CA MONTPELLIER (5e ch. sect. A), 28 novembre 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4602
CA MONTPELLIER (5e ch. sect. A), 28 novembre 2013 : RG n° 13/00233
Publication : Jurica
Extrait : « C'est à juste titre que les premiers juge ont relevé, d'une part que, le contrat liant les parties ayant été conclu le 1er avril 2009, il est soumis aux dispositions antérieures à la loi du 1er juillet 2010 dont il ressort que sont exclues du champs d'application du chapitre relatif au crédit à la consommation les opérations de crédit portant sur un montant supérieur à 21.500,00 euros, d'autre part que rien n'interdit aux parties de soumettre volontairement les opérations de crédit qu'elles concluent aux règles édictées par le Code de la consommation.
C'est en revanche à tort que les premiers juges ont considéré que, tenant la clause stipulée dans la notice, prévoyant que si l'opération de crédit porte sur un montant supérieur à 21.500,00 euros les articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation ne s'appliqueront pas, les parties n'ont pas entendu soumettre le crédit contracté aux dispositions protectrices du droit de la consommation.
Il apparaît en effet à la lecture du document liant les parties que : […]
Dès lors, en utilisant comme document de base du prêt qu'elle lui consentait, un document intégralement présenté, à l'exception de la clause susvisée très peu lisible, comme se soumettant aux dispositions du Code de la consommation puisque les mentions les plus apparentes visent expressément les articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation, la SA GROUPE SOFEMO a entendu se soumettre à ces dispositions protectrices des intérêts de l'emprunteur.
En tout état de cause, à supposer recevable la contestation de la SA GROUPE SOFEMO relative à cette soumission au Code de la consommation, il conviendrait de considérer que, tenant les contradictions et imprécisions affectant le contrat, ce dernier doit s'interpréter dans le sens le plus favorable au consommateur. »
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
CINQUIÈME CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 28 NOVEMBRE 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/00233. Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 DÉCEMBRE 2012, TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BÉZIERS : R.G. n° 11/04388.
DEMANDERESSE AU CONTREDIT :
Madame X.
née le [date] à [ville], de nationalité Française, Représentée par Maître Jean Claude ALLE de la SCP ALLE ET ASSOCIES AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
DÉFENDERESSE AU CONTREDIT :
SA GROUPE SOFEMO
RDS de Strasbourg sous le N° B 339 XX, Prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié es qualités audit siège social, Représentée par Maître MONTPELLIER substituant Maître Bernard BORIES de la SCP MAGNA BORIES CAUSSE CHABBERT, avocat au barreau de BÉZIERS, Maître Fabienne MAGNA de la SCP MAGNA BORIES CAUSSE CHABBERT, avocat au barreau de BÉZIERS
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 17 OCTOBRE 2013, en audience publique, Madame Véronique BEBON ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : Monsieur Patrick VERNUDACHI, Président de chambre, Madame Véronique BEBON, Conseiller, Madame Myriam GREGORI, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Ginette DESPLANQUE
ARRÊT : - Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ; - signé par Monsieur Patrick VERNUDACHI, Président de chambre, et par Mme Ginette DESPLANQUE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte du 19 décembre 2011 la SA GROUPE SOFEMO a fait assigner Madame X., aux fins de la voir condamner au paiement de la somme de 33.999,47 euros, outre intérêts au taux contractuel sur la somme de 28.000,00 euros à compter du 26 août 2010, devant le Tribunal de grande instance de BÉZIERS.
Madame X. ayant soulevé l'incompétence de cette juridiction au profit du Tribunal d'instance, par jugement du 24 décembre 2012 le Tribunal de grande instance s'est déclaré compétent pour connaître du litige, a renvoyé les parties à l'audience du 11 mars 2013 et les a invitées à conclure au fond.
Par acte remis au greffe du tribunal le 8 janvier 2013 Madame X. a formé contredit de compétence à l'encontre de cette décision, faisant valoir que, en dépit d'un montant du prêt supérieur à 21.500,00 euros, l'intention des parties était l'application volontaire du Code de la consommation, rendant ainsi seul compétent le Tribunal d'instance, et soutenant que l'acte litigieux comporte de nombreuses clauses renvoyant audit code, à l'exception d'une seule clause insérée subrepticement sur une page non signée, écartant l'application du Code de la consommation pour les prêts supérieurs à 21.500,00 euros, et ce de façon à induire la confusion de l'emprunteur.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 octobre 2013, auxquelles la Cour renvoie expressément pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, Madame X. demande à la Cour de :
- vu l’article L. 133-2 du code de la consommation ; et accessoirement l’article 1162 du code civil, réformer le jugement, et interprétant la convention dans « le sens le plus favorable » à Madame X., dire que s'applique le mécanisme protecteur en matière de crédit à la consommation ; et renvoyer l'affaire au tribunal d'instance de Béziers,
- vu l’article 1134 du code civil relever que SOFEMO a manqué à l'obligation de bonne foi dans la conclusion du contrat, et écartant la clause invoquée, dire que s'applique ledit mécanisme protecteur et renvoyer de même l'affaire au tribunal d'instance de Béziers,
- vu l’article L. 132-1 du code de la consommation et la recommandation n° 91-02 du 23 mars 1990 de la commission des clauses abusives, dire « non écrite » la clause invoquée, et dire que s'applique ledit mécanisme protecteur et renvoyer de même l'affaire au tribunal d'instance de Béziers,
- en toute hypothèse relever la dissimulation par SOFEMO du bordereau de rétractation portant référence expresse à l'application des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation.
- condamner SOFEMO à 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions transmises par voie électronique le 16 octobre 2013, auxquelles la Cour renvoie également pour l'exposé complet de ses moyens et prétentions, la SA GROUPE SOFEMO demande à la Cour de déclarer irrecevables les conclusions de Madame X. notifiées les 11 et 16 octobre 2013, comme développant une motivation ne figurant pas dans le contredit, de débouter Madame X. de son contredit et de la condamner au paiement d'une somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Madame X. a régulièrement formé contredit à l'encontre du jugement du 24 décembre 2012 rendu par le Tribunal de grande instance de BEZIERS se déclarant compétent pour statuer sur le litige opposant les parties.
Sur la demande formée par la SA GROUPE SOFEMO tendant à voir déclarer irrecevables les dernières conclusions de Madame X. en date des 11 et 16 octobre 2013 :
Si les parties sont tenues, en application des dispositions des articles 82 et 85 du code de procédure civile, de ne présenter à l'appui de leur argumentation que des observations écrites sur la motivation développée dans leur contredit, force est de constater en l'espèce que, dans ses conclusions des 11 et 16 octobre 2013, Madame X. ne fait que développer son argumentation, telle que déjà exposée dans la motivation de son contredit, et relative à la contradiction entre les différents clauses du contrat liant les parties, au choix de SOFEMO d'un imprimé unique induisant la confusion, au fait d'intégrer « subrepticement » une clause qu'elle entend voir réputer comme non écrite en raison de la présentation matérielle des documents.
Les observations ainsi formulées ne constituant nullement un moyen non explicité dans le contredit, il n'y a pas lieu d'écarter des débats les dernières conclusions de Madame X.
Sur l'application du Code de la consommation :
C'est à juste titre que les premiers juge ont relevé, d'une part que, le contrat liant les parties ayant été conclu le 1er avril 2009, il est soumis aux dispositions antérieures à la loi du 1er juillet 2010 dont il ressort que sont exclues du champs d'application du chapitre relatif au crédit à la consommation les opérations de crédit portant sur un montant supérieur à 21.500,00 euros, d'autre part que rien n'interdit aux parties de soumettre volontairement les opérations de crédit qu'elles concluent aux règles édictées par le Code de la consommation.
C'est en revanche à tort que les premiers juges ont considéré que, tenant la clause stipulée dans la notice, prévoyant que si l'opération de crédit porte sur un montant supérieur à 21.500,00 euros les articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation ne s'appliqueront pas, les parties n'ont pas entendu soumettre le crédit contracté aux dispositions protectrices du droit de la consommation.
Il apparaît en effet à la lecture du document liant les parties que :
- la première page, rédigée en caractères très lisibles portant tous les éléments relatifs au prêt et à l'emprunteur, signée par les parties, comporte une clause intitulée « Acceptation de l'offre préalable » complétée de la main de Madame X., selon laquelle cette dernière reconnaît « rester en possession d'un exemplaire de cette offre dotée d'un formulaire détachable de rétractation »,
- la page se présentant comme étant la dernière (en réalité il s'agit d'un formulaire dépliable) sur laquelle figurent également des mentions manuscrites relatives à la situation de l'emprunteur, comporte un bordereau détachable de rétractation sur lequel est portée en caractères gras très visibles la mention « Offre préalable de crédit accessoire à une vente ou une prestation de services Bordereau de rétractation (article L. 311-1 et suivants du Code de la consommation) »,
- à l'intérieur de ce document dépliable, sur une page qui apparaît comme la suite d'une « Notice sur les assurances et l'assistance », ladite page étant rédigée en caractères très peu lisibles en regard des deux pages évoquées ci-dessus bien que portant sur des éléments importants sur l'acceptation du crédit puisque visant expressément la possibilité de rétractation, est insérée la clause suivante : « si l'opération de crédit faisant l'objet de l'offre est destinée à financer les besoins d'une activité professionnelle, ou si elle est d'un montant supérieur à 21.500,00 euros (…) ou si elle est d'une durée inférieure ou égale à trois mois, les articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation ne s'appliquent pas et les dispositions figurant ci-après aux articles I-1, I-2, I-3, I-4, III-a et III-b sont inapplicables ».
Dès lors, en utilisant comme document de base du prêt qu'elle lui consentait, un document intégralement présenté, à l'exception de la clause susvisée très peu lisible, comme se soumettant aux dispositions du Code de la consommation puisque les mentions les plus apparentes visent expressément les articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation, la SA GROUPE SOFEMO a entendu se soumettre à ces dispositions protectrices des intérêts de l'emprunteur.
En tout état de cause, à supposer recevable la contestation de la SA GROUPE SOFEMO relative à cette soumission au Code de la consommation, il conviendrait de considérer que, tenant les contradictions et imprécisions affectant le contrat, ce dernier doit s'interpréter dans le sens le plus favorable au consommateur.
C'est ainsi à juste titre que Madame X. entend voir soumettre le litige l'opposant à la SA GROUPE SOFEMO au Tribunal d'instance compétent pour les opérations de crédit soumises au Code de la consommation et il convient de l'accueillir en son contredit.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :
La SA GROUPE SOFEMO qui succombe, supportera la charge des dépens de la présente instance.
L'équité commande en outre de faire bénéficier Madame X. des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de lui allouer, à ce titre, la somme de 1.000,00 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Reçoit Madame X. en son contredit de compétence formé à l'encontre du jugement rendu le 24 décembre 2012 par le Tribunal de grande instance de BÉZIERS ;
Déboute la SA GROUPE SOFEMO de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les dernières conclusions, en date des 11 et 16 octobre 2013, de Madame X. ;
Déclare recevable l'exception d'incompétence soulevée par Madame X. ;
Juge seul compétent le Tribunal d'instance de BEZIERS pour statuer sur le litige opposant les parties ;
Renvoie l'affaire et les parties devant cette dernière juridiction ;
Condamne la SA GROUPE SOFEMO à payer à Madame X. une somme de 1.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SA GROUPE SOFEMO aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 5830 - Code de la consommation - Domaine d’application - Application conventionnelle - Clauses abusives : principes
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