CA VERSAILLES (13e ch.), 20 mars 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4775
CA VERSAILLES (13e ch.), 20 mars 2014 : RG n° 12/06860
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2014-007155
Extrait : « Les parties ont conclu une convention entre associés dont l'objet est d'assurer moyennant un prix librement et valablement convenu, déterminable, la transmission des droits sociaux par Mme X.-Y., en cas de perte de sa qualité de salarié de la société Novedia solutions, contenant une promesse synallagmatique de vente. Cette convention qui fait la loi des parties ne peut être révoquée par la seule volonté d'une seule d'entre elles et Mme X.-Y. est mal fondée à demander que lui soient déclarées inopposables les dispositions du pacte d'associés qu'elle a signé.
Mme X.-Y. soutient à tort qu'elle était dans un lien de subordination avec la société Novedia signataire de la convention conclue, laquelle n'était pas son employeur.
Par ailleurs, Mme X.-Y. ne justifie pas du caractère abusif de la clause prévoyant la décote de la valeur de cession en cas de licenciement. Cette clause participe en effet de l'équilibre général du contrat qui s'inscrit dans un processus d'amélioration de la rémunération de l'intéressée mais également d'association à la gestion et d'intéressement au développement de la valeur de l'entreprise, avantages consentis en contrepartie de son activité au profit de cette entreprise. Cet équilibre qui résulte de la commune intention des parties justifie en conséquence le lien établi entre la perte de la qualité de salarié et celle d'associé mais aussi la promesse consentie par Mme X.-Y. de cession de ses droits sociaux et celle de la société Novedia de rachat des droits sociaux cédés et encore la détermination anticipée d'un commun accord de la valeur de rachat des parts cédées, affectée dans certains cas d'une décote, variant suivant les motifs pour lesquels Mme X.-Y. serait amenée à cesser sa collaboration au sein de l'entreprise.
La cause de la stipulation contractuelle de la décote de 50 % appliquée en cas de licenciement de Mme X.-Y. pour un motif autre que la faute grave ou lourde réside précisément dans l'intérêt en considération duquel la société Novedia et Mme X.-Y. ont conclu le pacte d'associés et l'équilibre contractuel ainsi recherché. Cette cause n'est pas illicite par le seul fait que la perte de la qualité d'associé et la décote critiquée seraient liés au sort du contrat de travail. Au surplus, étant rappelé que Mme X.-Y. est devenue définitivement attributaire gratuitement de 5.198 actions à compter du 18 janvier 2008, évaluées à cette date à une valeur d'acquisition de 34.290 euros, les modalités convenues et acceptées par Mme X.-Y. garantissaient le recours à un tiers pour établir la valeur objective et réelle des titres au jour de la cession, laquelle fixée à dire d'expert à 155.276 euros n'est d'ailleurs nullement discutée en l'espèce.
Enfin, la clause critiquée de l'article 6.2.2. est contenue dans un pacte extra-statutaire qui lie Mme X.-Y. à la société Novedia laquelle n'est pas son employeur et ne constitue pas en conséquence une sanction pécuniaire interdite par l'article L. 1331-2 du code du travail applicable aux sanctions disciplinaires prises par l'employeur. Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue du litige portant sur la rupture du contrat de travail ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
TREIZIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 20 MARS 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/06860. Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 27 septembre 2012 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE : R.G. n° 2012F01717.
APPELANTE :
Madame X.-Y.
née le [date] à [ville], de nationalité Française, Représenté(e) par Maître Mélina PEDROLETTI, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - n° du dossier 00021941 et par Maître A. DRUESNE, avocat plaidant au barreau de LILLE
INTIMÉE :
SA NOVEDIA
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représenté(e) par Maître Anne laure DUMEAU, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - n° du dossier 40381 et par Maître J. FISZLEIBER, avocat plaidant au barreau de PARIS
Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 janvier 2014 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente, Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller, Madame Annie VAISSETTE, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mme X.-Y. (Mme X.-Y.) a été embauchée par contrat de travail en date du 9 septembre 2001, à compter du 3 septembre 2001 par la société Smart up. Elle a exercé les fonctions de directrice commerciale au sein de cette société.
Suivant décision du conseil d'administration du 17 janvier 2006, dans le cadre des dispositions de l'article L. 225-197-1 et suivants du code de commerce, Mme X.-Y. s’est vu attribuer gratuitement en début d'année 2006, 5.128 actions nouvelles de la société Smart up représentant 2,5 % du capital.
Le 3 avril 2006, la société Smart up finance, société mère de la société Smart up dont elle détenait 198.994 actions sur les 200.000 composant le capital social, et Mme X.-Y., qui détenait déjà 1.001 actions de la société Smart up, ont régularisé un pacte d'associés.
Il y est notamment stipulé que Mme X.-Y. en cas de perte de la qualité de salariée de la société Novedia solutions promet de céder aux autres parties la totalité des titres qu'elle détiendrait et prévoit que le prix de cession des titres, en cas de cessation de ses fonctions pour cause de licenciement autre que faute grave ou lourde, sera du montant évalué à dire d'expert dégradé du coefficient 0,5.
Le conseil d'administration du 18 janvier 2008 de la société Smart up a constaté l'attribution définitive des 5.128 actions attribuées gratuitement à Mme X.-Y., incessibles pendant une durée de deux années.
Mme X.-Y. a été licenciée le 25 mars 2009 par la société Novedia solutions (anciennement Smart up). Elle a contesté son licenciement et par jugement rendu le 20 septembre 2012, le conseil de prud'hommes de Boulogne a déclaré son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Cette décision a fait l'objet d'un appel actuellement pendant.
Par lettre du 10 février 2010, Mme X.-Y. a sollicité auprès des sociétés Novedia solutions et Novedia (anciennement Smart up finance) la désignation amiable d'un expert, en exécution des stipulations de l'article 6 du Pacte, faisant valoir qu'elle estimait que la décote de 50 % prévue au pacte lui était inopposable, en application du caractère d'ordre public de l'article 1843-4 du code civil.
Après une première procédure qui a abouti à un arrêt du 11 mai 2011 de la Cour d'appel de Versailles annulant l'ordonnance de désignation rendue par le président du tribunal de commerce de Nanterre, par assignation du 19 mai 2011, Mme X.-Y. a saisi le président du tribunal de commerce de Nanterre statuant en la forme des référés de sa demande de nomination d'un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil.
Par ordonnance du 23 juin 2011, le président du tribunal de commerce de Nanterre statuant en la forme des référés a désigné Monsieur M. en qualité d'expert aux fins de déterminer la valeur des 6.129 actions de Mme X.-Y. composant le capital de la société Novedia solutions.
M. M. a déposé son rapport le 10 février 2012, concluant à l'évaluation des 6.129 actions de Mme X.-Y. à la somme de 155.276 euros.
Mme X.-Y. a fait signifier à la société Novedia par acte d'huissier du 14 mars 2012, un procès-verbal d'offre de remise réelle portant sur 6.129 actions de la société Novedia solutions en exécution du pacte d'associés du 3 avril 2006. Ce même procès-verbal faisait en outre sommation à la société Novedia de payer la somme de 155.276 euros. La société Novedia a fait remettre à Mme X.-Y. un chèque d'un montant de 77.638 euros par acte d'huissier en date du 19 mars 2012.
Le 27 avril 2012, Mme X.-Y. a assigné devant le tribunal de commerce de Nanterre la société Novedia en paiement de la somme de 77.638 euros.
Par jugement rendu le 27 septembre 2012, le tribunal de commerce a dit que les stipulations de l'article 6.2.2 sont opposables à Mme X.-Y., l'a déboutée de sa demande, a condamné la société Novedia à payer à Mme X.-Y. la somme de 3.000,54 euros au titre des frais d'expertise, débouté les parties de leurs demandes relatives aux frais d'huissier, condamné Mme X.-Y. à payer à la société Novedia la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ordonné l'exécution provisoire.
Mme X.-Y. a fait appel de ce jugement.
Par dernières conclusions signifiées le 5 mars 2013, Mme X.-Y. demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau, au visa des articles 1843-4 du code civil et L. 1331-2 du code du travail, de condamner la société Novedia à lui payer la somme de 77.638 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 mars 2012 représentant le solde du prix de la valeur réelle des 6.129 actions cédées de la société Novedia solutions, subsidiairement surseoir à statuer dans l'attente de la décision définitive qui sera rendue dans le contentieux relatif au licenciement prononcé par la société Novedia solutions à son encontre, en tout état de cause, condamner la société Novedia à lui payer la somme de 5.547,32 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens en ce compris les frais d'expertise d'un montant de 6.001,07 euros.
Mme X.-Y. soutient à l'appui de son appel, invoquant l'arrêt publié de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 4 décembre 2007 et la jurisprudence réaffirmée depuis que l'article 1843-4 du code civil étant d'ordre public, l'expert désigné en application de cet article doit déterminer lui-même, selon les critères qu'il juge appropriés, la valeur des parts, sans être lié par la convention ou les directives retenues par les parties, que cette valeur constitue le prix de cession et qu'elle s'impose aux parties sans que puisse être retenu le coefficient de dégradation stipulé à l'article 6.2.2 du pacte d'associés, que les dispositions d'ordre public de l'article 1843-4 du code civil doivent prévaloir sur les stipulations du pacte d'associés. Critiquant la décision du tribunal, elle observe notamment qu'elle n'a pu librement discuter les clauses du pacte d'associés qui lui ont été soumises puisqu'elle était en réalité dans un lien de subordination.
Elle fait valoir que la clause de l'article 6.2.2 du pacte d'associés a pour finalité de dégrader la valeur réelle des titres de propriété, que ce mécanisme n'est pas lié à la valeur réelle de l'entreprise mais à son contrat de travail, que ces dispositions constituent une atteinte à ses droits patrimoniaux, qu'il s'agit d'une clause abusive et illicite puisqu'elle l'oblige à céder ses actions à un prix dégradé de 50 % sur une cause qui est sans rapport à son statut d'associé, que pour ce premier motif la clause lui est inopposable.
Elle ajoute que cette clause est également illicite au regard des règles du droit du travail et de l'article L. 1331-2 du code du travail comme constituant une sanction pécuniaire prohibée puisque les motifs de la rupture du contrat de travail affectent la valeur des titres, qu'en application de ce texte, ces dispositions du pacte d'actionnaires doivent être réputées non écrites.
Subsidiairement, elle sollicite qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel saisie de l'appel contre la décision du conseil de prud'hommes de Boulogne du 20 septembre 2012. En effet, elle considère que pour faire application de l'article 6.2.2. et de la dégradation du prix de cession des parts, il est nécessaire que le licenciement soit causé, c'est-à-dire justifié par un motif légitime, que dans ces circonstances, il est de bonne justice d'attendre l'issue de la procédure relative à la contestation du licenciement.
Par dernières conclusions signifiées le 28 janvier 2013, la société Novedia demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter Mme X.-Y. de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La société Novedia soutient que la valeur des droits sociaux de Mme X.-Y. ne constitue pas le prix de cession, que la clause figurant à l'article 6.2.2 est parfaitement usuelle et qu'elle a été stipulée aux termes d'un pacte d'associés négocié et conclu avec Mme X.-Y. qui l'a signé en toute connaissance de cause et qu'elle en avait parfaitement compris et accepté les termes.
La société Novedia revenant sur la jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 4 décembre 2007 invoquée par Mme X.-Y., soutient que celle-ci n'est pas applicable à l'espèce car Mme X.-Y. ne se voit nullement imposer une cession forcée de ses parts par application d'une clause statutaire, qu'au contraire, il est fait application dans le présent litige d'une promesse synallagmatique de vente librement consentie entre les parties, que la jurisprudence du 4 décembre 2007 ne répond nullement à la question de savoir si l'article 1843-4 du code civil doit se substituer aux mécanismes de détermination du prix de cession fixé entre les parties dans une promesse synallagmatique de vente consentie aux termes d'un pacte extra statutaire comme en l'espèce, que la Cour de cassation a eu l'occasion de juger dans un arrêt du 24 novembre 2009 que lorsque le prix a été fixé par une promesse de vente, il n'avait pas vocation à se voir substituer la valeur des droits sociaux par application de l'article 1843-4 du code civil, qu'au cas particulier, la présente instance concerne une promesse synallagmatique de vente sous condition, devenue parfaite lors du licenciement de Mme X.-Y., qu'il résulte de la jurisprudence que l'application de l'article 1843-4 du code civil n'est d'ordre public que lorsque la cession de droits sociaux n'est pas spontanément voulue par les parties, mais se trouve imposée par des règles législatives, statutaires ou extra-statutaires.
Elle ajoute que le président du tribunal de commerce de Nanterre a parfaitement opéré dans son ordonnance du 23 juin 2011 la distinction entre la question de la valeur des droits sociaux et la question de la décote, qu'il a estimé devoir désigner un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil en retenant qu'il ressortait de l'article 6.2.2 du pacte d'associés que « le prix de cession n'est pas déterminable sans intervention d'un expert », et que comme l'a fait le tribunal dans le jugement entrepris, du fait de l'intervention de l'expert lequel a déterminé la valeur des droits sociaux de Madame X.-Y. par application de l'article 1843-4 du code civil, le prix de cession stipulé à l'article 6.2.2 du Pacte d'associés est devenu par conséquent parfaitement déterminable, par l'application de la décote contractuelle de 0,5 % à la valeur de 155.276 euros, soit la somme de 77.638 euros.
La société Novedia réplique encore que la décote n'est pas illicite, que Mme X.-Y. prétend en vain qu'il n'y aurait aucun motif légitime à ce que le prix soit dégradé de 50 % pour un motif étranger à leur valeur réelle, qu'en effet ce motif légitime réside dans la loi des parties sur le fondement de l'article 1134 du code civil.
Elle prétend qu'il n'existe aucune contrariété avec l'article L. 1331-2 du code du travail, qu'en effet la décote de 50 % prévue à l'article 6.2.2. du Pacte ne constitue en aucun cas une sanction qui lui aurait été appliquée par son employeur, la société Novedia solutions, mais l'exécution de la clause d'une promesse de cession incluse dans un pacte d'actionnaires extra-statutaire auquel Mme X.-Y. est partie avec la société Novedia.
Sur la demande de sursis à statuer, elle soutient que la seule hypothèse convenue par le Pacte dans lequel le prix de cession ne serait affecté d'aucune décote est celui du décès, que le licenciement de Mme X.-Y. correspond parfaitement à l'hypothèse envisagée par l'article 6.2.2. qui vise toutes les hypothèses de licenciement autre que faute lourde ou grave, qu'il n'a jamais été convenu que la décote contractuelle ne serait plus appliquée dans l'hypothèse où son licenciement sera éventuellement jugé abusif par la suite.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
Pour la compréhension de l'arrêt, dans la suite des développements, la société Smart up Finance sera désignée sous sa nouvelle dénomination de Novedia et la société Smart up sous celle de Novedia solutions.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
Le pacte d'associés en date du 3 avril 2006 contient les dispositions suivantes sous l'article 6 intitulé « Perte de la Qualité de salarié de Madame X.-Y. » :
« 6.1. Engagements réciproques irrévocables de céder de la Salariée et d'acquérir des autres Parties
En cas de perte par la Salariée de sa qualité de salarié de la Société, pour quelque cause que ce soit (démission, licenciement, décès ou invalidité entraînant l'impossibilité de poursuive l'exécution du contrat de travail), la Salariée, promet, de manière irrévocable, de céder aux autres Parties, qui s'engagent à acheter ou faire acheter, la totalité des Titres de la Société que la Salariée détiendra au prix de cession déterminé à l'article 6.2 ci-dessous. [...]
6.2 Prix de cession
6.2.1 Prix en cas de démission [...]
6.2.2 Prix en cas de licenciement pour motif autre que faute grave ou lourde
En cas de cessation des fonctions pour cause de licenciement autre que pour faute grave ou lourde, le prix de cession des titres sera le montant évalué à dire d'expert dégradé du coefficient 0,5. L'expert en charge de l'évaluation de prix sera désigné d'un commun accord entre les Parties et leurs ayants droits ou, en cas de désaccord, par décision du Président du Tribunal de commerce compétent statuant en référé et sans recours possible. »
Il a été prévu à l'article 6.3 de ce même pacte « Exécution des promesses » les modalités de réalisation, sauf meilleur accord des parties, des cessions de titres objet des promesses synallagmatiques visées à l'article 6.1.
Mme X.-Y. fait valoir à l'appui de son appel que les dispositions d'ordre public de l'article 1843-4 du code civil selon lesquelles « Dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible » et qui sont d'ordre public, doivent prévaloir sur les stipulations de l'article 6.2.2. du pacte d'associés.
Cependant, contrairement à ce soutient Mme X.-Y., les dispositions de ce texte, qui ont pour finalité la protection des intérêts de l'associé cédant, sont sans application à la cession de droits sociaux ou à leur rachat par la société résultant de la mise en œuvre d'une promesse synallagmatique de vente librement consentie entre associés dans un pacte extra-statutaire, comme en l'espèce dans le pacte du 3 avril 2006.
En effet, cette convention n'entre pas dans le champ d'application de l'article 1844-3 du code civil qui ne s'impose que lorsque l'obligation de cession des droits sociaux de l'associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, résulte de dispositions légales ou statutaires et ne relève donc pas d'une obligation purement contractuelle.
Les parties ont conclu une convention entre associés dont l'objet est d'assurer moyennant un prix librement et valablement convenu, déterminable, la transmission des droits sociaux par Mme X.-Y., en cas de perte de sa qualité de salarié de la société Novedia solutions, contenant une promesse synallagmatique de vente.
Cette convention qui fait la loi des parties ne peut être révoquée par la seule volonté d'une seule d'entre elles et Mme X.-Y. est mal fondée à demander que lui soient déclarées inopposables les dispositions du pacte d'associés qu'elle a signé.
Mme X.-Y. soutient à tort qu'elle était dans un lien de subordination avec la société Novedia signataire de la convention conclue, laquelle n'était pas son employeur.
Par ailleurs, Mme X.-Y. ne justifie pas du caractère abusif de la clause prévoyant la décote de la valeur de cession en cas de licenciement.
Cette clause participe en effet de l'équilibre général du contrat qui s'inscrit dans un processus d'amélioration de la rémunération de l'intéressée mais également d'association à la gestion et d'intéressement au développement de la valeur de l'entreprise, avantages consentis en contrepartie de son activité au profit de cette entreprise.
Cet équilibre qui résulte de la commune intention des parties justifie en conséquence le lien établi entre la perte de la qualité de salarié et celle d'associé mais aussi la promesse consentie par Mme X.-Y. de cession de ses droits sociaux et celle de la société Novedia de rachat des droits sociaux cédés et encore la détermination anticipée d'un commun accord de la valeur de rachat des parts cédées, affectée dans certains cas d'une décote, variant suivant les motifs pour lesquels Mme X.-Y. serait amenée à cesser sa collaboration au sein de l'entreprise.
La cause de la stipulation contractuelle de la décote de 50 % appliquée en cas de licenciement de Mme X.-Y. pour un motif autre que la faute grave ou lourde réside précisément dans l'intérêt en considération duquel la société Novedia et Mme X.-Y. ont conclu le pacte d'associés et l'équilibre contractuel ainsi recherché. Cette cause n'est pas illicite par le seul fait que la perte de la qualité d'associé et la décote critiquée seraient liés au sort du contrat de travail.
Au surplus, étant rappelé que Mme X.-Y. est devenue définitivement attributaire gratuitement de 5.198 actions à compter du 18 janvier 2008, évaluées à cette date à une valeur d'acquisition de 34.290 euros, les modalités convenues et acceptées par Mme X.-Y. garantissaient le recours à un tiers pour établir la valeur objective et réelle des titres au jour de la cession, laquelle fixée à dire d'expert à 155.276 euros n'est d'ailleurs nullement discutée en l'espèce.
Enfin, la clause critiquée de l'article 6.2.2. est contenue dans un pacte extra-statutaire qui lie Mme X.-Y. à la société Novedia laquelle n'est pas son employeur et ne constitue pas en conséquence une sanction pécuniaire interdite par l'article L. 1331-2 du code du travail applicable aux sanctions disciplinaires prises par l'employeur.
Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue du litige portant sur la rupture du contrat de travail.
En effet, il résulte de l'article 6.2.2. dont l'objet est de définir le « prix de cession en cas de licenciement pour motif autre que la faute grave ou lourde » qu'il est applicable chaque fois que la perte de la qualité d'associé résulte de la cessation des fonctions de l'associé salarié pour cause de licenciement, quel qu'en soit le motif autre que la faute grave ou lourde, et que le licenciement prononcé par l'employeur soit fondé ou non sur une cause réelle et sérieuse au sens du droit du travail.
Or, il est acquis que la rupture du contrat de travail par la société Novedia solutions résulte d'un licenciement qui n'a pas été prononcé pour faute grave ou lourde. Quelle que soit donc l'issue de la procédure pendante devant la chambre sociale de la cour, les dispositions de l'article 6.2.2. sont applicables.
Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions y compris en ce qu'il a partagé par moitié entre les parties les frais d'expertise et condamné la société Novedia à rembourser à Mme X.-Y. la moitié de ces frais.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Les dépens d'appel seront à la charge de Mme X.-Y. qui succombe.
L'équité commande de la condamner à payer à la société Novedia une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement du 27 septembre 2012 en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
Condamne Mme X.-Y. aux dépens d'appel qui seront recouvrés par les avocats de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La condamne à payer à la société Novedia une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La déboute de sa demande au même titre.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, La PRÉSIDENTE,
- 6063 - Protection contre les clauses abusives en droit du travail - Argument évoqué par la juridiction
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