CA NÎMES (1re ch. civ.), 7 septembre 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 4878
CA NÎMES (1re ch. civ.), 7 septembre 2017 : RG n° 15/04471
Publication : Jurica
Extrait : « M. X. soutient que cette prescription annale ne lui serait pas opposable puisqu'il n'a pas eu connaissance des conditions générales qu'il n'a pas signées et qu'en toute hypothèse ces dispositions de l'article 15 seraient abusives. Le devis de l'entreprise Astral est établi sur son papier à entête commerciale qui la présente comme une entreprise de déménagement. Mais il indique être établi pour un déménagement opéré de [ville Q.] à la [ville M.] et comprenait une prestation de transport rendant ainsi l'action de M. X. soumise au délai de prescription d'un an à compter de la livraison. Cette application de la prescription annale ne saurait être considérée comme abusives puisqu'elle découle de la loi, la discussion sur la validité et l'opposabilité des conditions générales étant inopérante. »
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE - PREMIÈRE CHAMBRE
ARRÊT DU 7 SEPTEMBRE 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/04471. TRIBUNAL D'INSTANCE DE PERTUIS, 10 septembre 2015 : RG :11-14-000441.
APPELANTE :
Société BALOISE BELGIUM précédemment dénommée MERCATOR
société de droit belge prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis en [...], et pour les besoins de l'instance en France, Chez la SAS MARSH, Représentée par Maître Anne C. de la SCP C. ANNE AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de NIMES, Représentée par Maître Fabrice R., Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉ :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], Représenté par Maître Michel D. de la SCP D. ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 27 avril 2017
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Mme Sylvie BLUME, Président, et Mme Anne-Marie HEBRARD, Conseiller, ont entendu les plaidoiries en application de l'article 786 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Sylvie BLUME, Président, Mme Anne-Marie HEBRARD, Conseiller, Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseiller
GREFFIER : Mme Terkia AOUAMRIA, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS : à l'audience publique du 9 mai 2017, où l'affaire a été mise en délibéré au 4 juillet 2017 ; Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé et signé par Mme Sylvie BLUME, Président, publiquement, le 4 juillet 2017, par mise à disposition au greffe de la Cour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Exposé du litige :
M. X. a confié à la société Astral le soin d'organiser le déménagement de ses meubles au départ de [ville Q.] à destination de [ville M.] selon devis accepté le 20 juillet 2012.
La livraison du mobilier est intervenue le 18 décembre 2012 avec réserves, des dommages ayant été constatés sur vingt meubles.
Ces réserves ont été inscrites de manière manuscrite sur une annexe de la lettre de voiture de livraison.
Par courrier en date du 26 décembre 2012, M. X. a confirmé ces réserves et fait état de diverses pertes et avaries concernant six meubles supplémentaires : aspirateur, lit, secrétaire, escabeau, carabine, canne à pêche.
Cette mise en demeure a été réitérée par lettres recommandées avec AR des 31 décembre 2012 et 12 janvier 2013 constatant les dommages sur des meubles supplémentaires.
Par acte du 9 octobre 2013, M. X. a fait citer la société Astral devant le Président du tribunal de grande Instance d'Avignon statuant en matière de référé aux fins d'entendre désigner un expert judiciaire.
Par acte du 28 novembre 2013, M. X. a fait citer aux même fins devant la même Juridiction, Maître D. en qualité d'administrateur judiciaire de la société Astral, ainsi que la société Allianz assureur de la société Astral. La société Baloise Belgium et les autres co-assureurs de la responsabilité contractuelle de la société Astral sont intervenus volontairement à l'instance.
Le dépôt du rapport d'expertise définitif est intervenu le 5 mai 2014.
Sur la base de ce rapport et à défaut d'accord amiable, par acte du 28 novembre 2014, M. X. a fait citer devant le tribunal d'instance de Perthuis la société Baloise Belgium aux fins de l'entendre condamner conjointement et solidairement avec la société Astral au paiement de la somme principale de 5.795 euros en réparation de son préjudice.
Le Tribunal d'Instance de Pertuis le 10 septembre 2015 a jugé irrecevables les demandes de M. X. à l'encontre de la société Astral pour absence de mise en cause des organes de la procédure collective, écarté la fin de non-recevoir soutenue par la société Baloise Belgium et condamné celle-ci au bénéfice de l'exécution provisoire au paiement de la somme principale de 5.670 euros, outre 1.000 euros au titre des frais irrépétibles.
La société Baloise Belgium a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées, la société Baloise Belgium sollicite de la Cour qu'elle infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris et déboute M. X. de l'ensemble de ses demandes.
Subsidiairement, elle demande à la cour de limiter la demande de M. X. à la somme de 618 euros. En tout état de cause de condamner M. X. au paiement de la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles afférents aux deux instances et au suivi de la procédure d'expertise judiciaire ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Anne C.
Elle conclut à l'irrecevabilité de l'action intentée par Monsieur X. pour cause de prescription et fait valoir que l'action de Monsieur X. est soumise au délai de prescription d'un an énoncé à l'article L. 133-9 du code de commerce dans la mesure où elle est intentée à l'encontre d'une entreprise de déménagement et que la prestation objet du contrat comprenait pour partie une prestation de transport. Elle souligne également que l'application de ce délai est confirmée à l'article 15 des conditions générales du contrat.
Elle indique ainsi que :
- la prescription n'a pas été interrompue par l'assignation en référé délivrée le 9 octobre 2013 à la société Astral car celle-ci est irrégulière sur le fondement de l'article L. 641-9 du code de commerce, cette dernière étant à cette date en liquidation judiciaire.
- la prescription a été suspendue par l'assignation en référé délivrée à Maître D. jusqu'au dépôt du rapport d'expertise le 5 mai 2014.
- l'article 2239 du code civil institue un délai de six mois après le rapport d'expertise de sorte que l'assignation introductive d'instance délivrée à la société Astral en date du 28 novembre 2014 est tardive.
- la prescription n'a pas pu être interrompue conformément aux dispositions de l'article 2240 du code civil puisque la société Astral n'a jamais reconnu le droit du réclamant et indique à ce titre qu'il est de jurisprudence constante que l'acceptation des réserves du destinataire ne vaut pas reconnaissance du droit du réclamant.
Elle conclut également à la prescription de l'action directe intentée à l'encontre de l'assureur sur le fondement de l'article L. 114-1 du code des assurances.
Subsidiairement, elle soutient que la réclamation de Monsieur X. ne peut prospérer que pour les 20 meubles qui ont fait l'objet de réserves sur la lettre de voiture de livraison, les autres réclamations se heurtent à la présomption de livraison conforme. L'article L. 121-95 du code de la consommation prévoit que l'envoi d'une lettre recommandée de contestation postérieurement à la livraison a pour seul effet d'empêcher l'extinction de l'action pour cause de forclusion mais ne permet pas de rendre imputable au transporteur les dommages allégués.
Elle souligne que l'article 16 des conditions générales de vente oblige le client à émettre dès la livraison, en présence des représentants de l'entreprise des réserves écrites, de sorte qu'en l'absence de contrôles des mobiliers par le client au moment de la livraison, la réception de ces derniers est réputée conforme.
Enfin elle rappelle que l'expertise a eu lieu plus d'un an après la livraison et ne saurait ainsi constituer la preuve du dommage allégué par Monsieur X.
Pour elle c'est donc à tort que Monsieur X. réclame une indemnité correspondant à la valeur qu'il a déclaré sur la déclaration de valeur et considère que le déménageur ne doit réparer que le préjudice justifié dans la limite de la valeur déclarée et le mécanisme de déclaration de valeur ne constitue pas un mécanisme abusif.
Dans ses dernières conclusions, Monsieur X. sollicite de la Cour qu'elle rejette la fin de non-recevoir du chef de prescription soulevée par l'appelante et déclare Astral.
Déménagement responsable du préjudice subi par le demandeur, avec garantie de son assureur et juge que son préjudice s'élève à la somme de 5.795 euros.
Il demande la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a condamné sa compagnie d'assurance la société LA BALOISE BELGIUM à payer à Monsieur X. la somme de 5.795 euros en réparation de son préjudice matériel, et sollicite la condamnation en outre de l'appelante au paiement d'une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.
Il fait valoir qu'il remplit toutes les conditions d'engagement de la responsabilité du transporteur contractuellement prévues.
Il soutient que la prescription de l'article L. 133-9 invoquée par la société appelante ne figure pas au contrat de sorte qu'elle n'est pas opposable au client qui doit se voir appliquer le délai de prescription de droit commun prévu à l'article 2224 du code civil.
Il indique que le transporteur a reconnu sa responsabilité puisqu'il a accepté les termes des réserves émises par le client en portant sur le formulaire correspondant sa signature, le cachet de l'entreprise et la mention « accord avec le client ».
Il soutient que la présomption de livraison conforme est renversée par la liste des réserves acceptée par le transporteur jointe à la lettre de voiture le jour de la livraison ainsi que par les lettres émises par Monsieur X. dans le délai de 10 jours contractuellement prévu à compter de la livraison.
Il doit ainsi être indemnisé du montant de la valeur qu'il a déclaré.
Il considère enfin que le mécanisme de la déclaration de valeur est abusif en l'état des dispositions de la recommandation n° 82-02 de la commission des clauses abusives.
La clôture de l'instruction est en date du 27 avril 2017.
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs de la décision :
Sur la prescription :
L'appelante critique le jugement déféré en ce qu'il a écarté la prescription de l'action directe de M. X. contre l'assureur de la SARL Baloise Belgium en invoquant la reconnaissance des faits et de sa responsabilité par l'entreprise de déménagement alors même que la mention « d'accord avec le client » apposée sur la lettre de voiture ne peut constituer une reconnaissance du droit du réclamant interruptive de prescription.
Il est exact que la reconnaissance du dommage ne vaut pas reconnaissance de la responsabilité et que dès lors, la mention « d'accord avec le client » ne peut être retenue comme une cause interruptive de prescription.
La prescription annale de l'article L. 133-6 du code de commerce spécifique aux contrats de transport s'applique depuis la loi du 8 décembre 2009 aux contrats de déménagement dès lors que la prestation objet du contrat de déménagement comprend pour partie une prestation de transport.
Il est également de jurisprudence constante que l'action directe menée contre l'assureur se prescrit en principe dans le même délai que l'action de la victime contre le responsable mais peut aussi être exercée tant que l'assureur est soumis au recours de son assuré.
L'article L. 114-1 du code des assurances fixe ce dernier délai à deux ans mais ne trouve à s'appliquer qu'autant que l'assuré à lui-même été mis en cause dans le délai d'un an.
M. X. soutient que cette prescription annale ne lui serait pas opposable puisqu'il n'a pas eu connaissance des conditions générales qu'il n'a pas signées et qu'en toute hypothèse ces dispositions de l'article 15 seraient abusives.
Le devis de l'entreprise Astral est établi sur son papier à entête commerciale qui la présente comme une entreprise de déménagement. Mais il indique être établi pour un déménagement opéré de [ville Q.] à la [ville M.] et comprenait une prestation de transport rendant ainsi l'action de M. X. soumise au délai de prescription d'un an à compter de la livraison.
Cette application de la prescription annale ne saurait être considérée comme abusives puisqu'elle découle de la loi, la discussion sur la validité et l'opposabilité des conditions générales étant inopérante.
Les meubles ont été livrés le 18 décembre 2012. La première assignation en référé du 9 octobre 2013 ne peut être considéré comme un acte interruptif de prescription puisque la société Astral était en liquidation judiciaire et non valablement citée en la personne de son mandataire judiciaire conformément aux dispositions de l'article L .641-9 du code de commerce.
La première assignation valable aux fins de mesure d'instruction est en date du 28 novembre 2013. En application de l'article 2239 du code de procédure civile la prescription a été suspendue le temps de l'instance et six mois après le dépôt du rapport de l'expert judiciaire soit jusqu'au 5 mai 2014, soit 11 mois et 10 jours.
A compter de cette date, plus six mois soit le 5 novembre 2014, il restait donc un délai de 20 jours à M. X. pour assigner l'entreprise de déménagement valablement représentée et/ou sa compagnie d'assurance.
Or l'assignation de la compagnie d'assurance a été délivrée le 28 novembre 2014.
Dans ces conditions, l'action engagée par M. X. à l'encontre de la société Baloise Belgium doit être déclarée irrecevable car prescrite au 28 novembre 2014.
Le jugement déféré sera réformé en ce sens.
Les dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront également réformés.
Enfin succombant en son action principale M. X. supportera les dépens et aucun motif d'équité ne justifie qu'il soit fait droit à une quelconque demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare irrecevable comme prescrite l'action engagée par M. X. à l'encontre de la Société Baloise Belgium ;
Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. X. aux dépens de première instance et d'appel, avec recouvrement direct au profit de Maître C. avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme BLUME, Président et par Mme AOUAMRIA, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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