CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 3 juillet 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4590
CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 3 juillet 2013 : RG n° 11/20697 ; arrêt n° 218
Publication : Jurica ; JurisData : 2013-014060
Extraits : 1/ « Considérant que la société CF fait valoir que le COMITÉ ne peut solliciter de la Cour l'annulation des clauses au motif que les textes invoqués au soutien de sa demande ne contiennent pas de dispositions d'un ordre public destiné à protéger l'intérêt général ; que le COMITÉ rappelle qu'il agit en concurrence déloyale, en invoquant, les articles L. 121-1 et L. 132-1 du Code de la consommation et l’article L. 122-8 du Code de la propriété intellectuelle,
Considérant toutefois qu’il n'est pas contesté que ces clauses ne se trouvent plus dans les conditions générales de vente de la société CF qui les a supprimées de ses catalogues après la vente « Article d'Avant-Guerre et Contemporain » du 8 décembre 2012, de sorte que seules seraient visées les clauses insérées dans les conditions de vente des ventes réalisées en 2008 et 2009 se trouvant dans les contrats individuels déjà conclus,
Considérant que l'action en nullité du COMITÉ est pour ce seul motif est irrecevable ».
2/ « Considérant que le CGPA soutient que toute inobservation de la loi par un concurrent est susceptible de fausser la concurrence à ses dépens ; […] ; Considérant que l’article L. 132-1 du Code de la consommation prévoit en son premier alinéa : […] ; que l'article L. 121-1 du même Code prévoit : […] ;
Considérant que ces textes interdisent les clauses abusives et les pratiques commerciales déloyales, qu'ils sont destinés à protéger les consommateurs, partie la plus faible de la transaction ; que le non respect, s'il était avéré, des règles prohibant les clauses abusives et les pratiques déloyales insérées dans le Code de la consommation, procure à l'auteur un avantage concurrentiel indu par rapport à ses concurrents respectueux de la même réglementation ouvrant à ces derniers un droit à réparation du préjudice subi de ce chef ;
Considérant que lorsque la faute est identifiée à une pratique commerciale déloyale au sens de l'article L. 121-1 du Code la consommation, celui qui se prétend victime d'une pratique de concurrence déloyale doit démontrer qu'elle est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service ; qu'en l'espèce, le COMITÉ ne produit aucun élément de nature à étayer cette altération ; que la société CHRISTIE'S soutient à juste titre que les acheteurs non professionnels qui participent aux ventes aux enchères sont, dans leur grande majorité, des amateurs d'art éclairés parfaitement au fait de ce mode de vente et rompus aux usages des maisons de vente ; qu'au surplus, les conditions générales de vente de CHRISTIE'S étaient pleinement accessibles et aisément lisibles ; que l'impossibilité pour l'acheteur de calculer le prix de vente, compte tenu de la célérité des ventes aux enchères et des barèmes de taux de commission, ne peut être considérée comme de nature à altérer substantiellement son consentement, un montant approximatif pouvant être calculé, sans risque d'erreur dirimante ; qu'ainsi, la clause ne saurait constituer une pratique déloyale de nature à entraîner la responsabilité de la société CHRISTIE'S pour concurrence déloyale ;
Considérant qu'une clause n'est considérée comme abusive, au sens de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, que lorsqu'elle a pour objet de créer un déséquilibre dans les droits et obligations des parties aux contrats, au détriment des non-professionnels ; que pour les raisons exposées ci-dessus, la preuve n'est pas rapportée qu'un déséquilibre substantiel résulterait de la clause litigieuse ;
Considérant que les textes du droit de la consommation ne sauraient justifier l'action en concurrence déloyale du CGPA ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 4
ARRÊT DU 3 JUILLET 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/20697. Arrêt n° 218 (9 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 septembre 2011 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - 3ème Chambre - 1ère Section - RG n° 10/00943.
APPELANTE :
Association COMITÉ PROFESSIONNEL DES GALERIES D'ART - CPGA
agissant poursuites et diligences en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège, Ayant son siège social [adresse], Représentée par la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour (Maître Patricia HARDOUIN) avocats au barreau de PARIS, toque L0056, Assistée de Maître Jean AITTOUARES plaidant pour le cabinet OX AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, toque A 966
INTIMÉE :
Société CHRISTIE'S FRANCE SNC
société en nom collectif agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Ayant son siège social [adresse], Représentée par Maître François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque J125, Assistée de Maître Didier THEOPHILE plaidant pour le cabinet DARROIS VILLEY MAILLOT BROCHIER, avocat au barreau de PARIS, toque R 170
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 mai 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame COCCHIELLO, Président et Madame LUC, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame COCCHIELLO, Président, rédacteur, Madame LUC, Conseiller, Mme POMONTI, Conseiller désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Paris en vertu de l’article R. 312-3 du code de l'organisation judiciaire pour compléter la chambre.
Qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame GAUCI
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame COCCHIELLO, Président et par Madame GAUCI, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Dans la rédaction que lui a donnée la loi n° 2006-961 du 1er août 2006, transposant la directive communautaire 2001/84/CE du 27 septembre 2001 relative au droit de suite au profit de l'auteur d'une œuvre d'art originale, l’article L. 122-8 du Code de la propriété intellectuelle dispose :
« Les auteurs d'œuvres originales graphiques et plastiques ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen bénéficient d'un droit de suite, qui est un droit inaliénable de participation au produit de toute vente d'une œuvre après la première cession opérée par l'auteur ou par ses ayants droit, lorsque intervient en tant que vendeur, acheteur ou intermédiaire un professionnel du marché de l'art. Par dérogation, ce droit ne s'applique pas lorsque le vendeur a acquis l'œuvre directement de l'auteur moins de trois ans avant cette vente et que le prix de vente ne dépasse pas 10.000 euros.
On entend par œuvres originales au sens du présent article les œuvres créées par l'artiste lui-même et les exemplaires exécutés en quantité limitée par l'artiste lui-même ou sous sa responsabilité.
Le droit de suite est à la charge du vendeur. La responsabilité de son paiement incombe au professionnel intervenant dans la vente et, si la cession s'opère entre deux professionnels, au vendeur.
Les professionnels du marché de l'art visés au premier alinéa doivent délivrer à l'auteur ou à une société de perception et de répartition du droit de suite toute information nécessaire à la liquidation des sommes dues au titre du droit de suite pendant une période de trois ans à compter de la vente.
Les auteurs non ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen et leurs ayants droit sont admis au bénéfice de la protection prévue au présent article si la législation de l'Etat dont ils sont ressortissants admet la protection du droit de suite des auteurs des Etats membres et de leurs ayants droit.
Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article et notamment le montant et les modalités de calcul du droit à percevoir, ainsi que le prix de vente au-dessus duquel les ventes sont soumises à ce droit. Il précise également les conditions dans lesquelles les auteurs non ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui ont leur résidence habituelle en France et ont participé à la vie de l'art en France pendant au moins cinq ans peuvent demander à bénéficier de la protection prévue au présent article ».
LE COMITÉ PROFESSIONNEL DES GALERIES D'ART (Comité) est une association chargée de la défense de galéristes et du bon fonctionnement du marché de l'art, ayant pour mission de « régulariser les pratiques commerciales, de réagir contre la concurrence déloyale ».
La société CHRISTIE'S FRANCE est une société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. Elle a édité des conditions générales de vente en 2008 dans lesquelles il est précisé que l'acquéreur paiera une somme équivalente au montant du droit de suite lorsque celui-ci est du.
Le COMITÉ a invité la société CHRISTIE'S FRANCE à revoir sa position sur cette pratique.
Après diverses démarches procédurales, elle a, par acte du 8 janvier 2010, assigné devant le Tribunal de grande instance de Paris la société CHRISTIE'S FRANCE aux fins de faire qualifier cette pratique illicite et de concurrence déloyale, d'abus de position dominante et aux fins d'obtenir l'annulation des stipulations contractuelles.
Par jugement du 27 septembre 2011, le Tribunal de grande instance de Paris a :
« déclaré irrecevables les demandes du COMITÉ tant sur le fondement de l’article L. 121-1 et L. 132-1 du Code de la consommation, tendant à voire dire nulle la clause relative au droit de suite insérée dans les conditions générales des ventes intervenues les 27 et 28 mai 2008 (« l'Art de l'après-Guerre et Contemporain »), les 23, 24 et 25 février 2009 (« collection Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé »), le 27 mai 2009 (« l'Art de l'après-Guerre et Contemporain ») et le 8 décembre 2009 (« l'Art de l'après-Guerre et Contemporain »), et tendant à voir interdire à la société CHRISTIE'S FRANCE de cesser cette pratique,
- dit mal fondé le COMITÉ,
- débouté le COMITÉ de ses demandes,
- débouté les parties de leurs autres demandes, dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné le COMITÉ à payer à la société CHRISTIE'S FRANCE la somme de 5.000 Euros au titre de l’indemnité pour frais irrépétibles,
- condamné le COMITÉ aux dépens.
Le COMITÉ a interjeté appel du jugement.
Par conclusions de procédure du 27 mai 2013, le COMITÉ demande le rejet de la demande de rejet de ses conclusions signifiées et de la pièce 61 communiquée le 22 avril 2013.
Par conclusions du 17 février 2012 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé plus ample des moyens, le COMITÉ demande à la Cour de :
- prononcer la nullité des stipulations contractuelles illicites par lesquelles la société CF transfère illicitement la charge du droit de suite,
- faire interdiction sous astreinte de 5.000 Euros par infraction constatée à la société CF de poursuivre la pratique litigieuse,
- ordonner la publication de la décision, dans trois revues, en première page des catalogues des cinq prochaines ventes organisées par CF, en première page de la version française du site internet www.christie's.com, avec astreinte de 10.000 Euros par jour de retard,
- condamner la société CHRISTIE'S FRANCE à lui payer la somme de 1 euro à titre de provision sur les dommages-intérêts à lui devoir,
- condamner la société CHRISTIE'S FRANCE à produire diverses pièces,
- condamner la société CHRISTIE'S FRANCE à lui payer la somme de 42.000 Euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles et à supporter les dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice de l’article 699 du Code de procédure civile.
Par conclusions de procédure du 13 mai 2013, la société CHRISTIE'S FRANCE demande à la Cour d'écarter des débats les conclusions du Comité signifiées le 22 avril 2013 et de la pièce n° 61 communiquée le 22 avril 2013.
Par conclusions du 8 février 2013 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé plus ample des moyens, la société CHRISTIE'S FRANCE demande à la Cour de :
- confirmer le jugement,
- débouter le COMITÉ de ses demandes,
- condamner le COMITÉ à lui payer la somme de 20.000 Euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles et à supporter les dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice de l’article 699 du Code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
1) Sur le rejet des conclusions du 22 avril 2013 et de la pièce n° 61 :
Considérant que la clôture a été prononcée par ordonnance du 23 avril 2013, que les parties ont été avisées le 15 mai 2012 de la date initiale de l'ordonnance de clôture fixée au 12 février 2013 repoussée sur leur demande au 23 avril, les plaidoiries intervenant le 28 mai 2013 ; que la veille de la clôture, le COMITÉ a signifié de nouvelles conclusions et communiqué une nouvelle pièce à la société CHRISTIE'S FRANCE, que la demande de report alors sollicitée par le COMITÉ a été rejetée par le conseiller de la mise en état,
Considérant que l'intimée se plaint de n'avoir pu répondre à ces conclusions qui exposaient une nouvelle argumentation tirée de la violation par la société CF de l'article L. 442-6 du Code de commerce et modifiaient substantiellement le montant de l'indemnité pour frais irrépétibles, tout en produisant une pièce au soutien de cette demande intitulée « état des diligences accomplies » ; que le COMITÉ fait état de ce que la société CHRISTIE'S FRANCE qui n’a sollicité ni le report de l'ordonnance de clôture, ni la réouverture des débats, qui a tardé pour demander le rejet de ses conclusions et de sa pièce, a « sciemment laissé s'écouler un temps qu'elle aurait pu parfaitement mettre à profit pour répliquer au fond » et a « finalement déposé des conclusions si tardives qu'une réouverture des débats était devenue impossible » de sorte que le débat est déloyal et demande que la société CF soit déboutée de ses demandes,
* * *
Considérant que les conclusions déposées la veille de la clôture par le COMITÉ comportait une argumentation nouvelle et une demande nouvelle étayée par une pièce nouvelle, qu'avec juste raison la société CHRISTIE'S FRANCE peut soutenir que le nouveau moyen tiré de l'application de l'article L. 442-6 aux faits de l'espèce, exigeait une réponse de sa part qu'elle ne pouvait donner compte tenu du temps qui lui était imparti avant la clôture ; que le COMITÉ soutient témérairement que le débat serait déloyal ; qu'en effet, aucune faute ne peut être reprochée à la société CF de ne pas s'être associée à la demande de report de la clôture que le COMITÉ a pu faire en déposant ses conclusions la veille de la clôture et qui lui a été refusée, ni postérieurement alors que l'ordonnance de clôture ne pouvait être révoquée que pour cause grave ce qu'assurément la signification des conclusions du COMITÉ la veille de la clôture ne constituait pas ; que de même aucune faute ne peut être recherchée dans la date à laquelle les conclusions de rejet ont été prises par la société CHRISTIE'S FRANCE,
Considérant que la loyauté des débats et le respect du principe du contradictoire justifient le rejet des conclusions signifiées le 22 avril et la communication d'une nouvelle pièce le même jour,
2) Sur l'annulation des stipulations contractuelles par lesquelles la société CF transfère la charge du droit de suite sur l'acheteur par application des articles L. 121- 1 et L. 132-1 du Code de la consommation et de l’article L. 122-8 du Code de la propriété intellectuelle :
Considérant que la société CF fait valoir que le COMITÉ ne peut solliciter de la Cour l'annulation des clauses au motif que les textes invoqués au soutien de sa demande ne contiennent pas de dispositions d'un ordre public destiné à protéger l'intérêt général ; que le COMITÉ rappelle qu'il agit en concurrence déloyale, en invoquant, les articles L. 121-1 et L. 132-1 du Code de la consommation et l’article L. 122-8 du Code de la propriété intellectuelle,
Considérant toutefois qu’il n'est pas contesté que ces clauses ne se trouvent plus dans les conditions générales de vente de la société CF qui les a supprimées de ses catalogues après la vente « Article d'Avant-Guerre et Contemporain » du 8 décembre 2012, de sorte que seules seraient visées les clauses insérées dans les conditions de vente des ventes réalisées en 2008 et 2009 se trouvant dans les contrats individuels déjà conclus,
Considérant que l'action en nullité du COMITÉ est pour ce seul motif est irrecevable,
3) Sur la concurrence déloyale :
Considérant que le CGPA exerce son action en concurrence déloyale en application des articles L. 121-1, L. 132-1 du Code de la consommation et L. 122-8 du Code de la propriété intellectuelle ;
a) Sur la demande en application des textes du droit de la consommation :
Considérant que le CGPA soutient que toute inobservation de la loi par un concurrent est susceptible de fausser la concurrence à ses dépens ;
Considérant que la société CHRISTIE'S soutient que ces « dispositions visent uniquement à protéger le consommateur profane » et que « le CGPA n'est pas recevable à agir en réparation sur ce fondement dès lors que ses membres sont des professionnels du marché de l'art et qu'il n'est en rien habilité à représenter les intérêts des consommateurs », que le « préjudice que subirait cette clientèle (acheteurs profanes) ne cause en soi aucun préjudice au CPGA et ses membres. On voit mal, en effet, en quoi le préjudice prétendument subi par les acheteurs entraine un détournement des vendeurs » ;
Considérant que l’article L. 132-1 du Code de la consommation prévoit en son premier alinéa : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » ;
que l'article L. 121-1 du même Code prévoit : « I. - Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes : (...) ; 2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants : (…) c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ;
II. - Une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l'entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte.
Dans toute communication commerciale constituant une invitation à l'achat et destinée au consommateur mentionnant le prix et les caractéristiques du bien ou du service proposé, sont considérées comme substantielles les informations suivantes : (…) » ;
Considérant que ces textes interdisent les clauses abusives et les pratiques commerciales déloyales, qu'ils sont destinés à protéger les consommateurs, partie la plus faible de la transaction ; que le non respect, s'il était avéré, des règles prohibant les clauses abusives et les pratiques déloyales insérées dans le Code de la consommation, procure à l'auteur un avantage concurrentiel indu par rapport à ses concurrents respectueux de la même réglementation ouvrant à ces derniers un droit à réparation du préjudice subi de ce chef ;
Considérant que lorsque la faute est identifiée à une pratique commerciale déloyale au sens de l'article L. 121-1 du Code la consommation, celui qui se prétend victime d'une pratique de concurrence déloyale doit démontrer qu'elle est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service ; qu'en l'espèce, le COMITÉ ne produit aucun élément de nature à étayer cette altération ; que la société CHRISTIE'S soutient à juste titre que les acheteurs non professionnels qui participent aux ventes aux enchères sont, dans leur grande majorité, des amateurs d'art éclairés parfaitement au fait de ce mode de vente et rompus aux usages des maisons de vente ; qu'au surplus, les conditions générales de vente de CHRISTIE'S étaient pleinement accessibles et aisément lisibles ; que l'impossibilité pour l'acheteur de calculer le prix de vente, compte tenu de la célérité des ventes aux enchères et des barèmes de taux de commission, ne peut être considérée comme de nature à altérer substantiellement son consentement, un montant approximatif pouvant être calculé, sans risque d'erreur dirimante ; qu'ainsi, la clause ne saurait constituer une pratique déloyale de nature à entraîner la responsabilité de la société CHRISTIE'S pour concurrence déloyale ;
Considérant qu'une clause n'est considérée comme abusive, au sens de l’article L.132-1 du Code de la consommation, que lorsqu'elle a pour objet de créer un déséquilibre dans les droits et obligations des parties aux contrats, au détriment des non-professionnels ; que pour les raisons exposées ci-dessus, la preuve n'est pas rapportée qu'un déséquilibre substantiel résulterait de la clause litigieuse ;
Considérant que les textes du droit de la consommation ne sauraient justifier l'action en concurrence déloyale du CGPA ;
b) Sur la demande en application de l’article L. 122-8 du Code de la propriété intellectuelle :
Considérant que la directive communautaire du 27 septembre 2011 invoquée par le COMITÉ est une directive d'harmonisation, prise sur le fondement de l'article 95 du TCE (devenu l'article 114 TFUE) ; que son objectif était de résoudre le problème résultant de l'inexistence du droit de suite dans certains Etats membres, source d'entraves sur le marché intérieur, de distorsions de concurrence ainsi que d'un manque de protection pour les auteurs des 'uvres d'art originales ; qu'elle expliquait :
- « Le droit de suite est le droit incessible et inaliénable de l'auteur » (Considérant 1)
- « Le droit de suite vise à assurer aux auteurs d'œuvres graphiques et plastiques une participation économique au succès de leurs créations » et « constitue une prérogative essentielle de leur auteur » (Considérants 3 et 4),
- l’« application ou la non-application de celui-ci revêt un impact significatif sur les conditions de concurrence au sein du marché intérieur dans la mesure où l'existence ou non d'une obligation de paiement découlant du droit de suite est un élément qui est nécessairement pris en considération par toute personne désireuse de procéder à la vente d'une œuvre d'art. Dès lors, ce droit est un des facteurs qui contribuent à créer des distorsions de concurrence ainsi que des délocalisations de ventes au sein de la Communauté » (Considérant 9),
- « Une condition préalable au bon fonctionnement du marché intérieur est l'existence de conditions de concurrence sans distorsions. Les différences entre les dispositions nationales dans le domaine du droit de suite créent des distorsions de concurrence et des délocalisations de ventes au sein de la communauté et entraînent une inégalité de traitement des artistes qui est en fonction du lieu où sont vendues leurs œuvres.... » (Considérant 14),
- « Du fait de l'étendue des divergences entre les dispositions nationales, il est nécessaire d'adopter des mesures d'harmonisation pour remédier aux disparités entre les législations des Etats membres lorsque de telles disparités sont susceptibles de créer ou de maintenir des distorsions de conditions de concurrence. Il n'apparaît cependant pas nécessaire d'harmoniser toutes les dispositions des législations des Etats membres en matière de droit de suite et, afin de laisser autant de latitude que possible pour la prise de décisions nationales, il suffit de limiter l'harmonisation aux dispositions qui ont une incidence la plus directe sur le fonctionnement du marché intérieur » (Considérant 15),
- « La personne recevable du droit est en principe le vendeur ; les Etats membres devraient avoir la possibilité de prévoir des dérogations à ce principe pour ce qui est de la responsabilité du paiement. Le vendeur est la personne ou l'entreprise au nom de laquelle la vente est conclue » (Considérant 25),
Considérant que la directive ensuite disposait en son article 4 : « Le droit visé au paragraphe 1 est à la charge du vendeur. Les États membres peuvent prévoir que l'une des personnes physiques ou morales visées au paragraphe 2, autre que le vendeur, est seule responsable du paiement du droit ou partage avec le vendeur cette responsabilité »,
Considérant qu'il résulte manifestement de ces dispositions que l'objectif de la directive est à la fois de protéger les auteurs et de contribuer au bon fonctionnement du marché commun de l'art, sans entraves ni restrictions de concurrence, par l'adoption d'un régime unifié du droit de suite entre Etats-membres ;
Considérant que la directive a été transposée dans la législation française par la loi n° 2006-961 du premier août 2006 dans l'article L. 122-8 du code de la propriété industrielle ;
Considérant que selon M. Thiollière, rapporteur au nom de la Commission des affaires culturelles du Sénat, seul le vendeur « subira une restriction dans l'exercice de l'abusus de son droit de propriété », la personne responsable du paiement (le professionnel) « étant simplement chargée de prélever les fonds sur le prix de vente de l'œuvre afin de les tenir à la disposition de l'auteur » ; que le rapporteur précisait que « le droit de suite est mis à la seule charge du vendeur. Aux termes de la directive, ce principe ne fait l'objet d'aucune exception. Sa simplicité contribuera sans aucun doute à établir des conditions de concurrence saines entre les principales places de marché situées au sein de l'Union européenne » ; que l'examen des travaux parlementaires démontre qu’un amendement prévoyant la faculté d'autoriser des dérogations conventionnelles à ce principe avait été rédigé mais avait été écarté par la Commission mixte paritaire ;
Considérant toutefois que si le législateur a entendu exclure toute possibilité qu'un autre que le vendeur supporte la droit de suite, en se référant au fait que « ce principe ne souffre d'aucune exception », il apparaît toutefois que le législateur s'est borné à traduire ses obligations dans la loi,
Considérant par ailleurs que la Commission a fait savoir par un avis du22 décembre 2008 que la directive 2001/84 affirme le principe que le paiement du droit de suite incombe au vendeur, que « l'acheteur et le vendeur peuvent certes conclure des conventions en ce qui concerne le paiement du droit de suite », et que « si ces personnes ont conclu des conventions en qui concerne le paiement de ce droit, elles peuvent les exécuter afin de faciliter le paiement de la redevance, mais la responsabilité du paiement repose sur les personnes répertoriées par l’art L 122-8 du Code de la propriété intellectuelle français »,
Considérant ainsi que très clairement et contrairement à ce que soutient le COMITÉ, une possibilité de dérogation pour les modalités de paiement existe et ce afin de faciliter le paiement du droit de suite, ce qui assure mieux encore le respect du droit de l'auteur de l'œuvre ; que si l'alinéa 1 de l’art L. 122-8 du Code de la Propriété Intellectuelle a un caractère impératif, l'alinéa 3 de ce même texte concerne la modalité de paiement et ne revêt pas un caractère d'ordre public ; que d'ailleurs, comme l'observe la société CHRISTIE'S France, la loi néerlandaise et la loi anglaise ont mis le droit de suite à la charge du professionnel de l'art ;
Considérant au surplus, que le droit de suite est calculé sur le produit de la vente, que rien en permet de soutenir que la pratique de CHRISTIE'S FRANCE a pour effet de réduire mécaniquement et artificiellement le prix d'adjudication, que la démonstration de calcul à laquelle se livre le COMITÉ repose sur des hypothèses,
Considérant de même que cette pratique ne détourne pas illégitimement les vendeurs d'art de gré à gré et ne porte pas atteinte au marché dans son ensemble, que la pratique ne contraint pas les acheteurs professionnels à s'acquitter du droit de suite lors de l'acquisition puis lors de la vente, sauf à rapporter la preuve, qui n'est pas faite, qu'ils n'ont pu répercuter dans leur prix de revente une somme équivalente,
Considérant enfin que le préjudice du COMITÉ n'est nullement établi qu'il soit matériel ou moral, qu'en ce qui concerne le préjudice matériel, le COMITÉ se borne à estimer que la mise à la charge de l'acquéreur du droit de suite a détourné 20 % des vendeurs d'art des galéristes sans en justifier par quoi que ce soit, d'autant plus que comme le remarque justement la société CHRISTIE'S FRANCE, les vendeurs s'adressent à elle en raison des services spécifiques notamment logistiques et de marketing qu'elle est en mesure de leur proposer ; qu'il n’y a pas non plus de preuve de l'existence d'un préjudice moral,
Considérant qu'il y a lieu de débouter le COMITÉ de sa demande,
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
REJETTE les conclusions du 22 avril 2013 et la pièce n° 61,
CONFIRME le jugement,
CONDAMNE le COMITÉ PROFESSIONNEL DES GALERIES D'ART à payer à la société CHRISTIE'S FRANCE la somme de 15.000 Euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles,
CONDAMNE le COMITÉ PROFESSIONNEL DES GALERIES D'ART aux dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5787 - Code de la consommation - Régime de la protection - Autres professionnels - Concurrence déloyale
- 6173 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Domaine de la protection - Clauses visées
- 6469 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente en général (1) - Formation du contrat - Règles générales