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CA VERSAILLES (3e ch.), 3 avril 2014

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (3e ch.), 3 avril 2014
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 3e ch.
Demande : 12/00757
Date : 3/04/2014
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4754

CA VERSAILLES (3e ch.), 3 avril 2014 : RG n° 12/00757

Publication : Jurica

 

Extrait : « La déchéance est définie par l'assureur (p. 5 des conditions générales) comme la perte du droit à l'indemnité pour un sinistre, à la suite du non respect de certaines dispositions du contrat. Une clause de déchéance figure en effet en page 46 des 51 pages de conditions générales de la police. Cette clause prévoit deux cas de déchéance limitativement énumérés : l'absence de déclaration du sinistre dans le délai prescrit et les « fausses déclarations sur la nature, les causes, les circonstances ou les conséquences d'un sinistre », faites en connaissance de cause.

Or, en l'espèce, il convient de relever que la fausse déclaration de Mme Y. ne porte pas même sur la valeur des lunettes mais sur la manière dont ces lunettes ont été acquises. […]. Cependant, la gravité particulière des effets d'une telle clause contractuelle figurant presque en fin de contrat, commande une interprétation stricte de ses termes. […]. Les conditions d'application de la clause de déchéance, qui ne peuvent qu'être interprétées strictement compte tenu de la gravité de cette clause - et sans qu'il soit besoin d'en examiner le caractère abusif -, ne sont pas réunies. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 3 AVRIL 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 12/00757. Code nac : 58E. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 janvier 2012 par le Tribunal d'Instance de MANTES-LA-JOLIE : R.G. n° 11-11-000209.

LE TROIS AVRIL DEUX MILLE QUATORZE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANTE :

Madame X. épouse Y.

née le [date] à [ville], Représentant : Maître Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20120134 - Représentant : Maître Oriane DONTOT, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES substituant Maître Philippe QUIMBEL, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C227

 

INTIMÉE :

SA MMA ASSURANCES

N° SIRET : XX, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentant : Maître Alain CLAVIER, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 240 - N° du dossier 112931 - Représentant : Maître Isabelle WALIGORA, Plaidant,avocat au barreau de VERSAILLES substituant Maître Alain CLAVIER, avocat au barreau de VERSAILLES

 

Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 février 2014 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Annick DE MARTEL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Véronique BOISSELET, Président, Madame Annick DE MARTEL, Conseiller, Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller, Greffier, lors des débats : Madame Lise BESSON.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mme Y. est appelante d'un jugement rendu par le 13 janvier 2012 par le tribunal d'instance de Mantes La Jolie dans un litige l'opposant à la compagnie MMA ASSURANCES.

* * *

Mme Y., propriétaire d'une voiture Peugeot 206, assurée auprès de la compagnie MMA ASSURANCES, a constaté, dans la nuit du 23 au 24 décembre 2009 la disparition de son véhicule stationné devant chez elle.

Le 24 décembre 2009, elle a fait établir une déclaration de vol auprès du commissariat de Police de Mantes-La-Jolie, puis a adressé cette déclaration à son assureur.

Dans sa déclaration de vol, Mme Y. faisait valoir que deux paires de lunettes lui avaient également été dérobées du fait du vol du véhicule. Elle a fourni deux factures. L'une n'a pas été discutée, mais s'agissant de la seconde, l'assureur a diligenté une enquête dont il résulte que l'émetteur de la facture n'a pas reconnu l'avoir établie.

Il n'est pas contesté que Mme Y. avait acquis ces lunettes dans d'autres conditions que celles qu'elle avait déclarées à l'assureur. Pour cette raison, la compagnie MMA ASSURANCES s'est prévalue de la déchéance encourue en cas de fausse déclaration et a refusé d'indemniser Mme Y. pour le vol de son véhicule.

* * *

Mme Y. a fait assigner la compagnie MMA ASSURANCES, sur le fondement des articles 1134 et suivants du Code civil et 113-5 et suivants du Code civil [N.B. conforme à la minute Jurica - lire 1135 ?], en garantie devant le tribunal d'instance de Mantes La Jolie.

Par jugement du 13 janvier 2012, le tribunal a débouté Mme Y. de ses demandes.

Les premiers juges ont considéré que, compte tenu de ces constatations et de « l'ambiguïté de l'affaire », la compagnie d'assurance était bien fondée de se prévaloir de la déchéance encourue lors de fausses déclarations, en connaissance de cause, sur la nature, les causes, circonstances ou les conséquences d'un sinistre.

Mme Y. a interjeté appel de la décision.

* * *

Dans ses dernières conclusions signifiées le 28 janvier 2014, Mme Y. demande à la Cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner la compagnie MMA à lui verser la somme de 8.648 euros correspondant à l'estimation du véhicule faite à dire d'expert le 22 janvier 2010 ;

- dire que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 6 février 2010 avec capitalisation à la date de l'arrêt à intervenir ;

- condamner la compagnie MMA à lui verser une somme de 1.300 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, préjudice financier et moral.

Elle soutient que :

- l'assureur n'a pas rapporté la preuve de la mauvaise foi de son assuré, la fraude se traduisant par de fausses déclarations ou des réticences dolosives, supposant la mauvaise foi de l'assuré. Les circonstances de l'affaire qu'elle relate révèlent sa bonne foi.

- la clause de déchéance constitue une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, son application ayant un caractère disproportionné en créant un déséquilibre entre les droits et obligations des parties en ne tenant pas compte des garanties spécifiques souscrites.

- l'attitude déloyale de la compagnie d'assurance a eu pour conséquence de la mettre en difficulté financière.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 14 juin 2012, la compagnie MMA ASSURANCES demande à la Cour de confirmer purement et simplement le jugement entrepris, et de débouter Mme Y. de l'ensemble de ses demandes.

Elle soutient que :

- la clause de déchéance est parfaitement valable et admise par la jurisprudence.

- l'appelante ne pouvait ignorer le caractère frauduleux de la facture qu'elle présentait, sachant qu'elle n'avait jamais acquis ces lunettes auprès de la société M. et que, pour donner du crédit à ses affirmations, elle a attesté de circonstances de l'acquisition semble-t-il fort éloignées de la réalité.

- la clause de déchéance ne constitue nullement une clause abusive, ne créant aucun déséquilibre en ce qu'elle a pour contrepartie l'obligation de l'assureur de payer un sinistre sur la base des seules déclarations du propriétaire du véhicule dont le vol rend toutes constatations impossibles.

La cour renvoie aux conclusions signifiées par les parties, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La déchéance est définie par l'assureur (p. 5 des conditions générales) comme la perte du droit à l'indemnité pour un sinistre, à la suite du non respect de certaines dispositions du contrat.

Une clause de déchéance figure en effet en page 46 des 51 pages de conditions générales de la police. Cette clause prévoit deux cas de déchéance limitativement énumérés : l'absence de déclaration du sinistre dans le délai prescrit et les « fausses déclarations sur la nature, les causes, les circonstances ou les conséquences d'un sinistre », faites en connaissance de cause.

Or, en l'espèce, il convient de relever que la fausse déclaration de Mme Y. ne porte pas même sur la valeur des lunettes mais sur la manière dont ces lunettes ont été acquises. En effet la valeur des lunettes représente environ 190 euros (valeur neuve) mais elles n'ont pas été acquises par Mme Y. dans les conditions qu'elle a initialement indiquées, raison pour laquelle Mme Y. se voit opposer la déchéance de ses garanties souscrites pour l'assurance de son véhicule.

Cependant, la gravité particulière des effets d'une telle clause contractuelle figurant presque en fin de contrat, commande une interprétation stricte de ses termes.

Or, le sinistre est avant tout le vol du véhicule sur lequel il n'est pas prétendu que Mme Y. ait fait une fausse déclaration concernant les circonstances dans lesquelles il est intervenu, ses causes ou ses conséquences. Aucun élément ne permet davantage à l'assureur de prétendre que les lunettes qui selon Mme Y. ont été dérobées avec le véhicule, ne l'ont pas été.

Ainsi il n'est pas établi que les déclarations contradictoires de Mme Y. sur les conditions dans lesquelles elle a acquis pour 190 euros, des lunettes laissées dans la voiture volée peuvent être qualifiées de fausses déclarations sur la nature, les causes, les circonstances ou les conséquences du sinistre.

Les conditions d'application de la clause de déchéance, qui ne peuvent qu'être interprétées strictement compte tenu de la gravité de cette clause - et sans qu'il soit besoin d'en examiner le caractère abusif -, ne sont pas réunies.

Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.

 

- Sur les indemnités dues à Mme Y. :

La compagnie MMA ASSURANCES sera condamnée à lui payer la somme de 8.648 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2011,

S'agissant des dommages-intérêts pour résistance abusive demandés par Mme Y., l'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et il ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol. Tel n'est pas le cas de l'action diligentée par la compagnie MMA ASSURANCES. Mme Y. sera déboutée de sa demande.

 

- Sur les frais irrépétibles :

Il est inéquitable de laisser à la charge de Mme Y. les frais non compris dans les dépens de l'instance. Il lui sera alloué la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant en audience publique, par décision contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu par le tribunal d'instance de Mantes-La-Jolie le 13 janvier 2012 en toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau,

Condamne la compagnie MMA ASSURANCES à payer à Mme Y. la somme de 8.648 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2011,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Y ajoutant,

Condamne la compagnie MMA ASSURANCES à payer à Mme Y. la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais d'appel,

Condamne la compagnie MMA ASSURANCES aux dépens de première instance et d'appel et autorise leur recouvrement dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,                     Le PRÉSIDENT,