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CA RENNES (2e ch.), 21 juin 2013

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (2e ch.), 21 juin 2013
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 2e ch.
Demande : 11/02003
Décision : 13/247
Date : 21/06/2013
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Numéro de la décision : 247
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4530

CA RENNES (2e ch.), 21 juin 2013 : RG n° 11/02003 ; arrêt n° 247 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant que les contrats de location sont exclus de la loi sur le démarchage à domicile lorsqu'ils ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le locataire ; Considérant que le contrat de location d'une machine à faire des pâtes a été souscrit par Madame X. dans le cadre de son activité professionnelle d'exploitation d'un bar avec petite restauration, et présente un rapport direct avec celle-ci ; Qu'il n'y a pas lieu pour apprécier l'existence de ce rapport direct d'examiner l'opportunité et l'intérêt du contrat au regard des besoins de Madame X. ; Considérant que le contrat n'étant pas soumis aux dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile, Madame X. sera déboutée de sa demande en annulation du contrat pour non respect de ces dispositions, le jugement déféré étant infirmé ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 21 JUIN 2013

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G : 11/02003. Arrêt n° 247.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Catherine LE BAIL, Président, Madame Françoise LE BRUN, Conseiller, Mme Isabelle LE POTIER, Conseiller,

GREFFIER : Madame Marie-Noëlle KARAMOUR, lors des débats et Madame Stéphanie LE CALVE lors du prononcé

DÉBATS : A l'audience publique du 19 avril 2013, devant Mme Isabelle LE POTIER, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 21 juin 2013 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

 

APPELANTE :

Société COM.SERVICES SARL

société en dissolution représentée par son liquidateur, Monsieur Y., domicilié en cette qualité audit siège, Rep/assistant : la SCP C.C.P. LE C.B., société en liquidation prise en la personne de son liquidateur, Maître C., avocat, Rep/assistant : Maître Valérie P., Plaidant (avocat au barreau de PARIS)

 

INTIMÉES :

Madame W. épouse X.

née le [date] à [ville], exerçant sous l'enseigne LE M., Rep/assistant : la SELARL Luc B., Postulant (avocats au barreau de RENNES), Rep/assistant : Maître Yvan T., Plaidant (avocat au barreau de NANTES)

Société BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE - BPA

Rep/assistant : la SELARL B. Jean-Jacques, Postulant (avocats au barreau de RENNES), Rep/assistant : Maître Jean-Philippe R., Plaidant (avocat au barreau de NANTES)

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par contrat du 14 octobre 2008, la société COM SERVICES a donné en location à Madame X., qui exploite un bar à [ville N.], une machine PASTA SERVICE pour un loyer journalier de 6 euros HT.

Lors de la signature du contrat Madame X. a remis à la société COM SERVICES, à titre de dépôt de garantie, un chèque de 2.160 euros tiré sur son compte à la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE.

Le 12 novembre 2008, le CIC BANQUES a informé la société COM SERVICES que le chèque de 2.160 euros remis à l'encaissement avait été rejeté pour motif « utilisation frauduleuse ».

Par courrier du 21 novembre 2008, la société COM SERVICES a demandé à la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE de bloquer la provision ou de lui adresser un certificat de non paiement du chèque de 2.160 euros.

La société COM SERVICES a assigné Madame X. aux fins d'obtenir l'exécution forcée du contrat et la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE en paiement de la provision bloquée.

Par jugement du 17 février 2011, le tribunal de commerce de NANTES a :

- constaté sa compétence,

- prononcé la nullité du contrat,

- dit que la provision bloquée peut être libérée,

- condamné la société COM SERVICES à verser à la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société COM SERVICES à verser à Madame X. la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la société COM SERVICES aux dépens.

La société COM SERVICES a formé appel de ce jugement.

 

Par conclusions du 10 août 2011, Monsieur Y. liquidateur de la société COM SERVICES, société en dissolution, demande à la cour de :

- lui donner acte de son intervention volontaire,

- infirmer le jugement et statuant à nouveau,

- ordonner à la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE de ce qu'elle justifie que la provision est toujours bloquée,

- condamner conjointement et solidairement la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE Madame X. exerçant sous l'enseigne Le M. à lui payer les sommes de :

- 2.160 euros en principal,

- 4.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner Madame X. exerçant sous l'enseigne Le M. à prendre possession du matériel donné à bail et à poursuivre le contrat dans les dix jours de la signification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

- condamner conjointement et solidairement la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE et Madame X. à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

 

Aux termes de ses conclusions du 24 juin 2011, Madame X. demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré,

- lui reconnaître la qualité de consommateur au sens des dispositions des articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation,

- constater l'absence de bordereau détachable de rétractation,

- déclarer nul et non avenu le contrat,

Subsidiairement,

- constater la résiliation du contrat du fait du refus de livraison et en application de la clause pénale figurant au contrat,

En conséquence,

- débouter la société COM SERVICES de toutes ses demandes

- la condamner à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

À titre infiniment subsidiaire,

- minorer en application de l’article 1152 du code civil le montant de la clause pénale au regard des conditions dans lesquelles l'accord serait intervenu,

- dire qu'elle sera garantie de toute condamnation par la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE,

- condamner la société COM SERVICES à lui payer 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

 

Par ses dernières conclusions du 5 septembre 2011, la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE demande à la cour de :

- débouter la société COM SERVICES de l'ensemble de ses demandes,

- débouter Madame X. de sa demande en garantie,

- très subsidiairement, condamner Madame X. à la garantir et relever indemne de l'ensemble des condamnations,

- condamner la société COM SERVICES, subsidiairement Madame X., à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société COM SERVICES à lui payer la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la société COM SERVICES, subsidiairement Madame X., aux dépens.

L'ordonnance de clôture est en date du 21 février 2013.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la demande en nullité du contrat :

Considérant que l’article L. 121-22 du code de la consommation dispose que ne sont pas soumis aux dispositions relatives au démarchage à domicile, les ventes, locations ou locations ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une activité agricole, artisanale, industrielle ou de toute autre profession ;

Considérant que le contrat, intitulé contrat de location de matériel professionnel avec dépôt de garantie, est intervenu entre la société COM SERVICES et Madame X. qui a apposé son cachet commercial « Bar brasserie Le M. »; Que le chèque de 2.160 euros, remis en paiement du dépôt de garantie, est tiré sur le compte Madame X. bar le M. à [ville N.] ;

Considérant que Madame X. soutient que le contrat est soumis aux dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile au motif que la machine à pâtes, objet du contrat, ne correspondait pas aux besoins directs de son activité puisqu'elle exploite un bar où elle proposait de la petite restauration ; Que le représentant de la société COM SERVICES est venu la démarcher sur son lieu de travail et s'est montré particulièrement insistant ; Que réalisant le caractère démesuré de son engagement, elle notifiait dès le lendemain sa volonté de rétractation et déposait une main courante au sujet des procédés de vente de la société COM SERVICES ;

Considérant que les contrats de location sont exclus de la loi sur le démarchage à domicile lorsqu'ils ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le locataire ;

Considérant que le contrat de location d'une machine à faire des pâtes a été souscrit par Madame X. dans le cadre de son activité professionnelle d'exploitation d'un bar avec petite restauration, et présente un rapport direct avec celle-ci ;

Qu'il n'y a pas lieu pour apprécier l'existence de ce rapport direct d'examiner l'opportunité et l'intérêt du contrat au regard des besoins de Madame X. ;

Considérant que le contrat n'étant pas soumis aux dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile, Madame X. sera déboutée de sa demande en annulation du contrat pour non respect de ces dispositions, le jugement déféré étant infirmé ;

 

Sur la demande en exécution forcée du contrat :

Considérant que selon l’article 1184 du code civil, la partie envers laquelle le contrat n'a pas été exécuté a le choix de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts ;

Considérant qu'il résulte de l'article 1228 du même code que le créancier au lieu de demander la peine stipulée au contrat peut poursuivre l'exécution de l'obligation principale ;

Considérant que la cour est saisie par la société COM SERVICES d'une demande de condamnation de Madame X. à prendre possession du matériel donné à bail et à poursuivre le contrat ;

Qu'elle produit le bon de livraison de la machine Pasta Services portant la mention « machine refusée par courrier avec plainte au commissariat le 27 10 2008 »" ;

Considérant que Madame X. n'est pas fondée à se prévaloir de ses manquements dans l'exécution du contrat pour soutenir que le contrat ayant été résilié de plein droit du fait qu'elle a refusé la livraison de la machine, la société COM SERVICES ne peut plus en solliciter l'exécution forcée ;

Considérant que la société ne s'est pas prévalue de la résiliation du contrat et que, l'eût-elle fait, cela ne la priverait pas du droit de poursuivre l'exécution forcée du contrat de location, laquelle est présumée possible ;

Considérant qu'il y a lieu de faire droit à la demande d'exécution forcée de la convention et de condamner Madame X. à prendre livraison de la machine et à exécuter les obligations découlant du contrat, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;

Considérant que l'exécution forcée du contrat étant ordonnée, Madame X. sera condamnée à payer à la société COM SERVICES la somme de 2.160 euros au titre du dépôt de garantie, somme qu'elle n'a pas payée puisqu'elle a fait opposition au chèque par elle remis à la société COM SERVICES lors de la conclusion du contrat ;

Considérant que la demande de Madame X. tendant à voir minorer en application de l’article 1152 du code civil le montant de la clause pénale est sans objet puisque la société COM SERVICES qui poursuit l'exécution du contrat ne forme aucune demande à ce titre ;

 

Sur les demandes relatives à la provision du chèque :

Considérant que la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE a bloqué la provision du chèque de 2.160 euros à la suite de l'opposition à paiement formée auprès d'elle par Madame X. au motif d'une utilisation frauduleuse ;

Que la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE, par courrier du 27 novembre 2008, la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE écrivait à la société COM SERVICES qu'elle lui confirmait avoir rejeté le chèque n° XX de 2.160 euros au paiement duquel Madame X. avait fait opposition pour le motif « utilisation frauduleuse », et avoir bloqué la provision équivalente pour préserver les éventuels droits du porteur ;

Considérant que la société COM SERVICES n'a pas mis en œuvre la procédure de mainlevée de l'opposition prévue par l’article L. 131-35 du code monétaire et financier ;

Que la banque souligne à juste titre, que ni elle ni le destinataire du chèque ne pouvait décider du caractère régulier et bien-fondé d'une opposition, et qu'en l'absence d'une décision de mainlevée de l'opposition obtenue par la société COM SERVICES, elle n'était pas autorisée à lui verser la provision ;

Considérant que la société COM SERVICES sera déboutée de sa demande en condamnation de la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE à lui payer la provision de 2.160 euros et à justifier que la provision correspondant au chèque de 2.160 euros est toujours bloquée ainsi que de sa demande de condamnation solidaire de la banque et de Madame X. à lui payer la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié au blocage de la provision ;

Considérant que la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE demande la condamnation de la société COM SERVICES à lui payer la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, mais qu'elle ne démontre pas de circonstances ayant pu faire dégénérer en abus le droit de la société d'agir en justice, et ne caractérise d'ailleurs pas le préjudice dont elle demande ainsi réparation ; Qu'elle sera en conséquence déboutée de cette demande ;

 

Sur les autres demandes :

Considérant que Madame X. demande à la cour, aux termes du dispositif de ses conclusions, de dire qu'elle sera garantie de toute condamnation par la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE, mais qu'elle ne motive et ne justifie sa demande ni en droit ni en fait ; Qu'elle sera déboutée de cette demande qui n'est pas fondée ;

Considérant que le rejet de toutes les demandes de la société COM SERVICES à l'encontre de la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE justifie que la première soit condamnée à payer à la seconde une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Qu'il y a lieu de rejeter les demandes présentées sur ce fondement par Madame X. et par la société COM SERVICES ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Infirme le jugement déféré ;

Et statuant à nouveau ;

Condamne Madame X. à prendre possession du matériel donné à bail et à poursuivre le contrat dans les dix jours de la signification de la décision ;

Condamne Madame X. à payer à la société COM SERVICES la somme de 2.160 euros ;

Condamne la société COM SERVICES à payer à la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne Madame X. aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Le greffier                 Le Président