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CA AMIENS (1re ch. civ.), 8 janvier 2014

Nature : Décision
Titre : CA AMIENS (1re ch. civ.), 8 janvier 2014
Pays : France
Juridiction : Amiens (CA), 1re ch.
Demande : 12/02178
Date : 8/01/2014
Nature de la décision : Avant dire droit
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 25/05/2012
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4665

CA AMIENS (1re ch. civ.), 8 janvier 2014 : RG n° 12/02178 

Publication : Jurica

 

Extrait : « La Cour relève que, dans le corps du mandat, les parties ont fait expressément référence aux dispositions des articles 1142 et 1152 du code civil, de sorte que la ville de CALAIS est fondée à soutenir que l'indemnité forfaitaire de 100.000 euros prévue en cas de révocation constitue une clause pénale, sauf à dénaturer la commune intention des parties.

En revanche, elle ne peut utilement se prévaloir des dispositions du code de la consommation, à défaut pour la ville de CALAIS, qui dispose d'un service technique en matière immobilière, de pouvoir prétendre à la qualité de « non professionnel ». Il ne peut donc être retenu que l'indemnité forfaitaire de révocation prévue au contrat serait abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation. »

 

COUR D’APPEL D’AMIENS

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 8 JANVIER 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 12/02178. Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AMIENS DU VINGT SIX AVRIL DEUX MILLE DOUZE.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE :

COMMUNE DE CALAIS

Représentée par Madame le Maire Mairie - [adresse], Représentée par Maître Jérôme LE ROY, avocat au barreau d'AMIENS, Plaidant par Maître ROELS, avocat au barreau de LILLE

 

ET :

INTIMÉS :

Monsieur X.

le [date] à [ville], de nationalité Française, Partie à l'égard de laquelle l'appelante s'est désistée

SARL STRATÉGIE DÉVELOPPEMENT ÉTUDES ÉCONOMIQUES FINANCE (SDEE FINANCE)

agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié audit siège, Représentée par Maître Marie Solange ORTS, avocat au barreau d'AMIENS, Plaidant par Maître de MASCUREAU, avocat au barreau de PARIS, substituant Maître MANDEVILLE, avocat au barreau de PARIS

 

DÉBATS & DÉLIBÉRÉ : L'affaire est venue à l'audience publique du 1er octobre 2013 devant la cour composée de M. Lionel RINUY, président de chambre, Madame Marie-Christine LORPHELIN et Mme Valérie DUBAELE, conseillers, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

A l'audience, la cour était assistée de Mme LAMARI, greffier.

Sur le rapport de Mme LORPHELIN et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 3 décembre 2013 dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

PRONONCÉ : Les parties ont été informées par RPVA de la prorogation du délibéré au 18 décembre 2013 puis au 8 janvier 2014 pour prononcé de l'arrêt par sa mise à disposition au greffe.

Le 8 janvier 2014, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Lionel RINUY, président de chambre, et Mme Monia LAMARI, greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCISION :

Par un acte sous seing privé du 7 juin 2007, la Sarl Stratégie Développement Études Économiques finance (ci-après SDEE Finance) représentée par son gérant, M. X., a signé avec la ville de CALAIS un mandat exclusif aux fins de mener à bien un projet de construction d'un complexe hôtelier en centre-ville.

La convention signée entre les parties indiquait que le maire de CALAIS, M. H., souhaitait la construction, [...], à proximité de la place de l'hôtel de ville, d'un hôtel quatre étoiles dont l'exploitation commerciale devait débuter six mois avant le début des Jeux Olympiques de LONDRES afin de promouvoir la ville de CALAIS à travers le circuit olympique.

La convention prévoyait en outre que le mandat était donné jusqu'au 31 décembre 2007 et que, compte tenu de la particularité du projet, le mandat serait automatiquement reconduit d'une année si les acteurs concernés, investisseurs et exploitant, étaient identifiés et, dans le cas contraire, que le mandat ne serait reconduit pour une durée d'une année qu'avec l'accord écrit des deux parties signataires. Un avenant signé entre les mêmes parties, le 7 février 2008, a reconduit le mandat jusqu'au 31 décembre 2008.

La SDEE FINANCE se trouvait investie du mandat de rechercher un investisseur en vue de construire un hôtel quatre étoiles à l'emplacement d'un ancien garage Citroën et d'un ancien magasin Boulanger, de rechercher un acquéreur pour la vente de ces biens ainsi qu'un exploitant de l'hôtel et de la résidence hôtelière et d'organiser l'ingénierie financière ainsi que la syndication de l'ensemble des acteurs du projet.

L'article 2 de la convention prévoyait que les honoraires de la SDEE FINANCE seraient à la charge exclusive de l'acquéreur.

L'article 6 du contrat prévoyait qu'en cas de rupture du mandat pendant la durée du contrat, une indemnité forfaitaire de 100.000 euros serait versée à la SDEE Finance en vertu des dispositions des articles 1142 et 1152 du code civil.

Par un courrier recommandé dont la mairie a accusé réception le 27 mars 2008, le SDEE Finance a fait valoir auprès de la mairie de CALAIS qu'elle avait trouvé un exploitant tant pour la résidence hôtelière que pour l'hôtel, le Groupe MARIOTTE, et qu'elle souhaitait connaître les intentions de la mairie quant à la validation du projet hôtelier et de résidence de tourisme de la [...].

Par un courrier simple du 22 août 2008, la SDEE Finance a informé la mairie qu'en raison de son silence depuis cinq mois, date de l'envoi de son précédent courrier, elle considérait abandonné le projet de construction d'une résidence de tourisme et d'un hôtel. Aux termes de ce même courrier, la SDEE Finance réclamait à la mairie de CALAIS le règlement de deux factures de 100.000 euros chacune, au titre de l'indemnité forfaitaire prévue au mandat. La SDEE Finance a réitéré sa demande en paiement par deux courriers recommandés dont la mairie a accusé réception le 8 septembre 2008 et le 15 décembre 2008.

Par un courrier du 27 mars 2009, l'avocat de la mairie de CALAIS a informé celui de la société SDEE Finance qu'il ne pouvait être donné suite à sa demande d'indemnité aux motifs qu'à la date du 31 décembre 2008, le mandataire n'avait pas rempli sa mission, que le mandat était parvenu à son terme et qu'aucune rupture anticipée ne pouvait être imputée au mandant. A titre subsidiaire, la mairie de CALAIS faisait valoir que le montant de l'indemnité réclamée était « extravagant et injustifié ».

Par un acte d'huissier du 27 septembre 2009, la SDEE Finance a fait assigner la mairie de CALAIS devant le tribunal de grande instance de BOULOGNE sur MER aux fins de la voir condamner à lui régler, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil, une somme de 328.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, une somme de 100.000 euros au titre de la clause pénale et une indemnité de 2.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par une ordonnance du 9 juillet 2010, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de BOULOGNE sur MER, saisi par la commune de CALAIS d'un incident tendant à voir déclarer le juge de l'ordre judiciaire incompétent pour statuer sur ce litige au profit de la juridiction de l'ordre administratif, a rejeté cette exception d'incompétence aux motifs que la commune de CALAIS a signé la convention en qualité de propriétaire de parcelles donnant mandat à un agent immobilier de lui trouver un investisseur exploitant et de négocier au mieux ses intérêts financiers, que la commune a agi en qualité de propriétaire privé et que ce contrat ne relève pas de l'exécution d'une mission de service public. Cette ordonnance, rendue contradictoirement, a rappelé qu'elle était susceptible d'appel par application de l’article 776 du code de procédure civile.

Aucun recours n'a été formé contre cette ordonnance.

Par une seconde ordonnance du 9 novembre 2010, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de BOULOGNE sur MER, saisi par la SDEE Finance d'une demande de renvoi du litige devant le tribunal de grande instance d'AMIENS par application de l’article 47 du code de procédure civile en considération des fonctions de juge de proximité exercées par son gérant, M. X., au tribunal d'instance de CALAIS, a fait droit à cette demande.

Par un jugement du 26 avril 2012, le tribunal de grande instance d'AMIENS a pour l'essentiel :

- déclaré irrecevables les demandes présentées par M. X. en son nom propre ;

- condamné la ville de CALAIS, représentée par son maire, à payer à la SDEE Finance, représentée par M. X., la somme de 100.000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- débouté la SDEE Finance de ses autres demandes ;

- condamné la ville de CALAIS à payer à la SDEE Finance une indemnité de 1.800 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la ville de CALAIS aux dépens avec distraction au profit de la SCP WABLE TRUNECEK TAHON AUBRON ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

La ville de CALAIS a formé un appel général de ce jugement le 25 mai 2012. Cet appel est dirigé contre la SDEE Finance et M. X.

Les intimés ont constitués avocat le 15 juin 2012.

Par une ordonnance du 13 juillet 2012, le premier président de la cour d'appel d'AMIENS, statuant en référé, a donné acte à la Ville de Calais de la consignation des fonds au paiement desquels elle avait été condamnée par le jugement du 26 avril 2012 et de son désistement de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire, donné acte à la société SDEE Finance de son accord sur la consignation entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de LILLE et laissé les dépens de l'instance de référé à la charge de chacune des parties.

Par des conclusions du 24 août 2012, la ville de CALAIS s'est désistée de son appel en ce qu'il est dirigé contre M. X., pris à titre personnel.

Par des conclusions d'incident du 24 août 2012, la ville de CALAIS a soulevé devant le conseiller de la mise en état une exception d'incompétence au profit des juridictions de l'ordre administratif.

Par une ordonnance du 14 décembre 2012, le conseiller de la mise en état a :

- donné acte à la commune de CALAIS de son désistement d'appel à l'égard de Monsieur X., pris à titre personnel ;

- déclaré la commune de CALAIS irrecevable en son exception de procédure tendant à voir constater l'incompétence des juridictions de l'ordre judiciaire au profit des juridictions de l'ordre administratif ;

- condamné la commune de CALAIS à verser à la SARL STRATÉGIE ET DÉVELOPPEMENT ÉTUDES ÉCONOMIQUES FINANCE une indemnité de procédure de 3.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles exposés dans le cadre du présent incident ;

- débouté la commune de CALAIS de sa demande d'indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la commune de CALAIS aux dépens de l'incident.

Vu les ultimes conclusions du 18 mars 2013, aux termes desquelles la commune de CALAIS, au visa des articles 92, 122 et 123 du code de procédure civile, 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, 1131 et suivants du code civil, L. 132-1 et suivants et R. 132-2 et suivants du code de la consommation et du décret du 16 fructidor an III, prie la Cour de :

A titre principal,

- déclarer irrecevable la demande de la SDEE FINANCE en raison de l'incompétence de la Cour d'Appel d'Amiens au profit du Tribunal Administratif de Lille ;

A titre subsidiaire,

- réformer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'Amiens en date du 27 avril 2012 en ce qu'il a condamné la commune de CALAIS à verser la somme de 100.000 euros à la SDEE FINANCE ;

- débouter la SDEE FINANCE de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner la SDEE FINANCE à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

- statuer sur les dépens « comme de droit ».

Vu les ultimes conclusions du 24 juin 2013, aux termes desquelles la société SDEE FINANCE prie la Cour, au visa des articles 1134, 1147 et 1984 et suivants du code civil, de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société SDEE FINANCE de sa demande au titre de la perte de rémunération ;

Statuant à nouveau,

- débouter la commune de CALAIS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la commune de CALAIS à verser à la SDEE FINANCE la somme de 328.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamner la commune de CALAIS à verser à la SDEE FINANCE et à Monsieur X. la somme de 3.000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la commune de Calais aux entiers dépens dont distraction est requise au profit de la SCP Croissant, de Limerville, Orts, Legru, avocats aux offres de droit, conformément aux dispositions des articles 699 et suivants du code de procédure civile.

L'affaire a été clôturée en cet état et a été fixée à l'audience du 1er octobre 2013 par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 18 septembre 2013.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties visées ci-dessus pour l'exposé de leurs moyens et de leurs prétentions.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

CECI EXPOSÉ,

- Sur l'exception d'incompétence des juridictions de l'ordre judiciaire au profit des juridictions de l'ordre administratif :

Les exceptions d'incompétence, qui se trouvent régies par les textes du chapitre II du code de procédure civile sur les exceptions de procédure, doivent, par application de l'article 74 de ce code, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non recevoir et il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public.

L’article 916 du code de procédure civile dispose que, si les ordonnances du conseiller de la mise en état ne sont susceptibles d'aucun recours indépendamment de l'arrêt sur le fond, toutefois, elles peuvent être déférées par simple requête à la cour dans les quinze jours de leur date, notamment, lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure.

Au cas d'espèce, la ville de CALAIS n'a pas déféré à la Cour l'ordonnance rendue le 14 décembre 2012 par le conseiller de la mise en état la déclarant irrecevable en son exception de procédure.

Elle n'est donc pas recevable à former à nouveau cette exception d'incompétence devant la Cour, étant relevé que le conseiller de la mise en état a justement retenu qu'à défaut d'avoir formé un recours contre l'ordonnance du juge de la mise en état du 9 juillet 2010 qui avait rejeté l'exception d'incompétence et d'avoir soulevé cette exception devant le tribunal de grande instance d'AMIENS, la ville de CALAIS n'est plus recevable à la soulever en cause d'appel.

Si les règles de compétence d'attribution entre les juridictions des ordres judiciaire et administratif sont d'ordre public et peuvent être relevées d'office, la Cour considère que l'ordonnance du juge de la mise en état du 9 juillet 2010 a fait une juste appréciation des textes en retenant la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, de sorte qu'il n'apparaît pas justifié de faire application de l’article 92 du code de procédure civile au présent litige.

En conséquence, l'exception d'incompétence soulevée par la ville de CALAIS doit être rejetée.

 

- Sur la demande en paiement formée par la société SDEE Finance :

C'est par de justes motifs, adoptés par la Cour, que les premiers juges ont qualifié le contrat signé entre les parties de mandat d'intérêt commun dès lors que les partenaires avaient tous les deux un intérêt économique dans l'opération immobilière, que le mandant recherchait, au-delà de la vente des terrains affectés, à promouvoir la ville sur le plan touristique, tandis que le mandataire était personnellement intéressé à la réalisation de l'acte, la rémunération de ses services étant conditionnée à la réalisation effective des actes de vente, étant relevé en outre que sa mission dépassait le cadre habituel d'un mandat de vente confié à un agent immobilier, en ce qu'elle prévoyait la recherche d'un exploitant de l'hôtel et de la résidence hôtelière, l'organisation de l'ingénierie financière et la syndication de l'ensemble des acteurs du projet.

L’article 2004 du code civil dispose que le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble. Cependant, la Ville de CALAIS a expressément renoncé à cette faculté aux termes de l'article 4 du mandat qui prévoit que le mandant, par exception à l’article 2004 du code civil, devra, s'il entend mettre fin au mandat pendant la durée initiale, en prévenir le mandataire par lettre recommandée avec avis de réception au moins huit jours à l'avance.

Les parties n'ont pas modifié cette clause dans l'avenant signé le 7 février 2008, lequel a expressément prévu en son article 2 que les clauses du mandat initial demeuraient valables.

Les premiers juges ont justement considéré que l'absence de réponse de la mairie aux courriers qui lui ont été adressés par la SDEE Finance les 26 mars, 22 août, 5 septembre et 12 décembre 2008, démontre suffisamment la rupture unilatérale et tacite de leurs relations contractuelles, étant rappelé qu'aux termes de l’avenant du 7 février 2008 le mandat avait été reconduit d'un commun accord jusqu'au 31 décembre 2008, de sorte que le silence gardé par la mairie pendant la période nécessaire à la mise en œuvre des études préparatoires et de la signature des actes équivalait à un renoncement total au projet immobilier.

La mairie n'établit pas avoir poursuivi ses relations contractuelles avec la société SDEE postérieurement au 26 mars 2008. Elle n'est donc pas fondée à se prévaloir de l'inexécution par la société SDEE Finance de la mission qu'elle lui avait confiée, alors, d'une part, qu'elle n'a pas usé de la faculté de rétractation en cours de mandat dans les conditions et selon le formalisme prévus au contrat, d'autre part, qu'elle ne peut utilement reprocher à sa mandataire d'avoir cessé toute démarche en vue de trouver un investisseur postérieurement au 26 mars 2008 en l'absence de réponse au courrier aux termes duquel la société SDEE Finance lui demandait de faire connaître ses intentions quant à la validation du projet hôtelier et de résidence de tourisme [...] et lui proposait l'organisation d'un rendez-vous pour la présentation de la trame de ses projets.

Le tribunal a justement retenu qu'en l'absence de faute prouvée du mandataire ou d'une cause légitime, la révocation unilatérale du mandat par la ville de CALAIS ouvre droit à une indemnisation de la société SDEE Finance dans les conditions prévues au mandat.

 

- Sur l'indemnité de révocation :

La Cour relève que, dans le corps du mandat, les parties ont fait expressément référence aux dispositions des articles 1142 et 1152 du code civil, de sorte que la ville de CALAIS est fondée à soutenir que l'indemnité forfaitaire de 100.000 euros prévue en cas de révocation constitue une clause pénale, sauf à dénaturer la commune intention des parties.

En revanche, elle ne peut utilement se prévaloir des dispositions du code de la consommation, à défaut pour la ville de CALAIS, qui dispose d'un service technique en matière immobilière, de pouvoir prétendre à la qualité de « non professionnel ». Il ne peut donc être retenu que l'indemnité forfaitaire de révocation prévue au contrat serait abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation.

En considération des éléments de la cause et des pièces produites aux débats, en particulier de la nature du projet immobilier, des études effectivement réalisées par la société SDEE Finance et de la durée du mandat, la Cour, faisant application des dispositions de l’article 1152 alinéa 2 du code civil, considère excessif le montant de cette indemnité et le ramène plus justement à la somme de 50.000 euros.

En conséquence, le jugement sera réformé de ce chef.

 

- Sur la demande de réparation du préjudice lié à la perte de rémunération du mandataire :

La société SDEE Finance, formant appel incident du jugement, prie la Cour de condamner la ville de CALAIS à lui régler la somme de 328.000 euros correspondant à la perte de chance de percevoir la rémunération prévue au mandat en cas de réalisation de la vente. Elle soutient que cette perte de chance, égale à 100 % du résultat net escompté, résulte directement de la mauvaise foi de la commune.

La ville de CALAIS conteste cette réclamation en faisant valoir, d'une part, que l'indemnité de révocation prévue à l'article 6 du contrat répare ce préjudice, d'autre part, que la mission n'ayant pas été exécutée, la société SDEE Finance ne peut se prévaloir d'une perte de gain.

Il convient de rappeler que la société SDEE Finance a signé le mandat en sa double qualité d’« agent immobilier titulaire de la carte professionnelle n° XXX délivrée par la préfecture d'Arras » et de « conseiller en investissement financier agréé par l'AMF sous le n° de code ECCF YYY ».

Le mandat, souscrit en vue de la vente de biens immobiliers, se trouve donc soumis aux dispositions de la loi du 2 janvier 1970.

La Cour met d'office aux débats les dispositions de l’article 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 qui prévoit :

- Le titulaire de la carte professionnelle portant la mention « Transactions sur immeubles et fonds de commerce », son ou ses représentants légaux ou statutaires, s'il s'agit d'une personne morale, qui doit recevoir le mandat prévu à l'article 72, ne peut demander ni recevoir, directement ou indirectement, d'autre rémunération ou commission à l'occasion d'une opération spécifiée à l'article 1er (1° et 5°) de la loi du 2 janvier 1970 que celle dont les conditions de détermination sont prévues dans le mandat ;

- Le mandat doit préciser si cette rémunération est à la charge exclusive de l'une des parties à l'opération ou si elle est partagée. Dans ce dernier cas, les conditions et modalités de ce partage sont indiquées dans le mandat et reprises dans l'engagement des parties. Le montant de la rémunération ou de la commission, ainsi que l'indication de la ou des parties qui en ont la charge, sont portés dans l'engagement des parties. Il en est de même, le cas échéant, des honoraires de rédaction d'actes ou de séquestre ;

- Le titulaire de la carte ne peut demander, ni recevoir, directement ou indirectement, des commissions ou des rémunérations à l'occasion de cette opération d'une personne autre que celles mentionnées comme en ayant la charge dans le mandat et dans l'engagement des parties ;

- Le titulaire de la carte professionnelle perçoit sans délai sa rémunération ou sa commission une fois constatée par acte authentique l'opération conclue par son intermédiaire.

Il convient d'inviter les parties à conclure sur la demande de dommages et intérêts formée par la société SDEE Finance au titre de la perte de chance de percevoir la rémunération prévue par le mandat en cas de vente, en considération de ces dispositions d'ordre public et d'ordonner la réouverture des débats à une audience ultérieure pour statuer sur ce point du litige.

 

- Sur les dépens :

Les dépens ainsi que les demandes formées par les parties devant la Cour sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, doivent demeurer réservés jusqu'à la décision statuant après la réouverture des débats.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant avant dire droit,

- Met d'office aux débats les dispositions de l’article 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 portant application de la loi du 2 janvier 1970 ;

- Invite les parties à conclure à nouveau sur la demande de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de percevoir la rémunération prévue au mandat en cas de réalisation de la vente formée par la société SDEE Finance ;

- Dit que les conclusions devront être déposées au plus tard le 12 mars 2014 pour l'appelante et le 26 mars 2014 pour l'intimée ;

- Ordonne la réouverture des débats sur ce point du litige à l'audience du 3 avril 2014 ;

- Réserve les dépens ainsi que les demandes formées par les parties devant la Cour sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, jusqu'à la décision statuant après la réouverture des débats.

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT