CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 3 juillet 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4850
CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 3 juillet 2014 : RG n° 12/21446
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Les conditions générales du contrat de déménagement conclu le 2 juillet 2010 par M. X. et acceptées par lui précisent à l'article 5 que « afin de déterminer la responsabilité de l'entreprise en cas de perte ou d'avarie au mobilier confié et de fixer les indemnités auxquelles il peut prétendre, il appartient obligatoirement au client de déclarer la valeur individuelle des objets ou ensemble d'objets confiés à l'entreprise », à l'article 11 que « L'entreprise est responsable dans les conditions prévues ci-après de la perte totale ou partielle de l'avarie ou du retard qui se produit au cours des opérations effectuées pour l'exécution du contrat de déménagement » et à l'article 17 que « L'indemnisation des dommages intervient en fonction de la valeur du mobilier telle que définie à l'article 5, elle s'applique dans les conditions et limites ci-après, sans pouvoir toutefois excéder la valeur réelle du préjudice matériel ».
La combinaison de ces clauses n'aboutit pas, contrairement à ce que soutient M. X., à ce que la société de déménagement puisse ne pas livrer la chose, lorsque les dommages l'ont rendue inutilisable, mais seulement à limiter l'indemnisation à la valeur déclarée par le bénéficiaire du transport lui même, ce qu'il appartenait à M. X. de faire à de justes proportions, sans que sa qualité de non professionnel du déménagement ait à cet égard un rôle quelconque. Elles n'ont donc pas pour effet de réduire le droit à réparation du non-professionnel ou consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations et n'introduisent pas un déséquilibre entre les parties justifiant qu'elles soient réputées non écrites en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation. »
2/ « Les sociétés AGS et Sofdi contestent le montant de la condamnation prononcée par le tribunal et soutiennent à ce sujet que le devis de transport précisait qu'en cas d'avarie, il était convenu qu'un abattement de vétusté serait appliqué. Toutefois, si le devis produit précise bien qu'en cas d'avarie un tel abattement sera appliqué selon l'âge, le kilométrage et l'état du véhicule, cette clause ne précise pas le coefficient de cet abattement et il ne peut, dans ces conditions, être opposé à M. X. Par ailleurs, l'indemnisation évaluée par le tribunal à 1.000 euros est justifiée au regard du montant des dommages évalué par l'expert commis par la société AGS à la somme de 1.017,96 euros. Il convient en revanche d'en déduire la somme de 70 euros au titre de la franchise, expressément mentionnée sur le devis accepté par M. X.
En outre, si l'article 11 des conditions générales du contrat exclut la responsabilité du déménageur en cas de dommages inhérents à l'humidité atmosphérique, la société AGS ne démontre pas que les dommages aient été causés par l'humidité atmosphérique. Il est, de plus, sans portée que M. X. ait rempli le questionnaire de satisfaction sans y inscrire de remarque particulière, dès lors que ce questionnaire n'est pas daté et que la société n'a pas contesté avoir été informée des avaries dans les délais adéquats. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 5
ARRÊT DU 3 JUILLET 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/21446 (6 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 octobre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - 5ème chambre 2ème section - R.G. n° 11/17238.
APPELANT :
Monsieur X.
demeurant [adresse], Représenté par Maître Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
INTIMÉES :
SARL AGS MARTINIQUE
prise en la personne de son représentant légal en exercice, ayant son siège social [adresse]
SAS SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE DÉMÉNAGEMENT INTERNATIONAL - SOFDI
prise en la personne de son représentant légal en exercice, ayant son siège social [adresse], Représentées par Maître Xavier DE RYCK de l'AARPI ASA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R018
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 9 avril 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère faisant fonction de Présidente, chargée du rapport et Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Colette PERRIN, Présidente, Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère, Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Emmanuelle DAMAREY
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Madame Emmanuelle DAMAREY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
M. X. a conclu le 9 juillet 2010 avec la société AGS Martinique (la société AGS) un contrat de transport par voie maritime pour son déménagement de la Martinique à [ville M.] en métropole. Au cours du transport son véhicule automobile qui faisait partie du chargement a été endommagé. La société Bureau de souscription d'assurance (la société BSA), assureur de la société AGS lui a adressé un chèque de 515,34 euros à titre de réparation de son préjudice.
Estimant cette somme insuffisante au regard de l'étendue de ses préjudices, M. X. a, par acte du 18 août 2011, fait assigner la société AGS Martinique, la société Française de déménagement international (la société SOFDI) qui avait réalisé le transport et la société BSA, afin que les sociétés AGS Martinique et SOFDI soient condamnées solidairement à lui payer la somme de 22.760,51 euros à titre de réparation et que la société BSA soit condamnée à en garantir le paiement.
Par jugement en date du 25 octobre 2012, le tribunal de grande instance de Paris a :
- condamné in solidum les sociétés AGS Martinique et SOFDI à payer à M. X. :
* 1.000 euros au titre de l'avarie, dont à déduire 515,34 euros déjà versés sous réserve d'encaissement, avec intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2011,
* 1.500 euros au titre de la privation de jouissance induite,
* 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- prononcé la capitalisation des intérêts,
- rejeté toutes autres demandes,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement
Vu l'appel interjeté par M. X. contre cette décision le 27 novembre 2012
Vu les dernières conclusions, signifiées le 27 février 2013, par lesquelles M. X. demande à la cour de :
- recevoir M. X. en ses présentes demandes, et l'y déclarer bien fondé,
- dire et juger comme non-écrite la clause limitative de responsabilité stipulée aux termes des conditions générales du contrat liant les parties aux présentes,
- réformer le jugement déféré de ce chef et statuant de nouveau,
- dire et juger les sociétés AGS Martinique et SOFDI solidairement responsables des avaries constatées sur le véhicule appartenant à M. X.,
- constater la reconnaissance par la société SOFDI et la société Bureau de Souscription d'Assurances de leur responsabilité dans les avaries causées au véhicule de M. X.,
- dire et juger solidairement responsables les sociétés AGS Martinique et SOFDI des dommages causés au préjudice de M. X.,
- ordonner la garantie de la société Bureau de Souscription d'Assurances pour la réparation du préjudice causé à M. X. par la société SOFDI,
En conséquence,
- condamner solidairement les sociétés AGS Martinique et SOFDI au paiement d'une somme de 22.760,51 euros auprès de M. X. en réparation du préjudice subi par ce dernier, avec intérêts à compter du 6 mai 2010 et capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1154 du code civil,
- condamner la société Bureau de Souscription d'Assurances à relever et garantir auprès de M. X. les sociétés SOFDI et AGS Martinique du paiement du montant total de la condamnation précitée,
- condamner solidairement les sociétés SOFDI, AGS Martinique et Bureau de Souscription d'Assurances à payer à M. X. une somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
M. X. soutient que la clause limitative de responsabilité à la valeur déclarée au contrat est abusive, d'une part, parce qu'elle a créé un déséquilibre significatif entre les parties en permettant à la société AGS d'échapper à son obligation de délivrance d'une chose conforme, d'autre part, parce qu'il est certain que la valeur du véhicule qu'il a indiquée, alors qu'il n'est pas un professionnel, ne pouvait être qu'indicative.
Il fait valoir que le préjudice qu'il a subi doit être réparé en son entier, tel qu'il a été estimé par l'expert mandaté par lui, et non par celui mandaté par la société BSA, après que celle-ci eût confié, sans explication, le véhicule à un garage, ce qui a d'ailleurs eu pour conséquence qu'aujourd'hui le véhicule est destiné à la casse.
Vu les dernières conclusions, signifiées le 24 avril 2013, par lesquelles les sociétés AGS Martinique et SOFDI demandent à la cour de :
- déclarer hors de cause la société Bureau de Souscription d'Assurances,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les sociétés AGS Martinique et SOFDI à payer à M. X. les sommes de :
* 1.000 euros au titre de l'avarie, dont à déduire la somme de 515,34 euros déjà versée (sous réserve d'encaissement),
* 1.500 euros au titre de la privation de jouissance induite,
* 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter M. X. de l'intégralité de ses fins, demandes et conclusions,
- condamner M. X. à payer aux sociétés AGS Martinique et SOFDI une somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile
Les sociétés intimées opposent que la société BSA doit être déclarée hors de cause, car l'appel interjeté par M. X. ne l'a été qu'à l'encontre des sociétés AGS Martinique et SOFDI.
Elles soutiennent que la clause limitative de responsabilité à la valeur déclarée n'est pas abusive même si la valeur du bien est supérieure à celle déclarée, et que cette clause figure sur la majorité des contrats de déménagement en France.
Elles contestent leur condamnation en première instance, qui ne tient compte ni de l'application d'un coefficient de vétusté qui était applicable en l'espèce, ni de la franchise contractuelle qui était mentionnée sur le devis contractuel accepté par M. X.
Les intimées font encore valoir que les conditions générales de déménagement acceptées par M. X. excluent leur responsabilité pour des dommages inhérents à l'humidité atmosphérique ou les dommages affectant un dispositif mécanique, électrique ou électronique. Elles ajoutent que les frais allégués au titre du rapport d'expertise initié par M. X. sont soit injustifiés, soit exclus de l'indemnisation du fait des clauses contractuelles qu'il a acceptées, notamment, en ce qui concerne le préjudice de privation de jouissance qui a été réparé à tort par le tribunal.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée, ainsi qu'aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la mise hors de cause de la société BSA :
M. X. ne conteste pas que l'appel qu'il a interjeté n'a pas été formé contre la société BSA, ainsi que le relèvent les intimées. Celles-ci sont donc fondées à soutenir que la société BSA qui n'a pas été appelée en cause d'appel ne pourra se voir condamnée à « relever et garantir auprès de M. X. les sociétés SOFDI et AGS Martinique du paiement du montant total de la condamnation » qui pourrait être prononcée contre elles, de même qu'au paiement d'une somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Ces demandes seront donc déclarées irrecevables.
Sur le caractère abusif de la clause limitative de responsabilité civile contenue dans les conditions générales du contrat :
Les conditions générales du contrat de déménagement conclu le 2 juillet 2010 par M. X. et acceptées par lui précisent à l'article 5 que « afin de déterminer la responsabilité de l'entreprise en cas de perte ou d'avarie au mobilier confié et de fixer les indemnités auxquelles il peut prétendre, il appartient obligatoirement au client de déclarer la valeur individuelle des objets ou ensemble d'objets confiés à l'entreprise », à l'article 11 que « L'entreprise est responsable dans les conditions prévues ci-après de la perte totale ou partielle de l'avarie ou du retard qui se produit au cours des opérations effectuées pour l'exécution du contrat de déménagement » et à l'article 17 que « L'indemnisation des dommages intervient en fonction de la valeur du mobilier telle que définie à l'article 5, elle s'applique dans les conditions et limites ci-après, sans pouvoir toutefois excéder la valeur réelle du préjudice matériel ».
La combinaison de ces clauses n'aboutit pas, contrairement à ce que soutient M. X., à ce que la société de déménagement puisse ne pas livrer la chose, lorsque les dommages l'ont rendue inutilisable, mais seulement à limiter l'indemnisation à la valeur déclarée par le bénéficiaire du transport lui même, ce qu'il appartenait à M. X. de faire à de justes proportions, sans que sa qualité de non professionnel du déménagement ait à cet égard un rôle quelconque. Elles n'ont donc pas pour effet de réduire le droit à réparation du non-professionnel ou consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations et n'introduisent pas un déséquilibre entre les parties justifiant qu'elles soient réputées non écrites en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation.
Sur l'appel incident :
Les sociétés AGS et Sofdi contestent le montant de la condamnation prononcée par le tribunal et soutiennent à ce sujet que le devis de transport précisait qu'en cas d'avarie, il était convenu qu'un abattement de vétusté serait appliqué. Toutefois, si le devis produit précise bien qu'en cas d'avarie un tel abattement sera appliqué selon l'âge, le kilométrage et l'état du véhicule, cette clause ne précise pas le coefficient de cet abattement et il ne peut, dans ces conditions, être opposé à M. X. Par ailleurs, l'indemnisation évaluée par le tribunal à 1.000 euros est justifiée au regard du montant des dommages évalué par l'expert commis par la société AGS à la somme de 1.017,96 euros. Il convient en revanche d'en déduire la somme de 70 euros au titre de la franchise, expressément mentionnée sur le devis accepté par M. X.
En outre, si l'article 11 des conditions générales du contrat exclut la responsabilité du déménageur en cas de dommages inhérents à l'humidité atmosphérique, la société AGS ne démontre pas que les dommages aient été causés par l'humidité atmosphérique. Il est, de plus, sans portée que M. X. ait rempli le questionnaire de satisfaction sans y inscrire de remarque particulière, dès lors que ce questionnaire n'est pas daté et que la société n'a pas contesté avoir été informée des avaries dans les délais adéquats.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de réformer le jugement en ce qu'il a condamné les sociétés AGS et Sofdi à payer à M. X. la somme de 1.000 euros au titre de l'avarie, dont à déduire 515,34 euros déjà versés sous réserve d'encaissement, avec intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2011 et de réduire la condamnation à 930 euros en raison de la déduction de la franchise de 70 euros précitée.
Par ailleurs, si ainsi que le font observer les sociétés AGS et Sofdi, les conditions générales du contrat ne prévoient pas d'indemnisation des préjudices immatériels, celles-ci ne l'excluent pas non plus, alors même qu'une telle obligation d'indemnisation relève de la responsabilité contractuelle des deux sociétés qui n'en contestent pas le principe. C'est, dans ces conditions, à juste titre que le tribunal les a condamnées à verser à M. X. la somme de 1.000 euros au titre de la privation de jouissance du véhicule.
Sur les frais irrépétibles :
Compte tenu de l'ensemble des éléments qui précèdent, il n'y a pas lieu de prononcer de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
DÉCLARE irrecevables les demande de M. X. visant la société Bureau de souscription d'assurance ;
CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés AGS Martinique et SOFDI à payer à M. X. 1.000 euros au titre de l'avarie,
Statuant à nouveau de ce chef,
CONDAMNE in solidum les sociétés AGS Martinique et SOFDI à payer à M. X. la somme de 930 euros au titre de l'avarie dont à déduire 515,34 euros déjà versés sous réserve d'encaissement, avec intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2011 ;
DIT n'y avoir lieu à condamnation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes demandes autres, plus amples ou contraires des parties ;
DIT que chaque partie supportera les dépens exposés par elle dans le cadre du présent appel.
Le Greffier La Présidente
E. DAMAREY C. PERRIN
- 6114 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du professionnel - Clauses limitatives et exonératoires - Droit postérieur au décret du 18 mars 2009 (R. 212-1-6° C. consom.)
- 6465 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Transport - Transport de déménagement (5) - Responsabilité du professionnel
- 6467 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Transport - Transport de déménagement (7) - Prescription et litiges