CA RIOM (ch. com.), 18 juin 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4838
CA RIOM (ch. com.), 18 juin 2014 : RG n° 13/01093
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Le choix des époux X. de ne pas solliciter la résiliation du contrat à l'issue des 22 semaines ne les prive pas du droit de demander l'indemnisation du préjudice subi du fait d'un retard de livraison du véhicule. Au-delà du terme, deux options s'ouvraient au mandant, soit la résiliation, soit la prorogation du contrat jusqu'à la livraison avec retard du véhicule, ouvrant droit pour le client au paiement d'une indemnité de retard. Contrairement à ce qui est soutenu par la société AUTO IES, celle-ci s'est bien engagée à livrer un véhicule dans un délai donné. Le principe du versement d'une indemnité de retard vaut reconnaissance d'une inexécution fautive du mandat ; le mandataire est certes soumis aux contraintes de ses fournisseurs et des constructeurs de véhicules, ce qui implique que la durée du mandat de recherche prenne en compte cette contrainte, mais à aucun moment, il n'est fait référence à un délai de livraison qui ne serait qu'indicatif. »
2/ « L'article 7 du contrat limite l'indemnisation du mandant à la somme de 150 euros TTC. Elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Au regard des dispositions de l'article R. 132-1 du code de la consommation, selon lesquelles : « dans les contrats conclus entre des professionnels et des non professionnels ou consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives au sens des dispositions de l'article L. 132-1 et dès lors interdites, les clauses ayant pour effet de : 6° supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le non professionnel ou le consommateur en cas de manquement par le professionnel à une de ses obligations », l'article 7 constitue une clause abusive qui ne peut recevoir application. »
COUR D’APPEL DE RIOM
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 18 JUIN 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/01093. Sur APPEL d'une décision rendue le 21 janvier 2013 par le Tribunal de grande instance de Cusset.
ENTRE :
M. X.
Mme Y. épouse X.
APPELANTS ayant pour représentant : Maître Michel-Antoine SIBIAUD, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
ET :
SAS IES
RCS de Cusset n° 449 XX ; Représentants : Maître Cyril LAURENT, avocat au barreau de LYON - Maître Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMÉ
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré de : M. Claude ANDRIEUX, Président, Mme Chantal JAVION, Conseillère, Mme Martine MILLERAND, Conseillère,
lors des débats et du prononcé : Mme Carine CESCHIN, Greffière
DÉBATS : Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, à l'audience publique du 10 avril 2014, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Mme Millerand, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et à l'audience publique de ce jour, l'arrêt dont la teneur suit a été prononcé publiquement conformément aux dispositions de l'article 452 du code de procédure civile :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 9 avril 2010, les époux X. ont donné mandat à la SAS AUTO IES de rechercher en leur nom un véhicule automobile neuf de type AUDI Q5 pour le prix de 41.448 euros TTC.
Le mandat était valable pour une période de 22 semaines à compter de sa réception par la société IES, soit jusqu'au 10 septembre 2010.
La livraison du véhicule n'est intervenue que le 1er août 2011.
Les époux X. sollicitaient de la société AUTO IES une indemnisation du préjudice subi du fait du retard de livraison, puis assignaient leur cocontractant faute d'accord amiable.
Par jugement du 21 janvier 2013, le tribunal de grande instance de CUSSET a :
- débouté Monsieur et Madame X. de l'ensemble de leurs demandes,
- débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum Monsieur et Madame X. aux dépens.
Les époux X. ont interjeté appel de ce jugement le 8 avril 2013.
Aux termes de leurs conclusions du 30 octobre 2013, Monsieur et Madame X. demandent au visa des articles L. 114-1, L. 111-1 alinéa 3, L. 121-20-1, L. 132-1 du code de la consommation [N.B. minute jurica L. 131-1], 1134, 1615, 1991, 1992 du code civil de :
- réformer le jugement entrepris,
- dire que le retard de livraison est déraisonnable et qu'il ressort de la seule responsabilité de la société AUTO IES,
- dire que la clause visée à l'article 7 du contrat est abusive,
- en conséquence, dire la somme de 150 euros prévue au contrat insatisfactoire en réparation des dommages subis par les époux X.,
- dire qu'ils sont fondés à réclamer la réparation intégrale de leurs préjudices du fait du retard de livraison,
- condamner la société AUTO IES à payer aux époux X. les sommes de :
* 4.000 euros en raison de l'exécution déraisonnablement tardive,
* 7.871,50 euros au titre du préjudice matériel,
* 40.000 euros au titre du trouble de jouissance,
* 2.500 euros au titre du retard dans la délivrance de la notice du GPS en français,
* 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la société AUTO IES de ses demandes,
- condamner la société AUTO IES aux dépens.
Ils soutiennent que la société AUTO IES n'a pas respecté le délai auquel elle s'était engagée, que le mandataire répond de ses fautes de gestion, que le délai de livraison n'étant pas raisonnable, le mandataire est tenu de réparer le préjudice subi, que la clause qui limite l'indemnisation du mandant en cas de retard de livraison à 150 euros est une clause abusive, que la réparation de leur préjudice doit être intégrale.
Par conclusions du 4 septembre 2013, la société AUTO IES demande de :
- confirmer le jugement entrepris,
- débouter les époux X. de leurs demandes, l'existence d'une faute contractuelle n'étant pas démontrée,
- à titre incident, les condamner à payer à la société AUTO IES la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La société AUTO IES fait valoir qu'aucune date ferme de livraison n'était prévue, et qu'à l'issue du délai de 22 semaines, les époux X. n'ont pas fait usage de la faculté de résiliation qui leur était offerte, que le contrat de mandat a été prorogé tacitement par les parties, qu'elle a tenu les époux X. informés des difficultés d'approvisionnement, qu'elle n'était tenue que d'une obligation de moyens et qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat, et que le mandat confié a bien été exécuté.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
Vu l'ordonnance de clôture du 6 mars 2014.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION :
Sur l'exécution du mandat de recherche :
Au terme du contrat en date du 9 avril 2010, les époux X. ont donné mandat à la société AUTO IES pour l'achat en leur nom d'un véhicule de marque AUDI originaire de l'Union Européenne.
Le mandat était valable pour une durée de 22 semaines.
Selon l'article 7 du contrat, AUTO IES s'engage à livrer le véhicule dans le délai maximum indiqué sur le mandat. Si le véhicule n'était pas livrable au-delà de ce délai, le client serait en droit de demander l'annulation du mandat, et le remboursement de la provision par une mise en demeure de livrer le véhicule commandé sous 15 jours par courrier... Si 15 jours après réception du courrier, le véhicule n'était pas livrable la provision serait restituée... Néanmoins, si le mandant maintenait sa commande au-delà des 15 jours de retard et jusqu'à livraison du véhicule, AUTO IES s'engage à rembourser au client après la livraison, la somme de 150 euros TTC à l'exclusion de toute autre indemnité.
Le choix des époux X. de ne pas solliciter la résiliation du contrat à l'issue des 22 semaines ne les prive pas du droit de demander l'indemnisation du préjudice subi du fait d'un retard de livraison du véhicule.
Au-delà du terme, deux options s'ouvraient au mandant, soit la résiliation, soit la prorogation du contrat jusqu'à la livraison avec retard du véhicule, ouvrant droit pour le client au paiement d'une indemnité de retard.
Contrairement à ce qui est soutenu par la société AUTO IES, celle-ci s'est bien engagée à livrer un véhicule dans un délai donné. Le principe du versement d'une indemnité de retard vaut reconnaissance d'une inexécution fautive du mandat ; le mandataire est certes soumis aux contraintes de ses fournisseurs et des constructeurs de véhicules, ce qui implique que la durée du mandat de recherche prenne en compte cette contrainte, mais à aucun moment, il n'est fait référence à un délai de livraison qui ne serait qu'indicatif.
Or le retard de livraison a été anormalement long, et la date de livraison reportée à la semaine du 28 mars au 1er avril 2011, puis au mois de mai, en juillet, avant d'intervenir le 1er août 2011, n'a pas été justifiée par la société AUTO IES.
En application des articles 1991 et 1992 du code civil, le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution, il répond des fautes qu'il commet dans sa gestion.
La responsabilité contractuelle de la société AUTO IES est engagée pour avoir exécuté son mandat dans un délai anormalement long.
Sur l'indemnisation contractuelle :
L'article 7 du contrat limite l'indemnisation du mandant à la somme de 150 euros TTC. Elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Au regard des dispositions de l'article R. 132-1 du code de la consommation, selon lesquelles :
« dans les contrats conclus entre des professionnels et des non professionnels ou consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives au sens des dispositions de l'article L. 132-1 et dès lors interdites, les clauses ayant pour effet de :
6° supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le non professionnel ou le consommateur en cas de manquement par le professionnel à une de ses obligations »,
l'article 7 constitue une clause abusive qui ne peut recevoir application.
Les époux X. sont fondés à solliciter la réparation intégrale de leur préjudice.
Sur l'indemnisation du préjudice subi :
Le retard de livraison a privé les époux X. de la jouissance du véhicule attendu pendant 11 mois, leur préjudice au titre de la privation de jouissance sera estimé à la somme de 2.500 euros incluant l'indemnisation sollicitée au titre de l'exécution anormalement tardive qu'il n'y a pas lieu de dissocier.
Pour chiffrer leur préjudice matériel à la somme de 7.871,50 euros, les époux X. qui disposaient de deux véhicules exposent qu'ils ont fait le choix de se séparer de leur véhicule Mercedes dès le mois de mai 2010, qu'ils ont acheté un autre véhicule et vendu celui de Madame X., et qu'ils ont loué à leur fille un véhicule que celle-ci souhaitait mettre en vente.
Le préjudice n'est indemnisable que s'il est certain, direct, et en lien avec le retard de livraison ; les choix faits par les époux X. et ce pour la vente du véhicule MERCEDES en mai 2010 et la commande d'un nouveau véhicule en juillet 2010, avant même la fin du délai de 22 semaines fixé pour l'exécution du mandat expirant en septembre 2010, ne remplissent pas ces conditions ; la demande des époux X. au titre du préjudice matériel sera rejetée.
Sur le retard dans la délivrance de la notice d'utilisation en français du GPS :
Le contrat prévoit en son article 16 que la notice d'utilisation est fournie en langue étrangère, une notice en langue française étant proposée en option ; les époux X. ne justifient pas avoir opté pour une notice en français, qui leur a été finalement délivrée par la société AUTO IES ; le jugement du 21 janvier 2013 sera confirmé en ce que les époux X. ont été déboutés de leur demande.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La SAS AUTO IES sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Elle sera déboutée de sa demande en paiement de frais irrépétibles.
La société AUTO IES sera condamnée à payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort et après en avoir délibéré ;
Confirme le jugement rendu le 21 janvier 2013 par le tribunal de grande instance de CUSSET en ce qu'il a débouté les époux X. de leur demande de dommages-intérêts pour non remise de la notice en français du GPS ;
Infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau ;
Dit que la clause prévue à l'article 7 du contrat limitant l'indemnisation du mandant est abusive et réputée non écrite ;
Condamne la SAS AUTO IES à payer à Monsieur X. et Madame Y. épouse X. la somme de 2.500 euros au titre du retard de livraison et du préjudice de jouissance ;
Condamne la SAS AUTO IES à payer à Monsieur X. et Madame Y. épouse X. la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les époux X. du surplus de leurs demandes ;
Déboute la SAS AUTO IES de sa demande en paiement de frais irrépétibles ;
Condamne la SAS AUTO IES aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier, Le président,
C. Ceschin C. Andrieux
- 6114 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du professionnel - Clauses limitatives et exonératoires - Droit postérieur au décret du 18 mars 2009 (R. 212-1-6° C. consom.)
- 6120 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du consommateur - Clauses pénales ou d’indemnité forfaitaire - Principes
- 6424 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Mandat