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CA COLMAR (2e ch. civ. sect. A), 24 octobre 2014

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (2e ch. civ. sect. A), 24 octobre 2014
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 2e ch. civ. sect. A
Demande : 13/01961
Décision : 504/2014
Date : 24/10/2014
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 19/04/2013
Numéro de la décision : 504
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4887

CA COLMAR (2e ch. civ. sect. A), 24 octobre 2014 : RG n° 13/01961 ; arrêt n° 504/2014 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Les clauses litigieuses relatives à l’existence et l’utilisation d’un dispositif de protection, dans le cadre de l’assurance habitation-vol, ne sont pas présumées abusives par les articles R. 132-1 et R. 132-2 du Code de la Consommation. En outre, la recommandation n° 85-04 de la Commission des clauses abusives dont se prévaut Monsieur X. ne vise pas précisément l’exigence par l’assureur d’un moyen de protection du type alarme avec télésurveillance. Enfin, les clauses litigieuses n’ont pas pour effet de créer un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties, le premier Juge ayant à juste titre rappelé que le contrat de 2003 couvrait une maison d’habitation de standing de 12 pièces principales, renfermant un capital mobilier garanti à hauteur de 152.000 euros dont 49.600 euros au titre des objets de valeur. Il n’y a donc pas lieu de déclarer ces clauses abusives. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A

ARRÊT DU 24 OCTOBRE 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 2 A 13/01961. Arrêt n° 504/2014. Décision déférée à la Cour : jugement du 5 mars 2013 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG.

 

APPELANTE et défenderesse :

La SA AXA FRANCE IARD

prise en la personne de son représentant légal, ayant son siège social [adresse], représentée par la SELARL WEMAERE-LEVEN-LAISSUE, avocats à COLMAR

 

INTIMÉ et demandeur :

Monsieur X.

demeurant [adresse], représenté par Maître SPIESER, avocat à COLMAR, plaidant : Maître David ATTALI, avocat à STRASBOURG

 

COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 5 septembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Adrien LEIBER, Président, Monsieur Olivier DAESCHLER, Conseiller, Madame Pascale BLIND, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier ad hoc, lors des débats : Madame Astrid DOLLE

ARRÊT : Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par Monsieur Adrien LEIBER, Président et Madame Astrid DOLLE, greffier ad hoc, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Ouï Madame Pascale BLIND, Conseiller en son rapport,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Monsieur X. a renouvelé le 29 août 2003 un contrat d’assurance habitation portant sur sa résidence principale auprès de la SA AXA dont les conditions particulières stipulent, au titre des mesures de prévention : « en outre, votre maison est équipée d’un système d’alarme relié à une société de télésurveillance. Cette société doit avoir pour mission de se rendre sur les lieux en cas de déclenchement de l’alarme... Si vous n’utilisez pas ces moyens de protection, vous supporterez une réduction de 50 % de l’indemnité à laquelle vous pouvez prétendre ».

Le 9 mai 2009, Monsieur X. a déposé plainte pour vol par effraction, survenu le 8 mai 2009 entre 12 heures et 18 heures 30.

Il est constant qu’il n’avait pas enclenché son système d’alarme.

Le Cabinet P. E. a été mandaté par la société AXA afin de constater la réalité du sinistre et évaluer le montant des dommages.

Par courrier du 24 novembre 2009, la Société AXA a refusé d’indemniser Monsieur X. du préjudice subi au motif qu’à la lecture du rapport d’expertise, la société de télésurveillance n’a pas pour mission d’intervenir sur place lors du déclenchement de l’alarme.

Par acte du 14 mars 2011, Monsieur X. a assigné la société AXA devant le Tribunal de grande instance de STRASBOURG aux fins d’obtenir une indemnisation de 59.755,41 euros.

Par jugement du 5 mars 2013, le Tribunal a condamné la société AXA à payer à Monsieur X. la somme de 43.226,80 euros, avec intérêts au taux légal, à compter du 17 janvier 2011 ainsi que 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ordonné l’exécution provisoire de la décision et condamné la compagnie d’assurance aux dépens.

Le Tribunal a retenu que la clause prévoyait l’existence d’un système d’alarme avec intervention de la société de télésurveillance est une clause de condition de garantie, non abusive, et qu’en l’espèce, la condition requise était remplie.

Faisant application de l’article L. 112-4 du Code des Assurances, il a par ailleurs déclaré non écrite la clause d’exclusion de garantie stipulant une diminution de 50 % de l’indemnité due en cas de non utilisation des moyens de protection au motif qu’elle ne figurait pas en caractères gras apparents et n’avait pas été portée spécialement à l’attention du souscripteur.

 

La société AXA FRANCE IARD a interjeté appel de ce jugement le 19 avril 2013.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 8 octobre 2013, la SA AXA demande à la Cour d’infirmer le jugement déféré, de rejeter la demande d’indemnisation, subsidiairement d’en limiter le montant à la somme de 14.752,45 euros franchise déduite, encore plus subsidiairement d’en limiter le montant à 29.695,49 euros, franchise déduite. Elle conclut en outre à la condamnation de Monsieur X. aux dépens des deux instances ainsi qu’au paiement d’un montant de 2.500 euros, par application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de son appel, elle fait valoir :

- que Monsieur X. ne justifie pas d’un système d’alarme relié à une société de surveillance ayant pour mission de se rendre sur les lieux, en cas de déclenchement de l’alarme

- qu’en cas d’absence du moyen de protection déclaré lors de la souscription du contrat, il y a déchéance de tout droit à indemnité au titre de la garantie, conformément aux conditions générales

- que la clause de réduction de l’indemnité à 50 % figurait en caractères très apparents dans les conditions générales et avait été reprise dans les conditions particulières

- que Monsieur X. n’ayant pas branché son système d’alarme, il encourt en tout état de cause la réduction à 50 % de son indemnisation

- que l’intéressé n’a pas justifié de l’intégralité de son préjudice par des factures et qu’il y a lieu de se référer au rapport du Cabinet P. E, étant précisé que la demande relative à la bague d’une valeur de 7.000 euros fait double emploi avec celle concernant la bague en or avec perle de Tahiti évaluée à la somme de 3.050 euros et que le collier en or d’une valeur de 2.450 euros a été comptabilisé doublement par le Tribunal.

 

Monsieur X. a remis ses dernières conclusions le 7 janvier 2014 tendant au rejet de l’appel principal et formant appel incident quant au montant de l’indemnisation des objets volés dont il n’a pu produire les factures ; il réclame à ce titre une somme supplémentaires de 6.450 euros ; il sollicite par ailleurs la condamnation de la société AXA à lui payer un montant de 10.000 euros pour résistance abusive ; subsidiairement, il conclut à l’octroi d’une indemnisation totale de 29.877,71 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2009, date de la première mise en demeure.

Il demande enfin qu’en tout état de cause, l’appelante soit condamnée aux dépens et au paiement de la somme de 4.000 euros, par application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur X. soutient pour sa part :

- que la clause de déchéance de tout droit à garantie en raison du défaut d’existence du système d’alarme avec télésurveillance est une clause d’exclusion de garantie

- qu’elle n’est ni claire, ni précise mais nécessite une interprétation du juge

- qu’il convient de considérer dès lors que le fait pour la société de surveillance de téléphoner à son client, en cas de déclenchement de l’alarme afin d’évaluer la nécessité de se déplacer sur les lieux ou d’appeler la police est conforme aux conditions requises

- que les moyens de protection déclarés dans le contrat étaient donc existants

- qu’au surplus, la clause de déchéance figurant dans les conditions générales n’a pas été portée à sa connaissance et ne peut lui être opposée

- que la clause de réduction de la garantie ne lui est pas plus opposable au regard des articles L. 112-4 et L. 113-1 du Code des Assurances, dans la mesure où elle n’est ni apparente, ni précise

- que les deux clauses litigieuses sont abusives au sens des articles L. 132-2 et suivants et R 132-1 du Code de la Consommation, en vertu des recommandations de la Commission des clauses abusives n° 85-04.

 

Vu l’ordonnance de clôture du 13 novembre 2013 ;

Vu le dossier de la procédure et les pièces versées en annexe ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR LE PRINCIPE DE L’INDEMNISATION :

Aux termes de l’article L. 132-1 du Code de la Consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Les clauses litigieuses relatives à l’existence et l’utilisation d’un dispositif de protection, dans le cadre de l’assurance habitation-vol, ne sont pas présumées abusives par les articles R. 132-1 et R. 132-2 du Code de la Consommation.

En outre, la recommandation n° 85-04 de la Commission des clauses abusives dont se prévaut Monsieur X. ne vise pas précisément l’exigence par l’assureur d’un moyen de protection du type alarme avec télésurveillance.

Enfin, les clauses litigieuses n’ont pas pour effet de créer un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties, le premier Juge ayant à juste titre rappelé que le contrat de 2003 couvrait une maison d’habitation de standing de 12 pièces principales, renfermant un capital mobilier garanti à hauteur de 152.000 euros dont 49.600 euros au titre des objets de valeur.

Il n’y a donc pas lieu de déclarer ces clauses abusives.

Les conditions particulières du contrat imposent de manière claire que la maison de Monsieur X. soit équipée d’un système d’alarme relié à une société de télésurveillance ayant pour mission de se rendre sur les lieux en cas de déclenchement de l’alarme.

Si Monsieur X. n’a pas produit le contrat le liant à la société de télésurveillance, il est établi par le rapport d’expertise P. E., le descriptif de l’offre datée du 7 juillet 1999 afférente à l’installation d’une boîte de raccordement avec télésurveillance et câblage ainsi que l’attestation de Monsieur Y. qui témoigne qu’à la suite d’un déclenchement de l’alarme en 2009, Monsieur X. a été appelé sur son téléphone portable dans les secondes qui ont suivi et a été amené à donner à son interlocuteur un code et une identification personnelle, que la maison d’habitation de l’intimé était bien équipée d’un système d’alarme relié à une centrale de télésurveillance.

S’agissant du déplacement de la société de télésurveillance sur les lieux, il convient de relever que la clause ne prévoit aucun délai d’intervention de sorte que rien n’interdit que la société appelle au préalable l’assuré pour vérifier qu’il ne s’agit pas d’un déclenchement accidentel de même que rien n’interdit à l’intéressé d’appeler prioritairement la police, ainsi que Monsieur X. l’a spontanément indiqué à l’expert.

Il résulte de ces éléments que le moyen de protection exigé par les conditions particulières existe si bien que la SA AXA ne peut se prévaloir de la clause de déchéance de la garantie.

Par ailleurs, il est constant que Monsieur X. n’avait pas mis en service le système d’alarme, le jour des faits.

Il encourt de ce fait la réduction de 50 % de l’indemnité à laquelle il peut prétendre, conformément à la clause d’exclusion de garantie figurant au contrat.

L’article L. 112-4 du Code des Assurances dispose que les clauses édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.

En outre, en vertu de l’article L. 113-1 du même Code, les clauses d’exclusion doivent être formelles et limitées, de façon à permettre à l’assuré de connaître exactement l’étendue de la garantie.

En l’espèce, la clause d’exclusion de garantie en cas d’inutilisation d’un dispositif de protection demandé prévoyant la réduction de 50 % de l’indemnité à laquelle l’assuré peut prétendre, figure en caractères gras dans les conditions générales, lesquelles précisent en outre qu’il peut être imposé à l’assuré des systèmes de sécurité spécifiques à définir dans les conditions particulières.

Les conditions particulières du 29 août 2003 imposent l’utilisation d’un système d’alarme avec télésurveillance et reprennent la clause d’exclusion de garantie applicable en cas de non utilisation du moyen de protection.

Par ailleurs, les conditions particulières signées par Monsieur X. mentionnent qu’il a reçu un exemplaire des conditions générales.

Il convient dès lors de constater que la clause d’exclusion est rédigée de manière formelle et limitée, qu’elle est mentionnée en caractères très apparents et que, dans la mesure où elle a été reprise dans les conditions particulières, elle a été portée spécialement à l’attention de l’assuré.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il déclare non écrite la clause d’exclusion de garantie précitée.

 

SUR LE MONTANT DE L’INDEMNISATION :

Selon les conditions générales et particulières du contrat, l’indemnisation est accordée pour le mobilier en valeur à neuf, sauf pour les objets de valeur évalués selon le cours en vente publique ; ces derniers sont toutefois indemnisés à leur prix d’achat s’ils ont moins de deux ans, selon factures.

Monsieur X. a justifié par des factures de la perte d’objets mobiliers dont il a déclaré le vol auprès des gendarmes, qui n’ont cependant pas été pris en compte par l’expert.

Il en est ainsi d’un ensemble CRESHENDO femme de 395 euros, de deux vestes sport de 196 euros, d’une statue « BOUDA » de 210 euros, d’une statuette SWAROVSKY de 248 euros.

Par ailleurs, il a appliqué une décote sur des vêtements et objets, alors que l’assuré doit pouvoir bénéficier d’un remplacement valeur à neuf.

Il convient par conséquence de retenir l’indemnisation accordée par le Tribunal à ce titre, soit la somme totale de 8.595,48 euros.

Concernant les objets mobiliers dont les factures n’ont pu être produites, Monsieur X. met en compte un montant de 6.450 euros.

Il établit l’existence de ces biens par des moyens de preuve prévus au contrat, soit des photographies pour les objets en étain et une attestation de Monsieur Z. pour les vêtements, le fusil et les statuettes d’art africain ramenées de ses voyages au SÉNÉGAL.

En l’absence de tout justificatif quant à la valeur de ces biens, le Tribunal a exactement apprécié l’indemnisation revenant à l’assuré en la fixant à 1.500 euros.

Monsieur X. a également déclaré à la gendarmerie le vol de plusieurs bijoux dont il a produit ses factures.

L’expert a proposé une indemnisation de 22.574 euros à ce titre.

Il convient d’y ajouter une somme de 1.500 euros correspondant à une bague brillant serpent ainsi qu’un montant de 7.000 euros afférent à une bague or blanc sertie d’une perle de Tahiti entourée de diamants acquises respectivement à DUBAI et à CANNES les 21 mars 2009 et 16 août 2008, soit moins de deux ans avant le sinistre.

Contrairement à ce qu’indique la société AXA, l’indemnisation de la bague de 7.000 euros ne fait pas double emploi avec celle correspondant à la bague en or avec perle de Tahiti retenue par l’expert à hauteur de 2.196 euros puisqu’il ne s’agit pas du même bijou, selon les factures produites.

Par ailleurs, le collier en or d’une valeur de 1.450 euros n’a pas été comptabilisé deux fois par le Tribunal.

C’est donc à bon droit que le premier Juge a accordé à Monsieur X. la somme de 22.574 + 7.000 + 1.500 = 31.074 euros, au titre des bijoux.

Compte tenu des frais de remise en état non contestés, c’est donc un montant de 41.911,81 euros diminuée de 50 %, soit 20.955,90 euros auquel peut prétendre l’assuré, dont il y a lieu de déduire la franchise de 185 euros.

Il lui reviendra donc la somme de 20.770,90 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, par lettre recommandée, du 17 janvier 2011.

 

SUR LES DEMANDES ANNEXES :

Au regard de l’issue du litige, Monsieur X. n’a pas établi la résistance abusive de la Compagnie d’assurance, ni un abus de son droit à interjeter appel.

La demande de dommages et intérêts sera donc rejetée.

Par ailleurs, il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties et chacune d’entre elles supportera ses propres dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

INFIRME partiellement le jugement déféré,

et statuant à nouveau :

DÉCLARE applicable la clause d’exclusion de garantie.

CONDAMNE la SA AXA FRANCE IARD à payer à Monsieur X. la somme de 20.770,90 euros (vingt mille sept cent soixante dix euros et quatre-vingt dix centimes) augmentée des intérêts au taux légal, à compter du 17 janvier 2011.

CONDAMNE chaque partie à supporter ses propres dépens d’appel et REJETTE les demandes respectives fondées sur l’article 700 du Code de procédure civile.

Le Greffier                Le Président