TI JUVISY-SUR-ORGE, 24 mars 2005
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 464
TI JUVISY-SUR-ORGE, 24 mars 2005 : RG n° 11-03-001457 ; jugement n° 597/05
(sur appel CA Paris (8e ch. A), 7 février 2008 : RG n° 05/10087 ; arrêt n° 69)
Extrait : « Si l'indépendance des contrats de télésurveillance et de location est ainsi affirmée dans les conditions générales du contrat LOCAM, il apparaît toutefois que les contrats de télésurveillance et de location sont, en réalité, totalement indivisibles. Bien qu'elle affirme l'indépendance des contrats, la société LOCAM est dans l'incapacité d'indiquer quelle solution de remplacement s'offre au locataire en cas de carence de MEDIA- VEIL, fournisseur du matériel, et prestataire du service de télésurveillance. Il convient en effet de rappeler que la société MEDIAVEIL est à la fois fournisseur du matériel, et prestataire du service de télésurveillance, rien ne permettant d'affirmer que le matériel MEDIAVEIL puisse faire l'objet d'un abonnement de télésurveillance assuré par une autre société. Dès lors la prestation de télésurveillance est indissociable du matériel fourni par MEDIAVEIL, et loué par LOCAM, de sorte qu'en cas de défectuosité, c'est l'ensemble des contrats qui doit faire l'objet d'une résiliation. »
TRIBUNAL D’INSTANCE DE JUVISY-SUR-ORGE
JUGEMENT DU 24 MARS 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 11-03-001457. Jugement n° 597/05.
DEMANDEUR :
Monsieur X.,
[adresse], représenté par Maître SCHROEDER Jean-Baptiste, avocat
Madame X.,
[adresse] représentée par Maître SCHROEDER Jean-Baptiste, avocat
DÉFENDEURS :
La SARL Société MEDIAVEIL-FVS
[adresse], représentée par Maître LEGROS-WOLFENDEN Sylvie, avocat au barreau de PARIS
La SA Société LOCAM
[adresse], représentée par Maître BOCCALINI, avocat
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS :
Président : Véronique MULLER
Greffier : Nicole MARINIER
DÉBATS : Audience publique du 8 février 2005
JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, prononcé publiquement le 24 mars 2005 par Véronique MULLER, Président assisté de Nicole MARINIER, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 27 avril 2001, Monsieur et Madame X. ont souscrit, auprès de la société LOCAM, un contrat de location d'une durée de 48 mois, portant sur un matériel de télé-sécurité, fourni et installé par la société MEDIAVEIL.
Le même jour, les époux X. ont souscrit un contrat d'abonnement de télé-sécurité, pour la même période de 48 mois, auprès de la société MEDIAVEIL.
En dépit de ce système de télésurveillance, un cambriolage est survenu au domicile des époux X., dans la nuit du 15 au 16 février 2003.
Par acte d'huissier en date des 3 et 4 septembre 2003, Monsieur et Madame X. ont assigné les sociétés MEDIAVEIL et LOCAM aux fins suivantes :
- prononcer la résiliation des contrats conclus avec les sociétés MEDIAVEIL et LOCAM
- condamner la société MEDIAVEIL au paiement de la somme de 7.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi
- leur donner acte de ce qu'ils se réservent la faculté de solliciter la réparation du préjudice résultant du vol dont ils ont été victimes
- condamner les sociétés MEDIAVEIL et LOCAM au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
A l'appui de leurs demandes, les époux X. soutiennent que le système préconisé par la société MEDIAVEIL s'est révélé particulièrement inefficace : défaut de fonctionnement des fumigènes, télésurveillance mise hors service par une simple coupure de la ligne téléphonique, absence de réaction du centre de télésurveillance.
Les époux X. soutiennent que la société MEDIAVEIL a gravement manqué, d'une part à son obligation de conseil en ne recommandant pas un système adapté aux besoins, et d'autre part à son obligation de livrer un matériel en bon état de fonctionnement.
Ils soutiennent que l'installateur d'un système d'alarme est tenu d'une obligation de résultat en ce qui concerne le fonctionnement de l'alarme. Or, le technicien intervenu après le cambriolage a constaté, lors des essais que le système de déclenchement des fumigènes ne fonctionnait pas. Ils estiment donc que la société MEDIAVEIL n'a pas fourni un équipement opérationnel, et que la poursuite des relations contractuelles est impossible.
Ils soutiennent que la société MEDIAVEIL a implicitement reconnu ses manquements, puisqu'elle a proposé de financer, à hauteur de 80 %, une nouvelle installation incluant un système GSM.
Les époux X. demandent donc au Tribunal de prononcer la résiliation des deux contrats (télésurveillance et location), qui sont indivisibles.
Ils précisent également qu'ils ont subi un grave préjudice du fait du cambriolage, et sollicitent l'indemnisation de ce préjudice moral (perte de chance d'empêcher le cambriolage) par l'attribution d'une somme de 7.500 euros à titre de dommages et intérêts.
[minute page 3] En défense, la société MEDIAVEIL a soulevé, in limine litis, la nullité de l'assignation au motif que les demandeurs n'avaient pas indiqué leur identité complète dans cet acte.
Sur le fond, la société MEDIAVEIL soutient qu'elle n'a commis aucun manquement à son obligation de conseil, et que le matériel était en parfait état de fonctionnement.
Elle soutient qu'au moment de la conclusion du contrat, en 2001, l'état de la technologie ne permettait pas de meilleure protection que celle offerte. Elle précise qu'elle ne commercialisait pas la mise en place d'une ligne GSM, qui était très coûteuse, et aurait triplé le prix de l'installation. Elle soutient donc qu'elle a fourni le meilleur service dont elle disposait, et qu'elle n'a nullement failli à son obligation de conseil.
La société MEDIAVEIL soutient également que le système n'a pas été défaillant, mais qu'il a simplement été privé de l'énergie nécessaire à son fonctionnement par la coupure de la ligne téléphonique. La société MEDIAVEIL soutient encore que les époux X. n'établissent pas avoir subi le moindre préjudice. Elle conclut donc au débouté des demandes, et forme une demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La société LOCAM invoque pour sa part l'indépendance des contrats de fourniture de matériel et de location. Elle invoque les clauses contractuelles, aux termes desquelles le locataire renonce à tout recours contre le loueur si le matériel est atteint de vices rédhibitoires, ou de fonctionnement défectueux. Elle soutient que les époux X. pouvaient s'adjoindre les services du fournisseur de leur choix. Elle précise qu'elle n'est intervenue que pour financer le matériel librement choisi par le locataire. Elle soutient que la demande de résiliation du contrat est irrecevable et mal fondée, aucun grief n'étant formé à l'encontre de LOCAM.
A titre subsidiaire, la société LOCAM forme un appel en garantie à l'encontre de la société MEDIAVEIL, sollicitant la condamnation de celle-ci, à titre de dommages et intérêts, au paiement des loyers jusqu'à l'issue du contrat, soit une somme de 658,62 Euros, correspondant à 9 loyers.
La société LOCAM forme également une demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 1.000 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
En réponse, les époux X. soutiennent que MEDIAVEIL les avait assurés du fait que le système de télésurveillance pouvait détecter la coupure de la ligne téléphonique, ce qui s'est révélé inexact. Ils soutiennent également que les contrats LOCAM et MEDIAVEIL forment un tout indivisible, dans la mesure où ils ont une finalité commune, de sorte que la résiliation de l'un des contrats prive l'autre contrat de cause, et entraîne son anéantissement.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DU JUGEMENT :
I - Sur l'exception de nullité de l'assignation :
Il résulte de l'article 648 du Nouveau Code de Procédure Civile que tout acte d'huissier de justice doit indiquer, à peine de nullité, les noms, prénoms, domicile, date et lieu de naissance des requérants.
[minute page 4] En l'espèce, s'il est exact que l'identité complète de Madame X. ne figurait pas dans l'assignation, cette dernière a régularisé son acte en indiquant ultérieurement son identité complète.
Compte tenu de la régularisation ainsi effectuée, il convient de rejeter l'exception de nullité de l’assignation.
II - Sur la résiliation du contrat MEDIAVEIL :
- Sur le manquement à l'obligation de conseil :
Il résulte de l'article 1184 du Code Civil que la clause résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des parties ne satisfait pas à son engagement, la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté pouvant demander la résolution avec dommages et intérêts.
En l’espèce, les époux X. reprochent à la société MEDIAVEIL de ne pas leur avoir fourni un matériel adapté à leurs besoins, estimant que compte tenu de la configuration des lieux, et de l'accessibilité de la ligne téléphonique, il était nécessaire de prévoir un système de remplacement en cas de défaillance de cette ligne.
Il n’est pas contesté que le bon fonctionnement de la ligne téléphonique était indispensable pour l'efficacité de la télésurveillance, et qu'une coupure de cette ligne anéantissait toute surveillance, de sorte que l'existence d'un système de secours était déterminant au regard de la fiabilité de l'installation.
La société MEDIAVEIL reconnaît ne pas avoir proposé la mise en place d'une ligne GSM de secours, soutenant, d'une part qu'elle ne commercialisait pas ce type de protection, et d'autre part que celle-ci était particulièrement onéreuse, triplant le coût de l'installation.
Le fait que le système soit particulièrement onéreux ne dispensait nullement la société MEDIAVEIL de le proposer aux époux X. La société MEDIAVEIL, professionnel de la télé-sécurité, se devait bien au contraire d'informer loyalement les époux X. de l'ensemble des techniques disponibles, et de lui recommander le produit le mieux adapté.
Il apparaît en outre que, contrairement à son affirmation, la société MEDIAVEIL commercialisait la transmission GSM de secours. En effet, il ressort de la brochure publicitaire MEDIAVEIL remise aux époux X. que : « le groupe MEDIAFRANCE est associé à SBT - SIEMENS BUILDING TECHNOLOGIE - à travers ses différentes structures ».
Or, la société MEDIAVEIL produit elle-même aux débats un courrier de SIEMENS BUILDING TECHNOLOGIES en date du 7 février 2005 aux termes duquel le délégué commercial affirme : « en 2001, nous proposions une transmission GSM de secours pour nos systèmes anti-intrusions... ».
[minute page 5] Il est ainsi établi que MEDIAVEIL - associé de SIEMENS - commercialisait bien, dès 2001 la technologie GSM. Dès lors, en omettant de proposer cette technique aux époux X. - alors qu'elle était essentielle pour la fiabilité du système - la société MEDIAVEIL a failli à son obligation de conseil.
- Sur le manquement à l'obligation de délivrer un équipement en état de bon fonctionnement :
Il n'est pas contesté que la télésurveillance a été mise hors service par la coupure de la ligne téléphonique, et que le système fumigène n'a pas fonctionné.
La société MEDIAVEIL soutient, de manière assez évasive, que le système de fumigène n'a pas été défaillant, mais qu'il a été privé de l'énergie nécessaire à son fonctionnement, précisant en outre que ce système ne se met en marche que lorsqu'il est déclenché par le central de télésurveillance.
Cette affirmation est cependant contredite par les pièces produites aux débats, notamment par la fiche d'intervention de MEDIAVEIL du 5 mars 2003, aux termes de laquelle le technicien indique : « suite aux essais réalisés, avec téléphone coupé, on constate que le système n'a pas pris le relais concernant le déclenchement du fumigène. »
Il est ainsi établi - ce qui relève du bon sens le plus élémentaire - que la coupure de la ligne téléphonique ne suffit pas à paralyser le système fumigène, et qu'il existe un « système » qui doit prendre le relais en déclenchant le fumigène.
Il est également établi par la fiche d'intervention de MEDIAVEIL que ce « système » de secours du fumigène n'a pas correctement fonctionné, cette société n'ayant donc pas rempli son obligation de fournir un matériel en bon état de fonctionnement.
La société MEDIAVEIL ayant manqué à ses obligations de conseil, et de fourniture d'un matériel en bon état de fonctionnement, il convient de prononcer la résiliation du contrat.
- Sur la réparation du préjudice subi par les époux X. :
Les époux X. justifient, par la production de la déclaration de vol, et par les correspondances échangées avec leur compagnie d'assurances, de l'ampleur du cambriolage, et des nombreux objets dérobés.
Compte tenu de l'indemnisation du préjudice matériel par la Compagnie d'assurances, les époux X. ne forment aucune demande à ce titre, sollicitant simplement qu'il leur soit donné acte de la faculté qu'ils se réservent d'agir ultérieurement en indemnisation de ce préjudice matériel. Il convient de faire droit à cette demande.
En ce qui concerne le préjudice moral résultant du cambriolage, le Tribunal dispose d'éléments suffisant pour évaluer ce préjudice à la somme de 3.000 Euros, de sorte qu'il convient de condamner la société MEDIAVEIL au paiement de cette somme à titre de dommages et intérêts.
[minute page 6]
III – Sur la résiliation du contrat LOCAM :
Il ressort des conditions générales du contrat de location LOCAM que : « si le matériel est atteint de vices rédhibitoires ou cachés, ou en cas de fonctionnement défectueux, le locataire renonce à tout recours contre le loueur, pour obtenir des dommages et intérêts, ou la résiliation du contrat. »
Si l'indépendance des contrats de télésurveillance et de location est ainsi affirmée dans les conditions générales du contrat LOCAM, il apparaît toutefois que les contrats de télésurveillance et de location sont, en réalité, totalement indivisibles.
Bien qu'elle affirme l'indépendance des contrats, la société LOCAM est dans l'incapacité d'indiquer quelle solution de remplacement s'offre au locataire en cas de carence de MEDIA- VEIL, fournisseur du matériel, et prestataire du service de télésurveillance.
Il convient en effet de rappeler que la société MEDIAVEIL est à la fois fournisseur du matériel, et prestataire du service de télésurveillance, rien ne permettant d'affirmer que le matériel MEDIAVEIL puisse faire l'objet d'un abonnement de télésurveillance assuré par une autre société. Dès lors la prestation de télésurveillance est indissociable du matériel fourni par MEDIAVEIL, et loué par LOCAM, de sorte qu'en cas de défectuosité, c'est l'ensemble des contrats qui doit faire l'objet d'une résiliation.
Il convient donc de prononcer également la résiliation du contrat de location LOCAM.
Aucune condamnation n'étant prononcée à l'encontre de la société LOCAM, il n'y a pas lieu de faire droit à l'appel en garantie formé par cette dernière.
De même, il n'est pas possible de faire droit à la demande en paiement de dommages et intérêts formée par la société LOCAM à l'encontre de MEDIAVEIL, dans la mesure où la société LOCAM n'indique pas le fondement juridique de sa demande.
Compte tenu de l'ancienneté du litige, il convient d'autoriser l'exécution provisoire.
Il apparaît équitable de condamner la société MEDIAVEIL au paiement de la somme de 500 Euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, Rejette l'exception de nullité de l'assignation,
Prononce la résiliation des contrats MEDIAVEIL et LOCAM signés le 27 avril 2001,
Condamne la société MEDIAVEIL à payer à Monsieur et Madame X. la somme de 3.000 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,
Donne acte à Monsieur et Madame X. de ce qu'ils se réservent la faculté de solliciter ultérieurement réparation du préjudice matériel subi,
[minute page 7] Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Autorise l'exécution provisoire,
Condamne la société MEDIAVEIL à payer à Monsieur et Madame X. la somme de 500 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne la société MEDIAVEIL aux dépens.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal d'instance de JUVISY SUR ORGE.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 6980 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Surveillance – Télésurveillance – Contrat couplé à la fourniture des matériels
- 7287 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Indivisibilité dans les locations financières - Droit antérieur aux arrêts de Chambre mixte