CA ANGERS (ch. com. A), 15 octobre 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4492
CA ANGERS (ch. com. A), 15 octobre 2013 : RG n° 12/00747
Publication : Jurica
Extrait : « Aux termes de l’article L. 121-22 du code de la consommation, les dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 du même code ne s'appliquent pas aux ventes, location ou location-vente de biens ou aux prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession. En l'espèce il ressort des conclusions mêmes de l'appelante que cette dernière, exerçant la profession de vétérinaire, a passé commande auprès de la société Kephren d'un appareil d'électro - acupuncture afin de l'utiliser pour le traitement des animaux dans le cadre de son activité de vétérinaire. L'acquisition de ce matériel était donc en rapport direct avec son activité professionnelle, au sens de l'article L. 121-22 ainsi que l'a justement retenu le premier juge par une motivation que la cour adopte. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’ANGERS
CHAMBRE A COMMERCIALE
ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/00747. Jugement du 12 décembre 2011, Tribunal de Grande Instance de LAVAL, n° d'inscription au RG de première instance 11/00963.
APPELANTE :
Madame X.
née le [date] à [ville], représentée par Maître Philippe LANGLOIS, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 50141
INTIMÉES :
LA SA BNP PARIBAS LEASE GROUP
représentée par la SCP TUFFREAU - LE BLOUCH - FUHRER - GUYARD, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 20090398
LA SCP CROZAT BARAULT prise en la personne de Maître MAINGROT, mandataire judiciaire, pris en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL KEPHREN,
assignée, n'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 18 juin 2013 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame VAN GAMPELAERE, Conseiller, qui a été préalablement entendu en son rapport et devant Madame MONGE, conseiller.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame RAULINE, conseiller faisant fonction de Président, Madame VAN GAMPELAERE, Conseiller, Madame MONGE, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur BOIVINEAU
ARRÊT : réputé contradictoire, Prononcé publiquement le 15 octobre 2013 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ; Signé par Madame VAN GAMPELAERE, conseiller, en remplacement du président empêché et par Monsieur BOIVINEAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant contrat du 8 octobre 2008, la société BNP Paribas lease groupe (la BNP) a consenti à Mme X., exerçant la profession de vétérinaire, un contrat de crédit-bail d'une durée de 60 mois pour le financement d'un appareil « solution global - Kephrénergie » d'une valeur de 29.900 euros TTC, fourni et livré le même jour par la société Kephren.
Mme X. n'ayant pas réglé les loyers prévus dans le contrat de crédit-bail, la BNP lui a, vainement adressé, le 9 juin 2009, une dernière mise en demeure pour obtenir paiement des loyers échus et de l'indemnité contractuelle de résiliation.
Elle l'a ensuite fait assigner en paiement devant le tribunal de grande instance de Laval.
Mme X. a alors appelé à la cause la société Kephren pour voir prononcer la nullité de la vente et celle subséquente du contrat de crédit-bail.
Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du juge de la mise en état du 2 mars 2010.
Le 6 avril 2010, le tribunal de commerce de Troyes a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la société Kephren et désigné Maître Maigrot de la SCP Crozat Barault Maigrot. désigné en qualité de mandataire liquidateur, lequel a été appelé à la cause par acte du 11 février 2011.
En l'état de ses dernières conclusions, la BNP a demandé au tribunal de :
- condamner Mme X. à lui payer une somme de 40.036,81 euros avec intérêts au taux contractuel à compter du 9 juin 2009, outre capitalisation des intérêts,
- donner acte à Mme X. de ce qu'elle offre de restituer le matériel objet du contrat,
- ordonner l'exécution provisoire du jugement,
- condamner Mme X. à lui payer une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour sa part, Mme X. a conclu à l'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit-bail subséquent et au débouté des demandes de la BNP.
Elle a en outre sollicité la condamnation de la société BNP venir reprendre le matériel en cause à ses frais et la condamnation de la société BNP et de la société Kephren à lui payer chacune une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 12 décembre 2011, le tribunal de grande instance de Laval a débouté Mme X. de sa demande de nullité des contrats, l'a condamnée à payer à la BNP la somme de 40.036,28 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2009, ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière à compter du 10 juin 2009, rejeté toutes autres demandes, ordonné l'exécution provisoire du jugement et condamné Mme X. aux dépens.
Suivant déclaration reçue au greffe de la cour le 6 avril 2012, Mme X. a interjeté appel de cette décision intimant la BNP.
Suivant déclaration reçue au greffe le 5 juillet 2012 elle a interjeté un second appel, intimant la BNP et la SCP Crozat Barault Maigrot, es-qualités.
Les deux instances ont été jointes par le juge de la mise en état.
La SCP Crozat Barault Maigrot n'ayant pas constitué avocat, l'appelante l'a fait assigner devant la cour et lui a fait signifier ses deux déclarations d'appel par acte du 27 juillet 2012, par acte remis à sa personne.
Une ordonnance rendue 15 mai 2013 a clôturé la procédure.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe
- le 31 octobre 2012 pour l'appelante (conclusions signifiées à la SCP Crozat Barault Maigrot le 5 novembre 2013),
- le 5 septembre 2012 pour la BNP,
qui peuvent se résumer comme suit.
Mme X. demande à la cour, au visa des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation, 1108 et suivants du Code civil et 1131 du même Code, de :
- Infirmer le jugement entrepris,
- Constater que le bon de commande du laboratoire Kephren et le contrat de crédit-bail ne comportent pas les mentions exigées par l'article L. 121-23 du Code de la consommation,
En conséquence,
- Dire la vente intervenue le 8 octobre 2008 et le contrat de crédit-bail du même jour, accessoire de cette vente, nuls et de nul effet,
- Subsidiairement, dire la vente et le contrat de crédit-bail nuls et de nul effet pour dol ou pour erreur, en application des dispositions des articles 1108 et suivants du Code civil,
- Très subsidiairement, dire la vente et le contrat de crédit-bail nuls et de nul effet pour absence de cause, en application des dispositions de l’article 1131 du Code civil,
- A titre infiniment subsidiaire, ordonner une expertise judiciaire visant à mettre en évidence le caractère inadapté du matériel vendu aux traitement des animaux,
En toute hypothèse,
- Débouter la société BNP des fins de son appel incident,
- Lui donner acte à la concluante ce qu'elle tient le matériel litigieux à la disposition de la société BNP afin qu'elle vienne le récupérer à ses frais ;
- Condamner la société BNP PARIBAS LEASE GROUP à verser à la concluante la somme de 3.500 euros par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
Et rejetant toutes prétentions contraires comme non recevables, en tout cas non fondé ;
- Condamner la société BNP aux dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de son appel elle fait valoir en premier lieu que le contrat de vente du matériel litigieux ne comporte pas les mentions prévues par la loi en matière de démarchage à domicile, assujetti à la législation relative au démarchage à domicile, ne comporte et [...] [N.B. conforme à la minute jurica] Elle indique que le matériel litigieux ne présente pas de lien avec son activité professionnelle de vétérinaire de sorte qu'elle est fondée à se prévaloir de la législation sur le démarchage à domicile et à poursuivre l'annulation du contrat de vente qui ne comporte pas toutes les mentions requises au regard de l’article L. 121-21 du code de la consommation.
Subsidiairement, elle ajoute que le représentant de la société Kephren qui l'a démarchée lui a tenu des propos mensongers en l'assurant que le matériel qu'il lui proposait était parfaitement adapté au traitement des animaux, ce qui n'était en réalité nullement le cas.
Elle soutient que ces mensonges sont constitutifs d'un dol ayant vicié son consentement ou que, à tout le moins, elle est fondée à solliciter l'annulation de la vente pour erreur sur la substance ou absence de cause.
A titre subsidiaire, elle expose que si la cour ne s'estimait pas suffisamment informée du caractère inutilisable sur des animaux du matériel litigieux, une mesure d'expertise pourrait être ordonnée sur ce point.
La BNP conclut à la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a condamné Mme X. au paiement de la somme 40.036,81 euros et formant appel incident, elle demande à la cour de condamner l'appelante à lui payer les intérêts au taux contractuel sur la somme de 40.036,81 euros à compter du 9 juin 2009, lesdits intérêts devant être capitalisés.
Elle sollicite également une indemnité de procédure de 3.500 euros et la condamnation de Mme X. aux entiers dépens.
Pour s'opposer aux demandes en nullité du contrat, elle expose que les dispositions du code de la consommation relatives au démarchage ne sont pas applicables à la cause dès lors que le matériel a été acquis par l'appelante vétérinaire et docteur en médecine, laquelle, en professionnelle avisée, était parfaitement en mesure de s'assurer de la compatibilité du matériel fourni par la société Kephren avec son activité de vétérinaire et que c'est pour les besoins de son activité qu'elle en a fait l'acquisition.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la nullité des conventions fondée sur les dispositions de l’article L. 121-23 du code de la consommation :
Aux termes de l’article L. 121-22 du code de la consommation, les dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 du même code ne s'appliquent pas aux ventes, location ou location-vente de biens ou aux prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.
En l'espèce il ressort des conclusions mêmes de l'appelante que cette dernière, exerçant la profession de vétérinaire, a passé commande auprès de la société Kephren d'un appareil d'électro - acupuncture afin de l'utiliser pour le traitement des animaux dans le cadre de son activité de vétérinaire.
L'acquisition de ce matériel était donc en rapport direct avec son activité professionnelle, au sens de l'article L. 121-22 ainsi que l'a justement retenu le premier juge par une motivation que la cour adopte.
La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté Mme X. de sa demande de nullité fondée sur les dispositions de l’article L. 121-23 du code de la consommation
Sur la nullité des conventions pour fondé sur les vices du consentement :
Si dans le corps de ses conclusions la société BNP fait valoir que l'appelante serait irrecevable à solliciter pour la première fois en cause d'appel la nullité du contrat sur le fondement du dol, de l'erreur ou de l'absence de cause, cette fin de non recevoir n'est pas reprise au dispositif de ses conclusions qui seul saisit la cour en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile.
Pour support commun à ses demandes en nullité qu'elle décline ainsi qu'il vient d'être dit, l'appelante fait valoir que l'appareil litigieux ne serait pas utilisable sur les animaux et que :
- elle a été trompée par la société Kephren qui lui a garanti le contraire
- elle a, a minima, commis une erreur sur une qualité substantielle de l'appareil,
- le contrat est en toute hypothèse dépourvu de cause.
Il appartient en premier lieu à l'appelante de démontrer l'inadaptation du matériel litigieux à un usage sur les animaux.
Si elle prétend avoir rapidement pu constater qu'elle ne pourrait utiliser l'appareil dans le cadre de son activité professionnelle, force est de constater qu'elle ne produit aux débats aucune pièce établissant qu'elle aurait émis sur ce point la moindre réserve avant d'âtre mise en demeure de payer.
Elle ne verse ainsi aux débats aucun justificatif des réclamations qu'elle prétend avoir adressées « immédiatement » à la société Kephren.
Si M. A., ingénieur électronicien, atteste avoir vu en 2008 l'appareil d'électrothérapie KEPHREN et avoir « été étonné qu'un tel appareil puisse être compatible avec un usage vétérinaire », cette seule attestation, telle que rédigée, ne démontre pas l'incompatibilité aujourd'hui alléguée par l'appelante et la cour ne saurait pallier, par l'organisation d'une expertise, la carence de l'appelante dans l'administration de la preuve.
Faute d'établir que l'appareil ne fonctionne pas sur des animaux, Mme X. ne pourra qu'être déboutée de ses demandes en nullité.
- Sur la demande en paiement :
Il est constant que Mme X. n'a pas honoré le paiement des échéances.
Aux termes du contrat elle est donc tenue au paiement d'une indemnité de résiliation correspondant au montant des loyers restant à échoir au jour de la résiliation, majorée d'une somme forfaitaire de 10 %.
Dans le respect du principe de la contradiction, il convient d'inviter les parties à formuler leurs éventuelles observations sur la qualification en clause pénale de cette indemnité de résiliation, qui serait dès lors assujettie au pouvoir modérateur de la cour, sur le fondement de l’article 1152 du code civil.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire :
Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Mme X. de sa demande de nullité fondée sur les dispositions de l’article 121-23 du code de la consommation,
Déboute Mme X. de ses demandes en nullité fondées sur le dol, l'erreur et l'absence de cause,
Déboute Mme X. de sa demande d'expertise,
Avant dire droit sur le surplus,
Ordonne la réouverture des débats à l'audience du 4 novembre 2013 à 14 heures et invite pour cette audience les parties à formuler leurs observations sur la qualification en clause pénale de l'indemnité de résiliation.
LE GREFFIER P/LE PRESIDENT empêché
D. BOIVINEAU V. VAN GAMPELAERE