CA BOURGES (ch. civ.), 10 avril 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4773
CA BOURGES (ch. civ.), 10 avril 2014 : RG n° 13/00431
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « En première instance M. X. demandait au tribunal de dire le contrat nul et de nul effet pour non-respect des dispositions protectrices du consommateur, subsidiairement de la déclarer nul pour vice du consentement. Il ne formulait aucune demande en paiement de dommages et intérêts. En application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile sont irrecevables devant la cour les nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. M. X. en cause d'appel demande à la cour de condamner l'appelante à lui payer une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce. Il s'agit d'une prétention nouvelle irrecevable comme présentée pour la première fois en cause d'appel. »
2/ « C'est par des motifs pertinents que les premiers juges ont considéré que les dispositions de l'article L. 122-22, 4°/ excluaient du bénéfice de la protection accordée aux consommateurs les prestations de service lorsqu'elles ont un rapport direct avec une activité commerciale, constatant que M. X. avait contracté dans le cadre de son activité commerciale de restaurateur, et qu'en conséquence les conditions générales du contrat de prestation de service avaient seules vocation à régir les rapports entre les parties à la cause ».
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 10 AVRIL 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. 13/00431. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de BOURGES en date du 11 décembre 2012.
PARTIES EN CAUSE :
I - SARL INLEED anciennement dénommée SARL SAFE & WEB COMPANY,
agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social : Représentée par Maître Adrien-Charles LE ROY DES BARRES, avocat au barreau de BOURGES, postulant, plaidant par Maître Christophe BALLORIN de la SELARL BALLORIN, SARCE, BAUDRY, avocat au barreau de DIJON, substitué à l'audience par Maître LE ROY DES BARRES
APPELANTE suivant déclaration du 15 mars 2013
II - M. X. exerçant sous l'enseigne DÉLICES DU S.
Représenté par la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES, postulante, plaidant par Maître Arnaud SARLAT, membre de ladite SELARL
INTIMÉ
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 5 mars 2014 en audience publique, la Cour étant composée de : M. RICHARD Président de Chambre, M. DE ROMANS Conseiller, entendu en son rapport, Mme JEANNOT Vice-Président placé
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MINOIS
ARRÊT : CONTRADICTOIRE, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 8 avril 2010 Monsieur X. signait avec la société SAFE & WEB COMPANY un contrat de prestation de services internet moyennant paiement d'un loyer mensuel de 95,00 euros HT pendant 48 mois. Le 18 juin 2010, le site était livré et mis en service. Il était accepté sans aucune restriction, ni réserve suivant procès-verbal du même jour. Pour autant le client ne procédait à aucun règlement.
Suivant assignation du 29 juin 2011, la SARL SAFE & WEB COMPANY demandait au Tribunal de Commerce de BOURGES, vu les articles 1134 et 1147 du Code Civil et vu l'article 11 du contrat du 8 avril 2010, de constater la résiliation du contrat de prestation de service internet aux torts exclusifs de Monsieur X. ; en conséquence le condamner à lui verser la somme de. 4.560 euros HT soit 5.463,76 euros TTC au titre des loyers échus et à échoir ainsi que la somme de 570 euros HT soit 681,72 euros TTC à titre d'indemnité forfaitaire ; dire que ces sommes seront assorties des intérêts légaux à compter du 2 décembre 2010, date de la mise en demeure ; et le condamner à lui verser la somme de 598 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de même qu'aux entiers dépens.
Par jugement du 11 décembre 2012 le tribunal a :
- Dit et jugé le contrat conclu le 8 avril 2010 entre Monsieur X. et la SARL SAFE & WEB COMPANY nul pour vice du consentement, compte tenu de la nationalité turque de M. X. et de son incompréhension de la langue française,
- Constaté que la cession du contrat sus-désigné au profit de PARFIP, est frappée de nullité,
- Débouté la SARL SAFE & WEB COMPANY de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de Monsieur X.
- Condamné la SARL SAFE & WEB COMPANY à verser à Monsieur X. une indemnité de 1.000 euros du chef des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La SARL SAFE COMPANY, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la SARL INLEED, a relevé appel de ce jugement le 15 mars 2013.
Elle a conclu en dernier lieu le 19 novembre 2013 demandant à la cour de :
À titre liminaire,
Vu l'article 564 du Code de Procédure Civile,
- Déclarer irrecevable la demande de dommages et intérêts présentée par Monsieur X.,
Sur le fond,
- Réformer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de BOURGES en date du 11 décembre 2012 ;
En conséquence,
Vu l'article 1134 du Code Civil ;
Vu l'article 1147 du Code Civil,
Vu l'article 11 du contrat du 8 avril 2010,
- Prononcer la résiliation du contrat de prestation de service internet aux torts exclusifs de Monsieur X. ;
En conséquence,
- Le condamner à verser à la Société SAFE & WEB COMPANY
- la somme de 4.560 euros HT soit 5.463,76 euros TTC au titre des loyers échus et à échoir,
- la somme de 570 euros HT soit 681,72 euros TTC à titre d'indemnité forfaitaire,
- Dire que ces sommes seront assorties des intérêts légaux à compter du 2 décembre 2010, date de la mise en demeure ;
- Condamner Monsieur X. à verser à la Société SAFE & WEB COMPANY la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle considère tout d'abord que la demande en paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce est une demande nouvelle formulée pour la première fois en cause d'appel et, est de ce fait, irrecevable en application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.
Elle ajoute que M. X., en qualité de professionnel et la prestation fournie concernant son activité professionnelle, ne peut se prévaloir des dispositions du code de la consommation ; qu'il y a d'ailleurs contradiction de sa part à invoquer tant l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce que celles de l'article L. 121-22 du code de la consommation.
Sur le vice du consentement invoqué et retenu par les premiers juges, elle fait observer que M. X. exerce son activité en France depuis 2008 ; qu'il a souscrit dans un premier temps un contrat de prestation de service et accusé réception de la livraison du site quelques semaines plus tard, ce qui lui a laissé un temps suffisant pour exprimer un consentement valable ; qu'il a lui-même fourni les éléments nécessaires à la création d'un site internet, a participé à la rédaction du cahier des charges, et a remis son relevé d'identité bancaire ; que même s'il n'écrit pas le français ou le parle difficilement, sa compréhension était suffisante.
L'appelante demande en conséquence à la cour de faire application de l'article 11 du contrat qui prévoit la résiliation du contrat pour non-paiement et le paiement par le client de la totalité des loyers outre celui d'une indemnité forfaitaire de 6 mois de loyers.
M. X. a conclu en dernier lieu le 9 septembre 2013 demandant à la cour de confirmer le jugement et en conséquence :
- dire et juger que le contrat en date du 8 avril 2010 est nul et de nul effet, pour le motif du non-respect des dispositions protectrices du consommateur personne physique,
- dure et juger que la cession dudit contrat à la société PARFIP est frappée de nullité,
Y ajoutant :
- condamner la société Safe Xeb Company à lui verser des dommages et intérêts pour un montant de 5.000 euros en application des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce,
À titre subsidiaire,
- dire et juger que le contrat en date du 8 avril 2010 est nul pour vice du consentement,
En conséquence,
- débouter la société Safe Web Company de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- la condamner à lui payer 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux dépens.
Il reprend devant la cour son argumentation sur l'application des dispositions du code la consommation à la fourniture de prestation de l'appelante, évoquant ses difficultés avec la langue française et le manque d'intérêt d'un site internet pour son commerce, étant restaurateur. Il estime qu'il aurait dû pouvoir bénéficier, ayant été démarché à domicile, de la faculté de rétractation et des autres mesure protectrices du consommateur. Il invoque en même temps le bénéfice des dispositions de l'article L. 442-6, 1°/, du code de commerce, l'appelante ayant tenté d'obtenir un avantage ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, expliquant l'inutilité pour son activité commerciale de la création d'un site internet. Il conteste avoir collaboré à l'élaboration du site internet.
C'est à titre subsidiaire qu'il reprend ses demandes sur le fondement des vices du consentement en arguant de sa mauvaise compréhension de la langue française. Il ajoute que dans le procès-verbal de réception aucune case ne serait cochée.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 février 2014.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
1 - Sur la recevabilité de la demande fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce :
En première instance M. X. demandait au tribunal de dire le contrat nul et de nul effet pour non-respect des dispositions protectrices du consommateur, subsidiairement de la déclarer nul pour vice du consentement. Il ne formulait aucune demande en paiement de dommages et intérêts.
En application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile sont irrecevables devant la cour les nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
M. X. en cause d'appel demande à la cour de condamner l'appelante à lui payer une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce. Il s'agit d'une prétention nouvelle irrecevable comme présentée pour la première fois en cause d'appel.
2 - Sur l'application des dispositions du code de la consommation :
C'est par des motifs pertinents que les premiers juges ont considéré que les dispositions de l'article L. 122-22, 4°/ excluaient du bénéfice de la protection accordée aux consommateurs les prestations de service lorsqu'elles ont un rapport direct avec une activité commerciale, constatant que M. X. avait contracté dans le cadre de son activité commerciale de restaurateur, et qu'en conséquence les conditions générales du contrat de prestation de service avaient seules vocation à régir les rapports entre les parties à la cause.
3 - Sur la validité du consentement de M. X. :
Il ressort des déclarations des parties et des pièces versées au débat que M. X. exerce l'activité de restaurateur en France depuis le mois de mars 2008 étant inscrit au registre du commerce et des sociétés. Le contrat de prestations de service l'est au nom de l'enseigne commerciale de M. X., « Les Délices du S. ». Ce contrat a été signé par ses soins et il y a apposé son cachet commercial en pied de contrat à côté de sa signature. Il en va de même du contrat de location du site internet, M. X. fournissant à cette occasion un RIB pour permettre les prélèvements. Ces deux contrats ont été signés le 8 avril 2010. Plus de deux mois plus tard, le 18 juin 2010, M. X. a accusé réception du site en apposant son cachet commercial par deux fois sur le document de même que sa signature sur le bon de livraison.
Il est également versé au débat le cahier des charges du site internet signé par M. X. le 8 avril 2010. Il comprend notamment la carte publicitaire du restaurant et de nombreuses informations pour la réalisation du site que l'appelante ne pouvait connaître sans qu'elles lui aient été fournies par le client, M. X. Il était prévu notamment d'insérer au site des photographies des assiettes, lesquelles ont été effectuées comme le justifient les pages du site créées et versées au débat. Ces pages contiennent les différentes spécialités du restaurant et les prix correspondants.
Il ne peut, dans ces conditions, être fait droit à l'argumentation de M. X., sur le prétendu vice dont son consentement aurait été vicié, sa connaissance du français étant suffisante pour lui permettre d'ouvrir un restaurant, d’exercer une activité commerciale en s'inscrivant au registre du commerce, et de louer ou d'acquérir un local commercial suffisamment important pour pouvoir accueillir 70 couverts. Ainsi que le soutien l'appelante il a bénéficié d'un délai de deux mois entre la signature des contrats et la livraison du site pour se rétracter, la cour constatant qu'il a non seulement apposé sa signature sur les contrats, mais aussi son cachet commercial et qu'il a fourni son relevé d'identité bancaire afin de permettre les prélèvements outre toutes les indications concernant les spécialités de son restaurant et leurs prix.
En application de l'article 1134 du code civil les conventions librement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. En application de celles de l'article 1147 du même code le débiteur est condamné à des dommages et intérêts à raison de l'inexécution de son obligation.
Le contrat doit recevoir application en son intégralité et notamment en son article 11, les parties ayant convenu qu'en cas d'inexécution par le débiteur de son obligation de payer le contrat serait résilié, que les loyers seraient intégralement dus, et qu'une indemnité forfaitaire serait versée.
Ce contrat sera en conséquence résilié, ainsi que le demande la société appelante, et M. X. condamné à lui payer les sommes contractuellement prévues :
- la somme de 4.560 euros HT soit 5.463,76 euros TTC au titre des loyers échus et à échoir,
- la somme de 570 euros HT soit 681,72 euros TTC à titre d'indemnité forfaitaire.
Ces sommes produiront intérêts à compter de la présente décision.
En revanche, compte tenu de l'indemnité allouée à titre forfaitaire l'appelante sera déboutée de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X. sera condamné aux dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
DIT irrecevable la demande présentée par M. X. sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce,
INFIRME le jugement,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE M. X. à payer à la SARL INLEED les sommes suivantes :
- la somme de 4.560 euros HT soit 5.463,76 euros TTC au titre des loyers échus et à échoir,
- la somme de 570 euros HT soit 681,72 euros TTC à titre d'indemnité forfaitaire,
DIT que ces sommes produiront intérêts à compter de la présente décision,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. X. aux dépens et accorde à Maître LE ROY DES BARRES le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
L'arrêt a été signé par M. RICHARD, Président de Chambre, et par Mme MINOIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
A. MINOIS, B. RICHARD
- 5870 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Activité globale ou spécifique
- 5944 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Promotion de l’activité : site internet
- 6250 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Procédure - Voies de recours