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CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 16 janvier 2014

Nature : Décision
Titre : CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 16 janvier 2014
Pays : France
Juridiction : Caen (CA), 2e ch.
Demande : 12/03203
Date : 16/01/2014
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 16/10/2012
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4660

CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 16 janvier 2014 : RG n° 12/03203

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il se déduit donc des énonciations claires et dépourvues d'équivoque du contrat que la peine était fixée à un montant équivalent au prix de la prestation du producteur.

L'appelante soutient d'autre part que la clause pénale invoquée par la société FHD Production créerait entre les obligations respectives des parties un déséquilibre significatif prohibé par l’article L. 442-6 du code de commerce.

La cour d'appel de Caen n'a cependant pas le pouvoir juridictionnel de statuer sur un moyen tiré d'une allégation de pratique restrictive de concurrence, cette matière relevant, selon les dispositions de l’article D. 442-3 du code de commerce, de la compétence exclusive du tribunal de commerce de Rennes puis, en appel, de la cour de Paris. »

 

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 16 JANVIER 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 12/03203. ORIGINE : DÉCISION en date du 20 juillet 2012 du tribunal de commerce de CHERBOURG.

 

APPELANTE :

L'Association LE TRIDENT

N° SIRET : 443 XX XX XX, prise en la personne de son représentant légal, représentée par Maître Diane BESSON, avocat au barreau de CAEN, assistée de Maître Bastien MASSON, avocat au barreau de CAEN,

 

INTIMÉE :

La SARL JHD PRODUCTION

N° SIRET : 387 XX XX XX, prise en la personne de son représentant légal, représentée par Maître Philippe MAHEO, avocat au barreau de CAEN, assistée de Maître Emmanuel ARNAUD, avocat au barreau de PARIS

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur CHRISTIEN, président, rédacteur, Madame BEUVE, conseiller,, Madame BOISSEL DOMBREVAL, conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 21 novembre 2013

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2014 et signé par Monsieur CHRISTIEN, président, et Mme LE GALL, greffier

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par contrat de cession de droits de représentation du 22 septembre 2010, la société JHD Production, producteur de spectacle exerçant sous la dénomination commerciale « Alias », et l'association Le Trident, organisateur de spectacle, sont convenues de programmer le concert de l'artiste X. dans une salle de spectacle de Cherbourg le 5 novembre 2010.

Arguant du contexte politique et social et de la pénurie de carburant, l'association Le Trident a, par lettre recommandée datée du 27 octobre 2010, annulé la représentation en demandant la reprogrammation de l'artiste au cours de la saison 2011-2012.

Par acte du 25 novembre 2011, la société JHD Production a alors fait assigner l'association Le Trident devant le tribunal de commerce de Cherbourg en paiement de l'indemnité prévue en cas d'annulation du spectacle du fait de l'organisateur.

 

Par jugement du 20 juillet 2012, les premiers juges ont :

- déclaré l'action recevable,

- condamné l'association Le Trident à payer à la société JHD Production la somme de 21.100 euros en application de la clause pénale du contrat, avec intérêts au taux légal à compter du 14 août 2011, date de réception de la lettre recommandée de mise en demeure,

- rejeté les demandes de l'association Le Trident,

- dit n'y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'association Le Trident aux dépens.

 

L'association Le Trident a relevé appel de ce jugement le 16 octobre 2012, en demandant à la cour de :

« Constater l'absence de clause pénale chiffrée dans le contrat conclu entre Le Trident et JHD Production ;

À titre subsidiaire, constater que, compte tenu du contexte économique et social de la période concernée, Le Trident ne pouvait qu'annuler le concert et que sa décision était légitime et justifiée par un cas de force majeure ;

À titre très subsidiaire, constater que la décision du Trident était légitime et justifiée par l'usage, la clause pénale prévue au contrat ne peut lui être appliqué dès lors que JHD Production n'a pas tenter de trouver une solution alternative ni justifié avoir engagé des frais spécifiques pour le concert en cause ;

En conséquence, rejeter les demandes de JHD Production ;

À titre infiniment subsidiaire, vu l’article 1152 du code civil, réduire sensiblement les sommes sollicitées par la société JHD Production en les limitant au seul préjudice direct subi par cette société ;

À titre reconventionnel, condamner la société JHD Production au paiement de 1.000 euros à titre de dommages-intérêt pour procédure abusive ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamner la société JHD Production au paiement d'une somme de 3.500 euros et aux entiers dépens ».

 

La société JHD Production a quant à elle formé appel incident, en concluant en ces termes :

« Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'association Le Trident à payer à la société JHD Production la somme de 21.100 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 14 septembre 2011, date de l'accusé de réception de la mise en demeure du 2 septembre 2011 ;

Infirmer le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau, condamner l'association Le Trident à payer la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déclarer mal fondée l'association Le Trident en ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter ;

Condamner l'association Le Trident aux entiers dépens de première instance et d'appel ».

 

À l'audience, la cour a invité les parties à présenter leurs observations par note en délibéré sur le défaut de pouvoir juridictionnel de la cour d'appel de Caen pour statuer sur le moyen tiré du déséquilibre significatif des obligations respectives des parties invoqué par l'association Le Trident au visa de l’article L. 442-6 du code de commerce.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour l'association Le Trident le 9 septembre 2013, et pour la société JHD Production le 30 septembre 2013.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES MOTIFS :

L'association Le Trident soutient en premier lieu que la clause pénale invoquée par la société JHD Production ne prévoirait pas de peine.

Pourtant, il résulte de l'article 10 du contrat que « toute annulation du spectacle par ou du fait de l'organisateur pour toute cause que ce soit, en dehors des cas de force majeure, entraînera la résiliation du contrat et l'obligation de verser au producteur le montant prévu à l'article 5 », lequel stipule que, devront être versées le soir du concert au producteur à due concurrence de 100 %, les sommes prévues à l'article 4, soit 21.100 euros.

Il se déduit donc des énonciations claires et dépourvues d'équivoque du contrat que la peine était fixée à un montant équivalent au prix de la prestation du producteur.

L'appelante soutient d'autre part que la clause pénale invoquée par la société FHD Production créerait entre les obligations respectives des parties un déséquilibre significatif prohibé par l’article L. 442-6 du code de commerce.

La cour d'appel de Caen n'a cependant pas le pouvoir juridictionnel de statuer sur un moyen tiré d'une allégation de pratique restrictive de concurrence, cette matière relevant, selon les dispositions de l’article D. 442-3 du code de commerce, de la compétence exclusive du tribunal de commerce de Rennes puis, en appel, de la cour de Paris.

Par ailleurs, l'association Le Trident n'établit nullement que le « contexte social et politique du pays » auquel elle se réfère dans son courrier d'annulation constituerait un cas de force majeure.

En effet, la pénurie de carburant et les risques de blocage des axes routiers et des gares, dont la survenance effective n'est au demeurant pas prouvée, n'aurait pu avoir pour effet que de rendre l'organisation du spectacle moins profitable, mais non d'empêcher sa tenue.

L'usage commercial, allégué, de reprogrammation des spectacles en cas d'annulation du fait de l'organisateur n'est pas davantage établi.

La circonstance que l'association Le Trident ait obtenu la reprogrammation d'autres artistes ne caractérise pas pour autant un usage, surtout pour des artistes internationaux résidant à l'étranger.

Au surplus, ce prétendu usage ne pourrait avoir que valeur supplétive de la volonté des parties exprimée dans leur convention.

Or, le contrat du 22 septembre 2010 conclu entre la société JHD Production et l'association Le Trident prévoit au contraire le paiement d'une pénalité en cas d'annulation du fait de l'organisateur, hors cas de force majeure.

L'appelante fait en revanche valoir à juste titre que la pénalité, d'un montant équivalent à ce quelle aurait dû payer si le spectacle avait effectivement été représenté, est manifestement excessive et qu'il échet de la modérer en application de l’article 1152 du code civil.

En effet, si la société JHD Production a dû acquérir les droits de représentation négociés avec l'artiste pour la totalité de sa tournée en France, réglé la commission de son agent et le salaire du technicien son, et supporter les frais de transport et d'hébergement liés à la venue du groupe en France, elle proratise, pour évaluer son préjudice réel à 19.671,16 euros, certains déplacements sans rapport avec le concert de Cherbourg, alors que l'annulation de celui-ci lui a permis d'économiser des frais spécifiques au spectacle annulé.

Sous le bénéfice de ces observations, il convient de réduire la pénalité mise à la charge de l'association Le Trident à 15.000 euros.

Le jugement attaqué sera réformé en ce sens.

L'association Le Trident ne saurait sérieusement prétendre que l'action de la société JHD Production serait abusive, alors qu'elle vient d'être jugée bien fondée, à tout le moins en son principe.

Sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts sera donc rejetée.

Il n'y a pas matière à application de l’article 700 du code de procédure civile, tant au titre des frais irrépétibles de première instance que d'appel.

En revanche, l'association Le Trident, qui succombe, supportera seule la charge des dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Infirme partiellement le jugement rendu le 20 juillet 2012 en ce qu'il a condamné l'association Le Trident au paiement d'une somme de 21.100 euros ;

Statuant à nouveau sur le tout,

Déclare l'association Le Trident irrecevable à invoquer devant la cour d'appel de Caen les dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce ;

Condamne l'association Le Trident à payer à la société JHD Production la somme de 15.000 euros au titre de l'indemnité de clause pénale, avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2011 ;

Déboute l'association le Trident de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Dit n'y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'association Le Trident aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT

N. LE GALL              J. CHRISTIEN