CA DIJON (2e ch. civ.), 22 mai 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4819
CA DIJON (2e ch. civ.), 22 mai 2014 : RG n° 12/01055
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que l'appelant soutient que le Crédit Mutuel a résilié abusivement le mandat de gestion, sans respecter un délai de prévenance suffisant, alors que la clause prévue au contrat pour un délai de 5 jours doit être réputée non-écrite, et ce en outre de façon rétroactive ; que l'intimée réplique que la résiliation est intervenue sans faute de sa part, à l'issue d'un délai raisonnable laissé à M. X. qui n'a pas répondu à la proposition de régularisation d'un nouveau mandat prenant en compte les règles issues de la directive 2004/39/CE et du règlement CE 1287/2006 ;
Mais attendu que le mandat prévoit expressément la faculté de résiliation par l'une ou l'autre des parties par lettre recommandée avec accusé de réception, la convention étant à durée indéterminée ; qu'il est prévu au cas de résiliation par le mandataire que « la dénonciation par le mandataire prend effet cinq jours de bourse après réception de la lettre recommandée avec accusé de réception par le mandant », cette clause ne pouvant être réputée non-écrite puisqu'elle n'a pas pour effet de créer au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu'au contraire elle est favorable au client, mandant, alors que la résiliation à l'initiative de ce dernier prend effet dès réception du courrier recommandé par l'établissement mandataire, la banque étant traitée plus sévèrement puisque ne bénéficiant d'aucun délai de prévenance dans la résiliation qui lui est notifiée et ce à la différence du mandant ; qu'en outre le délai de 5 jours de bourse apparaît raisonnable eu égard aux contraintes du marché boursier ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 22 MAI 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/01055. Décision déférée à la Cour : AU FOND du 2 janvier 2012, rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIJON : R.G. n° 08/00560
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], domicilié [adresse], représenté par Maître Géraldine G., avocat au barreau de DIJON, assisté de Maître Matthieu C., avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE MONTBARD VENAREY
dont le siège social est [adresse], représenté par Maître Simon L., membre de la SCP L. & L., avocat au barreau de DIJON
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 27 mars 2014 en audience publique devant la Cour composée de : Madame OTT, Président de chambre, Président, ayant fait le rapport, Monsieur MOLE, Conseiller, Monsieur LEBLANC, Vice-Président placé, qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame THIOURT,
ARRÊT : rendu contradictoirement, PRONONCÉ publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, SIGNÉ par Madame OTT, Président de chambre, et par Madame THIOURT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 10 février 2000, M. X. a déposé sur son compte ouvert dans les livres du Crédit Mutuel de Montbard-Venarey la somme de 2.000.000 Francs soit 304.898,03 euros, correspondant au solde du prix perçu de la vente de son garage automobile opérée fin de l'année 1999 aux fins de reconversion professionnelle, et a le même jour passé avec cette même banque une convention de gestion de titres dans le cadre d'un profil dit « offensif », confiant ainsi à la banque la gestion de la somme de 304.898,03 euros.
Un second mandat de gestion a été signé entre les parties le 18 mars 2002.
Suite à sa demande de prêt personnel effectué en avril 2002, un prêt de 122.000 euros in fine, remboursable au plus tard le 20 octobre 2007, a été formalisé le 8 octobre 2002 entre M. X. et le Crédit Mutuel, le premier expliquant que, pour concrétiser son projet immobilier de création d'un gîte dans le Gard en utilisant le produit de la vente de son garage, il lui avait été proposé par la banque un montage à effet levier par la souscription d'un prêt in fine adossé à son portefeuille de titres donné en gestion à la banque, la réalisation du dit portefeuille devant rembourser le prêt in fine, le second expliquant que ce prêt avait été mis en place pour rembourser un prêt de même nature souscrit par M. X. auprès du Crédit Agricole le 7 juin 2001 pour un montant de 800.000 Francs soit 121.959,21 euros destiné au paiement de la soulte due ensuite du divorce de celui-ci.
La valeur du portefeuille titres, évaluée à la somme d'environ 100.000 euros en juin 2007, ne permettait pas de régler le prêt in fine de 122.000 euros à son échéance d'octobre 2007.
Se plaignant de manquements de la banque aux obligations de prudence, d'information, de conseil et de mise en garde s'agissant tant du montage de l'opération financière comportant la souscription des mandats de gestion que de l'exécution du mandat de gestion, M. X. a par acte du 8 février 2008 assigné la Caisse de Crédit Mutuel de Montbard-Venarey aux fins d'indemnisation de ses préjudices, réclamant aux termes de ses dernières écritures de première instance le paiement des sommes de :
- 60.699,50 euros à titre de dommages-et-intérêts,
- 103.225 euros au titre de la réalisation des avoirs nantis,
- 31.723,64 euros au titre du remboursement des intérêts du prêt in fine,
- 43.933,52 euros au titre du gain manqué.
La Caisse de Crédit Mutuel de Montbard-Venarey a conclu au débouté en opposant la qualité de « épargnant averti » du demandeur qui ne pouvait ignorer les risques inhérents à un investissement principalement constitué d'actions et en soutenant qu'elle avait parfaitement rempli toutes ses obligations envers lui, faisant observer qu'elle ne peut être tenue responsable de la dévaluation du portefeuille s'élevant à 42.702 euros, soit 13,99 % par rapport au placement initial, qui n'est que le reflet de la conjoncture boursière mondiale.
À titre reconventionnel, elle a conclu au paiement de la somme de 122.941,90 euros au titre du prêt in fine (capital emprunté, intérêts, prime d'assurance) outre intérêts au taux contractuel de 3 % et cotisations d'assurance vie et celle de 6.147,10 euros au titre de la clause pénale.
Par ordonnance en date du 16 janvier 2009, le juge de la mise en état a, à la demande de la banque, invité le demandeur à produire les conventions d'ouverture de ses comptes auprès du Crédit Agricole et les relevés d'opérations correspondantes.
Par jugement en date du 2 janvier 2012, le Tribunal de Grande Instance de Dijon, 1re chambre civile, a :
- ordonné la réalisation du « portefeuille titres » de M. X.,
- condamné la Caisse de Crédit Mutuel de Montbard-Venarey à payer à M. X. la somme de 25.000 euros à titre de dommages-et-intérêts outre celle de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamné M. X. à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de Montbard-Venarey la somme de 122.000 euros au titre du remboursement du prêt du 8 octobre 2002 avec intérêts au taux conventionnel à compter du jugement,
- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1154 du Code Civil,
- débouté les parties de leurs autres prétentions,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné la Caisse de Crédit Mutuel de Montbard-Venarey aux dépens, avec autorisation de faire application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Pour retenir la responsabilité de la banque au visa des articles 1147 du Code Civil, L. 111-1 du code de la consommation, L. 533-4 du Code monétaire et financier et des articles 321-46 et 321-48 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, le tribunal a considéré que la banque ne rapportait pas la preuve de la qualité « d'épargnant averti » ou « d'investisseur avisé » de M. X., alors que la profession de gérant de garage automobile puis de gestionnaire de chambres d'hôtes montre qu'il est profane en matière bancaire et boursière et que le fait qu'il détienne plusieurs comptes, professionnels ou personnels même dans des établissements différents, et ait souscrit plusieurs crédits, ne fait pas de lui un investisseur particulièrement avisé des aléas boursiers.
Le tribunal a retenu la responsabilité de la banque au titre de la conclusion des mandats de gestion.
Pour cela, il a relevé que la convention de gestion de titres conclue le 10 février 2000, pour gérer une somme de 2.000.000 Francs « vers un portefeuille Offensif ayant pour objectif la valorisation du capital à moyen/long terme » comporte des énonciations en une page et des feuillets annexes particulièrement laconiques. Il a considéré que le Crédit Mutuel, avant de proposer l'offre d'investissement, ne s'est pas suffisamment renseigné sur la situation personnelle et financière de M. X., sur les objectifs de gestion de ce dernier et sur ses choix ou préférences en matière de sécurité ou de rentabilité, et lors de la conclusion du premier mandat de gestion, n'a pas suffisamment informé utilement et objectivement son client sur les caractéristiques essentielles du placement et les risques particuliers qu'il pouvait comporter, notamment les risques de perte substantielle des fonds investis.
Il a retenu de façon similaire des manquements de la banque pour la conclusion, sans étude préalable ni bilan patrimonial, du second mandat de gestion en 2002 pérennisant le premier donné.
Mais le tribunal a écarté toute responsabilité de la banque au titre du prêt in fine consenti en octobre 2002, considérant que son octroi avait été précédé de l'examen de la situation personnelle de M. X., que ce prêt avait pour objet le rachat d'un autre emprunt contracté auprès du Crédit Agricole, que le remboursement pouvait se faire par la cession des titres comme par d'autres moyens « la cession des titres n'étant qu'une garantie pour le prêteur », considérant ainsi des éléments produits que la preuve n'est pas rapportée que ce contrat de prêt a été souscrit dans une opération financière globale consistant à adosser un « compte titres sous mandat de gestion » à un prêt in fine.
Le tribunal a également écarté toute responsabilité de la banque quant à la gestion du portefeuille, en l'absence de preuve rapportée d'une gestion fautive ou défectueuse des titres entre 2000 et 2007. Il a ajouté que la banque n'avait pas commis de faute en usant de la faculté de résiliation unilatérale expressément réservée aux parties par le mandat de gestion.
Concernant le préjudice, le tribunal a considéré que le préjudice du demandeur s'analyse en une perte de chance de ne pas investir une partie de son patrimoine sous forme de portefeuille dans le cadre d'un placement boursier risqué et donc la perte de chance de ne pas subir la dévaluation substantielle de ses titres. Il a ainsi arbitré le préjudice, consécutif aux seuls manquements retenus, à la somme de 25.000 euros.
Il a fait droit à la demande reconventionnelle de la banque relative au remboursement du capital du prêt in fine, mais par dérogation aux stipulations contractuelles, il a fixé le point de départ des intérêts moratoires au jour du jugement et débouté la banque de ses demandes autres en considérant que, même si les fonds placés sur le compte-titres ne sont pas juridiquement liés au contrat de prêt, il est cependant évident que M. X. souhaitait utiliser une partie de cette somme pour payer le prêt alors d'une part que le litige entre les parties a empêché ce remboursement et alors d'autre part que le compte-titres n'a pas été débloqué par le Crédit Mutuel en raison du nantissement dont elle bénéficie.
Par déclaration formée le 18 juin 2012, M. X. a régulièrement interjeté appel du dit jugement.
Par ses dernières écritures du 19 février 2014, M. X. demande à la Cour, vu, notamment
Les articles 9 et 1315 al. 2 du code civil
Les articles 1134, 1147, 1149, 1184 et 1153 du code civil
Les articles 1984 et suiv. du code civil
L'article 1162 du code civil
Les articles L. 321-2, L. 531-1, L. 531-11, L. 533-1, L. 533-4 anciens du code monétaire et financier
Les articles L. 111-1 et L. 132-1 du code de la consommation
Les articles 9 et 780 du code de procédure civile
Le règlement du Conseil des marchés financiers
Les règlements COB 96-02 et 96-03,
de :
* débouter le Crédit Mutuel de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
* confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- jugé que Monsieur X. n'est ni un « épargnant averti », ni « un investisseur avisé »,
- jugé que le Crédit Mutuel a violé ses obligations d'information et de conseil lors de la conclusion des mandats de gestion,
- condamné le Crédit Mutuel à réparer le préjudice en résultant pour Monsieur X.,
- débouter le Crédit Mutuel de ses demandes au titre des intérêts, frais et pénalités, infirmer le jugement entrepris pour le surplus
Statuant à nouveau,
* dire et juger que les termes ambigus des conventions rédigées par le Crédit Mutuel doivent être interprétés en sa défaveur et au bénéfice de monsieur X., consommateur non professionnel,
* dire et juger que la généralité des termes des contrats de mandat obligeait le Crédit Mutuel à n'effectuer que des actes d'administration,
* dire et juger que le Crédit Mutuel a commis de graves fautes dans l'exécution du contrat de mandat, notamment en cessant toute gestion du mois de juin 2007 jusqu'à sa résiliation au mois d'août 2008,
* dire et juger que le Crédit Mutuel a abusivement résilié le contrat de mandat en faisant preuve de mauvaise foi et en ne respectant pas un délai de préavis raisonnable,
* dire et juger que l'opération financière élaborée par le Crédit Mutuel consistant à adosser un compte titres sous mandat de gestion à un contrat de prêt in fine n'était pas viable et a totalement échoué,
* dire et juger qu'aux termes du contrat de prêt, tant au regard de sa lecture littérale que par son interprétation au bénéfice de Monsieur X., c'est au Crédit Mutuel qu'il incombe de procéder à son remboursement par la réalisation du compte titres,
* dire et juger que le nantissement du compte-titres interdit à monsieur X. de procéder à sa réalisation,
* dire et juger que l'absence de remboursement du prêt in fine à la survenance de son terme est exclusivement et totalement imputable au Crédit Mutuel,
* dire et juger que le Crédit Mutuel doit être déchu de tout droit à intérêts, frais et pénalités qui serait dus après le 20 octobre 2007,
* dire et juger qu'en vertu du principe de réparation intégrale, le Crédit Mutuel sera condamné à indemniser Monsieur X. de la totalité de son préjudice,
En conséquence
* ordonner au Crédit Mutuel de procéder à la réalisation du portefeuille titres afin de rembourser le prêt in fine,
* condamner le Crédit Mutuel à payer à Monsieur X., à titre de dommages-intérêts, une somme totale de 142.104,20 euros (après compensation), se décomposant comme suit :
|
Sommes dues à M. X.
|
Somme due par M. X.
|
Dommages intérêts (date de valeur 20 octobre 2007)
|
62.394,43 euros
|
|
Réalisation des avoirs nantis (date de valeur 20 octobre 2007)
|
101.530,07 euros
|
|
Remboursement des intérêts du prêt in fine
|
31.723,64 euros
|
|
Gain manqué
|
68.456,06 euros |
|
Remboursement du prêt in fine
|
|
-122 000,00 euros
|
Totaux
|
264.104,20 euros
|
-122 000,00 euros
|
Solde en faveur de Monsieur X. 142.104,20 euros
|
|
|
* condamner le Crédit Mutuel aux intérêts au taux légal,
* ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil,
* condamner le Crédit Mutuel à payer une somme de 10.000,00 euros à Monsieur X. sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamner le Crédit Mutuel aux entiers dépens dont distraction accordée à Maître Géraldine G. avocat, conformément aux termes de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.
Par ses dernières écritures du 12 mars 2014, la Caisse de Crédit Mutuel de Montbard Venarey demande à la Cour, vu les dispositions des articles 1984 et suivants du code civil, de :
- dire et juger que Monsieur X. est un investisseur averti sur le marché actions du règlement mensuel,
- dire et juger que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL de MONTBARD VENAREY n'était débitrice d'aucune obligation d'information ou de conseil à l'égard de Monsieur X. lors de la souscription des mandats de gestions,
- constater que la banque a satisfait à son obligation de rendre compte en cours de mandat,
- dire et juger que la banque n'a pas engagé sa responsabilité de mandataire dans le cadre de la gestion des avoirs sous mandat,
- dire et juger qu'il n'est pas démontré que la banque soit l'initiatrice du montage mis en place par Monsieur X. et que le compte titre sous mandat de gestion soit lié au prêt in fine de 122.000,00 euros au-delà de la garantie,
En conséquence,
- réformer le jugement dont appel et débouter Monsieur X. de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné Monsieur X. à payer à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL de MONTBARD VENAREY la somme de 122.000,00 euros,
- le réformer pour le surplus et juger que cette somme portera intérêts au taux contractuel majoré de 3 point soit 6,50 % l'an à compter du 20 novembre 2007 et jusqu'à parfait paiement,
- condamner Monsieur X. à verser à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL de MONTBARD VENAREY la somme de 6.147,10 euros à titre de clause pénale, outre intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2007 et jusqu'à parfait paiement,
- ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil par confirmation du jugement dont appel,
- condamner Monsieur X. à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL de MONTBARD VENAREY la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du CPC,
- condamner Monsieur X. aux entiers dépens tant d'instance que d'appel dont distraction au profit de la SCP L. & L., conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mars 2014.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Vu les dernières écritures des parties auxquelles la Cour se réfère ; vu les pièces ;
Sur les fautes :
Attendu que l'appelant fait valoir que l'intimée a manqué à ses devoirs de mise en garde, d'information et de conseil lors de la mise en place tant des mandats de gestion que du prêt in fine adossé au compte titres, qu'elle s'est montrée gravement défaillante dans l'exécution du mandat de gestion qu'il lui avait confié et qu'elle a abusivement procédé à la résiliation du dit mandat sans respecter de préavis suffisant ; que le Crédit Mutuel conteste tout manquement à quelque niveau d'intervention que ce soit ;
Sur la conclusion des mandats de gestion :
Attendu que l'appelant reproche au Crédit Mutuel de ne pas s'être suffisamment enquis de sa situation personnelle, de son expérience et de ses attentes, de ne pas l'avoir informé des produits proposés et des risques encourus et de ne pas lui avoir délivré un conseil adapté tenant compte de ses véritables objectifs et de ses besoins de liquidité ;
que la banque oppose la qualité d'investisseur averti de M. X. dans la mesure où le degré d'exigence envers le prestataire de services d'investissement est apprécié en fonction du niveau d'expérience du client, de sorte qu'elle soutient n'avoir été tenue envers lui d'aucune obligation d'information ou de conseil puisque M.X. connaissait parfaitement le fonctionnement de la bourse et ses risques ; qu'elle considère que la seule obligation d'information dont elle était débitrice était d'attirer l'attention du client sur les orientations du mandat de gestion et qu'eu égard à la solide expérience boursière de son client, elle n'a pas failli à cette obligation envers l'appelant ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 553-4 du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable en 2000, lors de la souscription du premier mandat de gestion en date du 10 février 2000, les prestataires de services d'investissement sont tenus de respecter les règles de bonne conduite destinées à garantir la protection des investisseurs et la régularité des opérations, lesquelles règles les obligent notamment à s'enquérir de la situation financière de leurs clients, de leur expérience en matière d'investissement et de leurs objectifs en ce qui concerne les services demandés et à communiquer, d'une manière appropriée, les informations utiles dans le cadre des négociations avec leurs clients, ces règles devant être appliquées en tenant compte de la compétence professionnelle en matière de services d'investissement du client ;
que l'article 3-3-5 du règlement général du conseil des marchés financiers disposait que le prestataire évalue la compétence professionnelle du client s'agissant de la maîtrise des opérations envisagées et des risques que ces opérations peuvent comporter, cette évaluation tenant compte de la situation financière du client, de son expérience en matière d'investissement et de ses objectifs en ce qui concerne les services demandés ; qu'il informe le client des caractéristiques des instruments financiers dont la négociation est envisagée, des opérations susceptibles d'être traitées et des risques particuliers qu'elles peuvent comporter, cette information étant adaptée en fonction de l'évaluation de la compétence professionnelle du client et du fait qu'il est ou non un investisseur qualifié ;
Attendu qu'il appartient à la société intimée, d'une part de démontrer la qualité invoquée d'épargnant et investisseur averti présentée par M. X., et d'autre part de démontrer qu'elle a satisfait à cette obligation dont elle ne peut prétendre être dispensée à raison de la qualité d'épargnant et investisseur averti de M. X. dès lors que précisément c'est le recueil des renseignements sur la situation personnelle du client et sur ses compétences et expériences qui permettra à l'établissement d'évaluer le caractère profane ou le degré d'aptitude de son client ;
que l'intimée se reporte en vain à l'étude patrimoniale effectuée par elle en avril 2002, puisque cette étude est largement postérieure à la conclusion du premier mandat de gestion confié par M. X. dès le 10 février 2000 et qu'en outre cette étude est essentiellement en lien avec la négociation du prêt in fine, formalisé en octobre 2002, ce que corrobore le « compte-rendu de décision de crédit » en date du 26 avril 2002, produit par l'intimée en pièce n°26, contenant l'accord pour le prêt de 122.000 euros sous l'observation suivante : « la surface de responsabilité d'ensemble de notre client est large et la garantie qui nous intéresse est satisfaisante... » ;
que cette étude patrimoniale datée d'avril 2002 ne peut davantage être probante concernant la même obligation qui pesait sur le Crédit Mutuel lors de la souscription par M. X. d'un nouveau mandat de gestion le 22 mars 2002 ;
que l'intimée est ainsi défaillante dans l'administration de la preuve, les éléments obtenus en cours de procédure suite à l'ordonnance du juge de la mise en état quant aux divers comptes dont M. X. pouvait disposer auprès d'un autre établissement bancaire, le Crédit Agricole, étant indifférents pour caractériser la connaissance qu'avait le Crédit Mutuel des aptitudes de son client lors de la souscription des deux mandats de gestion en 2000 et 2002 ;
qu'à défaut de s'être précisément renseigné sur la situation de M. X. et ses expériences, compétences et connaissances, le Crédit Mutuel ne pouvait que le tenir pour profane ;
qu'au surplus, comme l'a fait observer le premier juge, la profession passée de gérant d'un garage automobile à l'époque du premier mandat et même la détention de plusieurs comptes dont des comptes titres ou PEA ne suffisent pas à faire de M. X. un investisseur particulièrement avisé ;
Attendu qu'il s'ensuit que le Crédit Mutuel a manqué à son obligation pré-contractuelle ;
Attendu que la convention de gestion de compte titres conclue entre les parties le 10 février 2000 donne mandat à la Caisse de Crédit Mutuel de Montbard-Venarey de gérer un portefeuille de valeurs françaises ou étrangères sur la base de la somme de 2.000.000 Francs remise le jour même, de procéder pour le compte du client « à toutes opérations sur valeurs françaises ou étrangères dans le cadre de la réglementation et des usages en la matière ; plus généralement les instruments autorisés sont :
- les instruments négociés sur un marché réglementé et organisé en fonctionnement régulier,
- les OPCVM de droit français conformes à la directive CE 85/611 ainsi que les OPCVM bénéficiant d'une autorisation de commercialisation sur le territoire français,
- les instruments financiers à terme,
- « toute autre opération que celles ci-dessus énumérées est interdite », et de « orienter la gestion vers un portefeuille OFFENSIF ayant pour objectif principal la valorisation du capital à moyen / long terme » ;
qu'ainsi que l'a avec pertinence relevé le premier juge, les mentions de ce mandat et des deux feuilles d'annexe « dont d'ailleurs l'essentiel a trait aux frais perçus par le Crédit Mutuel pour ses services » sont particulièrement laconiques ;
qu'aucune précision « si ce n'est l'emploi de caractères gras » n'est fournie pour définir ce profil « offensif » et encore moins l'horizon « à moyen /long terme » de cet investissement ; qu'il sera relevé que le courrier du 17 février 2000, de surcroît postérieur au mandat, pour confirmer la mise en place du mandat de gestion n'apporte pas davantage de précision que de rappeler « que l'orientation de gestion retenue est de type offensif » ;
Attendu que la banque intimée ne justifie d'aucune information donnée par ailleurs à M. X. quant aux produits et modes de gestion proposés et ce en fonction de la durée envisagée des investissements, et notamment sur les risques de perte en capital qu'est susceptible de comporter un mode « offensif », information qui viendrait compléter les bribes d'information mentionnées dans le mandat lui-même ;
Attendu qu'il s'ensuit que le Crédit Mutuel a manqué à son obligation d'information envers M. X. ;
que les mêmes défaillances doivent être retenues lors de la conclusion du second mandat de gestion donné le 22 mars 2002 au Crédit Mutuel Finance, alors que si cette fois le mandat offensif est défini comme « investi, directement ou indirectement via des OPCVM à 80 % », et si 6 types de mandat dont le mandat offensif sont cités, le mandat ne comporte pas même expressément le choix du type de mandat retenu par le client ;
Attendu enfin que le Crédit Mutuel a également manqué à son obligation de conseil envers M. X., lequel venait de cesser l'exploitation de son garage automobile et confiait en gestion les fonds provenant du produit de la vente de ce garage ; que la banque se devait d'adapter le mode de gestion, recommandé selon un horizon déterminé, à la situation personnelle et aux objectifs de M. X., lequel à l'âge de 51 ans pouvait ne pas renoncer définitivement à toute activité professionnelle et former un projet de vie nécessitant des liquidités avant le « moyen / long terme » ; que précisément, faute pour elle de s'être auparavant enquis, comme elle aurait dû le faire, de la situation personnelle et des objectifs de son client ainsi qu'il a été vu précédemment, la banque n'a pu remplir son obligation de conseil envers M. X. qui n'était pas un investisseur avisé ;
Attendu que c'est à juste titre que le tribunal a retenu ces divers manquements de la banque ;
qu'il convient dès à présent de préciser que le préjudice résultant pour M. X. de ces manquements commis par la banque ne consiste qu'en une perte de chance d'avoir pu prendre une décision plus judicieuse s'il avait été plus éclairé par le Crédit Mutuel ;
Sur l'exécution des mandats de gestion :
Attendu que l'appelant fait valoir que les mandats, donnés dans des termes particulièrement vagues, ne permettaient au Crédit Mutuel que d'effectuer des actes d'administration et que c'est donc de façon irrégulière que la banque a effectué de nombreux actes de disposition en achetant et vendant des titres jusqu'en juin 2007 ; qu'il soutient qu'à partir de juin 2007 la banque n'a plus effectué la moindre opération, en voulant pour preuve la comparaison de la consistance du portefeuille au 30 septembre 2007 et au 1er août 2008, et que la banque a ainsi commis une inexécution fautive particulièrement grave en cessant totalement la gestion ;
que l'intimée réplique n'être tenue que d'une obligation de moyens et replace la gestion qui lui était confiée dans le contexte général de la bourse entre 2000 et 2011 ; qu'elle observe que le fait que les valeurs n'aient pas varié ne démontre pas en soit que la gestion avait pris fin ;
Mais attendu d'une part que M. X. ne peut sans contradiction soutenir à la fois que le Crédit Mutuel ne pouvait effectuer que des actes d'administration interdisant d'opérer des achats et ventes de titres constitutifs d'actes de disposition et ce jusqu'en juin 2007, et reprocher après cette date au Crédit Mutuel un immobilisme du portefeuille n'ayant pas varié dans sa consistance, soit en l'absence de ventes et achats de titres, dont l'appelant viendrait désormais à se plaindre tout en y voyant le signe que la banque aurait cessé de gérer le portefeuille alors que celle-ci n'effectuerait précisément que des actes d'administration prônés par ailleurs par l'appelant ;
Attendu d'autre part qu'aux termes du premier mandat, M. X. a laissé « à la Caisse toute latitude pour gérer les fonds et le portefeuille ainsi confiés, sans consultation préalable ni intervention de (sa) part » ; que les deux mandats précisent en des termes identiques que « en vertu de ce mandat, la Caisse de Crédit Mutuel... est chargée d'effectuer, seule, sans consultation préalable, toute opération de gestion qui lui paraîtra opportune, telle que notamment achat, souscription, échange, attribution, vente ou arbitrage de titres, sicav, fonds communs de placement ou autres supports financiers » ;
qu'ainsi, quoiqu'en dise l'appelant, les achats et ventes de titres sont expressément prévus et il ne peut sérieusement faire grief au Crédit Mutuel d'avoir procédé à de telles opérations qui relèvent de la substance même du mandat donné pour gérer le portefeuille ;
que par ailleurs le Crédit Mutuel justifie avoir adressé les relevés d'opération à fréquence régulière à son client ;
qu'enfin l'appelant ne peut sérieusement faire grief à l'intimée d'avoir adopté, afin de limiter les risques de dépréciation accrue face à un marché boursier peu favorable, une gestion prudente après juin 2007, époque où se cristallise le litige entre les parties lorsqu'il apparaît que la valorisation du portefeuille ne permettra pas le remboursement intégral du prêt in fine venant à échéance en octobre 2007 ;
Attendu qu'en l'absence de faute dans l'exécution des mandats de gestion, M. X. ne peut qu'être débouté de ce chef de son appel, le tribunal ayant à juste titre écarté toute faute de cette nature de la part du Crédit Mutuel ;
Sur la résiliation du mandat de gestion :
Attendu que l'appelant soutient que le Crédit Mutuel a résilié abusivement le mandat de gestion, sans respecter un délai de prévenance suffisant, alors que la clause prévue au contrat pour un délai de 5 jours doit être réputée non-écrite, et ce en outre de façon rétroactive ;
que l'intimée réplique que la résiliation est intervenue sans faute de sa part, à l'issue d'un délai raisonnable laissé à M. X. qui n'a pas répondu à la proposition de régularisation d'un nouveau mandat prenant en compte les règles issues de la directive 2004/39/CE et du règlement CE 1287/2006 ;
Mais attendu que le mandat prévoit expressément la faculté de résiliation par l'une ou l'autre des parties par lettre recommandée avec accusé de réception, la convention étant à durée indéterminée ; qu'il est prévu au cas de résiliation par le mandataire que « la dénonciation par le mandataire prend effet cinq jours de bourse après réception de la lettre recommandée avec accusé de réception par le mandant », cette clause ne pouvant être réputée non-écrite puisqu'elle n'a pas pour effet de créer au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu'au contraire elle est favorable au client, mandant, alors que la résiliation à l'initiative de ce dernier prend effet dès réception du courrier recommandé par l'établissement mandataire, la banque étant traitée plus sévèrement puisque ne bénéficiant d'aucun délai de prévenance dans la résiliation qui lui est notifiée et ce à la différence du mandant ; qu'en outre le délai de 5 jours de bourse apparaît raisonnable eu égard aux contraintes du marché boursier ;
Attendu que par ailleurs le Crédit Mutuel a par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 juillet 2008 proposé « la signature d'un nouveau mandat pour se conformer à la réglementation en vigueur » en précisant que « sans démarche de votre part au 31 juillet 2008, nous serons contraints de ne plus assurer la gestion de votre portefeuille » ;
que les pièces de l'appelant démontrent suffisamment que celui-ci ne souhaitait pas conclure avec le Crédit Mutuel un nouveau mandat de gestion ; que M. X. est dès lors mal fondé à critiquer la résiliation opérée régulièrement par le Crédit Mutuel à effet non-rétroactif au 1er août 2008, dans un délai de préavis bien supérieur à celui de 5 jours de bourse contractuellement exigé, et pour un motif légitime tenant à la transposition des normes européennes par l'ordonnance du 12 avril 2007 ;
Attendu qu'en l'absence de faute dans la résiliation du mandat de gestion, M. X. ne peut qu'être débouté de ce chef de son appel, le tribunal ayant à juste titre écarté toute faute de cette nature de la part du Crédit Mutuel ;
Sur la conclusion du prêt in fine en octobre 2002 :
Attendu que l'appelant fait valoir que le Crédit Mutuel a élaboré de façon fautive un montage à effet de levier non viable, consistant à adosser le prêt in fine au compte-titres dont la gestion lui était confiée, les liens objectifs existant entre le prêt et le compte-titres démentant l'affirmation de la banque selon laquelle ils seraient indépendants ;
qu'il soutient que c'est justement à cause des moins-values latentes enregistrées par le portefeuille en 2002, qui ne lui permettaient pas de financer son projet immobilier, que le recours au prêt a été rendu nécessaire ; qu'il reproche au Crédit Mutuel de ne l'avoir aucunement informé, ni même attiré son attention, sur le risque très grand de ne pouvoir rembourser le capital au terme du prêt in fine en lui laissant croire que l'opération présenterait une forme d'automatisme totalement sécurisé ;
que l'intimée réplique que le « montage » dénoncé par M. X. n'a pas été conseillé par la banque mais sollicité par M. X. lui-même qui en connaissait les tenants et les aboutissants pour avoir déjà pratiqué une opération du même type auprès d'un autre établissement bancaire, faisant notamment observer que le prêt litigieux avait pour objet le rachat du prêt in fine effectué au Crédit Agricole et adossé à des valeurs mobilières tenues par ce dernier établissement ; qu'elle ajoute ne pouvoir être comptable des conséquences du choix de M. X. qui a finalement préféré, dans l'espoir de valoriser son patrimoine en conservant ses placements financiers, affecter les fonds débloqués pour 122.000 euros à un achat immobilier au lieu de solder le prêt du Crédit Agricole qui n'a été remboursé qu'en 2006 ;
Attendu que M. X. a conclu le 8 octobre 2002 auprès du Crédit Mutuel un prêt in fine de 122.000 euros selon un taux d'intérêt effectif global de 5,101 %, les conditions particulières de ce prêt prévoyant que le capital s'amortira en une fois par une échéance en capital de 122.000 euros payable à la date du 20 octobre 2007 ;
que l'octroi de ce prêt a été précédé de l'étude patrimoniale effectuée par la banque en avril 2002 dont il a été question précédemment ;
qu'il ressort des mentions mêmes du contrat que le prêt est bien adossé au compte-titres dont la gestion est confiée au Crédit Mutuel et reconduite par mandat du 22 mars 2002, puisqu'il est expressément prévu à l'article 4.2 des conditions particulières que « il est convenu entre les parties qu'au terme du contrat, le prêt se remboursera par la cession des titres inscrits sous dossier n° 17XX01 et gagé au profit de la banque. L'emprunteur donne mandat pour procéder à la vente des valeurs nécessaire aux paiements des annuités », étant observé que la référence de dossier ici précisée correspond exactement au compte-titres du mandat de gestion de 2002 ; qu'ainsi la réalisation des titres n'était pas qu'un mode de remboursement du prêt parmi d'autres comme dit par le tribunal, mais bien le mode de remboursement convenu par les parties ;
que cependant l'objet du financement, tel qu'il est défini aux conditions particulières, est bien « rachat in fine Crédit Agricole » ainsi que le souligne l'intimée ;
qu'il s'ensuit que M. X., qui a déjà contracté un prêt in fine, connaissait exactement ce type de prêt et les risques qui peuvent en résulter eu égard à la nécessité de rembourser l'intégralité du capital en une fois au terme du prêt d'une durée relativement longue, d'autant qu'il n'est pas contesté que le prêt in fine du Crédit Agricole était déjà adossé à un compte-titres tenu par cet établissement ;
que ces éléments démontrent que M. X. était au fait du mécanisme d'un prêt in fine adossé à un compte-titres, de sorte qu'il invoque en vain un manquement du Crédit Mutuel aux obligations de mise en garde, d'information et de conseil auxquelles l'intimée n'était pas tenue à son égard lors de la conclusion en octobre 2002 du prêt litigieux ;
Attendu qu'il ressort des pièces versées aux débats que ce prêt in fine du Crédit Agricole portait sur un capital de 800.000 Francs soit 121.959,21 euros débloqué en juin 2001 et que ce prêt in fine n'a en réalité été remboursé que le 4 juillet 2006, le Crédit Agricole précisant dans son courrier du 14 décembre 2007 que le prêt initial a été remboursé en totalité « à la réalisation du prêt 10XX116 d'un montant de 122.000 euros. Ce nouveau prêt a été contracté pour pallier à une conjoncture boursière défavorable ne permettant pas de réaliser les titres nantis à l'origine pour assurer le remboursement du premier prêt » (cf. pièce n° 37 de l'appelant) ;
qu'il est établi que M. X. a, postérieurement à l'obtention du prêt du Crédit Mutuel, choisi de faire verser la somme de 122.000 euros ainsi débloquée à un notaire pour financer une acquisition immobilière au lieu d'employer les fonds prêtés conformément à l'objet du prêt, ce qui était susceptible, conformément aux conditions générales du contrat, de provoquer l'exigibilité immédiate et de plein droit des sommes dues prévue « si les sommes ne reçoivent pas l'emploi auquel elles sont destinées » ; que l'intimée oppose ainsi à juste titre que M. X. a tenté de « jouer sur les deux tableaux en espérant que les marchés financiers reprendraient et ainsi valoriser son patrimoine en conservant ses placements et en empruntant donc plus » ;
que cette décision, propre à M. X., détruit tout lien de causalité entre les préjudices invoqués par l'appelant et tirés du non-remboursement du prêt in fine et les fautes commises par la banque à l'occasion de la conclusion du mandat de gestion offensive ;
Sur le préjudice :
Attendu que le seul préjudice en lien direct avec les seules fautes retenues à la charge de la banque dans ses devoirs d'information et de conseil lors de la conclusion des mandats de gestion consiste dans une perte de chance, M. X. ayant en effet par les fautes du Crédit Mutuel perdu une chance, certaine et sérieuse, d'échapper par une décision peut-être plus judicieuse aux risques de perte qui se sont réalisés lors de la valorisation du compte-titres en 2007 à échéance de l'horizon convenue pour l'investissement en gestion « offensive » ;
qu'il est constant, au vu des courriers du Crédit Mutuel des 5 octobre 2007 et 20 septembre 2007, que le compte-titres était valorisé en septembre 2007 à 100.365,08 euros et que « la perte se monte par conséquent à 42.702 euros » ainsi que précisé dans le courrier du 5 octobre 2007 ;
Attendu que la réparation du préjudice consistant en une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ;
qu'au vu des éléments d'espèce, le premier juge a mésestimé la chance perdue par M. X., de sorte que pour une exacte réparation du préjudice il convient de réformer le jugement entrepris et d'allouer à l'appelant la somme de 30.000 euros à titre de dommages-et-intérêts au paiement de laquelle sera condamnée la Caisse de Crédit Mutuel de Montbard-Venarey ;
Sur les demandes reconventionnelles de la banque :
Attendu qu'il échet de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. X. à payer au Crédit Mutuel la somme de 122.000 euros au titre du prêt in fine conclu le 8 octobre 2002, les parties ne critiquant pas la décision de ce chef ;
Sur les intérêts :
Attendu que le tribunal a, par dérogation aux stipulations contractuelles, fixé le point de départ des intérêts moratoires au jour du jugement et débouté la banque de sa demande au titre des cotisations d'assurance ;
Mais attendu que le contrat de prêt prévoit expressément un taux d'intérêt conventionnel et sa majoration au cas de non-respect par l'emprunteur d'un quelconque terme de remboursement à compter de l'échéance restée en souffrance ; qu'ainsi l'intimée fait à juste titre observer qu'elle ne peut être privée de son droit aux intérêts sauf à dénaturer la convention faisant la loi des parties conformément à l'article 1134 du Code Civil ;
qu'il convient en conséquence d'accueillir sur ce point l'appel incident du Crédit Mutuel et, en réformant de ce chef la décision entreprise, de dire que la somme de 122.000 euros, au paiement de laquelle est condamné M. X., portera intérêts au taux contractuel majoré de 3 points, soit 6,50 % l'an, à compter du 20 novembre 2007 ;
que s'agissant d'intérêts dus pour au moins une année entière, il sera fait application des dispositions de l'article 1154 du Code Civil ;
Sur la clause pénale :
Attendu que par son appel incident le Crédit Mutuel réclame le paiement de la somme de 6.147,10 euros au titre de la clause pénale, le contrat de prêt prévoyant à l'article 9.3 des conditions générales que « si la banque se trouve dans la nécessité de recouvrer sa créance par les voies judiciaires ou autres, l'emprunteur aura à payer une indemnité de 5 % des montants dus » ;
Mais attendu que l'appelant oppose à juste titre qu'il a été expressément convenu entre les parties, à l'article 4.2 des conditions particulières, que « le prêt se remboursera par la cession des titres inscrits sous dossier n° 17XX01 et gagé au profit de la banque. L'emprunteur donne mandat pour procéder à la vente des valeurs nécessaires aux paiements des annuités » ;
qu'il a déjà été dit précédemment que la réalisation des titres n'était pas qu'un mode de remboursement du prêt parmi d'autres comme tend à le présenter l'intimée, mais bien le mode de remboursement convenu par les parties ;
qu'il est encore prévu à l'article 7.1des conditions particulières qu'en cas de non-paiement d'une somme exigible, « le prêteur se réserve le droit, trois jours après une mise en demeure adressée par lettre recommandée avec accusé de réception au titulaire du compte gagé, de réaliser le gage conformément aux textes en vigueur » ;
que surtout l'article 7.2 des conditions particulières précise que « le titulaire du compte gagé ne pourra pas disposer des instruments financiers ainsi que des fruits et produits inscrits respectivement » ;
Attendu qu'il s'ensuit que le Crédit Mutuel, pouvant réaliser son gage, ne se trouvait pas dans la nécessité de recouvrer sa créance par voie judiciaire de sorte que les conditions d'application de la clause pénale revendiquée par l'intimée ne sont pas réunies ; qu'il convient de débouter le Crédit Mutuel de ce chef de son appel incident et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le Crédit Mutuel de sa demande au titre de la clause pénale et en ce qu'il a ordonné la réalisation du portefeuille titres de M. X. ;
Sur les autres demandes :
Attendu qu'au vu des demandes formées par les parties et accueillies par la Cour, il convient de laisser à la charge de chacune des parties, appelante et intimée, ses propres dépens d'appel ;
Attendu que l'équité n'exige pas la mise en œuvre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :
Déclare les appels, principal et incident, réguliers en la forme ;
Dit que la Caisse de Crédit Mutuel de Montbard-Venarey a manqué à ses obligations d'information et de conseil lors de la conclusion des mandats de gestion « offensive » du portefeuille-titres de M. X. les 10 février 2000 et 22 mars 2002 ;
Dit que la Caisse de Crédit Mutuel de Montbard-Venarey n'a pas commis de faute dans l'exécution et la résiliation des dits mandats de gestion ;
Dit que la Caisse de Crédit Mutuel de Montbard-Venarey n'a pas commis de faute lors de la conclusion du prêt in fine le 8 octobre 2002, eu égard à la qualité d'emprunteur averti de M. X. ayant déjà antérieurement contracté un prêt de même nature ;
Dit que les fautes commises par la Caisse de Crédit Mutuel de Montbard-Venarey ont causé à M. X. un préjudice constitutif d'une perte de chance ;
Déboute M. X. de ses autres demandes en réparation de préjudices ;
Confirme en conséquence le jugement du Tribunal de Grande Instance de Dijon en date du 2 janvier 2012 en ce qu'il a retenu le principe de la responsabilité de la Caisse de Crédit Mutuel de Montbard-Venarey envers M. X. ;
Réforme le jugement entrepris, sur le montant des dommages-et-intérêts alloués à M. X., en ce qu'il a condamné la Caisse de Crédit Mutuel de Montbard-Venarey à payer à M. X. la somme de 25.000 euros à titre de dommages-et-intérêts ;
Statuant à nouveau dans cette limite :
Condamne la Caisse de Crédit Mutuel de Montbard-Venarey à payer à M. X. la somme de 30.000 euros à titre de dommages-et-intérêts ;
Confirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de Dijon en date du 2 janvier 2012 en ce qu'il a :
- condamné M. X. à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de Montbard-Venarey la somme de 122.000 euros au titre du remboursement du prêt du 8 octobre 2002,
- débouté la Caisse de Crédit Mutuel de Montbard-Venarey de sa demande en paiement au titre de la clause pénale,
- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1154 du Code Civil,
- ordonné la réalisation du portefeuille titres de M. X.,
- condamné la Caisse de Crédit Mutuel de Montbard-Venarey à payer M. X. la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile,
- condamné la Caisse de Crédit Mutuel de Montbard-Venarey aux dépens et fait application de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;
Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts au taux contractuel dus sur la somme de 122.000 euros à compter du jour du jugement, et statuant à nouveau dans cette limite :
Dit que la somme de 122.000 euros, au paiement de laquelle est condamné M. X. au titre du remboursement du prêt du 8 octobre 2002, porte intérêts au taux contractuel majoré, soit 6,50 % l'an, à compter du 20 novembre 2007 ;
Ajoutant au jugement entrepris :
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile à hauteur de Cour ;
Déboute les parties de leurs plus amples prétentions ;
Laisse à la charge de chacune des parties appelante et intimée ses propres frais et dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 6024 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des prérogatives - Inégalité
- 6042 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Contraintes d’exécution - Professionnel - Possibilité de l’exécution
- 6641 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Bourse et services financiers