CA AMIENS (1re ch. civ.), 27 mai 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4792
CA AMIENS (1re ch. civ.), 27 mai 2014 : RG n° 12/01612
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Monsieur X. et Madame Y., épouse X., reprochent à la clause figurant au contrat, aux termes de laquelle le délai d'achèvement « sera le cas échéant majoré des jours d'intempéries au sens de la réglementation du travail des chantiers du bâtiment. Ces jours seront constatés par une attestation de l'architecte ou du bureau d'études auquel les parties conviennent de se reporter à cet égard. Le délai sera également majoré des jours de retard consécutifs à la grève ou au dépôt de bilan d'une entreprise et de manière générale en cas de force majeure » d'apporter un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au profit du vendeur et à leur détriment et d'être dès lors abusive au sens de l'article L. 132-1, alinéa 1er, du code de la consommation. Toutefois, et a ainsi que l'a relevé le premier juge, qui a rappelé les termes de cette disposition, la clause n'est pas abusive dès lors qu'elle a prévu des modalités de preuve faisant intervenir un tiers, s'agissant des intempéries, ou fondées sur des informations publiques et vérifiables par l'acquéreur. »
2/ « En revanche, force est de constater que pas plus que devant le premier juge il n'est justifié par la SCI Hameau Cécilia à hauteur de Cour de ce que l'une des signatures émane de l'architecte ou du bureau d'études auxquels les parties sont convenues de se reporter aux termes de la clause ci-dessus rappelée en ce qui concerne les intempéries. À fortiori, s'agissant des aléas de chantier, il ne ressort pas de la clause contractuelle qu'une telle attestation suffise à les établir et la seule mention « défaillance de l'entreprise C. » n'établit pas que cette entreprise ait « déposé son bilan » voire ait été confrontée à « la grève » ou à un cas de « force majeure », seuls événements prévus par ladite clause. ».
COUR D'APPEL D'AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 27 MAI 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/01612. Décision déférée à la cour : Jugement du TI d’Abbeville du 26 juin 2009.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTS :
Madame X. née Y.
née le [date] à [ville], de nationalité Française
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française
Représentés par Maître Jérôme LE ROY, avocat au barreau d'AMIENS, Plaidant par Maître VAN MARIS, avocat au barreau d'AMIENS
ET :
INTIMÉE :
SCI HAMEAU CECILIA
agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié audit siège [...], Représentée par Maître Aurélie GUYOT, avocat au barreau d'AMIENS, Plaidant par Maître GUYOT, substituant la SCP FAUCQUEZ BOURGAIN ET ASSOCIES, avocats au barreau de BOULOGNE SUR MER
DÉBATS & DÉLIBÉRÉ : L'affaire est venue à l'audience publique du 11 mars 2014 devant la cour composée de M. Lionel RINUY, président de chambre, Mme Valérie DUBAELE et Mme Sylvie LIBERGE, conseillers, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi. À l'audience, la cour était assistée de Mme Monia LAMARI, greffier. Sur le rapport de M. Lionel RINUY et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 20 mai 2014, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
PRONONCÉ : Les parties ont été informées par RPVA de la prorogation du délibéré au 27 mai 2014 pour prononcé de l'arrêt par sa mise à disposition au greffe. Le 27 mai 2014, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Lionel RINUY, président de chambre, et Mme Monia LAMARI, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
Par contrat de vente en l'état futur d'achèvement, passé en la forme authentique le 24 mai 2006, la SCI Hameau Cécilia a vendu aux époux X. les lots n° 33 et 49 dans un immeuble en copropriété situé [...], moyennant le prix de 120.000 euros.
Le contrat comportait une clause (page 21) selon laquelle « le vendeur devra achever les locaux vendus au cours du 1er trimestre de l'année 2007. Toutefois, ce délai sera le cas échéant majoré des jours d'intempéries au sens de la réglementation du travail des chantiers du bâtiment. Ces jours seront constatés par une attestation de l'architecte ou du bureau d'études auquel les parties conviennent de se reporter à cet égard. Le délai sera également majoré des jours de retard consécutifs à la grève ou au dépôt de bilan d'une entreprise et de manière générale en cas de force majeure ».
Le procès-verbal de remise des clés a été dressé le 14 novembre 2007.
Par acte du 11 juin 2008, Monsieur X. et Madame Y., épouse X., ont fait assigner la SCI Hameau Cécilia devant le tribunal d'instance d'Abbeville afin de la voir condamner à lui payer les sommes de 9.214,41 euros en réparation du retard subi et celle de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure (sic) abusive, outre les dépens et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La SCI Hameau Cécilia a demandé le débouté des époux X. et leur condamnation solidaire en application de l'article 700 du code de procédure civile, soutenant que la clause litigieuse n'était pas abusive en ce qu'elle ne limitait pas le droit à réparation mais en aménageait les conditions d'application.
Aux termes du jugement rendu le 26 juin 2009, le tribunal d'instance d'Abbeville a condamné la SCI Hameau Cécilia à payer à Monsieur X. et Madame Y., épouse X., la somme de 2.318,75 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision, débouté les parties du surplus de leurs demandes, condamné la SCI Hameau Cécilia à payer à Monsieur X. et Madame Y., épouse X., la somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens et ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Par déclaration en date du 29 septembre 2009, Monsieur X. et Madame Y., épouse X., ont interjeté un appel général à l'encontre de ce jugement.
Aux termes de l'arrêt rendu le 28 octobre 2010, la Cour d'appel d'Amiens a infirmé le jugement du tribunal d'instance d’Abbeville du 26 juin 2009 et, statuant à nouveau, a débouté les époux X. de leurs demandes et les a condamnés in solidum à payer à la SCI Hameau Cécilia une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Lemal et Guyot, société d'avoués pour la part des dépens dont elle a fait l'avance sans en avoir préalablement reçu provision.
Monsieur X. et Madame Y., épouse X., se sont pourvus en cassation contre cet arrêt.
Aux termes de l'arrêt rendu le 14 mars 2012, la Troisième Chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 octobre 2010, entre les parties, par la Cour d'appel d'Amiens, remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyés devant la Cour d'appel d'Amiens, autrement composée, a condamné la SCI Hameau Cécilia aux dépens, vu l'article 700 du code de procédure civile, a condamné la SCI Hameau Cécilia à payer à Monsieur X. et Madame Y., épouse X., la somme de 2.500 euros, a rejeté la demande de la SCI Hameau Cécilia, et a dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, l'arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé.
Monsieur X. et Madame Y., épouse X., ont déclaré saisir la Cour d'appel d'Amiens, le 18 avril 2012, en application de l'article 1032 du code de procédure civile, à l'encontre de la SCI Hameau Cécilia.
Pour l'exposé des moyens des parties, qui seront examinés dans les motifs de l'arrêt, il est renvoyé aux conclusions transmises par RPVA le 15 octobre 2013 par Monsieur X. et Madame Y., épouse X., et le 1er octobre 2013 par la SCI Hameau Cécilia.
Monsieur X. et Madame Y., épouse X., demandent à la Cour de déclarer la SCI Hameau Cécilia mal fondée en son appel (sic), d'infirmer le jugement entrepris et de déclarer abusive la clause intitulée « délais d'achèvement » (pages 23 et 24 de l'acte de vente) et en ce qu'il a réduit les dommages et intérêts à eux alloués, statuant, à nouveau, de condamner la SCI Hameau Cécilia à leur payer les sommes de 9.214,14 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du retard subi, 1.000 euros à titre de résistance abusive, 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui seront recouvrés par Maître Jérôme Le Roy.
La SCI Hameau Cécilia demande à la Cour de dire que la clause relative aux causes de suspension du délai de livraison ne constitue pas une clause abusive, de réformer la décision entreprise en ce qu'elle a retenu qu'elle ne justifiait pas de causes de suspension du délai de livraison à hauteur du nombre de jours de retard entre la date de livraison prévue et la date de livraison effective et en ce qu'elle a partiellement fait droit aux demandes d'indemnisation présentées, de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a retenu que les demandeurs ne justifiaient pas d'un manque à gagner sur les loyers, ni même d'une perte de chance de percevoir ces loyers, en conséquence, de débouter Monsieur et Madame X. de l'intégralité de leurs demandes et de les condamner solidairement à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau (sic) code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 décembre 2013 et l'affaire a été renvoyée au 11 mars 2014 pour y être plaidée.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Monsieur X. et Madame Y., épouse X., soutiennent que la clause située à la page 21 du contrat à la rubrique « Conventions de Construction Poursuite et Achèvement de la Construction », 3e paragraphe intitulé « Délai d'Achèvement » est illégale parce qu'abusive, qu'en effet sont abusives les clauses définissant les modes de preuve admissibles entre les parties lorsqu'elles créent au profit du professionnel qui détient seul la maîtrise des éléments admis à titre de preuve, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, que si par impossible la Cour d'appel venait à déclarer une telle clause non abusive, il conviendrait de relever que l'architecte ne peut justifier dans le cadre de son attestation, que des journées dites d'intempéries, alors que n'ont été visés que 52 jours pour les intempéries et 70 jours pour les aléas de chantier, que les aléas de chantier ne sont donc pas justifiés, que la qualité même de maître d'œuvre du rédacteur de l'attestation n'est pas justifiée, que la seule preuve avancée par la SCI Hameau Cécilia consiste en une attestation établie sur papier à son en-tête, terminée par deux signatures totalement illisibles et ne permettant pas d'identifier leur auteur, sauf qu'il y était indiqué : « le maître d'œuvre » et « le maître d'ouvrage », qu'en outre ce document n'est pas daté, qu'au vu d'un autre document produit par la SCI Hameau Cécilia, identique mais à en-tête, les deux signatures sont exactement superposables et positionnées au même endroit, par rapport aux mentions le maître d'œuvre et le maître d'ouvrage, justifiant la plus grande suspicion quant à l'authenticité de ce document opportunément communiqué par la SCI Hameau Cécilia, pour montrer l'indépendance du maître d'œuvre, par rapport à elle, qu'il est clair que le maître d'œuvre, la Société MPCB, est appointée par le maître d'ouvrage, la société constructrice, c'est-à-dire la SCI Hameau Cécilia, et se trouve en état de dépendance à son égard, que le maître d'œuvre n'est donc pas indépendant et se trouve juridiquement et financièrement dépendante de la SCI, que, contrairement à ce qui a été retenu précédemment, ils n'avaient aucun moyen de contrôler, par conséquent de contester les affirmations de l'architecte ou du bureau d'études, s'agissant d'une vente en l'état futur d'achèvement et non de la construction d'une maison individuelle, qu'en conséquence, le listing des entreprises n'est pas nécessairement fourni à l'acquéreur, que la SCI Hameau Cécilia communique, à nouveau, une attestation émanant d'une entreprise dénommée : « le maître d'œuvre MPCB[...] », signée : « Le Maître d'œuvre », suivie d'une signature qui ne trahit pas l'identité de son rédacteur, que, recherches effectuées sur INFO GREFFE, il n'apparaît pas de société répondant au nom de MPCB à Montreuil sur Mer, qu'il s'agit, en conséquence, d'une enseigne, soit une attestation totalement anonyme, n'engageant aucune personne morale à propos de laquelle aucun contrôle n'est possible à commencer par celui des rapports qui existent entre MPCB et la SCI Hameau Cécilia, qu'elle ne répond pas non plus aux dispositions des articles 200 et suivants du code de procédure civile, que la force probante de ce document est donc nulle.
Ils ajoutent que le contrat, qui fait la loi entre les parties, dispose à propos des causes de suspension du délai d'achèvement « toutefois ce délai sera, le cas échéant majoré des jours d'intempérie au sens du règlement du travail sur les chantiers du bâtiment ; ces jours seront constatés par une attestation de l'architecte ou du Bureau d'Etude auquel les parties conviennent de se rapporter à cet égard. Le délai sera également majoré des jours de retard consécutives à la grève ou au dépôt de bilan d'une entreprise de manière générale en cas de force majeure », que si l'on retient l'attestation du maître d'œuvre comme mode de preuve, il est ainsi nécessaire que soit joint à l'attestation du maître d'œuvre le certificat de la Caisse du Bâtiment.
Sur la computation des jours permettant de retarder la livraison, ils indiquent ne pas voir pourquoi les deux décalages visés (52 jours pour les intempéries et 70 jours pour aléas de chantier) ont généré un arrêt de chantier pour congés payés de 21 jours, aucune explication n'étant fournie à cet égard, que si ces 21 jours sont ceux que la Caisse des Congés Payés intempéries à indemniser, cela signifie que seuls 21 jours sont à mettre au titre des intempéries et non pas 52 et encore moins 52 + 21, que si au contraire, ces 21 jours sont les congés payés du mois d'août, ils ne relèvent ni de la force majeure, ni des causes permettant contractuellement de retarder la livraison, que les jours d'intempéries retenus ne sont pas les jours d'intempéries au sens de la réglementation du travail - dispositions des articles L. 5424-6 à 19 et D. 5424-7 à 42 du code du travail - que la communication de l'historique météorologique pour Cayeux sur Mer ne constitue pas le document imposé par les dispositions contractuelles qui font expressément référence à la réglementation du travail sur les chantiers du bâtiment, qu'il ne saurait être retenu sans violer les dispositions de l'article 1134 du code civil que seraient à prendre en considération les jours de congés payés pour justifier de l'allongement du délai de livraison, alors que précisément, cette mention ne figure pas dans la clause précitée, qu'ainsi, même si est admise la validité de la clause, le décompte présenté était irrégulier au regard des dispositions de cette dernière, qu'au surplus le maître d'œuvre ne peut attester contractuellement qu'en ce qui concerne les jours d'intempéries, qu'en ce qui concerne les autres jours de retard, rien ne vient corroborer les dires de la SCI Hameau Cécilia, que c'est donc au double visa des articles 1147 du code civil (sic) combinés à la clause relative au délai d'achèvement des travaux prévus aux pages 21 et 22 de l'acte constatant la vente, ainsi qu'à celui des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation qu'ils sollicitaient la somme de 9.214,41 euros en réparation du retard subi, se décomposant en 3.689,41 euros représentant le montant des intérêts intercalaires (attestation de la BRED) et 5.525 euros représentant la perte de loyers.
Sur l'indemnisation, ils soutiennent que des intérêts intercalaires de retard sont dus et qu'il y aura lieu, en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris de ce chef, qu'en ce qui concerne la perte de location, le tribunal observe qu'il ne s'agit que d'une perte de chance et qu'en conséquence celle-ci n'est pas indemnisable, que pourtant ils ont apporté la démonstration, par la production au débat des quittances de loyers, qu'ils avaient pu mettre leur immeuble en location dès le 1er février 2008, soit un mois après la remise des clefs, que l'immeuble était donc facilement louable, qu'à aucun moment ils n'ont indiqué qu'ils s'interdisaient de louer l'immeuble en question, qu'il est, en effet, très fréquent de mettre en location une résidence de vacances pour une partie de l'année afin de générer un revenu permettant de payer les charges de toute nature, que le tribunal pose comme postulat que la perte de chance constituerait une fin de non-recevoir à l'indemnisation, ce qui est, à tout le moins, contestable, la notion de perte de chance n'étant en aucune façon exclusive d'un droit à indemnisation qu'il y a une « indemnisation distincte de la chance perdue, d'autant plus élevée que la chance était réelle et sérieuse » (Lexis Nexis Article 1382 à 1386 fascicule 202-1-3 n° 104), qu'il est demandé la somme de 5.525 euros, soit 8 mois de loyers.
* * *
La SCI Hameau Cécilia fait valoir que les époux X. remettent en question devant la Cour la validité de la clause relative à la suspension des délais de livraison, quand bien même ils ne peuvent ignorer que ce moyen qu'ils avaient soumis à la Cour de cassation n'a pas été retenu, que le contrat signé entre les parties prévoit que le délai de livraison puisse être majoré des « jours d'intempéries au sens de la réglementation du travail sur les chantiers du bâtiment ; ces jours seront constatés par une attestation de l'architecte ou du Bureau d'Etude auquel les parties conviennent de se rapporter à cet égard », qu'une clause est considérée comme abusive lorsqu'elle a pour effet de « créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties » (article L. 132-1 du code de la consommation), qu'ils n'expliquent pas en quoi consisterait ce déséquilibre de telle sorte que la clause ne saurait être déclarée comme abusive, que cette clause n'a pas pour effet de supprimer ou de réduire le droit à réparation de l'acquéreur mais d'en préciser les modalités d'application, que la jurisprudence a admis la validité de clauses prévoyant que les jours de retard soient justifiés suivant une attestation de l'architecte (Civ 3e, 30 juin 1993, Sté Piernorman c/ Sté CM France), dans les contrats de construction de maison individuelle, solution parfaitement transposable aux contrats de vente en l'état futur d'achèvement, qu'il n'y a donc pas lieu de lui imposer la production d'autres pièces permettant de justifier les jours d'intempéries que celles prévues par le contrat.
Sur le décompte des jours de retard, elle soutient qu'elle a produit un justificatif émanant de son maître d'œuvre en parfaite application du contrat, qu'il n'est pas possible, alors que le contrat constate l'accord des parties pour se satisfaire d'une forme de justificatif, d'en réclamer un autre, sauf à forcer le contrat et ainsi rompre l'équilibre des droits et obligations de chacun, que de même exiger la présence de formes particulières telles qu'un cachet ou le nom du signataire de l'attestation revient à exiger l'accomplissement de formalités au-delà de ce qui était prévu entre les parties, que ce maître d'œuvre est une société juridiquement et financièrement indépendante du promoteur, lui permettant d'attester en toute objectivité des causes légitimes de suspension du délai de livraison et ce sur papier à en-tête, que la société MPCB est inscrite au RCS de Boulogne-sur-Mer sous le numéro XX, information que les époux X. auraient pu vérifier sans difficulté, que la clause prévoyant par avance quels événements constituent une cause légitime de suspension du délai de livraison, le rôle du maître d'œuvre se limite à un simple compte sans disposer de la moindre marge d'appréciation, que le contrat signé entre les parties a également prévu que des circonstances tenant au dépôt de bilan d'une entreprise seraient décomptés des jours de retard, que compte tenu des difficultés rencontrées par l'entreprise de menuiserie C., celle-ci ne s'est plus présentée sur le chantier, décalant d'autant l'intervention des autres entreprises, qu'un retard de 70 jours est consécutif à cette situation et que les congés payés ont encore allongé de 21 jours le retard de livraison puisqu'il est d'usage que les entreprises cessent toute activité au mois d'août ce qui a pour conséquence immédiate de prolonger les délais de livraison, qu'il n'y a donc pas davantage lieu de comptabiliser ces délais au titre des pénalités de retard, que dans la mesure où le retard de livraison est de 156 jours ouvrés et qu'il a été justifié de causes de suspension à hauteur de 143 jours (91 jours pour aléas de chantier et 52 jours pour intempéries), les époux X. ne peuvent pas obtenir réparation pour plus de 13 jours.
Enfin, elle fait valoir que les demandes de réparation faites par les époux X. à deux titres (intérêts intercalaires et manque à gagner sur les loyers qu'ils espéraient tirer de la location de leur bien) reviennent à obtenir une double indemnisation, et par conséquent un enrichissement, que les intérêts intercalaires sont ceux qui sont appliqués par la banque entre le déblocage des fonds et le début des remboursements, qu'on ne voit pas en quoi ils devraient être pris en charge par le promoteur pour la totalité de l'année 2007, alors que seuls 13 jours de retard pourraient être indemnisés, qu'une simple attestation, extrêmement peu détaillée, est produite, qui ne saurait constituer une preuve admissible, que s'ils ont dû supporter le règlement d'intérêts intercalaires pour la durée réduite des prolongations de délais justifiées, l'amortissement de leur prêt a également été différé, ce qui traduit certainement un montant d'intérêts moins important à régler dans le cadre de l'amortissement normal de leur prêt et dont le montant devrait en tout état de cause être pris en considération, qu'il n'est pas démontré que les époux X. avaient l'intention de donner l'immeuble à bail, ni même qu'ils l'aient fait pour une période antérieure à la livraison, qu'ils n'hésitent pourtant pas à réclamer réparation à hauteur de 5.525 euros soit 8 mois et demi de loyers, demande qu'ils présentent non comme la réparation d'un manque à gagner mais comme celle d'une perte de chance, que la perte de chance, si elle est indemnisée, ne l'est pas comme le manque à gagner lui-même, que la réparation suppose que la demande soit justifiée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, qu'au contraire, les acquéreurs ne peuvent pas contester n'avoir conclu un bail sur l'appartement que trois mois après en avoir pris livraison, que ce logement n'était pas destiné à la location à l'année mais a été acheté par les époux X. comme résidence de vacances, qu'il n'existe d'ailleurs pas de marché locatif à l'année à Cayeux sur Mer puisque cette villégiature ne vit réellement que pendant les vacances de printemps et l'été, qu'il convient donc sur ce point de confirmer la décision rendue, qu'enfin, il n'est aucunement démontré une résistance abusive et injustifiée de sa part, le fait de se défendre et de développer une argumentation, quel que soit l'intérêt du litige ne constituant qu'un droit et non un abus de droit.
Sur le caractère abusif de la clause figurant au contrat :
Monsieur X. et Madame Y., épouse X., reprochent à la clause figurant au contrat, aux termes de laquelle le délai d'achèvement « sera le cas échéant majoré des jours d'intempéries au sens de la réglementation du travail des chantiers du bâtiment. Ces jours seront constatés par une attestation de l'architecte ou du bureau d'études auquel les parties conviennent de se reporter à cet égard. Le délai sera également majoré des jours de retard consécutifs à la grève ou au dépôt de bilan d'une entreprise et de manière générale en cas de force majeure » d'apporter un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au profit du vendeur et à leur détriment et d'être dès lors abusive au sens de l'article L. 132-1, alinéa 1er, du code de la consommation.
Toutefois, et a ainsi que l'a relevé le premier juge, qui a rappelé les termes de cette disposition, la clause n'est pas abusive dès lors qu'elle a prévu des modalités de preuve faisant intervenir un tiers, s'agissant des intempéries, ou fondées sur des informations publiques et vérifiables par l'acquéreur.
Les époux X. seront déboutés, le jugement étant précisé en ce sens, de leur demande tendant à voir déclarer cette clause abusive.
Sur l'application de la clause au litige :
Les époux X. critiquent l'attestation du maître d'œuvre produite par la SCI Hameau Cécilia, qui concerne la prolongation du délai contractuel, initialement fixé au 30 mars 2007, aux termes de laquelle sont retenus 52 jours au titre des intempéries et 70 jours au titre des aléas de chantier, outre un arrêt de chantier pour congés payés de 21 jours, soit un nouveau délai de réception de travaux au 25 octobre 2007 au lieu du 31 mars 2007.
Les remarques relatives aux en-tête ne sont pas de nature à justifier la mise à l'écart de cette attestation dès lors que si les pièces produites par les parties portent l'une l'en-tête de la SCI Hameau Cécilia, maître d'ouvrage, l'autre celle de la MPCB, maître d'œuvre, [...] le document est signé par l'une et l'autre tandis que la SCI Hameau Cécilia justifie de l'existence, contestée par les époux X., et des coordonnées de la SARL « MPCB Mètres Plans et Coordination du Bâtiment » à l'adresse ainsi mentionnée.
En revanche, force est de constater que pas plus que devant le premier juge il n'est justifié par la SCI Hameau Cécilia à hauteur de Cour de ce que l'une des signatures émane de l'architecte ou du bureau d'études auxquels les parties sont convenues de se reporter aux termes de la clause ci-dessus rappelée en ce qui concerne les intempéries. À fortiori, s'agissant des aléas de chantier, il ne ressort pas de la clause contractuelle qu'une telle attestation suffise à les établir et la seule mention « défaillance de l'entreprise C. » n'établit pas que cette entreprise ait « déposé son bilan » voire ait été confrontée à « la grève » ou à un cas de « force majeure », seuls événements prévus par ladite clause.
En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que la SCI Hameau Cécilia, ne rapportant pas les preuves qui lui incombaient, devrait réparer les conséquences du retard dans la livraison du bien vendu à Monsieur X. et Madame Y., épouse X..
Sur les préjudices subis par les époux X. :
Les époux X. demandent la condamnation de la SCI Hameau Cécilia à leur payer la somme de 9.214,14 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du retard subi, soit, d'une part, la somme de 3.689,41 euros représentant le montant des intérêts intercalaires, selon attestation de la BRED, et d'autre part, la somme de 5.525 euros représentant la perte de loyers.
S'agissant des intérêts intercalaires, ils n'articulent cependant aucun moyen justifiant la remise en cause du calcul effectué par le premier juge qui a relevé qu'ils avaient réglé à ce titre une somme de 2.796,74 euros pour la période du 1er avril 2007 au 31 décembre 2007, soit 275 jours, et, constatant que le retard de livraison était de 228 jours (période du 31 mars 2007 au 14 novembre 2007), a effectué un calcul au prorata sur cette base (2.796,74 euros x 228 / 275 = 2.318,75 euros).
L'attestation de la BRED, en date du 6 janvier 2009, qui fait mention de l'ensemble des intérêts intercalaires payés par les époux X. entre le 30 juin 2006 et le 21 février 2008, et indique à ce titre les règlements de 902,59 euros le 30 juin 2007 (le précédent règlement étant en date du 31 mars 2007), 912,51 euros le 30 septembre 2007 et 981,64 euros le 31 décembre 2007, soit un total de 2.796,74 euros pour la période du 1er avril 2007 au 31 décembre 2007, confirme précisément l'exactitude de la base de calcul retenue par le tribunal.
L'attestation de la même banque, en date du 3 janvier 2008, aux termes de laquelle celle-ci certifie avoir perçu de leur part au titre des intérêts intercalaires pour l'année 2007 la somme de 3.689,41 euros, sans aucune précision complémentaire, ne saurait remettre en cause le calcul du tribunal effectuée sur une base sensiblement plus précise. Du reste, la prise en compte de ce chiffre, relatif à l'année 2007 en son entier, aboutirait pour les appelants à un chiffre moins favorable que celui que le tribunal a retenu, puisque rapporté à la période de 228 jours il ne s'agirait que de 2.304,61 euros (3.689,41 euros x 228 / 365 = 2.304,61 euros).
En conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef.
S'agissant du préjudice relatif à la perte de loyers qu'ils invoquent et qui n'a pas été retenu par le tribunal, les époux X. justifient de ce qu'ils ont mis en location l'immeuble en cause à compter du 1er février 2008, aux termes d'un bail signé le 23 janvier 2008 pour une durée de trois ans, moyennant un loyer de 625 euros, outre 20 euros de provision sur charges.
Les clefs de l'immeuble leur ayant été remises selon procès-verbal en date du 14 novembre 2007, ils ne peuvent prétendre l'avoir loué un mois après la remise des clefs, mais ils justifient en effet tant de leur volonté de louer leur immeuble dans le cadre d'un bail destiné à une habitation principale que d'une certaine facilité à louer le bien.
Le retard de livraison ayant été de 228 jours ou environ 7 mois et demi et compte tenu de ce qu'il s'agit, comme l'a justement relevé le tribunal, de réparer la perte d'une chance de louer l'immeuble à une date proche de la date de livraison initiale, il y a lieu de faire droit à la demande de Monsieur X. et Madame Y., épouse X., sur la base de 7 mois de loyer, hors charges, soit 625 euros par mois, et de condamner, en conséquence, la SCI Hameau Cécilia à leur payer à ce titre la somme de 4.375 euros (7 x 625 euros).
Sur la demande des époux X. de dommages et intérêts à titre de résistance abusive :
Il n'est pas justifié par Monsieur X. et Madame Y., épouse X., d'une résistance abusive de la SCI Hameau Cécilia.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts à titre de résistance abusive.
Sur les dépens et les frais hors dépens :
En application de l'article 639 du code de procédure civile, il y a lieu pour la juridiction de renvoi de statuer sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais hors dépens.
La SCI Hameau Cécilia, succombant au principal, supportera les entiers dépens d'appel et Maître Jérôme Le Roy sera admis au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle ne peut dès lors qu'être déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il serait inéquitable de laisser à Monsieur X. et Madame Y., épouse X., l'entière charge de leurs frais irrépétibles en cause d'appel. Une indemnité complémentaire de 2.000 euros leur sera allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant après débats publics, par arrêt mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en dernier ressort,
Vu l'arrêt rendu le 14 mars 2012 par la Troisième Chambre civile de la Cour de cassation,
Confirme le jugement rendu le 26 juin 2009 par le tribunal d'instance d'Abbeville, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur X. et Madame Y., épouse X., de leur demande au titre des pertes de loyers,
statuant à nouveau de ce chef, infirmé, et y ajoutant,
Condamne la SCI Hameau Cécilia à payer à Monsieur X. et Madame Y., épouse X., la somme de 4.375 euros au titre de la perte de chance de louer l'immeuble 7 mois plus tôt,
Condamne la SCI Hameau Cécilia aux dépens d'appel,
Déboute la SCI Hameau Cécilia de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne la SCI Hameau Cécilia à payer à Monsieur X. et Madame Y., épouse X., une indemnité complémentaire de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de leurs frais irrépétibles en cause d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT