoir que l'acte notarié du 8 juillet 2008, régi par les dispositions des articles L. 311-8 ancien et suivants du code de la consommation, impose la formalisation d'une offre de prêt, or aucune offre de prêt n'a été régularisée, de sorte que la CRCAM doit être déchue du droit aux intérêts ce, par application de l'article L. 311-33 ancien du code de la consommation.

La CRCAM, sans contester le défaut d'offre, oppose aux époux X. la forclusion biennale de l'exception soulevée.

 

- Sur le délai applicable :

Le délai de forclusion de deux ans initialement prévu à l’article 27 de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978, a été modifié par la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989, puis par celle du 11 décembre 2001 n° 2001-1168 dite MURCEF, devenu alors l’article L. 311-37 du code de la consommation, actuellement codifié L. 311-52 depuis la loi du 1er juillet 2010.

Or la loi dite MURCEF applicable aux contrats conclus à compter de la promulgation de la loi, soit le 12 décembre 2001, a modifié le régime pour agir en matière de crédit à la consommation en limitant l'application du délai biennal aux seules actions engagées par le préteur nées de la défaillance de l'emprunteur. Dès lors, depuis, toutes les contestations de l'emprunteur sont soumises au délai de prescription de droit commun de cinq ans.

 

- Sur la computation des délais :

Selon l’article L. 311-15 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure, « le contrat est parfait dès l'acceptation de l'offre » ; en l'espèce, l'acte notarié a été signé le 8 juillet 2008, date à laquelle il convient de se placer pour juger l'exception de prescription soulevée par les époux X., qui avaient ainsi jusqu'au 8 juillet 2013.

Par suite, l'audience d'orientation ayant eu lieu le 1er février 2013, les époux X. sont recevables dans leur exception

En conséquence, la CRCAM qui ne justifie pas d'une offre de prêt conforme aux prescriptions du code de la consommation doit être déchue du droit aux intérêts, ce par application de l'article L. 311-33 ancien du code de la consommation et devra en conséquence présenter aux époux X. un décompte conforme à la sanction prononcée.

 

Sur la demande en annulation de l'hypothèque conventionnelle et de la procédure en saisie immobilière :

Aux termes de l’article L. 311-33 du code de la consommation ancien : « le prêteur qui accorde un crédit sans avoir saisi l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 du code est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu... » ; par suite, l'emprunteur n'encourt pas la nullité du prêt mais la seule déchéance du droit aux intérêts. Dès lors que la régularité de l'acte authentique servant de fondement aux poursuites n'a pas été contesté, que les époux X. ne justifient pas d'avoir honoré le prêt, la créance est certaine, liquide et exigible et le commandement de saisie valable, quant bien même la somme qui y est mentionnée est supérieure à celle due, ce, par application de l’article R. 321-3, 13° du code des procédures civiles d'exécution, et par voie de conséquence la publication à la conservation des hypothèques subséquente, mais aussi du fichage FICP.

 

Sur la demande de délais de grâce :

Les époux X. formulent une demande de délai de grâce sur le fondement de l’article 1244-1 du code civil alors que seules les dispositions des articles R. 322-20 et suivants du code de procédures civiles d'exécution sont applicables, sachant qui plus est, que du fait de la longueur de la procédure, les époux X. ont bénéficié de larges délais de fait.

Par ailleurs, il convient d'observer que le juge de l'exécution a d'ores et déjà autorisé les appelants à vendre à l'amiable le bien en leur octroyant les délais pour ce faire, dans des conditions de mise en prix tant pour la vente amiable ou la vente sur adjudication jugées satisfaisantes et donc confirmées.

 

Sur la créance de la banque CIC SUD OUEST :

Les époux X. font observer qu'ils ont continué à régler l'échéancier tel que convenu, que le décompte doit donc tenir compte des paiements.

La banque CIC SUD OUEST produit un décompte identique à celui retenu par le premier juge sans évoquer la question des paiements opérés depuis, dès lors, la créance est fixée pour mémoire à la somme de 21.582,22 euros sous réserve de sommes versées depuis.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Chaque partie succombant supportera la charge de ses propres dépens d'appel, les dépens toutefois de la banque CIC SUD OUEST seront supportés par la CRCAM.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Dit irrecevables en cause d'appel les moyens de fait ou de droit tendant à contester les poursuites postérieurement à l'audience d'orientation,

Dit que toutes les contestations de l'emprunteur sont soumises au délai de prescription de droit commun de cinq ans,

Infirme le jugement déféré en ce :

- qu'il a débouté M. et Mme X. de leur demande en déchéance du droit aux intérêts contractuels,

- qu'il a fixé la créance à la somme de 182.838,41 euros avec intérêts au taux de 6,90 %,

Statuant à nouveau :

Dit que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France n'a pas présenté à M. et Mme X. d'offre de prêt valable,

Dit que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France est déchu en conséquence du droit aux intérêts,

Dit que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France devra présenter au plus tard lors de la prochaine audience devant le juge de l'exécution un décompte conforme aux prescriptions de l'article L. 311-33 ancien du code de la consommation,

Déboute M. et Mme X. de leur demande en annulation de l'hypothèque conventionnelle, de la procédure en saisie immobilière, du fichage au fichier des incidents caractérisés de paiement,

Précise que la créance de la banque CIC du Sud Ouest est fixée pour mémoire à la somme de 21.582,22 euros sous réserve de sommes versées depuis,

Confirme le surplus du jugement,

Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France et M. et Mme X. conserveront la charge de leurs propres dépens d'appel,

Dit que les dépens d'appel de la banque CIC du Sud Ouest seront supportés par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France.

Le présent arrêt a été signé par Dominique NOLET, conseiller, et par Nathalie CAILHETON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,                           Le conseiller,

Nathalie CAILHETON        Dominique NOLET