CA BASSE-TERRE (1re ch. civ.), 17 juin 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4495
CA BASSE-TERRE (1re ch. civ.), 17 juin 2013 : RG n° 12/00842
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2013-015542
Extrait : « Il convient de constater que la clause litigieuse, qui impose au locataire de restituer le véhicule loué immédiatement à compter de la résiliation ne lui permet pas de mettre en œuvre la faculté de présentation d'un acquéreur impérativement ouverte pendant trente jours par les textes précités, et, ainsi, de rechercher lui-même un acquéreur afin de diminuer sa créance et a pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. (Cass. civ. 1ère, 6 janvier 1994) ; En conséquence, la clause, objet de l'article 10 du contrat sera déclarée non écrite. »
COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 17 JUIN 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/00842. Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal de grande instance de POINTE A PITRE, décision attaquée en date du 9 février 2012, enregistrée sous le n° 10/01268.
APPELANT :
Monsieur X.
Représenté par Maître Aude RICHARDS, (TOQUE 79) avocat au barreau de GUADELOUPE
INTIMÉE :
La SCA SOGUAFI
Représentée par Maître Gérard PLUMASSEAU, (TOQUE 16) avocat au barreau de GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l’article 779 alinéa 3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 18 mars 2013.
Par avis du 18 mars 2013, le président a informé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de : M. Bernard PIERRE, président de chambre, Mme Marie-Hélène CABANNES, conseillère, Mme Claire PRIGENT, conseillère, rapporteur, qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 3 juin 2013, il a été prorogé au 17 juin 2013 et rendu le 17 juin 2013.
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées. Signé par M. Bernard PIERRE, président de chambre, et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par jugement du 9 février 2012, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a :
- constaté la déchéance du crédit-bail conclu le 3 juillet 2008 à compter du mois de juin 2009,
- dit que l'article 10 du contrat de crédit-bail souscrit le 3 juillet 2008 ne constitue pas une clause abusive,
- condamné M. X. à payer à la société Guadeloupéenne de financement la somme de 19.738,45 euros, en deniers ou quittance, laquelle sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2009, date de la mise en demeure et ce jusqu'à parfait paiement en application de l’article 1153 du code civil,
- débouté M. X. de sa demande tendant à voir condamner la société Guadeloupéenne de financement à lui payer la somme de 1.651,49 euros indûment perçue,
- l'a condamné à payer à la société Guadeloupéenne de financement la somme de 600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le 4 mai 2012, M. X. a interjeté appel de la décision.
La société Guadeloupéenne de financement a constitué avocat et a conclu.
La clôture est intervenue le 17 décembre 2012.
* * *
Par dernières conclusions du 26 juillet 2012, M. X. demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, sur le fondement de l’article L. 132-1 du code de la consommation, de déclarer abusive et non écrite la clause n° 10 « résiliation indemnité » du contrat du 3 juillet 2008, en conséquence, de débouter la société Guadeloupéenne de financement de sa demande en paiement de la somme de 22.138,45 euros et de condamner l'intimée à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 2 août 2012, la société Guadeloupéenne de financement sollicite de la cour qu'elle confirme le jugement entrepris, en ce qu'elle a condamné M. X. à lui payer la somme de 19.738,45 euros, en deniers ou quittance, avec intérêts au taux légal et à la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Le premier alinéa de l’article L. 132-1 du code de la consommation dispose que « (…) sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ». De telles clauses peuvent alors être réputées non écrites.
En l'espèce, M. X., dont il n'est pas établi, ni même invoqué, par la société Guadeloupéenne de financement, que l'activité professionnelle a un rapport direct avec le contrat de crédit-bail relatif à un véhicule, doit être considéré comme non-professionnel ou un consommateur au sens de l'article L. 132-1 précité.
L’article L. 311-31 du code de la consommation (dans sa version antérieure au 1er mai 2011 applicable à l'espèce) permet au prêteur dans le cadre d'un contrat de crédit bail « d'exiger, outre la restitution du bien et le paiement des loyers échus et non réglés, une indemnité (…) dépendant de la durée restant à courir du contrat. »
L’article D. 311-13 du code de la consommation précise :
« En cas de défaillance dans l'exécution d'un contrat de location assorti d'une promesse de vente ou de location-vente le bailleur est en droit d'exiger, en application de l'article L. 311-31, une indemnité égale à la différence entre, d'une part, la valeur résiduelle hors taxes du bien stipulée au contrat augmentée de la valeur actualisée, à la date de la résiliation du contrat, de la somme hors taxes des loyers non encore échus et, d'autre part, la valeur vénale hors taxes du bien restitué.
La valeur actualisée des loyers non encore échus est calculée selon la méthode des intérêts composés en prenant comme taux annuel de référence le taux moyen de rendement des obligations émises au cours du semestre civil précédant la date de conclusion du contrat majoré de la moitié. La valeur vénale mentionnée ci-dessus est celle obtenue par le bailleur s'il vend le bien restitué ou repris. Toutefois, le locataire a la faculté, dans le délai de trente jours à compter de la résiliation du contrat, de présenter au bailleur un acquéreur faisant une offre écrite d'achat. Si le bailleur n'accepte pas cette offre et s'il vend ultérieurement à un prix inférieur, la valeur à déduire devra être celle de l'offre refusée par lui.
Si le bien loué est hors d'usage, la valeur vénale est obtenue en ajoutant le prix de vente et le montant du capital versé par la compagnie d'assurance.
A défaut de vente ou à la demande du locataire, il peut y avoir évaluation de la valeur vénale à dire d'expert. Le locataire doit être informé de cette possibilité d'évaluation.
Lorsque le bailleur n'exige pas la résiliation du contrat, il peut demander au locataire défaillant une indemnité égale à 8 % des échéances échues impayées.
Cependant, dans le cas où le bailleur accepte des reports d'échéances à venir, le montant de l'indemnité est ramené à 4 % des échéances reportées.
Le montant de l'indemnité est majoré des taxes fiscales applicables. »
En l'espèce, la clause dont il est demandé la nullité est ainsi rédigée :
«La location peut être résiliée par le bailleur, par lettre recommandée, en cas d'inexécution du contrat et notamment en cas de non paiement d'un seul loyer (...). La résiliation entraîne l'obligation de restituer immédiatement le véhicule au bailleur, au lieu indiqué par lui, avec clés, cartes grises et attestations d'assurance. A défaut le bailleur peut faire enlever les véhicule en tout lieu qu'il se trouve aux frais de locataire, soit amiablement soit, par huissier de justice sur ordonnance reçue sur requête du juge compétent. Le défaut de restitution après mise en demeure pourra entraîner des poursuites pénales pour abus de confiance. Outre les loyers impayés et leurs accessoires, la résiliation rend exigible une indemnité égale à la différence entre, d'une part, la valeur résiduelle hors taxe du bien stipulé au contrat, augmentée de sa valeur actualisée à la date de résiliation du contrat, de la somme hors taxe des loyers non encore échus, et, d'autre part, la valeur vénale du bien restitué (...) La valeur vénale est celle obtenue par le bailleur s'il vend le véhicule qui lui a été restitué. Le locataire pourra soumettre à l'agrément du bailleur une offre d'achat du véhicule au comptant pas un tiers dans un délai de quinze jours après la résiliation. Passé ce délai le locataire ne pourra pas contester la valeur vénale de réalisation (...) ».
Il convient de constater que la clause litigieuse, qui impose au locataire de restituer le véhicule loué immédiatement à compter de la résiliation ne lui permet pas de mettre en œuvre la faculté de présentation d'un acquéreur impérativement ouverte pendant trente jours par les textes précités, et, ainsi, de rechercher lui-même un acquéreur afin de diminuer sa créance et a pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. (Cass. civ. 1ère, 6 janvier 1994)
En conséquence, la clause, objet de l'article 10 du contrat sera déclarée non écrite.
D'où il suit que la société Guadeloupéenne de financement devra être déboutée de ses demandes en condamnation en application de celle-ci.
Il sera fait application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l'appelant.
La société Guadeloupéenne de financement, qui succombe, assumera les dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant, publiquement, contradictoirement et, en dernier ressort,
Infirme le jugement frappé d'appel en toutes dispositions.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare non écrite la clause n° 10 « résiliation indemnité » du contrat du 3 juillet 2008 liant M. X. à la société Guadeloupéenne de financement.
Déboute la société guadeloupéenne de financement de ses demandes.
Condamne la société guadeloupéenne de financement à payer à M. X. la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La condamne aux dépens, qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Maître Aude RICHARDS.
Et ont signé le présent arrêt
La greffière Le président
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