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CA AIX-EN-PROVENCE (2e ch.), 10 avril 2014

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (2e ch.), 10 avril 2014
Pays : France
Juridiction : Aix-en-Provence (CA), 2e ch.
Demande : 12/07838
Décision : 2014/187
Date : 10/04/2014
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 27/04/2012
Numéro de la décision : 187
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4765

CA AIX-EN-PROVENCE (2e ch.), 10 avril 2014 : RG n° 12/07838 ; arrêt n° 2014/187

Publication : Jurica

 

Extrait : « La commande valant contrat du 19 février 2010 a été signée par la société DCGA qui est une société commerciale et pour les besoins de son activité professionnelle. C'est donc à tort que cette société invoque le bénéfice du Code de la Consommation qui s'applique exclusivement au consommateur et au non-professionnel, et ne concerne nullement les sociétés commerciales comme elle ».

 

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 10 AVRIL 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 12/07838. Arrêt n° 2014/ 187. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de GRASSE en date du 2 avril 2012 enregistré au répertoire général sous le R.G. n° 272/2012.

 

APPELANTE :

SARL D. CONSEIL GESTION ET ASSOCIÉS

inscrite au RCS de DIJON sous le n° B XX, demeurant [adresse], représentée par Maître Jean-François JOURDAN, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

 

INTIMÉE :

SASU VISIPLUS

immatriculée au RCS de GRASSE sous le N° B YY, demeurant [adresse], représentée par Maître Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIÉS, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 27 février 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur FOHLEN, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries. La Cour était composée de : Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président, Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 avril 2014

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 avril 2014, Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS - PROCÉDURE - DEMANDES :

Le 19 février 2010 la SARL D. CONSEIL GESTION ET ASSOCIÉS [DCGA], conseil en gestion de patrimoine ayant son siège à [ville] et pour responsable Monsieur D., a commandé à la SASU VISIPLUS ayant son siège à [ville] :

- un référencement naturel SILVER www.fcpi-enligne.com,

- un référencement web 2.0 BRONZE www.fcpi-enligne.com (20 supports),

pour une durée de 12 mois et le prix total TTC de 11.948,04 euros, à régler à la commande.

Les conditions générales de vente stipulent notamment :

- article 5.3 : « Le non-paiement d'une échéance quelconque sous 10 jours après envoi d'une 1re relance entraînera automatiquement la résiliation du contrat et l'exigibilité de la totalité du solde restant dû » ;

- article 9 : « une durée de 12 (douze) mois (...) renouvelable ensuite d'année en année par tacite reconduction, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties signifiées 3 (trois) mois avant son échéance (...) » ;

- article 16.2 [en réalité 19.2] : « Sous réserve de la qualité de commerçant du client [la société DCGA], tout litige relatif à l'interprétation ou à l'exécution des présentes conditions générales sera de la compétence exclusive du Tribunal de Commerce de GRASSE ».

La facture pour le prix ci-dessus a été émise le 15 février 2011, sans succès malgré mise en demeure le 28, et rappels les 14 et 28 mars et le 5 avril. Par courriel du 14 suivant Monsieur D. a écrit à la société VISIPLUS « je vais vous envoyer le règlement de 11.948,04 euros TTC ».

Le 31 mai 2011 la société VISIPLUS a assigné la société DCGA en paiement de facture devant le Tribunal de Commerce de GRASSE, qui par jugement du 2 avril 2012 retenant que la seconde, qui n'est ni consommateur ni non-professionnel ne peut invoquer le Code de la Consommation :

* a débouté la société DCGA de son exception d'incompétence ;

* s'est déclaré compétent ;

* a débouté la société DCGA de ses demandes :

- au titre de l'article L. 131-1 du Code de la Consommation ;

- tendant à voir prononcer la nullité de la clause d'indemnité de résiliation ;

- tendant à voir déclarer excessive cette clause ;

* a condamné la société DCGA à payer à la société VISIPLUS la somme de 11.948,04 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2011 ;

* a reçu la demande de délais de la société DCGA ;

* a dit et jugé que cette société pourra s'acquitter du montant de sa condamnation en 12 mensualités égales, la première [devant] intervenir dans les 30 jours de la signification du jugement ;

* a dit et jugé qu'à défaut de paiement d'une seule échéance à son terme la totalité des sommes restant dues deviendra de plein droit immédiatement exigible, sans autre forme de procès ;

* a débouté la société VISIPLUS de sa demande de dommages-intérêts ;

* a débouté la même de sa demande d'astreinte ;

* a condamné la société DCGA à payer à la société VISIPLUS la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

 

La SARL D. CONSEIL GESTION ET ASSOCIÉS a régulièrement interjeté appel le 27-30 avril 2012. Par conclusions du 18 février 2013 elle demande à la Cour de :

* in limine litis, vu les articles 74 alinéa 1er, 42 et 46 du Code de Procédure Civile, L. 132-1 du Code de la Consommation :

- dire et juger que le Tribunal de Commerce de GRASSE était territorialement incompétent pour connaître de l'action de la société VISIPLUS fondée sur le contrat du 9 février 2010 ;

- renvoyer cette société à mieux se pourvoir devant le Tribunal de Commerce de DIJON lieu du siège social d'elle-même, de conclusions et d'exécution de ce contrat ;

* à titre subsidiaire, vu les articles L. 132-1 et L. 136-1 du Code de la Consommation, 1252 du Code Civil :

- dire et juger que la société VISIPLUS a manqué à son obligation légale d'information envers elle-même ;

- dire et juger qu'elle-même a mis fin au contrat de référencement du site www.fcpi-enligne.com au titre de l'année 2011 ;

- dire et juger que la facture de reconduction tacite du 15 février 2011 d'un montant de 11.948,04 euros, les lettres de mise en demeure subséquentes adressées par la société VISIPLUS outre l'assignation méconnaissent le 2e des textes précités ;

- dire et juger que les sommes réclamées par cette société au titre de l'année 2011sont indues, et débouter celle-ci ;

* à titre infiniment subsidiaire, vu les articles 1131, 1134, 1183 et 1184 du Code Civil :

- constater que la clause d'indemnité contractuelle (article 5.3 des CGV) est contraire à l'économie générale du contrat et n'est justifiée par aucune contrepartie puisqu'elle met à la charge du client le paiement d'une somme d'argent ne correspondant à aucune prestation de la part de la société VISIPLUS qui a cessé, du fait de la résiliation du contrat, toute relation contractuelle avec elle-même ;

- dire et juger que cette indemnité est dépourvue de cause, et doit dès lors être déclarée nul et de nul effet ;

- constater que cette clause d'indemnité de par l'importance de son montant ne peut que dissuader elle-même d'engager une action en résolution pour inexécution ;

- dire et juger que les effets de cette clause (résiliation du contrat et exigibilité de la totalité du solde restant dû) contreviennent à ceux inhérents à tout contrat synallagmatique et partant à l'ordre public ;

* à titre surabondant, vu les articles L. 132-1 du Code de la Consommation et L. 442-6-I-2° du Code de Commerce :

- dire et juger que la clause d'indemnité de résiliation alors que le contrat a pris fin est abusive, sans contrepartie, disproportionnée et crée un déséquilibre significatif entre les parties ;

- dire et juger que cette clause est entachée de nullité ou doit être réputée non écrite ou encore cause un préjudice à elle-même, laquelle est bien fondée à demander des dommages et intérêts d'un montant équivalent à l'indemnité litigieuse dont il est demandé le paiement par la société VISIPLUS ;

- débouter cette dernière de ses demandes, y compris en suppression sous astreinte des pages de contenu qui sont sans objet ;

* à titre encore plus subsidiaire, vu l'article 1152 du Code Civil :

- constater que la clause d'indemnité de résiliation présente un caractère dissuasif et a pour but de convaincre elle-même à poursuivre le contrat sans jamais pouvoir le dénoncer en cas d'inexécution contractuelle, en le soumettant au paiement d'une pénalité équivalente aux sommes normalement dues en cas d'exécution contractuelle, alors même que dans cette hypothèse la pénalité s'applique lorsque le contrat est résilié et que les prestations ne sont plus fournies ;

- dire et juger que la société VISIPLUS ne subit aucun préjudice émanant d'elle-même en cas de résiliation du contrat ;

- dire et juger que l'indemnité de résiliation réclamée à hauteur de 11.948,04 euros outre intérêts à compter du 28 mars 2011 constitue une clause pénale devant être ramenée à la somme de 1 euros eu égard à son caractère manifestement excessif ;

* à titre encore plus subsidiaire, vu l'article 1244-1 du Code Civil, accorder elle-même les plus larges délais de paiement sur 24 mois ;

* à titre reconventionnel condamner la société VISIPLUS à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

* en tout état de cause rejeter les demandes de dommages et intérêts, d'astreinte et d'article dudit Code faites par la société VISIPLUS.

 

Concluant le 14 janvier 2013 la SASU VISIPLUS répond notamment que :

- la société DCGA avait le 14 avril 2011 annoncé son règlement de la facture ;

- n'est ni un consommateur ni un non-professionnel mais une société commerciale, à laquelle n'est pas applicable la législation sur les clauses abusives dont les articles 5.3 (clause pénale) et 19 des conditions générales de vente, non plus que le Code de la Consommation dont l'article L. 163-1 sur la clause de tacite reconduction.

L'intimée demande à la Cour, vu les articles 1134 et 1147 du Code Civil, de :

- confirmer le jugement en ce que le Tribunal de Commerce de GRASSE s'est déclaré compétent et a débouté la société DCGA ;

- réformer le même en ce qu'il a débouté elle-même de sa demande de pénalité (improprement qualifiée d'astreinte) et alloué 12 mois de délais de paiement [à la société DCGA] pour s'acquitter de sa dette ;

- statuant à nouveau fixer une pénalité de 50 euros par jour de retard à compter du 12 avril 2011 soit la somme liquidée à ce jour à 26.150 euros, et fixer une astreinte pour l'avenir commençant à courir à compter de la signification de l'arrêt et jusqu'à suppression des pages de contenu celles-ci n'ayant à ce jour toujours pas été supprimées par la société DCGA ;

- débouter cette dernière de sa demande de délais ;

- condamner la même au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 janvier 2014.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE L’ARRÊT :

La commande valant contrat du 19 février 2010 a été signée par la société DCGA qui est une société commerciale et pour les besoins de son activité professionnelle. C'est donc à tort que cette société invoque le bénéfice du Code de la Consommation qui s'applique exclusivement au consommateur et au non-professionnel, et ne concerne nullement les sociétés commerciales comme elle.

 

- Sur la compétence :

L'article 48 du Code Civil autorise la clause dérogeant aux règles de compétence territoriale si elle a « été convenue entre [des] personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant (...) [et a] été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée ». Les conditions générales de vente de la société VISIPLUS, dont la société DCGA a pris connaissance et auxquelles elle a souscrites avant de signer la commande de 2 pages, comportent sur la seconde 19 articles dont le dernier est intitulé « LOI APPLICABLE - ATTRIBUTION DE JURIDICTION » au Tribunal de Commerce de GRASSE, en lettres majuscules et grasses qui ressortent nettement du reste du texte. Ce texte est applicable sans pouvoir être contesté par la société DCGA qui est un commerçant professionnel.

C'est donc à juste titre que le Tribunal de Commerce a débouté cette société de son exception d'incompétence.

 

- Sur l'obligation d'information par la société VISIPLUS :

Les 2 pages de la commande du 19 février 2010 sont très claires quant aux obligations respectives des parties, notamment la durée du contrat soit 12 mois, et sa tacite reconduction d'année en année sauf dénonciation par une partie 3 mois avant l'échéance annuelle ; par suite la société DCGA ne peut soutenir ne pas avoir été informée des conditions d'exécution du contrat par la société VISIPLUS, laquelle au surplus n'a demandé et obtenu le paiement forcé que de la première année (ainsi que le précise nettement sa facture litigieuse du 15 février 2011) et non de la seconde suite à la reconduction tacite. Le montant de cette facture soit 11.948,04 euros est en conséquence dû.

 

- Sur la clause d'indemnité de résiliation contractuelle :

Cette clause dont le montant équivaut au coût annuel du contrat constitue la contrepartie logique de l'engagement de la société DCGA pour la même durée. Cette société ne s'est jamais plainte de la qualité des prestations de la société VISIPLUS pour la première période contractuelle c'est-à-dire du 19 février 2010 au 18 février 2011, et par suite a été justement déboutée par le jugement de sa demande en nullité de cette clause.

Le montant de cette dernière a pour but de compenser la perte de marge de la société VISIPLUS qui survient parce qu'au cours de l'exécution du contrat la société DCGA se refuse à remplir ses obligations ; la seconde n'a pas fait usage de sa faculté de non-renouvellement du contrat, et par suite c'est logiquement que cette clause doit s'appliquer en faveur de la première. Ce refus est intervenu au début de la seconde année du contrat et de ce fait exclut la réduction du montant de la clause pénale soit 11.948,04 euros alloué avec raison par le Tribunal, d'autant que la société DCGA ne démontre pas en quoi ce montant est manifestement excessif.

 

- Sur les délais de paiement :

Les comptes de résultat de la société DCGA font apparaître :

- en 2009 un bénéfice de 35.995,59 euros,

- en 2010 un bénéfice de 92.689,91 euros,

- en 2011 un bénéfice de 61.115,33 euros

soit une forte progression qui exclut tous délais de paiement pour une dette de février 2011, d'autant que les comptes des années 2012 et suivantes ne sont pas communiqués.

Le jugement est sur ce point infirmé.

 

- Sur les demandes de la société VISIPLUS :

Le prononcé judiciaire de condamnations contre la société DCGA suffit pour que son adversaire puisse les recouvrer, ce qui rend infondé les demandes de pénalité et d'astreinte.

Enfin ni l'équité, ni la situation économique de l'appelante, ne permettent de rejeter la demande faite par l'intimée au titre des frais irrépétibles d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCISION :

La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.

Infirme le jugement du 2 avril 2012 pour avoir :

* dit et jugé que la SARL D. CONSEIL GESTION ET ASSOCIÉS pourra s'acquitter du montant de sa condamnation en 12 mensualités égales, la première [devant] intervenir dans les 30 jours de la signification du jugement ;

* dit et jugé qu'à défaut de paiement d'une seule échéance à son terme la totalité des sommes restant dues deviendra de plein droit immédiatement exigible, sans autre forme de procès.

Confirme tout le reste de ce jugement.

Condamne en outre la SARL D. CONSEIL GESTION ET ASSOCIÉS à payer à la SASU VISIPLUS une indemnité de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Rejette toutes autres demandes.

Condamne la SARL D. CONSEIL GESTION ET ASSOCIÉS aux dépens d'appel, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Le GREFFIER.                     Le PRÉSIDENT.