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CASS. CIV. 3, 14 mars 2012

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 3, 14 mars 2012
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 3
Demande : 10-28714
Date : 14/03/2012
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Legifrance
Décision antérieure : CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 28 octobre 2010, CA AMIENS (1re ch. civ.), 27 mai 2014
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3684

CASS. CIV. 3, 14 mars 2012 : pourvoi n° 10-28714

Publication : Legifrance

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 14 MARS 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 10-28714.

DEMANDEUR à la cassation : M. et Mme X.

DÉFENDEUR à la cassation : SCI Hameau Cécilia

M. Terrier (président), président. SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Yves et Blaise Capron, avocat(s).

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

 

Sur le moyen unique :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l’article 1147 du code civil ;

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Amiens, 28 octobre 2010), que la société civile immobilière Hameau Cécilia (la SCI) a vendu en l’état futur d’achèvement deux lots d’un immeuble en copropriété à M. et Mme X. ; que la livraison prévue à la fin du premier trimestre 2007 étant intervenue le 14 novembre 2007, ceux-ci ont assigné la SCI en paiement de sommes en réparation du retard subi et en paiement de dommages-intérêts ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que, pour débouter M. et Mme X. de leur demande de dommages-intérêts en réparation du retard subi, l’arrêt retient 52 jours d’intempéries, 70 jours au titre de la défaillance d’une entreprise et 21 jours au titre d’une période de congés payés ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la livraison, initialement fixée au 31 mars 2007, avait eu lieu le 14 novembre 2007, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 28 octobre 2010, entre les parties, par la cour d’appel d’Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens, autrement composée ;

Condamne la SCI Hameau Cécilia aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI Hameau Cécilia à payer à M. et Mme X. la somme de 2.500 euros ; rejette la demande de la SCI Hameau Cécilia ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille douze. 

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour M. et Mme X.

 

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR débouté les époux X. de leurs demandes tendant à voir la SCI Hameau Cécilia condamnée à leur verser la somme de 9.214,41 euros en réparation du retard subi ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QUE par contrat de vente en l’état futur d’achèvement, passé en la forme authentique le 24 mai 2006, la SCI Hameau Cécilia a vendu aux époux X. les lots n° 33 et 49 dans un immeuble en copropriété sis [adresse] à [ville] moyennant le prix de 120.000 euros. Le procès-verbal de remise des clés a été dressé le 14 novembre 2007. Page 21 du contrat à la rubrique « Conventions de construction - Poursuite et achèvement de la construction », un troisième paragraphe intitulé « délai d’achèvement » mentionne : « le vendeur devra achever les locaux vendus au cours du 1er trimestre 2007. Toutefois, ce délai sera le cas échéant majoré des jours d’intempérie au sens de la réglementation du travail des chantiers du bâtiment. Ces jours seront constatés par une attestation de l’architecte ou du bureau d’études auquel les parties conviennent de se rapporter à cet égard. Le délai sera également majoré des jours de retard consécutifs à la grève ou au dépôt de bilan d’une entreprise en de manière générale en cas de force majeure. »

Sur le caractère abusif de cette clause : Les époux X. soutiennent que cette clause est abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation car elle aboutit à créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat, laissant le consommateur à la merci d’une attestation (pour lui incontournable) émanant du maître d’œuvre sans aucun contrôle possible. La cour relève comme le premier juge que la clause attaquée ne présente aucun caractère abusif dès lors que : elle permet au vendeur de justifier des retards pris par le chantier en raison d’intempéries ou de défaillance d’entreprise qui l’interrompt, sans que sa responsabilité ne soit engagée ; elle prévoit des modalités de preuve qui reposent sur l’attestation d’un tiers au contrat de vente (architecte ou bureau d’études) fondée s’agissant des intempéries, sur une réglementation publiée (réglementation du travail des chantiers de bâtiment) ou sur des informations publiques (mise en procédure collective d’une entreprise) dont le contenu peut ainsi être contrôlé par l’acquéreur.

Sur l’application de la clause : Dès lors que la SCI Hameau Cécilia produit aux débats l’attestation du maître d’œuvre de l’immeuble litigieux, la société MPCB dont les époux X. ne peuvent ignorer l’identité (!), qui indique que le nombre de jours d’intempérie était de 52 jours, une défaillance de l’entreprise C. de 70 jours et une période de congés payés consécutive à cette défaillance de 21 jours, la cour considère que le vendeur justifie du retard de livraison accepté par l’acquéreur aux termes de la clause contractuelle précitée. Contrairement à ce que soutiennent les époux X., la SCI Hameau Cécilia n’a aucune pièce contractuelle à produire pour établir que ces retards entrent dans le champ de la disposition contractuelle précitée dès lors qu’ils n’apportent aux débats aucun élément permettant de douter des informations attestées par la société MPCB que les appelants peuvent parfaitement contrôler auprès de la caisse de congés payés du bâtiment et auprès du tribunal de commerce du siège de la société Coquart. Dans ces conditions le jugement est infirmé et les époux X. déboutés de leur demande d’indemnisation ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

1) ALORS QUE sont abusives les clauses définissant les modes de preuve admissibles entre les parties lorsqu’elles créent, au profit du professionnel qui détient seul la maîtrise des éléments admis à titre de preuve, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; que la cour d’appel, pour écarter la contestation des époux X. tirée du caractère abusif de la clause relative à la preuve des causes de suspension du délai contractuel d’achèvement, s’est bornée à relever que cette preuve reposait sur l’attestation de l’architecte ou du bureau d’études, tiers au contrat de vente ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher si ce tiers présentait toutes garanties d’indépendance à l’égard du vendeur professionnel, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 132-1 du code de la consommation, en sa rédaction applicable à la cause ;

2) ALORS, en toute hypothèse, QUE le contrat de vente du 24 mai 2006 (p. 22) prévoyait expressément que les jours d’intempérie à prendre en considération pour le calcul du délai d’achèvement étaient ceux répondant à la définition qu’en donne la réglementation du travail sur les chantiers du bâtiment ; que dans leurs conclusions d’appel (p. 4), les époux X. faisaient valoir que l’attestation établie par la société MPCB était dépourvue de toute valeur probante dès lors qu’elle ne permettait pas de s’assurer objectivement que les jours d’intempérie retenus pour le calcul du délai d’achèvement des travaux correspondaient effectivement à cette définition ; qu’en se bornant à affirmer que les époux X. n’apportent aux débats aucun élément permettant de douter des informations attestées par la société MPCB sans vérifier si les jours d’intempérie pris en compte correspondait à la définition qu’en donne la réglementation du travail sur les chantiers du bâtiment, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil ;

3) ALORS QUE les clauses définissant les modes de preuve admissibles sont d’interprétation stricte ; que suivant les constatations de la cour d’appel, l’acte de vente du 24 mai 2006 comportait une clause relative au délai d’achèvement qui stipulait que les jours d’intempéries entraînant la suspension du délai seraient « constatés par une attestation de l’architecte ou du bureau d’étude auquel les parties conviennent de se reporter à cet égard », mais qui ne fixait pas les modes de preuve admissibles s’agissant des autres causes de suspension visées à l’acte, à savoir « la grève », « le dépôt de bilan d’une entreprise » et « de manière générale en cas de force majeure » ; que dès lors, en affirmant que l’attestation de la société MPCB permettait à elle seule de retenir que la SCI Hameau Cécilia justifiait du retard de livraison accepté par les époux X. aux termes de la clause contractuelle litigieuse, non seulement au titre des jours d’intempéries, mais encore au titre de la défaillance de l’entreprise Coquart et de la période de congés payés consécutive à cette défaillance, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;

4) ALORS en tout état de cause QUE le vendeur d’immeubles à construire est tenu de réparer le préjudice causé par un retard de livraison lorsque ce retard ne tient pas à une cause légitime de suspension ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que la livraison, initialement fixée au 31 mars 2007, avait en définitive eu lieu le 14 novembre suivant, soit avec un retard total de 229 jours calendaires ou 156 jours ouvrés ; qu’en affirmant que la SCI Hameau Cécilia qui justifiait seulement de 143 jours de suspension du délai, devait être exonérée de toute responsabilité liée au retard de livraison, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient de ses propres constatations et a violé l’article 1147 du code civil.