CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. A), 9 janvier 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4676
CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. A), 9 janvier 2014 : RG n° 12/01634 ; arrêt n° 2014/01
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que cette indemnité fixant le dédommagement dû par le client en cas de résiliation en raison d'une faute dans l'exécution de son obligation de paiement, constitue, non pas une clause de dédit comme le soutient la société G STAR, mais une clause pénale pouvant être, en application de l’article 1152 du code civil, réduite si elle est manifestement excessive ;
Attendu que cette indemnité correspond à la moitié des commandes résiliées passées par la société SEPAP ;
Attendu que la société G STAR ne démontre pas avoir été dans l'impossibilité d'écouler auprès d'un autre client les marchandises commandées par la société SEPAP, étant noté que les marchandises n° 2291903,2291904 et 2291905 de la saison 09/01 correspondaient à celles que la SEPAP voulait résilier en octobre 2008 ;
Attendu que l'indemnité réclamée égale à 50 % des commandes passées est manifestement excessive dès lors que la société SEPAP ne justifie pas voir subi de manque à gagner sur ces commandes et que l'indemnité destinée à dédommager le fournisseur suppose la démonstration d'un préjudice ; qu'il convient en conséquence de la réduire à 1 euro ».
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
HUITIÈME CHAMBRE A
ARRÊT DU 9 JANVIER 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/01634. Arrêt n° 2014/01. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 22 novembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 2010F01588.
APPELANTE :
SARL G STAR FRANCE,
dont le siège social est [adresse], représentée par Maître Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Maître Henri TROLLIET, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE :
SAS SEPAP
dont le siège social est [adresse], représentée par Maître Laurent COHEN de la SCP COHEN L ET H GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Maître Isidore ARAGONES, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Maître Corinne SERROR, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 20 novembre 2013 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Catherine DURAND, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de : Monsieur Guy SCHMITT, Président, Madame Catherine DURAND, Conseiller, Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2014
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2014, Signé par Monsieur Guy SCHMITT, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La société SEPAP, distributeur de la marque G STAR depuis 2003, lui a passé commande les 12 mai 2008 et 26 août 2008 de marchandises, livrées et réceptionnées sans protestation ni réserve.
Par exploit du 12 mars 2010 la société G STAR a assigné la société SEPAP devant le Tribunal de commerce de Marseille en paiement de la somme de 166.900,91 euros, correspondant aux 36 factures émises, plus une indemnité contractuelle, moins les avoirs et règlements effectués par la débitrice.
En cours d'instance elle a modifié sa demande et a réclamé l'indemnité de 151.266,81 euros prévue aux articles 5.2 et 5.3 du contrat, applicables en cas de défaillance du client.
Reconventionnellement la société SEPAP a soutenu que la résiliation de la commande 09/1 constituait une rupture brutale des relations commerciales sans qu'il y ait eu inexécution fautive de sa part et a demandé, en application de l’article L. 442-6 du code de commerce, la condamnation de la société G STAR au paiement de la somme de 216.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 22 novembre 2011 le Tribunal a :
- Constaté que la société G STAR ne demande plus le règlement des factures impayées,
- Constaté qu'elle se prévaut de la résiliation de la commande 09/01 sur la base d'une faute contractuelle dont elle ne justifie pas,
- Débouté la société G STAR de ses demandes,
- Constaté que la résiliation en date du 12 décembre 2008 des commandes de la saison 09/01 à la date convenue de livraison s'analyse en une rupture brutale sans préavis,
- Condamné la société G STAR à payer à la société SEPAP la somme de 135.128,58 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi que celle de 3.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société G STAR aux entiers dépens,
- Rejeté pour le surplus toutes autres demandes, plus amples ou contraires.
Par acte du 27 janvier 2012 la société G STAR a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées et notifiées le 23 avril 2012 elle demande à la Cour de :
Vu les articles 1134, 1147 et 1650 du code civil,
- Réformer le jugement attaqué,
- Dire et juger qu'en ne respectant pas son obligation de payer les marchandises qu'elle avait réceptionnées et en annulant tardivement des commandes fermes passées, la société SEPAP a commis une faute au regard des obligations que mettaient à sa charge les contrats conclus avec la société G STAR,
- En conséquence, et conformément aux dispositions desdits contrats, notamment les articles 5.2 et 5.3,
- Condamner la société SEPAP au paiement de la somme de 146.837,21 euros outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- Dire et juger que la SEPAP n'a subi aucun préjudice du fait de la non réalisation d'un chiffre d'affaires qu'elle s'était elle-même interdit de réaliser du fait de l'annulation des commandes,
- Dire et juger qu'elle ne peut prétendre à aucune indemnisation de ce chef,
- La condamner au paiement de la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elle fait valoir que la société SEPAP a annulé tardivement les commandes passées, fabriquées et prêtes à être livrées en invoquant un passage difficile, le ralentissement des ventes concernant la marque G STAR et une baisse du ce chiffre d'affaires de 40 %, et a réglé les factures dues après les mises en demeure avec retard, et qu'elle était en droit aux termes du contrat d'annuler les commandes en cours dès lors que la société SEPAP a manqué à ses obligations contractuelles.
Par conclusions déposées et notifiées le 21 juin 2012 la société SEPAP demande à la Cour de :
- Débouter la société G STAR de son appel,
- L'y déclarer infondée,
- Dire et juger que la faute contractuelle qui lui est reprochée n'est pas constituée,
- Dire et juger que les contrats signés sont expressément divisibles,
- Dire en conséquence que G STAR ne pouvait résilier les commandes printemps été 2009 au motif prétendu d'une faute dans l'exécution du contrat automne hiver 2008,
- Dire inapplicable à la résiliation du contrat printemps été 2009 la clause pénale stipulée,
- Constater en tout état de cause, un déséquilibre significatif des droits et obligations des parties au sens de l’article L. 442-6 alinéa 2 du code de commerce,
- Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné la société G STAR à lui payer la somme de 135.128,58 euros à titre de dommages et intérêts,
- La condamner au paiement de la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elle indique qu'au 12 décembre 2008 date de la résiliation des commandes passées par G STAR, le solde dû était de 10.630,89 euros réglé le 9 avril 2009, sur un volume de commandes de plusieurs centaines milliers d'euros, et que nulle faute ne peut lui être imputée quant à la demande d'annulation ou de diminution des commandes en cours qui, refusée par G STAR, n'a pas eu de suite.
Elle précise que chaque commande donnant lieu à un contrat distinct, faute de contrat permanent liant les parties la société G STAR ne peut invoquer un manquement dans l'exécution d'un contrat pour en résilier un autre.
Elle fait valoir qu'aucune faute d'une gravité suffisante de sa part ne peut justifier la rupture brutale des relations commerciales.
L'affaire a été clôturée en l'état le 6 novembre 2013.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la résiliation des commandes en cours :
Attendu que par 5 contrats distincts en date des 15 janvier 2008 (et non 2009 comme mentionné par erreur par G STAR), 8 février 2008 (et non 15 mai 2008 comme mentionné par erreur par G STAR), 12 mai 2008, 28 juillet 2008, 26 août 2008, la société SEPAP a passé commandes à la société G STAR de diverses marchandises devant être livrées entre le 15 juillet 2008 et le 14 novembre 2008 pour le 1er, le 15 mai 2008 et le 14 novembre 2008 pour 2ème, le 15 novembre 2008 et le 14 mai 2009 pour le 3ème, le 15 janvier 2009 et le 14 mai 2009 pour le 4éme et le dernier ;
Attendu que ces contrats ont été signés des deux parties, qui ont déclaré accepter les conditions générales de vente y annexées ;
Attendu qu'aux termes de l'article 5.2 desdites conditions générales le vendeur était habilité à résilier ou suspendre tout contrat si l'acheteur ne s'acquittait pas de ses obligations de paiement ou d'une quelconque autre obligation substantielle stipulée par le contrat ;
Qu'aux termes de l'article 5.3, en cas de résiliation par le vendeur sur la base d'une faute dans l'exécution d'une quelconque obligation de paiement imputable à l'acheteur, ce dernier, outre son obligation de coopérer à l'annulation des prestations déjà reçues et de payer un dédommagement de remplacement, était également redevable envers le vendeur d'un dédommagement égal à 50 % de la valeur de commande des marchandises sous réserve du droit du vendeur de demander un dédommagement complet ;
Attendu qu'en application de l'article 3 le paiement devait être effectué dans un délai maximal de 30 jours après la date de facturation ;
Attendu que par courrier du 23 octobre 2008 la société SEPAP a indiqué être dans l'obligation de réduire ses commandes pour la collection été 2009 en raison d'un ralentissement de la consommation et annuler diverses références, demande d'annulation refusée par G STAR par lettre du 24 octobre 2008 ;
Attendu que par courrier du 8 décembre 2008 G STAR a mis en demeure sa cliente de lui payer la somme de 54.258,08 euros au titre de solde de factures s'échelonnant du 17 septembre 2007 au 4 novembre 2008 dans un délai de 8 jours, l'informant qu'à défaut elle la considérerait en défaut d'exécution de ses obligations et se réservait le droit de dénoncer tout autre accord ou d'annuler toute commande confirmée ou non, pour laquelle les marchandises n'avaient pas encore fait l'objet de livraison ;
Attendu que cette réclamation correspondait au solde restant dû après paiement de la somme de 20.482,88 euros par chèque en date du 30 novembre 2008 par la SEPAP ;
Attendu que par lettre RAR du 12 décembre 2012 la société G STAR a informé sa cliente que faute de paiement elle résiliait les commandes pour la saison 08/02 et 09/01 et lui demandait le paiement de la somme de 205.524,89 euros, dont 151.266,81 euros au titre de l'indemnité de dédommagement en sus du solde sur factures ;
Attendu que la société SEPAP a payé par chèque du 23 décembre 2008 diverses factures s'échelonnant du 2 septembre 2008 au 9 septembre 2008 d'un montant de 21.031,19 euros ;
Attendu que cinq avoirs ont été émis à son bénéfice par la société G STAR les 22, 23, 24 et 31 décembre 2008 pour la somme de 5.708,37 euros, relativement à des factures d'octobre 2008 ; que d'autres avoirs ont encore été émis portant leur total à la somme de 6.270,99 euros ;
Attendu que la société SEPAP a réglé le 22 janvier 2009 la somme de 9.655,31 euros au titre de trois factures des 8, 9 et 10 septembre 2008, le 20 février 2009 celle de 6.774,15 euros au titre de factures des 10, 11 et 12 septembre 2008 et le 8 avril 2009 celle de 10.630,89 euros au titre des factures restantes ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que si plusieurs avoirs ont été émis à son bénéfice après l'envoi du courrier de mise en demeure, il n'en demeure pas moins que la société SEPAP ne s'est pas acquittée dans le délai d'un mois de la facturation du paiement du solde des factures restant dû à la société G STAR au 8 décembre 2008 pour, compte tenu des avoirs précités, la somme de 48.091,54 euros, ni d'ailleurs dans les 8 jours de la mise en demeure, celles-ci n'ayant été soldées qu'en avril 2009 ;
Attendu que ce faisant elle n'a pas exécuté son obligation contractuelle de paiement dans le délai prévu aux contrats ;
Attendu que la société G STAR était en droit, aux termes des conditions générales, de résilier les contrats en cours, y compris ceux non directement concernés par la mise en demeure de payer, alors au demeurant que la société SEPAP lui avait notifié son intention d'annuler les commandes de la collection été 2009 en raison d'un ralentissement de la consommation et des difficultés de trésorerie qu'elle connaissait, comme le démontre son courrier du 5 janvier 2009 dans lequel elle indique avoir sollicité un délai de paiement en raison de la conjoncture économique ;
Attendu que dans ces circonstances il ne peut être soutenu que la résiliation intervenue conformément aux dispositions des contrats serait abusive et non fondée, et ce, même si après un décompte final entre les parties en 2009 est apparu un crédit de 4.429,60 euros au bénéfice de la société SEPAP ;
Sur l'indemnité de résiliation :
Attendu que la société SEPAP demande le paiement d'une indemnité de 146.837,21 euros en application des articles 5.2 et 5.3 des conditions générales ;
Attendu que cette indemnité fixant le dédommagement dû par le client en cas de résiliation en raison d'une faute dans l'exécution de son obligation de paiement, constitue, non pas une clause de dédit comme le soutient la société G STAR, mais une clause pénale pouvant être, en application de l’article 1152 du code civil, réduite si elle est manifestement excessive ;
Attendu que cette indemnité correspond à la moitié des commandes résiliées passées par la société SEPAP ;
Attendu que la société G STAR ne démontre pas avoir été dans l'impossibilité d'écouler auprès d'un autre client les marchandises commandées par la société SEPAP, étant noté que les marchandises n° 2291903,2291904 et 2291905 de la saison 09/01 correspondaient à celles que la SEPAP voulait résilier en octobre 2008 ;
Attendu que l'indemnité réclamée égale à 50 % des commandes passées est manifestement excessive dès lors que la société SEPAP ne justifie pas voir subi de manque à gagner sur ces commandes et que l'indemnité destinée à dédommager le fournisseur suppose la démonstration d'un préjudice ; qu'il convient en conséquence de la réduire à 1 euro ;
Sur la demande reconventionnelle de la société SEPAP :
Attendu que la société SEPAP soutient que la résiliation ainsi intervenue à un mois des livraisons revêt un caractère brutal eu égard aux relations commerciales existant entre les parties ;
Attendu qu'elle soutient que la société SEPAP devait lui livrer les commandes passées et acceptées et lui notifier le choix d'un autre distributeur ;
Attendu toutefois qu'aux termes de l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce, la résiliation sans préavis peut intervenir en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ;
Attendu que l'inexécution par la société SEPAP de ses obligations contractuelles de paiement justifiait la rupture des relations commerciales sans préavis, étant noté que les commandes dont la livraison a été refusée par le fournisseur correspondaient à celles dont la SEPAP avait demandé la résiliation en octobre 2008 aux motifs de ralentissement de son activité et de difficultés de paiement ;
Attendu qu'en conséquence la société SEPAP ne peut se plaindre de la rupture intervenue sans préavis de leurs relations commerciales ;
Attendu qu'il s'ensuit que le jugement attaqué sera réformé ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que chaque partie supportera la charge de ses frais et dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Réforme le jugement attaqué,
Statuant à nouveau,
Dit que la société SEPAP a failli à son obligation de paiement dans le délai contractuel d'un mois de la facturation,
Dit que la société G STAR était en droit de résilier les contrats liant les parties,
Dit que l'indemnité de dédommagement est une clause pénale manifestement abusive,
La réduit à 1 euro,
Déboute la société G STAR de sa demande de paiement par la société SEPAP de la somme de 146.837,21 euros,
Dit que la résiliation sans préavis par la société G STAR des commandes en cours est justifiée par l'inexécution de ses obligations contractuelles par la société SEPAP,
Déboute la société SEPAP de sa demande de condamnation de la société G STAR d'une indemnité de 135.128,58 euros,
Dit n'y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que chacune des parties supportera la charge de ses frais et dépens, ceux d'appel étant le cas échéant recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE. LE PRÉSIDENT.