CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

TI REIMS, 23 mai 2000

Nature : Décision
Titre : TI REIMS, 23 mai 2000
Pays : France
Juridiction : Reims (TI)
Demande : 11-99-000530
Décision : 00/455
Date : 23/05/2005
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 15/04/1999
Décision antérieure : CA REIMS (ch. civ. 1re sect.), 13 décembre 2001
Numéro de la décision : 455
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 476

TI REIMS, 23 mai 2000 : RG n° 11-99-000530 ; jugement n° 00/455

(sur appel CA Reims (ch. civ. 2e sect.), 13 décembre 2001 : RG n° 00/01531 ; arrêt n° 1027)

 

Extraits : « Il n'est pas contesté par les parties qu'en dépit du montant du prêt, supérieur à 140.000 francs, elles ont entendu se placer dans le cadre des dispositions de la loi du 10 janvier 1978 relative au crédit à la consommation, conformément au principe selon lequel les parties peuvent valablement convenir de soumettre aux dispositions de ladite loi une opération normalement exclue en raison de son montant. »

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE REIMS

JUGEMENT DU 23 MAI 2000

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-99-000530. Minute : n° 00/455.

A l'audience publique du Tribunal d'Instance tenue le 23 Mai 2000 ;

Sous la Présidence de Muriel LE BELLEC, Juge d'Instance, assisté d’Agnès MOUSEL faisant fonction de Greffier ;

Après débats à l'audience du 29 février 2000, le jugement suivant a été rendu ;

 

ENTRE :

DEMANDEUR(S) :

Société S2P

prise en la personne de ses représentants légaux [adresse], représenté(e) par SCP FOSSIER Francis, avocat du barreau de REIMS

 

ET :

DÉFENDEUR(S) :

- Monsieur X.

[adresse], représenté(e) par Maître GUERIN Pascal, avocat du barreau de REIMS

- Madame X.

[adresse], représenté(e) par Maître GUERIN Pascal, avocat du barreau de REIMS

 

EXPOSÉ DU LITIGE            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte d'huissier en date du 15 avril 1999, la Société S2P a assigné les époux X. devant le Tribunal d'Instance de REIMS aux fins de les voir condamnés solidairement à lui payer la somme de 175.978,75 francs en principal plus intérêts au taux contractuel de 7 % à compter de la date de la mise en demeure, la somme de 9.253,40 francs en principal plus intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, le tout avec capitalisation des intérêts, ainsi que les sommes de 3.618 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile, et 10.000 francs en réparation du préjudice subi.

Elle demande en outre au Tribunal de prononcer l'exécution provisoire et de condamner les défendeurs aux entiers dépens de l'instance.

La Société S2P fait valoir que selon offre préalable acceptée le 23 septembre 1996 par Monsieur X. en tant qu'emprunteur et Madame X. en tant que co-emprunteur, elle a conclu avec les défendeurs un contrat de crédit d'un montant de 185.000 francs au taux effectif global de 7 % remboursable en 60 mensualités de 3.769,45 francs, que les emprunteurs ont cessé leurs remboursements, le premier impayé non régularisé étant situé en août 1997, que les mises en demeures, restées sans effet ont entraîné la déchéance du terme.

Elle souligne que les contestations des époux X. relatives à la régularité de l'offre préalable de crédit sont forcloses.

Subsidiairement, la Société S2P expose qu'elle n'a jamais contesté que le contrat en date du 23 septembre 1996 est un contrat de crédit à la consommation, que les défendeurs qui ont reçu un bordereau de rétractation ont été en mesure de se rétracter en dépit de la libération de fonds entre leurs mains effectuée à leur demande, que l'article L. 311-17 du Code de la Consommation, dont les dispositions figurent au contrat, a été respecté puisqu'aucun paiement n'a été effectué par les débiteurs avant l'expiration du délai légal, qu'enfin un exemplaire des conditions d'assurance leur a été remis dans le cadre de leur adhésion.

Les époux X. demandent au Tribunal de :

- dire que la Société S2P est irrecevable et mal fondée dans l'ensemble de ses demandes et de les rejeter,

- prononcer la nullité du contrat de prêt pour absence des mentions obligatoires d'ordre public,

- dire que la Société S2P est déchue de tous droits à intérêts, y compris au taux légal,

- constater que le contrat d'assurance collective souscrit par la Société S2P ne leur a jamais été fourni,

- constater que le contrat de groupe, souscrit par la Société S2P pour tous ses emprunteurs doit leur bénéficier,

- [minute page 3] dire que la Société S2P sera tenue de garantir Monsieur X. de toutes les condamnations qui pourraient être mises à sa charge au titre du contrat du 23 septembre 1996 et devra faire son affaire personnelle des éventuels recours contre l'assureur avec lequel elle a traité directement,

- condamner la Société S2P à leur Payer la somme de 50.000 francs pour violation de l'obligation de conseil,

- ordonner l'exécution provisoire du chef de la demande reconventionnelle,

- condamner la Société S2P à leur payer une somme de 10.000 francs au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile,

- condamner la Société S2P aux entiers dépens.

Ils soulignent que le contrat conclu le 23 septembre 1996 est juridiquement un contrat de crédit à la consommation et concluent à la nullité de ce contrat et surabondamment à la déchéance du droit aux intérêts pour le prêteur conformément aux dispositions de l'article L. 311-33 du Code de la Consommation aux motifs que ce dernier a violé les dispositions d'ordre public prévues par les articles L. 311-8 à L. 311-13 du Code de la Consommation.

Selon eux, la Société S2P les a placé dans l'impossibilité de bénéficier de leur droit de rétractation en mettant à leur disposition les fonds à peine deux jours après l'acceptation de l'offre, rendant ainsi irréversible l'engagement de prêt.

Ils affirment qu'en agissant de la sorte, l'organisme de crédit a monté une opération illégale et commis une fraude qui l'empêche de se prévaloir de la forclusion.

Les défendeurs ajoutent que le contrat de crédit ne comporte aucune mention relative à l'article L. 311-17 du Code de la Consommation, aucune mention relative aux conditions d'assurance, assurance dont ils n'ont pas reçu les conditions générales et sur laquelle ils n'ont pas été informés.

En ce qui concerne l'assurance, les époux X. font valoir que l'examen des conditions générales, qui ont été communiquées à leur conseil dans le cadre de la présente instance, révèle que Monsieur X. remplit les conditions de mise en jeu au titre des risques couverts et qu'il devra donc être garanti de toute somme qui pourrait être mise à sa charge, la Société S2P faisant sa propre affaire des recours éventuels contre l'assureur.

Enfin, ils soutiennent que l'établissement de crédit, en tant que professionnel, est tenu d'une obligation de conseil, qu'en l'espèce, il n'a pas rempli son obligation en accordant un crédit important sans s'assurer de la destination des fonds et en faisant souscrire une assurance sans donner d'information sur celle-ci, ce qui justifie qu'il soit condamné à des dommages et intérêts de 50.000 francs sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

 

MOTIFS (justification de la décision)    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 4] MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il est constant que le 23 septembre 1996, les époux X. ont signé en qualité d'emprunteur et de co-emprunteur une offre préalable de prêt PASS émanant de la Société PASS S2P Qui leur octroyait un crédit d'un montant de 185.000 francs au taux effectif global de 7 %, remboursable en 60 mensualités de 3.769,45 francs avec assurance.

 

1) Sur la nature du contrat de prêt :

Il n'est pas contesté par les parties qu'en dépit du montant du prêt, supérieur à 140.000 francs, elles ont entendu se placer dans le cadre des dispositions de la loi du 10 janvier 1978 relative au crédit à la consommation, conformément au principe selon lequel les parties peuvent valablement convenir de soumettre aux dispositions de ladite loi une opération normalement exclue en raison de son montant.

 

2) Sur la forclusion opposable aux emprunteurs :

L'article L. 311-37 du Code de la Consommation dispose que le Tribunal d'Instance connaît des litiges relatifs au crédit à la consommation et que les actions formées devant lui doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui a leur a donné naissance à peine de forclusion.

La contestation de la régularité de l'offre préalable, élevée par voie d'action ou d'exception est soumise au délai de forclusion lequel commence à courir à compter de l'acceptation de l'offre (Cass. civ. 1ère 30 octobre 1995).

Les époux X. qui contestent la régularité de l'offre préalable qu'ils ont signée le 23 septembre 1996, en invoquant le défaut de mention de l'article L. 311-17 et le défaut de mention des conditions d'assurance sont donc forclos en leur argumentation, qu'il n'y a donc pas lieu d'examiner plus avant.

En revanche, la prétention des défendeurs, relative à l'impossibilité dans laquelle ils ont été placés de bénéficier du délai de rétractation de 7 jours, ne concerne pas la régularité de l'offre préalable de crédit mais relève de l'examen des conditions dans lesquelles le contrat de crédit a été formé et exécuté.

Il y a donc lieu d'examiner la demande des époux X. sur ce point.

 

3) Sur la possibilité de bénéficier du délai de rétractation :

Les dispositions du Code de la Consommation, qui sont d'ordre public, visent à la protection du consommateur dans ses rapports avec les organismes de crédit et les vendeurs de biens et services financés au moyen d'un crédit.

Au titre des mesures de protection du consommateur, l'article L. 311-15 du Code de la Consommation auquel fait écho l'article L. 311-16, énonce que toute personne qui souscrit un crédit doit [minute page 5] être en mesure de revenir sur son engagement dans un délai de 7 jours à compter de son acceptation de l'offre préalable.

L'offre préalable de prêt émise le 17 septembre 1996 a été acceptée par les époux X. le 23 septembre 1996. Si elle mentionne que le crédit est disponible à partir du 25 septembre 1996, elle précise expressément que c'est « sous réserve de l'expiration du délai légal de rétractation ».

D'ailleurs il est établi par le tableau d'amortissement produit par l'organisme de crédit que le financement a été débloqué par virement en date du 14 octobre 1996.

Les époux X., qui en réalité n'ont reçu les fonds qu'environ 3 semaines après leur acceptation de l'offre préalable ne peuvent donc soutenir qu'ils n'ont pas été en mesure d'exercer leur droit de rétractation.

Leur demande de nullité du contrat de prêt et de déchéance du droit aux intérêts pour le prêteur sera donc rejetée.

 

4) Sur les sommes dues par les époux X. :

L'historique du compte montre que la première échéance impayée non régularisée est celle du 3 août 1997.

Il est établi par l'historique de compte arrêté au 15 novembre 1998, date de déchéance du terme, que la créance de la Société S2P à l'encontre des X. s'établit comme suit :

- capital restant dû et intérêts échus impayés  175.978,75 FRANCS

- indemnité légale de 8%  9.253,40 FRANCS

TOTAL  185.232,15 FRANCS

Les époux X. seront donc condamnés à payer à la Société S2P la somme de 175.978,75 francs qui, conformément aux dispositions de l'offre préalable, portera intérêts au taux contractuel de 7 % à compter du 18 novembre 1998, date de la première mise en demeure, et jusqu'à parfait règlement.

En outre, ils seront condamnés à payer à la Société S2P la somme de 9.253,40 francs correspondant à l'indemnité de 8 % du capital restant dû prévue par l'offre préalable en cas de déchéance du terme, somme qui portera intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 1998.

 

5) Sur la capitalisation des intérêts :

Il n'y a pas lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts sollicitée par la Société S2P eu égard au fait que les intérêts au taux contractuel suffisent à assurer au créancier une juste et entière indemnisation du préjudice qu'il subit du fait du retard apporté au paiement.

[minute page 6]

6) Sur les demandes en garantie et en dommages et intérêts  formées par les époux X. :

L'offre préalable montre que les époux X. ont adhéré au contrat d'assurance groupe souscrit par la Société S2P.

L'article L. 311-12 du Code de la Consommation énonce que lorsque l'offre préalable est assortie d'une proposition d'assurance, une notice doit être remise à l'emprunteur qui comporte les extraits des conditions générales de l'assurance le concernant, notamment le nom et l'adresse de l'assureur, la durée, les risques couvert et ceux qui sont exclus.

La preuve de la remise de cette notice résulte en l'espèce de l'apposition par Monsieur X. et par Madame X. de leur signature sous le paragraphe précisant qu'ils reconnaissant être en possession des conditions générales de l'assurance annexées à la présente offre.

L'offre préalable démontre que les époux X. ont choisi l'option « M » de la garantie à savoir l'option « Décès/Invalidité Absolue et Définitive pour l'emprunteur et le co-emprunteur ».

La notice qui leur a été remise les informait de la définition du risque garanti, des cas d'exclusion et de cessation de garantie, des modalités de mise en œuvre de la garantie et des démarches à effectuer par l'emprunteur en cas de survenance d'un sinistre (adresse, délais, documents à fournir).

Monsieur et Madame X. ne justifient pas en conséquence d'un manquement de la Société S2P à son obligation de conseil et d'information quant à l'assurance, étant ajouté que la Société de crédit n'avait pas l'obligation de s'assurer de la destination des fonds prêtés s'agissant d'un prêt personnel et non pas d'un crédit affecté.

Monsieur X. justifie avoir été placé en invalidité première catégorie le 26 septembre 1997 (invalide capable d'exercer une activité rémunérée) et en invalidité deuxième catégorie (invalide absolument incapable d'exercer une activité quelconque) à compter du 30 août 1999.

Seule l'invalidité deuxième catégorie était garantie par le contrat d'assurance groupe auquel Monsieur X. avait adhéré, étant précisé qu'en application des conditions figurant sur la notice, la garantie avait automatiquement cessé avec le non paiement de la prime d'assurance dès le mois d'août 1997 et surabondamment avec l'exigibilité du crédit intervenue en novembre 1998 en raison de la défaillance des emprunteurs.

Monsieur et Madame X. seront donc déboutés tant de leur demande de dommages et intérêts que de leur demande tendant à être garanti par le prêteur des sommes mise à leur charge.

 

7) Sur l'exécution provisoire :

L'article 515 du nouveau Code de Procédure Civile dispose que hors les cas où elle est de droit, l'exécution provisoire peut [minute page 7] être ordonnée chaque fois qu'elle est compatible avec la nature de l'affaire et à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi.

Aucune des parties n'invoque d'éléments qui justifient que l'exécution provisoire soit ordonnée.

 

8) Sur l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile :

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu'elles ont engagés dans le cadre de la présente procédure.

 

9) Sur les dépens :

Monsieur et Madame X., qui succombent seront condamnés aux entiers dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal statuant publiquement contradictoirement et en premier ressort,

DIT que le contrat souscrit par les époux X. auprès de la Société S2P le 23 septembre 1996 est un contrat de crédit à la consommation ;

DIT que les époux X. sont forclos à contester la régularité de l'offre préalable de crédit qui leur a été soumise ;

DIT que les époux X. ont été en mesure d'exercer leur droit de rétractation dans le délai de 7 jours ;

REJETTE la demande des époux X. tendant à voir prononcer la nullité du contrat de crédit et la déchéance du droit aux intérêts du prêteur ;

CONDAMNE les époux X. solidairement à payer à la Société S2P la somme de CENT SOIXANTE QUINZE MILLE NEUF CENT SOIXANTE DIX HUIT FRANCS SOIXANTE QUINZE CENTIMES (175.978,75 francs) avec intérêts au taux contractuel de 7% à compter du 18 novembre 1998 et jusqu'à parfait règlement ;

CONDAMNE les époux X. solidairement à payer à la Société S2P la somme de NEUF MILLE DEUX CENT CINQUANTE TROIS FRANCS QUARANTE CENTIMES (9.253,40 francs) avec intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 1998 ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE les époux X. aux entiers dépens.