CA ROUEN (ch. proxim.), 17 avril 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4777
CA ROUEN (ch. proxim.), 17 avril 2014 : RG n° 13/03378
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant que l'offre de prêt comporte une clause de remboursement immédiat des sommes dues en cas de clôture du compte par l'emprunteur, du décès de l'emprunteur et en cas de non matérialisation des garanties prévues ; que si la troisième condition peut être déclarée abusive, il est toutefois constant que la déchéance du terme a été prononcée pour manquement du débiteur à ses obligations financières, clause parfaitement régulière ;
Que dès lors aucune déchéance du droit aux intérêts ne peut être retenue, étant précisé, à titre superfétatoire, que la sanction d'une clause abusive est la non opposabilité de cette clause qui est réputée non écrite et non la déchéance du droit aux intérêts comme l'a retenu à tort le premier juge, le contrat restant applicable dans toutes ses autres dispositions ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ
ARRÊT DU 17 AVRIL 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/03378. DÉCISION DÉFÉRÉE : Jugement du TRIBUNAL D'INSTANCE DE ROUEN du 12 avril 2013.
APPELANTE :
CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE MAURIENNE
Représentée et assistée par Maître Catherine LETRAY de la SCP LENGLET, MALBESIN & ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN
INTIMÉ :
Monsieur X.
N'ayant pas constitué avocat bien que régulièrement assigné par acte d'huissier en date du 22 juillet 2013
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 786 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 9 janvier 2014 sans opposition des avocats devant Madame APELLE, Présidente, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame APELLE, Présidente, Madame LABAYE, Conseiller, Madame POITOU, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme NOEL-DAZY, Greffier
DÉBATS : A l'audience publique du 9 janvier 2014, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Mars 2014, date à laquelle le délibéré a été prorogé pour être rendu ce jour
ARRÊT : Par défaut, Prononcé publiquement le 17 avril 2014, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, Signé par Madame APELLE, Présidente et par Mme NOEL-DAZY, Greffier présent à cette audience.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 18 septembre 2007, M. X. a ouvert un compte courant auprès de la Caisse de Crédit Mutuel de Maurienne.
Le 3 mai 2008, M. X. a passé avec la Caisse de Crédit Mutuel de Maurienne, un contrat d'ouverture de crédit renouvelable sur un compte spécialement ouvert à cet effet, d'un montant de 20.000 euros, utilisable par fractions de 1.500 euros minimum, avec intérêt à un taux différent suivant l'utilisation qui en était faite.
M. X. a utilisé trois fois ce crédit renouvelable :
- pour un déblocage de fonds de 7.600 euros, le 9 mai 2008,
- pour un déblocage de 12.500 euros pour l'acquisition d'un véhicule automobile, le 3 juin 2008,
- pour un déblocage de 1.700 euros, le 17 décembre 2008.
Suite à des échéances impayées, la Caisse de Crédit Mutuel de Maurienne a prononcé la déchéance du terme et a mis en demeure M. X. d'avoir à procéder au paiement de la somme de 17.009,73 euros.
La mise en demeure étant restée infructueuse, la banque a, par acte d'huissier en date du 4 octobre 2011, fait assigner M. X. devant le tribunal d'instance de Rouen aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes de :
* 1.045,64 euros, au titre du solde débiteur de compte courant outre les intérêts au taux conventionnel de 15,76 % à compter du 10 janvier 2011,
* 5.823,14 euros, au titre de l'utilisation de crédit avec les intérêts au taux contractuel de 8 % l'an à compter du 10 janvier 2011,
* 9.415,05 euros au titre de l'utilisation de crédit avec les intérêts au taux contractuel de 5,40 % l'an à compter de 10 janvier 2011,
* 1.147,32 euros au titre de l'utilisation de crédit avec les intérêts au taux contractuel de 8 % l'an à compter du 10 janvier 2011,
* 1.000 euros au titre des frais irrépétibles,
outre les dépens.
Par jugement en date du 12 avril 2013, le tribunal d'Instance de Rouen a
- déclaré la Caisse de crédit mutuel de Maurienne recevable en son action en paiement concernant le solde débiteur de compte courant et l'offre de crédit,
- condamné M. X. à payer, en deniers ou quittances, à la Caisse de crédit mutuel de Maurienne la somme de 762,19 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2011, au titre du solde débiteur du compte courant,
- condamné M. X. à payer, en deniers ou quittances, à la Caisse de crédit mutuel de Maurienne la somme de 12.142,86 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2011, au titre de l'offre préalable de crédit,
- débouté la Caisse de crédit mutuel de Maurienne de ses demandes plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné M. X. aux dépens de l'instance en ce compris les frais d'assignation du 7 mars 2011.
Le premier juge a retenu les éléments suivants :
Sur le solde débiteur du compte courant,
- un découvert en compte se prolongeant plus de trois mois cesse d'être une simple facilité de caisse et constitue une ouverture de crédit soumise aux dispositions d'ordre public des articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation,
- aux termes de l'article L. 311-30 du Code de la consommation, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés,
- aux termes de l'article L. 311-33 du Code de la consommation, le prêteur qui ne saisit pas l'emprunteur ou la caution d'une offre conforme aux dispositions d'ordre public des articles L. 311-8 à L. 311-13 du code de la consommation est déchu du droit aux intérêts conventionnels,
- en l'espèce, le compte est resté débiteur plus de trois mois à compter du 19 mars 2010 sans que le défendeur soit saisi d'une offre préalable répondant aux exigences des articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation ; dès lors la déchéance du droit aux intérêts est encourue à compter du 19 mars 2010.
- M. X. doit, au vu de ces éléments, régler à la banque la somme de 762,19 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2011,
Sur la recevabilité de l'action en paiement au titre de l'offre de crédit,
- le premier impayé non régularisé remonte au mois d'avril 2010 ; l'assignation ayant été délivrée le 4 octobre 2011, l'action en paiement est recevable.
Sur le montant des sommes dues au titre de l'offre de crédit,
- une offre préalable de crédit à la consommation, contenant une stipulation ayant pour effet de mettre à la charge de l'emprunteur une obligation supplémentaire en cas de défaillance ou de réduire ses droits, ne satisfait pas aux dispositions de l'article L. 311-13 du Code de la consommation et constitue une irrégularité sanctionnée de la déchéance du droit aux intérêts,
- en l'espèce l'article 2.5 du contrat permet à la banque de résilier le contrat et de prononcer la déchéance du terme dans des hypothèses autres que la défaillance dans les remboursements et aggrave ainsi la situation de l'emprunteur. La déchéance du droit aux intérêts conventionnels est donc encourue de ce chef ;
- M. X. est donc redevable, au vu de ces éléments, de la somme de 12.142,86 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2011.
Par acte en date du 2 juillet 2013, la Caisse de crédit mutuel de Maurienne a interjeté appel du jugement.
Aux termes de ses dernières écritures en date du 12 juillet 2013, la Caisse de crédit mutuel de Maurienne demande à la Cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
en conséquence,
- réformer le jugement entrepris d'une part en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts du prêteur tant pour les sommes dues au titre du solde débiteur du compte courant que celles concernant l'offre de prêt, d'autre part en ce qu'il a considéré qu'il n'avait été souscrit qu'un seul et unique contrat et que, dès lors, l'emprunteur ne pouvait être tenu au paiement de trois sommes différentes pour un seul crédit,
et statuant à nouveau,
- condamner M. X. à lui payer les sommes suivantes :
* au titre du compte courant : 1.013,86 euros
avec les intérêts au taux conventionnel de 15,76 % l'an à compter du 10 janvier 2011 jusqu'à parfait paiement ou à défaut avec les intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2010, date de la mise en demeure par application de l'article 1153 du Code civil,
* au titre de l'utilisation du prêt « passeport crédit » :
pour le prêt personnel : 5.823,14 euros, avec les intérêts au taux contractuel de 8 % l'an à compter du 10 janvier 2011 jusqu'à parfait paiement,
* au titre de l'utilisation du « passeport crédit » :
pour le prêt auto : 9.415,05 euros, avec les intérêts au taux conventionnel de 5,40 % l'an à compter du 10 janvier 2011 jusqu'à parfait paiement,
* au titre de l'utilisation du « passeport crédit » :
pour le second prêt personnel : 1.147,32 euros, avec les intérêts au taux contractuel de 8 % l'an à compter du 10 janvier 2011 jusqu'à parfait paiement.
- condamner M. X. à lui payer la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner M. X. aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût des procès-verbaux de recherche infructueuse des 7 mars 2011 et 27 avril 2011 dont distraction au profit de la SCP Lenglet Malbesin & Associés en application des dispositions des articles 696 et 699 du Code de procédure civile.
M. X., régulièrement assigné le 22 juillet 2013 par procès-verbal de recherches infructueuses, n'a pas constitué avocat.
L'arrêt sera donc rendu par défaut.
La déclaration d'appel et les conclusions de la banque lui ont été signifiées par le même acte.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
1) Au titre du solde débiteur du compte :
Considérant que, lorsque le découvert du compte courant dépasse trois mois, le découvert constitue alors une ouverture de crédit soumise aux dispositions relatives au crédit à la consommation ; que si l'absence d'offre régulière de crédit entraîne la déchéance des intérêts, cette déchéance n'est encourue qu'à compter de l'expiration du délai de trois mois, soit en l'espèce à compter du 19 juin 2010, comme l'argumente la banque ;
Que seule la somme de 31,78 euros, représentant les intérêts depuis le 18 juin 2010, doit être donc déduite ;
Qu'au vu de ces éléments, M. X. doit être condamné à payer à la banque la somme de 1.013,86 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2010, date de la présentation de la lettre de mise en demeure ;
2) Au titre de l'offre de crédit « Passeport Crédit » :
Considérant que l'offre de prêt comporte une clause de remboursement immédiat des sommes dues en cas de clôture du compte par l'emprunteur, du décès de l'emprunteur et en cas de non matérialisation des garanties prévues ; que si la troisième condition peut être déclarée abusive, il est toutefois constant que la déchéance du terme a été prononcée pour manquement du débiteur à ses obligations financières, clause parfaitement régulière ;
Que dès lors aucune déchéance du droit aux intérêts ne peut être retenue, étant précisé, à titre superfétatoire, que la sanction d'une clause abusive est la non opposabilité de cette clause qui est réputée non écrite et non la déchéance du droit aux intérêts comme l'a retenu à tort le premier juge, le contrat restant applicable dans toutes ses autres dispositions ;
Considérant que la banque souligne que le contrat passé avec M. X. est un crédit renouvelable qui se reconstitue au fur et à mesure des remboursements et qui est régi par les dispositions dérogatoires et spécifiques de l'article L. 311-9 du Code de la consommation et conforme au modèle type de l'annexe IV de l'article R. 311-6 du code de la consommation ;
Considérant que la société appelante souligne que la caractéristique de ce contrat de crédit est que l'ouverture de crédit renouvelable est traitée par sous compte en fonction de l'utilisation ; que la banque adresse au débiteur un courrier à chaque déblocage ; que le montant prêté ne doit pas excéder le montant maximum de chaque sous-compte ; qu'il n'y a pas eu en l'espèce de montant maximum dépassé pour chaque sous compte ; qu'il n'existait donc aucune obligation pour la banque de soumettre une nouvelle offre préalable ; que le jugement entrepris sera, par voie de conséquence, réformé en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts ;
Or, considérant que, s'il y a effectivement nécessité de sous-compte pour des raisons comptables, le taux d'intérêt variant en fonction de l'utilisation du crédit qui est accordé, force est de constater qu'il n'y a qu'un seul contrat de crédit qui a été signé par M. X. ; que, malgré le fait que le contrat stipule que l'autorisation de crédit maximum est de 20.000 euros, les utilisations successives de ce contrat par M. X. ont atteint la somme globale de 21.800 euros ; qu'il appartenait donc à la société appelante de présenter à M. X. une nouvelle offre de prêt, ce qu'elle n'a pas fait ;
Que la société appelante a elle-même mis aux débats la question d'une nouvelle offre préalable puisqu'elle prend soin de préciser en page 9 de ses dernières conclusions « aucun de ces textes n'impose l'émission d'une offre préalable pour chaque utilisation de crédit renouvelable » ; qu'elle ne peut contourner les obligations légales qui sont les siennes en invoquant des sous comptes qui existent pour des raisons simplement comptables ; que le contrat de crédit est d'ailleurs parfaitement clair sur ce point puisqu'il précise : « cette ouverture de crédit fait l'objet d'un compte unique et pourra donner lieu aux utilisations ci - après. Ces utilisations seront enregistrées dans des sous-comptes du compte unique selon leurs caractéristiques de manière à permettre leur parfaite identification par l'emprunteur » ;
Considérant que le jugement doit, par voie de conséquence, être confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a déchu la société appelante de son droit à intérêts ;
Considérant que, du fait de la déchéance pour la société appelante du droit aux intérêts, intérêts variables selon chaque utilisation, et de l'application, pour chacune des utilisations effectuées des seuls intérêts légaux, le jugement entrepris ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a condamné M. X. à payer la somme de :
21.800 euros (somme empruntée) - 9.657,14 euros (règlements effectués par M.X., non contestés par la banque) = 12.146,86 euros, au titre du capital restant du fait des trois utilisations du compte par M. X., et ce avec intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2011 ;
Que, par voie de conséquence, le jugement entrepris ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a déchu la banque de son droit à intérêts, mais par substitution de motifs et en ce qu'il a condamné M. X. à payer à la société appelante la somme de 12.146,86 euros et ce avec intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2011, au titre de l'offre de crédit ;
3) Sur les autres demandes :
Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société appelante les frais irrépétibles qu'elle a exposés pour l'ensemble de la procédure ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et de débouter la banque de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
Considérant qu'eu égard à la décision prise en cause d'appel, il convient de laisser à la charge de la banque les dépens qu'elle a exposés en cause d'appel, le jugement entrepris étant, par contre, confirmé en ses dispositions relatives aux dépens de première instance.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant par arrêt public et par défaut,
Confirme le jugement entrepris, par substitution de motifs, en ce qu'il a déchu la Caisse de crédit mutuel de Maurienne de son droit à intérêts au titre de l'offre de crédit, en ce qu'il a condamné M. X. à payer à la Caisse de crédit mutuel de Maurienne la somme de 12.146,86 euros, en deniers ou quittances, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2011, au titre de l'offre de crédit ainsi qu'en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens exposés en première instance.
Réforme le jugement entrepris pour le surplus.
Statuant de nouveau de ces chefs et y ajoutant,
Condamne M. X. à payer à la Caisse de crédit mutuel de Maurienne la somme de 1.013,86 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2010, au titre du remboursement du solde débiteur du compte.
Déboute la Caisse de crédit mutuel de Maurienne de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
Laisse à la charge de la Caisse de crédit mutuel de Maurienne les dépens qu'elle a exposés en cause d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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