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6011 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Principes généraux - Appréciation de la personne du consommateur

Nature : Synthèse
Titre : 6011 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Principes généraux - Appréciation de la personne du consommateur
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
Notice :
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6011 (19 janvier 2024)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION

NOTION DE CLAUSE ABUSIVE - APPRÉCIATION DU DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF

PRINCIPES GÉNÉRAUX - APPRÉCIATION DE LA PERSONNE DU CONSOMMATEUR

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2024)

 

Présentation. Même si la loi du 1er février 1995 a réservé la possibilité de faire constater le caractère abusif d’une clause négociée (solution qui semble théorique, V. Cerclab n° 6029), les décisions recensées concernent quasi exclusivement des clauses prérédigées par le professionnel dans le cadre d’un contrat d’adhésion. Dans ces conditions, le contenu contractuel est déterminé à l’avance, de façon abstraite, sans connaître la personnalité réelle du cocontractant. Cependant, in fine, le contrat sera bien conclu avec un consommateur précis, présentant des spécificités uniques.

Sur un plan général, si l’article préliminaire introduit par la loi du 17 mars 2014 ne donne aucune indication particulière, pas plus que l’article liminaire découlant de l’ordonnance du 14 mars 2016, tel n’est pas le cas, par exemple, de l’ancien art. L. 120-1 C. consom. (modifié par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008), qui dispose qu’une « pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère, ou est susceptible d’altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service ». Le texte pose clairement le principe d’une appréciation in abstracto (même s’il est parfois catégoriel, V. infra), solution conforme à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.

S’agissant de la protection contre les clauses abusives, la directive 93/13/CEE ne fournit pas d’éléments décisifs. Si son art. 4 § 1 dispose que « le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend », les éléments évoqués sont plutôt matériels et objectifs. Conformément à la jurisprudence générale de la CJUE et dans l’esprit de l’art. L. 120-1 précité, il faut sans doute considérer que l’exigence posée par l’art. 5 d’une rédaction « claire et compréhensible » sera appréciée par rapport à un consommateur moyen. En définitive, c’est sans doute uniquement au regard du caractère négocié ou non de la clause que la directive laisse une certaine place à une appréciation individuelle de la situation, même si celle-ci concerne l’existence d’une négociation et non l’appréciation de la personnalité du consommateur. Les textes internes, qui sont très proches de la directive, appellent les mêmes conclusions. § Comp: dans une action impliquant un consommateur individuel, les tribunaux ou les organes compétents sont appelés à porter une appréciation in concreto sur le caractère abusif d’une clause contenue dans un contrat déjà conclu. CJCE (1re ch.), 9 septembre 2004, Commission/Royaume d’Espagne : Aff. C-70/03 ; Cerclab n° 4413 (affirmation formulée en opposition à l’action des groupements, où le juge doit effectuer une appréciation in abstracto sur le caractère abusif d’une clause susceptible d’être incorporée dans des contrats qui n’ont pas encore été conclus).

Le principe général adopté par les décisions recensées semble plutôt être de raisonner sur un consommateur moyen, apprécié in abstracto (A), mais quelques décisions tiennent compte de la personnalité ou de la situation réelle du consommateur pour apprécier l’existence de certains déséquilibres (B). Une discussion comparable peut s’engager sur l’influence de la compétence réelle du consommateur quant au contrat conclu (C) ou quant à l’influence de son assistance par un professionnel (D).

A. APPRÉCIATION IN ABSTRACTO

Principe : référence au consommateur moyen. De manière générale, les décisions recensées apprécient l’existence d’un déséquilibre significatif au regard d’un consommateur moyen. Cette solution est en quelque sorte affirmée par défaut, dès lors que celles-ci n’évoquent quasiment jamais les caractéristiques concrètes du consommateur pour trancher la question du caractère abusif d’une stipulation.

Illustrations générales explicites du principe. Pour des décisions exprimant le principe de l’appréciation in abstracto, en utilisant différentes formules. V. par exemple : CA Dijon, (1re ch. 1re sect.), 30 mars 1993 : RG n° 00000924/92 ; arrêt n° 556 ; Cerclab n° 616­ (compte tenu de la gravité de la sanction, un délai de trois jours pour contester la conformité ou signaler les défauts de fabrication d’un salon en cuir est trop bref pour permettre au consommateur moyen, qui peut avoir des difficultés à s’exprimer par écrit, de prendre une décision suffisamment mûrie, de rédiger sa lettre de réclamation et de procéder à l’expédition, qui exige de se déplacer dans un bureau de poste) - CA Grenoble (1re ch. civ.), 13 septembre 1994 : RG n° 92/593 ; arrêt n° 784 ; Cerclab n° 3100 (absence de violation des art. 2 et 4 du décret du 24 mars 1978, la rédaction étant compréhensible, sauf à refuser la « reconnaissance d’un minimum de compréhension » au consommateur moyen) -TGI Paris (5e ch. 2e sect.), 24 janvier 2002 : RG n° 01/17035 ; Cerclab n° 2609 (clauses contractuelles présentées de telle façon qu’elles ne sauraient induire en erreur « un consommateur normalement averti »), confirmé sans cette précision par CA Paris (25e ch. A), 23 mai 2003 : RG n° 2002/03454 ; arrêt n° 198 ; Cerclab n° 878 ; Juris-Data n° 2003-217480 - CA Aix-en-Provence (1re ch. C), 6 septembre 2005 : RG n° 01/04276 ; arrêt n° 2005/431 ; Cerclab n° 723 ; Juris-Data n° 2005-305908 (clause tout à fait lisible pour un « consommateur normalement avisé ») - TGI Nanterre (6e ch.), 3 mars 2006 : RG n° 04/03016 ; site CCA ; Cerclab n° 3181 ; Juris-Data n° 2006-308052 (accès internet ; examen des clauses « en considération des dispositions légales, de l’appréciation donnée par la Commission des clauses abusives sur des clauses similaires mais non identiques du contexte technique dans lequel s’inscrit l’activité d’un fournisseur d’accès à l’Internet et de l’économie globale du contrat en raisonnant, pour des besoins de sécurité juridique, sur un modèle abstrait de consommateur moyen ») - CA Chambéry (2e ch.), 21 mars 2006 : RG n° 05/00682 ; Cerclab n° 589 ; Juris-Data n° 2006-299500 (admission du caractère abusif d’une clause d’assurance annulation voyage, imposant que le client ne puisse quitter sa chambre, par référence à l’état de santé moyen des voyageurs, qui sont généralement en bonne santé, sans affections particulières) - CA Paris (8e ch. A), 19 février 2009 : RG n° 07/17213 ; arrêt n° 104 ; Cerclab n° 1653 ; Juris-Data n° 2009-002388 (« les termes du contrat ne sont pas incompréhensibles pour un consommateur moyen ») - CA Paris (pôle 5 ch. 6), 19 mai 2017 : RG n° 15/22284 ; Cerclab n° 6871 (prêt immobilier ; cette clause ne revêt pas, in abstracto, un caractère abusif) - CA Paris (pôle 5 ch. 6), 3 août 2018 : RG n° 16/22169 ; Cerclab n° 7641 (prêt immobilier ; absence de caractère abusif, in abstracto, de la clause d’exigibilité anticipée expressément limitée à la fourniture de renseignements inexacts portant sur un élément déterminant du consentement du prêteur dans l'octroi du crédit) - CA Paris (pôle 5 ch. 6), 13 mars 2019 : RG n° 17/10049 ; arrêt n° 2019/158 ; Cerclab n° 8033 (prêt ; appréciation in abstracto), sur appel de TGI Bobigny, 18 avril 2017 : RG n° 12/09393 ; Dnd.

Illustrations spécifiques : cas de l’assurance de groupe. Dans un contrat d’assurance de groupe, le caractère abusif d’une clause d’un contrat d’assurance doit s’apprécier de façon générale et non au cas individuel d’un assuré, lequel doit être précisément renseigné, compte tenu de sa situation particulière, par la personne physique avec laquelle il est en relation d’affaires (sous-entendu l’établissement de crédit). CA Nîmes (1re ch. A), 23 mai 2002 : RG n° 00/1142 ; arrêt n° 265 ; Cerclab n° 1062 ; Juris-Data n° 2002-187425 (absence de caractère abusif d’une clause d’un contrat d’assurances limitant la prise en charge à l’âge de 60 ans, alors que, compte tenu du délai de prise d’effet de la garantie, celle-ci ne pouvait jouer que lorsque les souscripteurs seraient âgés de plus de 59 ans ; responsabilité de la banque qui n’a pas informé les consommateurs, alors qu’elle était leur seul interlocuteur, les garanties n’étant efficaces que pendant deux mois pour un contrat et trois jours pour l’autre). § Les assurés qui, en dépit du rapport d'expertise médicale indiquant que le mari aurait pu reprendre une activité adaptée même à temps partiel, prétendent qu’aucune activité professionnelle n'aurait concrètement pu lui être proposée compte tenu du fait qu'il ne bénéficie d'aucune formation spécifique et qu'il est dans l'incapacité absolue de retrouver quelque emploi que ce soit, critiquent en réalité les constatations du médecin expert et procèdent à une analyse « in concreto » et non « in abstracto » de la clause « invalidité permanente », sans démontrer en quoi cette stipulation, qui porte sur l'objet principal de l'ensemble du contrat constitué par le contrat de prêt assorti d'un contrat assurance-emprunteur, ne serait pas claire et parfaitement compréhensible pour tout consommateur. CA Colmar (3e ch. civ. A), 31 août 2020 : RG n° 19/00938 ; arrêt n° 20/320 ; Cerclab n° 8534 (garantie invalidité permanente d’une assurance-crédit), sur appel de TI Mulhouse, 20 décembre 2018 : Dnd. § V. aussi : CA Besançon (1re ch. civ. et com.), 13 octobre 2015 : RG n° 14/00883 ; Cerclab n° 5348 (assurance-crédit ; absence de caractère abusif de la clause mettant fin à la garantie lors du départ en retraite de l’assuré, ce dernier admettant que de telles clauses sont prévues dans les contrats parce que la retraite met fin à l'aléa de la perte de revenu liée à l'interruption de l'activité professionnelle et que « dans la plupart des cas la garantie n'a plus lieu d'être » ; déséquilibre résultant en l’espèce, non de la clause elle-même, mais de la modicité de la pension de retraite imputable au parcours professionnel de l’assuré), sur appel de TI Vesoul, 21 janvier 2014 : RG n° 12/000019 ; Dnd - CA Douai (3e ch.), 16 novembre 2017 : RG n° 16/06291 ; arrêt n° 17/529 ; Cerclab n° 7148 ; Juris-Data n° 2017-023589 (assurance crédit ; l'analyse du prétendu caractère abusif de la clause définissant l’incapacité de travail « relève assurément d'une approche objective et strictement juridique » et non d’une appréciation subjective du cas propre au consommateur, en l’espèce le fait que l’assuré se voit opposer deux avis contraires, celui de la sécurité sociale belge le déclarant inapte à tout travail et celui d’un médecin français l’estimant apte à reprendre un poste aménagé), sur appel de TGI Dunkerque, 14 juin 2016 : RG n° 11/00853 ; Dnd.

Comp. pour l’appréciation in concreto de l’obligation de renseignement dans le même genre d’hypothèses : CA Douai (8e ch. sect. 1), 29 septembre 2005 : RG n° 04/05477 ; Cerclab n° 1681 ; Juris-Data n° 2005-290170 (assurance-crédit ; dès lors que l’emprunteur était âgé de 53 ans au moment de la souscription du prêt, qu’il apparaissait sans patrimoine particulier de sorte que son emploi était la principale source de revenus, le prêteur n’établit pas avoir attiré l’attention et mis en garde de l’emprunteur sur l’absence de couverture du risque perte d’emploi particulièrement importante dans son cas), sur appel de TI Lille 14 avril 2004 : Dnd. § N.B. La solution adoptée est discutable si l’assurance de groupe est analysée comme une stipulation de contrat pour autrui, créant un véritable contrat entre l’emprunteur et l’assureur (V. Cerclab n° 5853).

Aménagements du principe : appréciation in abstracto catégoriel. Certaines dispositions tempèrent un peu l’appréciation in abstracto, en continuant de raisonner in abstracto, mais en distinguant les consommateurs par grande catégorie. Cette technique, dite de l’appréciation in abstracto catégorielle, est assez classique puisque, pour prendre son illustration la plus connue, c’est selon cette méthode que le juge apprécie l’existence d’une faute, au sens de l’ancien art. 1382 C. civ. [1240 nouveau], en comparant le comportement de l’auteur du dommage avec un homme raisonnable et diligent, de même catégorie (adulte, enfant, professionnel, etc.). Elle reste distincte d’une véritable appréciation in concreto qui suppose de considérer chaque consommateur individuellement.

Pour des illustrations, V. notamment l’ancien art. L. 120-1 C. consom. précité, dont l’alinéa 2 tempère l’appréciation in abstracto posée par l’alinéa 1, en précisant que « le caractère déloyal d’une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d’une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s’apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe ». § V. aussi dans les contrats de fourniture d’électricité ou de gaz naturel, l’ancien art. L. 121-93 C. consom. (Loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006, en vigueur le 1er juillet 2007 - devenu L. 224-2 C. consom.), qui mentionne que « les fournisseurs doivent adapter la communication des contrats et informations aux handicaps des consommateurs ». § N.B. Les deux textes semblent plutôt viser des pratiques générales. Pour un contrat précis, il faudrait sans doute que le professionnel en soit informé au plus tard lors de la conclusion du contrat.

Quelques décisions apprécient le caractère abusif en tenant compte de la catégorie de consommateurs concernés par le contrat conclu. V. par exemple : TGI Rennes (1re ch. civ.), 19 juillet 1994 : RG n° 93/002894 ; jugt n° 424 ; Cerclab n° 1770 (hébergement de personnes âgées ; délai de préavis d’un mois trop bref s’agissant de pensionnaires âgés) - TI Gien, 8 décembre 2009 : RG n° 2009/25 ; jugt n° 2009/219 ; Cerclab n° 3399 (clause de solidarité pendant trois ans des preneurs ; clause abusive, notamment parce qu’elle est manifestement disproportionnée au regard des faibles ressources des parties candidates à l’obtention d’un logement HLM), infirmé par CA Orléans (ch. urg.), 12 janvier 2011 : RG n° 09/03844 ; arrêt n° 1 ; Cerclab n° 2974 (durée : trois ans ; clause conforme à l’ancien art. 1200 C. civ. [1313 nouveau]) - TGI Grenoble (4e ch. civ.), 28 septembre 2009 : RG n° 08/05529 ; Cerclab n° 4250 (maison de retraite ; caractère abusif de la clause prévoyant une période d'essai de deux mois, d'une durée excessive compte tenu de l’âge et de la vulnérabilité des résidents et de l’obligation des établissements de s’assurer dès la souscription du contrat de séjour de la compatibilité et de l'adaptation de l'état de la personne âgée à la structure) - TI Thionville, 6 mars 2012 : RG n° 11-10-001471 ; site CCA ; Cerclab n° 6997 (télé-assistance de personnes âgées ; clauses de durée irrévocable de 48 mois excessive alors qu’au surplus il s’agit de personnes âgées susceptibles de ne pas pouvoir profiter pendant quatre ans de la prestation de services en raison d'une hospitalisation de longue durée ou d'un placement en maison de retraite) - TGI Grenoble (4e ch.), 27 avril 2015 : RG n° 12/04079 ; site CCA ; Cerclab n° 6998 (télé-assistance de personnes âgées ; prise en compte, pour l’appréciation du caractère abusif de plusieurs clauses, du fait que le contrat est principalement destiné à des personnes âgées), sur appel CA Grenoble (1re ch. civ.), 30 janvier 2018 : RG n° 15/02814 ; Cerclab n° 7420 (argument non explicitement abordé, l’arrêt évoquant plutôt l’appréciation de la situation individuelle du consommateur) - CA Colmar (2e ch. civ. sect. A), 23 janvier 2020 : RG n° 18/03345 ; arrêt n° 33/2020 ; Cerclab n° 8333 (enseignement ; le déséquilibre concernant la clause de résiliation pour motif légitime et impérieux doit être apprécié en tenant compte du fait que le contrat s'adresse à des jeunes de 18 ou 19 ans sortant du lycée qui, d'une part, peuvent, après avoir débuté dans l'enseignement supérieur, se rendre compte que la scolarité qu'ils ont choisie ne correspond pas à leurs aptitudes ou à leurs aspirations, et qui, d'autre part, ont des moyens financiers limités), sur appel de TGI Strasbourg, 25 juin 2018 : Dnd - CA Colmar (2e ch. civ.), 20 novembre 2020 : RG n° 18/04772 ; arrêt n° 393/2020 ; Cerclab n° 8656 (contrat d’enseignement privé pour une formation d'ostéopathe, d'une durée de cinq ans ; le déséquilibre doit être apprécié en tenant compte du fait que le contrat s'adresse à des jeunes de 18 ou 19 ans sortant du lycée qui, d'une part, peuvent, après avoir débuté dans l'enseignement supérieur, se rendre compte que la scolarité qu'ils ont choisie ne correspond pas à leurs aptitudes ou à leurs aspirations, et qui, d'autre part, ont des moyens financiers limités), sur appel de TGI Strasbourg, 18 octobre 2018 : Dnd.

Sur les limites d’une appréciation par catégorie, rappr. pour les clauses discriminatoires, Cerclab n° 6057. § Rappr. : le caractère abusif d’une clause excluant les conducteurs âgés de moins de 21 ans d’un contrat de location de voiture n’est pas couvert par l’octroi de dérogations appréciées unilatéralement par le loueur. TGI Grenoble (6e ch.), 16 septembre 1999 : RG n° 98/00991 ; jugt n° 343 ; Cerclab n° 3159, infirmé par CA Grenoble (1re ch. civ.), 11 juin 2001 : RG n° 99/04486 ; arrêt n° 403 ; Cerclab n° 3116 ; Juris-Data n° 2001-171268 (clause non abusive).

Contrat conclu par un couple : absence d’influence du régime matrimonial. Le régime matrimonial et les conditions d'acquisition du bien immobilier relèvent des rapports entre les co-emprunteurs et sont dès lors indifférents dans l'examen d'un éventuel déséquilibre dans leur relation contractuelle avec l'établissement bancaire. CA Lyon (1re ch. civ. B), 23 novembre 2021 : RG n° 19/03172 ; Cerclab n° 9261 (absence de preuve qu’une clause de solidarité entre coemprunteurs, rédigée en des termes clairs et précis, sans aucune ambiguïté, crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, les co-emprunteurs étant tous deux bénéficiaires du crédit immobilier), sur appel de TGI Saint-Étienne, 8 janvier 2019 : RG n° 17/02203 ; Dnd.

B. APPRÉCIATION IN CONCRETO

Présentation. L’appréciation in concreto consiste à apprécier le caractère abusif, notamment l’existence d’un déséquilibre, en tenant compte du consommateur ayant effectivement conclu le contrat. Si quelques-unes des décisions recensées adoptent parfois une telle approche, il convient de remarquer qu’elles ne le font pas de manière générale et indifférenciée et que, la plupart du temps, cet examen individuel s’inscrit dans l’appréciation d’un cas de déséquilibre ou d’un indice de ce déséquilibre pour lesquels les caractéristiques personnelles du consommateur peuvent avoir une influence. § N.B. Il convient par ailleurs de noter que la prise en compte concrète du consommateur contractant ne joue pas toujours en sa faveur et qu’au contraire, elle peut être utilisée pour justifier la clause.

Illustrations d’appréciation individuelle : connaissance de la clause. L’existence d’un déséquilibre est parfois fondée sur la présence d’une asymétrie d’information entre le professionnel et le consommateur, par exemple lorsque ce dernier se voit opposer une clause dont il n’avait pas connaissance. Cette ignorance est moins plausible lorsque les deux parties ont déjà contracté ensemble, à plusieurs reprises.

V. en ce sens pour les juges du fond, par exemple : CA Paris (25e ch. B), 8 avril 2005 : RG n° 02/19385 ; Cerclab n° 1335 ; Juris-Data n° 2005-277192 ; Lamyline (transport aérien ; prise en compte du fait que le consommateur se présente comme un passager habituel d’une compagnie aérienne pour apprécier la connaissance d’une clause), sur appel de TGI Bobigny (7e ch.), 17 septembre 2002 : RG n° 01/03107 ; Cerclab n° 497 - CA Aix-en-Provence (1re ch. C), 6 septembre 2005 : RG n° 01/04276 ; arrêt n° 2005/431 ; Cerclab n° 723 ; Juris-Data n° 2005-305908 (développement de pellicules ; connaissance de la clause limitative confortée par le fait que le contrat a été conclu par un mandataire qui était un client habituel du magasin), infirmant TGI Marseille (10e ch. civ.), 4 octobre 2000 : RG n° 99/2524 ; jugt n° 723 ; Cerclab n° 506 (clauses abusive, même dans ce cas) - CA Aix-en-Provence (11e ch. B), 19 septembre 2006 : RG n° 04/06349 ; arrêt n° 2006/442 ; Cerclab n° 720 ; Juris-Data n° 2006-320949 (contrat de transfert de films super 8 sur cassettes VHS ; arrêt relevant que le client n’a pas attiré l’attention du prestataire sur l’importance exceptionnelle des films remis, notamment lors de sa deuxième visite, alors qu’il avait eu tout le loisir de lire les conditions générales figurant sur le premier bon remis lors de sa première visite) - TGI Bobigny (7e ch. sect. 3), 27 mai 2008 : RG n° 06/07941 ; Cerclab n° 3971 (transport aérien ; absence de caractère abusif de la clause d’adhésion aux conditions générales, dès lors que le billet de transport aérien fait référence aux conditions générales de transport de la compagnie comme partie intégrante du contrat et qu’il est constant que le client est en l’espèce un voyageur fréquent comme le démontre sa possession d’une carte de fidélisation et qu’en conséquence, le client n’établit pas qu’il n’aurait pas eu « l’occasion » de prendre connaissance de la clause, en contravention à l’annexe 1.i) ; N.B. il semble que le jugement rattache cette solution à l’ancien art. L. 132-1 [212-1 nouveau] C. consom. en ce qu’il dispose que le caractère abusif « s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion »), confirmé par CA Paris (pôle 5 ch. 11), 10 décembre 2010 : RG n° 08/14529 ; arrêt n° 395 ; Cerclab n° 2999 (argument non évoqué directement, mais l’arrêt relève plus loin que le voyageur avait déjà été antérieurement sanctionné pour avoir commis la même irrégularité, ce qui implique qu’il avait connaissance de la clause qu’il n’avait pas respectée) - CA Paris (8e ch. A), 19 février 2009 : RG n° 07/17213 ; arrêt n° 104 ; Cerclab n° 1653 ; Juris-Data n° 2009-002388 (location d’un perforateur électrique et d’un nettoyeur haute-pression ; rejet de l’argument tiré du fait que les clauses du contrat ne seraient ni claires, ni lisibles, pour plusieurs raisons, notamment le fait que le consommateur avait déjà utilisé les services du bailleur), sur appel de TI Melun, 9 mai 2007 : RG n° 11-06-000875, Dnd.

* Consommateur avec une acuité visuelle réduite. N.B. Lorsque le consommateur présente une acuité visuelle réduite et que le professionnel a connaissance de ce particularisme, il serait concevable de prendre en compte cette situation lorsqu’il s’agit d’apprécier la connaissance qu’a pu avoir ce consommateur de la clause (caractère clair et compréhensible, connaissance d’une option, etc.).

V. pourtant en sens contraire : refus de présumer abusive la clause prévoyant que, à défaut de déclaration de valeur, « la « garantie responsabilité contractuelle » est d'une valeur globale de 80.000 € et 400 € maximum par objets non listés », dès lors qu'elle a pour légitime objet d'informer le déménageur de la valeur des objets qui lui sont confiés et que la cliente n’établit pas que la déclaration de valeur qu’elle prétend avoir remplie a été effectivement remise au déménageur. CA Poitiers (1re ch. civ.), 22 mars 2022 : RG n° 20/00519 ; arrêt n° 162 ; Cerclab n° 9514 (N.B. il faut noter qu’en l’espèce, si la cliente a validé le devis réalisé et transmis le 3 août 2015 et signé les conditions générales de vente du contrat de déménagement le 19 août 2015, elle a indiqué manuscritement à côté de son « bon pour accord », la mention « ma vue m'a empêché de lire le document », et aux conditions générales de vente du contrat de déménagement figurant au verso, elle a ajouté la précision « c'était trop petit je n'ai pas réussi à le lire », sans qu’apparemment la cour ne tire de conséquences de cette situation sur l’opposabilité des conditions générales), sur appel de TGI Niort, 2 décembre 2019 : Dnd.

Illustrations d’appréciation individuelle : compréhension d’une clause. Le caractère compréhensible d’une clause (anciens art. L. 133-2 [L. 211-1] et art. L. 132-1, al. 7 [L. 212-1, al. 3]) est généralement apprécié au regard d’un consommateur moyen, une solution inverse obligeant le professionnel à s’adapter aux capacités du consommateur pouvant être une source importante d’insécurité juridique et de difficultés inextricables de preuve. La constatation n’empêche peut-être pas forcément la prise en compte ponctuelle des capacités réelles du consommateur.

* Consommateur analphabète ou illettré. Le raisonnement précédent (déficient visuel) pourrait a fortiori être tenu pour une personne ne sachant pas lire et donc dans l’incapacité de prendre connaissance des conditions. Dans un tel cas, l’obligation d’information du professionnel sur le contenu se renforce et il lui appartient de rapporter la preuve que le consommateur a été verbalement informé par exemple d’une option qui lui était offerte.

* Langue du contrat. V. par exemple pour la langue du contrat Cerclab n° 6092 et comp., dans le cadre de la loi du 4 août 1994 sur l’emploi de la langue française, sans référence aux clauses abusives : n’est pas fondé à se prévaloir des textes légaux imposant l’usage obligatoire de la langue française, dont le but est de permettre au consommateur d’avoir une parfaite connaissance de la nature, de l’utilisation, des conditions de garantie des biens et des services qui lui sont proposés, le consommateur, de nationalité sud-africaine et de langue anglaise, qui, pour échapper à ses obligations, ne précise pas le grief que lui cause la rédaction du contrat d’inscription dans un établissement d’enseignement en langue anglaise, alors que sa qualité d’anglophone le disposait à comprendre le sens et la portée des stipulations contractuelles rédigées dans sa langue maternelle de façon plus intelligible que dans la version française. CA Montpellier (1re ch. D), 21 août 2002 : RG n° 01/00497 ; arrêt n° 3137 ; Cerclab n° 934 ; Juris-Data n° 2002-201092, confirmant TI Montpellier 13 novembre 2000 : RG n° 11-00-000485 ; jugt n° 2471 ; Cerclab n° 874.

* Clarté de la clause. Pour l’appréciation des facultés réelles de compréhension d’une clause du consommateur, en tenant compte de sa formation ou de sa profession, V. par exemple : CA Grenoble (2e ch. civ.), 2 octobre 2007 : RG n° 05/01605 ; Legifrance ; Cerclab n° 3136 (assurance-crédit ; « la Cour constate que cette clause, parfaitement accessible à la compréhension de [l’assuré] alors âgé de 46 ans et occupant des fonctions de cadre commercial en entreprise, est dépourvue de toute ambiguïté »), sur appel de TGI Bourgoin-Jallieu, 17 février 2005 : RG 03/00584 ; Dnd - TI Nice, 21 avril 2009 : RG n° 11-08-004246 ; jugt n° 0301/09C ; Cerclab n° 3826 (assurée institutrice : « de par sa profession, elle est supposée comprendre le libellé de telles dispositions… »), sur appel CA Aix-en-Provence (15e ch. B), 18 mars 2010 : RG n° 09/08056 ; arrêt n° 2010/ 116 ; Cerclab n° 2870 (problème non examiné, même si incidemment, mais globalement et non sur la seule présentation, la Cour semble prendre ses distances en affirmant que la clause « ne crée pas au détriment du consommateur, quelle que soit sa profession, un déséquilibre significatif »). § V. aussi, dans le cadre de l’assurance-crédit, pour l’appréciation du caractère éventuellement abusif des questionnaires de santé, Cerclab n° 6361 - CA Chambéry (2e ch.), 15 septembre 2022 : RG n° 20/00945 ; Cerclab n° 9799 (prêt en monnaie étrangère ; le caractère clair et compréhensible s'apprécie in concreto), sur appel de TJ Annecy, 17 juillet 2020 : RG 16/01535 ; Dnd. § Rappr. encore dans le cadre de l’ancien art. L. 133-2 [L. 211-1 nouveau] C. consom. : pour l’application de ce texte, il ne s’agit pas de savoir si la clause est en soi claire ou si son interprétation est nécessaire, mais si pour le consommateur ou le non-professionnel, la lecture de la clause laissait place à une interprétation qui rend son erreur éventuelle de compréhension excusable et non fautive. CA Pau (1re ch. civ.), 9 février 2004 : RG n° 02/001705 ; Jurinet ; Cerclab n° 650.

Pour une décision tenant compte de l’incompétence du consommateur : CA Douai (3e ch.), 16 novembre 2017 : RG n° 16/06291 ; arrêt n° 17/529 ; Cerclab n° 7148 ; Juris-Data n° 2017-023589 (assurance crédit ; arrêt ayant au préalable rejeté l’argument de l’assuré selon lequel le terme ITT aurait été source de confusion, compte tenu d’une signification différente en droit pénal et civil, alors que cette différence d’interprétation ne pouvait être connue à la conclusion par un ouvrier-cariste dans une scierie), sur appel de TGI Dunkerque, 14 juin 2016 : RG n° 11/00853 ; Dnd.

Sur la prise en compte de la profession du consommateur pour apprécier le caractère clair et compréhensible d’une clause portant sur l’objet principal au sens de l’art. L. 212-1 C. consom. : dès lors que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère et compte tenu de la clarté, de la précision des termes employés pour décrire le mécanisme du prêt, qui en soi ne revêt aucun caractère de complexité, de leur répétition, de leur caractère compréhensible, l’emprunteur, qui déclare exercer la profession de directeur commercial, doit être considéré comme un consommateur normalement avisé, qui a été en mesure de saisir la portée exacte de la clause et d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences qui en découlent pour lui ; en conséquence, la clause monnaie de compte définit l'objet principal du contrat et ne peut, étant claire et compréhensible, donner lieu à une appréciation de son caractère abusif. CA Paris (pôle 5 ch. 6), 16 juin 2017 : RG n° 15/23333 ; Cerclab n° 6937 (Helvet immo ; outre huit autres arrêts du même jour, précités), confirmant TGI Paris, 29 septembre 2015 : RG n° 14/07116 ; Dnd. § V. pour un autre arrêt, avec une formulation différente, adaptée à la profession des emprunteurs : compte tenu de la clarté, de la précision des termes employés pour décrire le mécanisme du prêt, qui en soi ne revêt aucun caractère de complexité, de leur répétition, de leur caractère compréhensible, les emprunteurs, qui déclarent exercer la profession de chef d'entreprise employant plus de dix salariés, pour madame, de conducteur d'engins, pour monsieur et doivent être considérés comme des consommateurs moyens, normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés, pouvaient non seulement comprendre, d'une part, que les frais de change leur incombaient et quelle était leur assiette, et d'autre part que la durée de remboursement pouvait être allongée dans la limite de 5 ans pour permettre le remboursement du solde du prêt et que surtout ils pouvaient appréhender que le risque de change est inhérent au type de prêt souscrit, qu'il a nécessairement une incidence sur les conditions de remboursement du crédit et son coût total et qu'ils étaient ainsi en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences qui en découlent pour eux. CA Paris (pôle 5 ch. 6), 6 octobre 2017 : RG n° 16/03076, Cerclab n° 7092 ; Juris-Data n° 2017-024451 (Helvet immo), sur appel de TGI Paris, 19 janvier 2016 : RG n° 14/09707 ; Dnd. § Dans le même sens : CA Metz (1re ch.), 17 mai 2018 : RG n° 17/0019 ; arrêt n° 18/00117 ; Cerclab n° 7616 (prêt immobilier à une SCI ayant la qualité de non-professionnel ; appréciation du caractère clair et compréhensible pour une SCI, qui n'est pas un consommateur moyen, mais un emprunteur averti, compte tenu notamment du fait qu’un des co-gérants est un professionnel du chiffre), sur appel de TGI Metz, 22 décembre 2016 : Dnd.

Comp. ci-dessous, pour le refus général de tenir compte des compétences du consommateur.

Illustrations d’appréciation individuelle : prise en compte de la situation particulière du consommateur. L’appréciation in concreto des caractéristiques personnelles du consommateur peut être rapprochée des décisions prenant en compte le particularisme de sa situation, pouvant influer sur l’absence ou non d’un déséquilibre, par rapport à une appréciation moyenne.

* Solution explicite. V. pour une référence explicite à l’appréciation in concreto, dans le cadre d’un indice courant visant à déterminer si le respect de la clause imposée au consommateur est concrètement réalisable (Cerclab n° 6045 s.), même si en l’espèce, le contrat était de nature professionnelle : l’appréciation du caractère abusif de la clause de la clause d’un contrat d’approvisionnement en eau stipulant que « l’abonné n’est jamais fondé à solliciter une réduction de la consommation, en raison de fuites dans ses installations intérieures car il a toujours la possibilité de contrôler lui-même, la consommation indiquée par son compteur » doit être faite au regard des moyens dont dispose l’abonné pour remplir « son obligation de surveillance » ; si, de manière générale, la clause paraît ne pas présenter un caractère abusif dès lors que l’abonné a effectivement les moyens d’assurer son obligation de surveillance, il convient d’apprécier, in concreto, dans le cas d’espèce si effectivement, l’approvisionné pouvait normalement contrôler sa consommation sur le compteur ; compte tenu du fait que cette obligation de surveillance est en l’occurrence particulièrement difficile sinon impossible à respecter, puisque le compteur est situé à 1,7 kilomètre de distance, dans la propriété d’un tiers, clôturée et fermée par un portail, sans que l’abonné ait aucun droit d’y pénétrer, la stipulation crée un « déséquilibre excessif ». TI Bayonne, 11 mars 1998 : RG n° 11-96-00154 ; jugt n° 152 ; Cerclab n° 37, confirmé par CA Pau (1re ch.), 10 mai 2000 : RG n° 98-001847 ; arrêt n° 2010-00 ; Cerclab n° 639 ; Juris-Data n° 2000-113322 (solution reprise implicitement), cassé par Cass. civ. 1re, 5 mars 2002 : pourvoi n° 00-18202 ; arrêt n° 434 ; Bull. civ. I, n° 78 ; Cerclab n° 2035 ; JCP 2002. II. 10123, note Paisant (cassation fondée sur l’absence de recherche d’un rapport direct avec l’activité d’une société, la cour d’appel s’étant référée au critère obsolète la compétence).

V. aussi : CA Montpellier (4e ch. civ.), 7 décembre 2023 : RG n° 20/04622 ; Cerclab n° 10628 (il importe au juge d'apprécier in concreto le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties), sur appel de TJ Narbonne, 19 octobre 2020 : RG n° 11-19-000214 ; Dnd.

* Solution implicite. Certaines décisions, sans affirmer explicitement l’adoption de cette conception, apprécient le caractère abusif en faisant référence à des circonstances propres à l’espèce : TGI Rennes (1re ch. civ.), 19 juillet 1994 : précité (maison de retraite ; est abusive, la clause stipulant que l’établissement peut mettre fin à la convention moyennant un préavis d’un mois « si le comportement du pensionnaire était de nature à perturber la bonne marche de l’établissement ou la quiétude des pensionnaires qui y séjournent, dès lors que, si l’inexécution par le pensionnaire de son obligation d’user paisiblement des locaux constitue effectivement une cause de résiliation, cette clause procure un avantage excessif en raison d’un délai de préavis trop bref s’agissant de pensionnaires âgés, de l’absence d’information du pensionnaire sur le motif exact et précis retenu et donc de l’impossibilité qui lui est offerte de le contester) - TI Pontoise, 30 novembre 1999 : RG n° 11-99-000617 ; jugt n° 1245/99 ; Cerclab n° 111 (jugement estimant la clause comme n’étant pas dénuée d’ambiguïté et l’interprétant comme ayant pour seul but d’empêcher une fraude éventuelle qui consisterait pour le bénéficiaire à « s’installer dans une situation de demandeur d’emploi jusqu’à épuisement du plafond de garantie de trente-six mois », situation qui n’était pas celle de l’adhérent qui, compte tenu de sa situation personnelle et de son âge, était dans l’incapacité de retrouver un emploi ; le jugement estime en conséquence abusive la limitation à 18 mensualités par période de chômage, au lieu du plafond de trente-six mois), infirmé par CA Versailles (1re ch. B), 23 novembre 2001 : RG n° 2000/1267 ; Cerclab n° 1726 (clause claire et non abusive) - CA Toulouse (2e ch. 1re sect.), 23 juin 2005 : RG ° 04/01755 ; arrêt n° 381 ; Cerclab n° 820 ; Juris-Data n° 2005-292399 (ouverture de compte bancaire et d’un PEA par une cliente dont une parente travaillait sur place et avait été mandatée pour suivre les comptes : la clause par laquelle la société s’est trouvée uniquement dispensée de communiquer par courrier à son client les documents d’information relatifs à ses comptes, et non, comme il convient de le souligner, d’établir ces documents, et qui a nécessairement pour conséquence de diminuer au profit de client les coûts de gestion de ses comptes, ne peut être considéré comme ayant créé un avantage excessif pour la société et par conséquent comme ayant engendré un déséquilibre significatif, au détriment du client dans les droits et obligations des parties), sur appel de T. com. Toulouse, 10 mars 2004 : RG n° 2003/004968 ; Cerclab n° 799 (problème non examiné) - CA Aix-en-Provence (11e ch. B), 19 septembre 2006 : RG n° 04/06349 ; arrêt n° 2006/442 ; Cerclab n° 720 ; Juris-Data n° 2006-320949 (contrat de transfert de films super 8 sur cassettes VHS ; conditions au recto ; arrêt estimant la clause lisible par rapport à une capacité de lecture normale, avant de préciser : « étant observé que l’appelante, qui justifie du port de verres correcteurs, ne démontre pas qu’il lui est impossible de lire un texte comportant des lettres d’une taille similaire »), sur appel de TI Nice 20 janvier 2004 : RG n° 03/3829 ; Dnd - CA Colmar (3e ch. civ. A), 15 octobre 2007 : RG n° 04/00534 ; arrêt n° 07/0678 ; Cerclab n° 1389 (téléphonie mobile ; caractère abusif de la clause ne prévoyant pas la possibilité de résiliation pour motif légitime dans la période initiale : l’existence d’une période initiale n’avait en l’espèce aucune contrepartie pour le client, comme pourrait l’être la fourniture de l’appareil téléphonique à un prix modique, puisque le récepteur avait été remis gratuitement à la suite d’une opération de tombola) - CA Paris (pôle 5, ch. 6), 15 octobre 2010 : RG n° 07/21494 ; Cerclab n° 2989 (convention de compte bancaire ; clause abusive imposant un dépôt de plainte en cas de vol ; une démarche auprès des services de police ou de gendarmerie peut dissuader des consommateurs fragiles, pour des raisons sociales et psychosociales évidentes, de faire opposition alors qu'ils sont de bonne foi, le titulaire du chéquier ou des formules pouvant parfaitement ignorer, en pratique, s'ils ont été volés ou perdus, cas qui ne peut justifier une plainte), infirmant TGI Paris (1re ch. sect. soc.), 6 novembre 2007 : RG n° 05/09745 ; jugt n° 7 ; Cerclab n° 4162 (le banquier doit s’assurer de la licéité du motif) - CA Grenoble (1re ch. civ.), 14 octobre 2013 : RG n° 11/01878 ; Cerclab n° 4561 (maison de retraite ; prise en compte de la vulnérabilité des résidents en raison de leur âge ou de leur état de santé), sur appel de TGI Grenoble, 21 février 2011 : RG n° 09/03439 ; Dnd - CA Colmar (2e ch. civ. sect. A), 24 octobre 2014 : RG n° 13/01961 ; arrêt n° 504/2014 ; Cerclab n° 4887 (assurance habitation ; clause exigeant, sous peine de réduction de l’indemnisation de 50 %, que l’assuré ait souscrit un contrat avec une société de surveillance et que ce contrat impose à cette dernière de se rendre sur place lors d’un déclenchement de l’alarme ; absence de déséquilibre manifeste, le premier juge ayant à juste titre rappelé que le contrat couvrait une maison d’habitation de standing de douze pièces principales, renfermant un capital mobilier garanti à hauteur de 152.000 euros dont 49.600 euros au titre des objets de valeur), sur appel de TGI Strasbourg, 5 mars 2013 : Dnd.

C. COMPÉTENCE DU CONSOMMATEUR

Contrats en rapport direct avec l’activité professionnelle. Lorsque le contrat est conclu à l’occasion de l’activité professionnelle du demandeur, sa compétence effective par rapport au contrat conclu n’est plus le critère de délimitation du champ d’application de la protection contre les clauses abusives (Cerclab n° 5880 et 5885). A compter de 1995 et jusqu’à l’ordonnance du 14 mars 2016, la Cour de cassation a limité la protection aux contrats qui n’ont pas de rapport direct avec l’activité. L’ordonnance a encore renforcé l’objectivité du critère.

Contrats conclus dans le cadre de la vie privée et familiale. Inversement, lorsqu’un consommateur contracte en dehors de son activité professionnelle, à l’occasion de sa vie privée et familiale, sa compétence professionnelle est également en dehors du débat : un informaticien qui achète un ordinateur, un garagiste qui achète une voiture, un agent immobilier qui achète ou loue son logement, pour ne prendre que quelques exemples, seront protégés de la même manière que des consommateurs novices dans ces secteurs. La même indifférence de la compétence effective s’appliquerait au cas d’un amateur éclairé, disposant de connaissances approfondies dans le domaine du contrat conclu.

Limites de l’absence de prise en compte de la compétence. Lorsque le déséquilibre est fondé sur une asymétrie d’informations ou l’absence de caractère compréhensible d’une clause, les compétences réelles du consommateur peuvent éventuellement influencer la décision du juge (V. ci-dessus).

D. ASSISTANCE DU CONSOMMATEUR

Assistance du consommateur et domaine d’application de la protection. Pour une décision isolée estimant que les dispositions de l’ancien art. L. 132-1 [L. 212-1 nouveau] C. consom. supposent un isolement du particulier dans ses relations avec le professionnel, condition qui ne serait plus remplie lorsque le contrat est conclu par acte authentique : TGI Toulouse (1re ch.), 8 décembre 2005 : RG n° 03/03368 ; Cerclab n° 3087, confirmé par CA Toulouse (1re ch. sect. 1), 3 septembre 2007 : RG n° 06/00270 ; arrêt n° 281 ; Cerclab n° 1650 ; Juris-Data n° 2007-345939. § N.B. Les décisions recensées adoptent unanimement une position inverse, beaucoup plus conforme aux textes, V. plus généralement Cerclab n° 5836.

Assistance du consommateur et notion de clause abusive. * Clause non abusive, en raison de l’assistance. Pour une décision prenant en compte l’assistance d’un consommateur pour apprécier l’existence d’un déséquilibre particulier, lié à la connaissance de délais à respecter lors de l’exécution du contrat : la cour d’appel a exactement retenu que les clauses de la norme AFNOR n’étaient pas abusives, dans la mesure où le maître de l’ouvrage ne pouvait ignorer les délais prévus au contrat et où il était assisté par un maître d’œuvre professionnel. Cass. civ. 3e, 11 juillet 2001 : pourvoi n° 99-20970 ; arrêt n° 1197 ; Cerclab n° 1945, rejetant le pourvoi contre CA Douai (1re ch.), 11 octobre 1999 : RG n° 97/09261 ; Cerclab n° 1687 (l’art. 18-4-4 de la norme Afnor, reprise par les dispositions contractuelles, dispose qu’au cas où le maître de l’ouvrage n’a pas notifié de décompte définitif... il est tenu de payer... le solde calculé d’après le montant du mémoire définitif ; il est constant que le décompte définitif n’est établi qu’en cas de désaccord avec le mémoire définitif et qu’à défaut de contestation le mémoire s’impose aux parties ; ces clauses ne s’avèrent ni contraires aux principes généraux de droit ni abusives dans la mesure où elles appartiennent au contrat selon l’accord des parties, que le maître d’ouvrage ne peut ignorer les délais prévus au contrat et que le maître d’œuvre qui est un professionnel assiste le maître de l’ouvrage).

* Clause non abusive, en raison de la possibilité d’une assistance. Rappr. évoquant la possibilité de se faire assister : impossibilité pour un comité d’entreprise ayant souscrit un contrat de location financière d’un distributeur automatique de boissons d’arguer de l’incompétence juridique de son secrétaire, dès lors qu’une page du contrat rédigée en caractères très lisibles attire l’attention du locataire sur l’importance qu’il y a à bien prendre connaissance des diverses clauses rédigées en petits caractères et qu’en cas de doute, il appartenant au comité de prendre conseil. T. com. Paris (7e ch.), 12 mars 2002 : RG n° 2000/046116 ; Cerclab n° 309 ; Juris-Data n° 2002-176650.

* Clause nulle en raison de l’absence d’assistance. Rappr. sans référence explicite aux clauses abusives, mais se référant à des notions s’y rapportant (avantage excessif, présence d’un professionnel) dans le cadre de l’obligation de bonne foi : est nulle la clause d’accession sans indemnité des constructions édifiées sur un terrain loué, procurant au bailleur un avantage excessif par rapport aux conventions antérieures qui ne la contenaient pas, alors que la location ne portait que sur le terrain et que l’attention des preneurs, qui n’étaient pas assistés lors de la conclusion du contrat, n’a pas été spécialement attirée par le bailleur représenté, lui, par un mandataire professionnel sur la portée et les conséquences de la clause nouvelle. CA Paris (16e ch. A), 27 février 2002 : RG n° 1999/10341 ; Cerclab n° 3631 (clause imposée au preneur ; nullité fondée sur l’ancien art. 1134 C. civ. [1103 et 1104 nouveaux] et le manquement à l’obligation de bonne foi devant présider à la conclusion des conventions), sur appel de TGI Paris, 23 avril 1999 : RG n° 1997/20270 ; Dnd, et dans la même affaire CA Paris (pôle 4 ch. 1), 19 janvier 2012 : RG n° 09/28760 ; arrêt n° 22 ; Cerclab n° 3632, confirmant TGI Paris, 19 novembre 2009 : RG n° 08/02105 ; Dnd. § N.B. Il convient de rappeler que le législateur français n’a pas repris le lien explicite que faisait la directive entre le caractère abusif d’une clause et le manquement à la bonne foi).