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CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 4 juillet 2013

Nature : Décision
Titre : CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 4 juillet 2013
Pays : France
Juridiction : Caen (CA), 2e ch.
Demande : 12/00602
Date : 4/07/2013
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 29/02/2012
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2013-016993
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4498

CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 4 juillet 2013 : RG n° 12/00602 

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2013-016993

 

Extraits : 1/ « Selon l’article L. 132-1 du code de la consommation, les clauses abusives sont celles qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. En l'occurrence, la clause litigieuse prévoit que la fraction disponible du découvert peut évoluer sur demande spécifique de l'emprunteur dans la limite du montant maximum du découvert autorisé et que son utilisation peut intervenir au moyen de la carte de paiement remise à l'emprunteur avec l'accord préalable du prêteur.

Cette clause ne saurait cependant s'interpréter comme permettant l'augmentation du montant du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit, de sorte qu'elle n'est pas, par elle-même, abusive. En effet, la circonstance que la banque se soit dispensée, à l'occasion de cette opération, de délivrer une nouvelle offre de crédit justifie certes la mise en œuvre des sanctions propres à ce manquement, mais elle ne rend pas pour autant la clause abusive ».

2/ « Il résulte de l’article L. 311-9 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi du 28 janvier 2005 applicable à la cause, que, lorsque qu'une ouverture de crédit offre à son bénéficiaire la possibilité de disposer de façon fractionnée du montant du crédit consenti, l'offre préalable est obligatoire pour le contrat initial ainsi que pour toute augmentation du crédit consenti. Contrairement à ce que prétend la société Laser Cofinoga, lorsque la réserve de crédit effectivement consentie est constituée par la fraction disponible d'un montant maximum de découvert autorisé, toute augmentation de cette fraction disponible, qui implique une modification des conditions du crédit, doit être précédée d'une nouvelle offre de crédit. »

 

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 4 JUILLET 2013

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 12/00602. ORIGINE : DÉCISION du Tribunal d'Instance de CAEN en date du 1er décembre 2011 : R.G. n° 11-11-0917.

 

APPELANT :

Monsieur X.

le [date] à [ville], représenté et assisté de la SCP BERNARD-TULEFF, avocats au barreau de CAEN (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)

 

INTIMÉE :

LA SA LASER COFINOGA venant aux droits de MEDIATIS

N° SIRET : 682 016 XX, prise en la personne de son représentant légal, représentée et assistée de Maître Jean-Jacques SALMON, substitué par Maître ALEXANDRE, avocats au barreau de CAEN

 

DÉBATS : A l'audience publique du 27 mai 2013, sans opposition du ou des avocats, Monsieur CHRISTIEN, Président, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur CHRISTIEN, Président, rédacteur, Madame BEUVE, Conseiller, Madame BOISSEL DOMBREVAL, Conseiller,

ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2013 et signé par Monsieur CHRISTIEN, Président, et Mme LE GALL, Greffier

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant offre préalable de crédit acceptée le 18 mai 2006, la société Mediatis a consenti à M. X. un crédit par découvert en compte d'un montant maximum de 21.500 euros au taux effectif global de 17,36 %, l'emprunteur ayant opté à l'ouverture pour une fraction disponible de 4 000 euros.

Prétendant que des échéances mensuelles de remboursement étaient impayées, la société Laser Cofinoga, venant aux droits de la société Mediatis, a prononcé la déchéance du terme du prêt le 12 janvier 2011 et, par acte du 10 mai 2011, a fait assigner en paiement M. X. devant le tribunal d'instance de Caen.

Par jugement du 1er décembre 2011 rendu alors que le défendeur était défaillant, le premier juge a statué en ces termes :

« Condamne M. X. à payer à la société Laser Cofinoga, venant aux droits de la société Mediatis, la somme de 18.724,52 euros augmentée des intérêts au taux de 17,36 % sur la somme de 13.586,48 euros à compter du 12 janvier 2011 ;

Condamne M. X. à verser à la société Laser Cofinoga la somme de 150 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. X. aux dépens ;

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision ».

Faisant grief à la banque d'avoir porté le montant de la fraction disponible de 4.000 euros à 21.500 euros sans nouvelle offre préalable de crédit et en s'abstenant de le mettre en garde sur les risques nés de l'endettement, M. X. a relevé appel de ce jugement le 29 février 2012, en demandant à la cour :

- d'annuler la clause d'utilisation du crédit par fractions,

- de déchoir la société Laser Cofinoga du droit aux intérêts,

- de la condamner au paiement d'une somme de 19.354,04 euros à titre de dommages-intérêts,

- de compenser les créances réciproques des parties,

- subsidiairement, de lui accorder un délai de grâce,

- et de condamner l'intimée au paiement d'une indemnité de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société Laser Cofinoga conclut pour l'essentiel à la confirmation du jugement attaqué et sollicite le paiement d'une indemnité de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour M. X. le 25 mai 2012, et pour la société Laser Cofinoga le 16 novembre 2012.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES MOTIFS :

Sur la nullité de la clause d'utilisation du crédit par fractions :

Selon l’article L. 132-1 du code de la consommation, les clauses abusives sont celles qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

En l'occurrence, la clause litigieuse prévoit que la fraction disponible du découvert peut évoluer sur demande spécifique de l'emprunteur dans la limite du montant maximum du découvert autorisé et que son utilisation peut intervenir au moyen de la carte de paiement remise à l'emprunteur avec l'accord préalable du prêteur.

Cette clause ne saurait cependant s'interpréter comme permettant l'augmentation du montant du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit, de sorte qu'elle n'est pas, par elle-même, abusive.

En effet, la circonstance que la banque se soit dispensée, à l'occasion de cette opération, de délivrer une nouvelle offre de crédit justifie certes la mise en œuvre des sanctions propres à ce manquement, mais elle ne rend pas pour autant la clause abusive.

 

Sur le défaut de délivrance d'une nouvelle offre de crédit :

Il résulte de l’article L. 311-9 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi du 28 janvier 2005 applicable à la cause, que, lorsque qu'une ouverture de crédit offre à son bénéficiaire la possibilité de disposer de façon fractionnée du montant du crédit consenti, l'offre préalable est obligatoire pour le contrat initial ainsi que pour toute augmentation du crédit consenti.

Contrairement à ce que prétend la société Laser Cofinoga, lorsque la réserve de crédit effectivement consentie est constituée par la fraction disponible d'un montant maximum de découvert autorisé, toute augmentation de cette fraction disponible, qui implique une modification des conditions du crédit, doit être précédée d'une nouvelle offre de crédit.

En l'occurrence, la société Laser Cofinoga a, dans la limite d'un montant maximum de 21 500 euros, qui n'était autre que celui applicable à l'époque à tout crédit à la consommation, consenti une réserve de crédit en ne rendant disponible qu'une fraction de 4.000 euros du découvert autorisé, puis elle a consenti le 12 juin 2009 une augmentation du crédit en portant celui-ci à 17.000 euros sans avoir préalablement délivré une nouvelle offre de crédit.

En application de l’article L. 311-33 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause, la société Laser Cofinoga est donc déchue du droit aux intérêts.

Par conséquent, selon l'historique du compte et le décompte de créance produits, M. X. reste devoir à la banque les sommes de 16.312,62 euros au titre du capital et de 1.016,33 euros au titre de l'indemnité de résiliation, soit, au total, 17.328,95 euros.

Le jugement attaqué sera réformé en ce sens.

 

Sur le manquement de la banque à son devoir de mise en garde :

S'il est exact que la banque a, à l'égard de l'emprunteur non averti, un devoir de mise en garde sur les risques nés de l'endettement, ce devoir n'est pas dû dès lors que le prêt était adapté aux capacités financières de l'emprunteur.

Or, M. X., qui se prévaut d'un crédit excessif, ne produit aucun élément de nature à établir la réalité de sa situation économique en juin 2009, époque de l'octroi du crédit litigieux.

L'appelant se borne en effet à verser aux débats des documents attestant de sa situation actuelle, mais n'expose pas en quoi l'état de ses biens et revenus en mai 2006 puis en juin 2009 n'était pas adapté à des charges mensuelles de remboursement de crédit qui n'ont jamais excédé, avant le premier incident de paiement du 7 avril 2010, 416,79 euros.

 

Sur le délai de grâce :

M. X., qui établit n'avoir actuellement pour revenus que des allocations de chômage, se trouve dans une position économique difficile justifiant que lui soit accordé, en application de l’article 1244-1 du code civil, un délai de grâce de deux ans, à la condition qu'il s'acquitte mensuellement d'un versement de 80 euros.

 

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il n'y aura pas matière à application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque.

Chacune des parties, qui succombe partiellement en ses moyens d'appel et prétentions, conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Infirme partiellement le jugement rendu par le tribunal d'instance de Caen le 1er décembre 2011 ;

Statuant à nouveau sur le tout,

Condamne M. X. à payer à la société Laser Cofinoga la somme de 17.328,95 euros et la déboute du surplus de ses demandes;

Déboute M. X. de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts ;

Accorde à M. X. un délai de grâce de deux ans à condition qu'il verse à la société Laser Cofinoga une somme de 80 euros par mois à compter du 1er août 2013 ;

Dit qu'à défaut de versement mensuel, M. X. sera déchu de plein droit du délai de grâce qui lui a été accordé et que la totalité de la somme restant due deviendra immédiatement exigible ;

Dit n'y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT

N. LE GALL              J. CHRISTIEN