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CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 17 octobre 2014

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 17 octobre 2014
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 11
Demande : 12/07622
Date : 17/10/2014
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4907

CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 17 octobre 2014 : RG n° 12/07622

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Qu'en première instance la société BD MULTIMEDIA se prévalant des fautes contractuelles de la société OCITO, a réclamé l'exécution de la convention du 25 juin 2005 ; qu'en cause d'appel elle forme des demandes en paiement nouvelles de 10.000 euros et 5.000 euros sur les fondements respectifs des articles L. 442-6-1-2° et L. 442-6-1-5° du code de commerce, en invoquant un déséquilibre significatif du contrat conclu entre elles et une rupture brutale des relations commerciales ; Que si la demande visant un déséquilibre significatif du contrat peut être analysé comme une demande accessoire ou complémentaire à la demande d'origine en ce qu'il s'agit pour la société BD MULTIMEDIA de faire une analyse de la nature juridique du contrat liant les parties et d'en tirer les conséquences juridiques, et peut en conséquence être accueillie, en revanche la demande visant à la rupture brutale des relations a un objet différent de la demande originaire, ne tend pas aux mêmes fins et priverait l'intimé du bénéfice du double degré de juridiction ; que ce chef de demande doit en conséquence être déclaré irrecevable ».

2/ « Considérant que la société BD MULTIMEDIA sollicite également la nullité de l'article 4.4 du contrat du 27 juin 2005, comme instaurant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations de parties, en application de l'article L. 442-6-1-2° du code de commerce ; qu'elle estime qu'il s'agit d'un véritable contrat d'adhésion qui lui impose des modalités de paiement des reversements sans aucune contrepartie et sans justification ; Mais considérant que cette dernière ne justifie nullement pour le contrat en cause d'une durée de trois mois, de la preuve de l'absence réelle de négociation ou de l'existence de pression ou d'un déséquilibre économique au regard de l'importance des chiffres d'affaires réalisé par chaque partie ; qu'il résulte de l'examen dudit article que la société OCITO est elle-même tributaire des opérateurs pour le paiement des surtaxes ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 11

ARRÊT DU 17 OCTOBRE 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 12/07622. Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 février 2012 - Tribunal de Commerce de PARIS - R.G. n° 09/014842.

 

APPELANTE :

SA BD MULTIMEDIA

agissant en la personne de ses représentants légaux, Représentée par Maître Chantal-Rodene BODIN CASALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148, Représentée par Maître Nathalie LAURET, avocat au barreau de PARIS, toque : B1110

 

INTIMÉE :

SAS OCITO

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Luc COUTURIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0061, Représentée par Maître Coline WARIN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 4 septembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Janick TOUZERY-CHAMPION, Président de chambre, Monsieur Paul André RICHARD, Conseiller hors classe, Madame Marie-Annick PRIGENT, Conseillère, qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS

ARRÊT : contradictoire, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Mme Janick TOUZERY-CHAMPION, président et par Mme Patricia DARDAS, greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La société OCITO, qui est un opérateur technique proposant à ses clients un raccordement aux réseaux des opérateurs mobiles français, signe le 25 juin 2005 avec la société BD MULTIMEDIA un contrat de prestation de services aux termes duquel cette dernière lui confie le routage de services SMS notamment par la mise à disposition de mots clés sur le numéro court du palier 8/XX ; la première société s'engage ainsi à mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour permettre à la société BD MULTIMEDIA de recevoir des SMS-MO (envoyés par les utilisateurs) et de renvoyer des SMS-MT (envoyés par une plateforme de routage) aux utilisateurs qui souhaitent participer à des opérations. Elle met donc à la disposition de sa cliente un numéro SMS surtaxé (YY) et lui attribue les mots clefs suivants : « G., C., S., M. et D. ».

Les SMS surtaxés font l'objet de reversements de la part des opérateurs à la société OCITO, qui reverse dans un second temps une partie de ces sommes à sa cliente ; et chaque mois, la société OCITO établit une facture détaillant le nombre exact de SMS donnant droit à reversement pour le mois considéré.

Le 28 mai 2008, la société OCITO identifie un trafic anormalement élevé de plusieurs alias (un alias étant une séquence de chiffres qui remplace le n° de téléphone mobile de l'utilisateur) sur des mots clés attribués à la société BD MULTIMEDIA et en informe cette dernière. Elle procède à la désactivation de trois mots clés susceptibles d'être touchés par la fraude et le 7 octobre 2008 dénombrant 21.350 SMS frauduleux réduit d'autant le montant des reversements.

La société BD MULTIMEDIA contestant cette réduction saisit le Président du Tribunal de commerce et obtient le 5 janvier 2009 une ordonnance d'injonction de payer la somme de 22.333,52 euros à la charge de la société OCITO.

Par suite de l'opposition formée par cette dernière à l'encontre de cette ordonnance, le Tribunal de commerce de Paris rend le 22 février 2012 un jugement déboutant la société BD MULTIMEDIA de ses demandes et la condamnant à payer à la société OCITO une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Suivant conclusions signifiées le 2 juillet 2014, la société BD MULTIMEDIA, appelante, sollicite :

- la confirmation dudit jugement en ce qu'il a débouté la société OCITO de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

- l'infirmation du jugement en toutes ses autres dispositions,

- la condamnation de l'intimée à lui verser les sommes de 22.408,85 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2008, 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du non-paiement de l'intégralité des reversements dus, de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du déséquilibre significatif du contrat, 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la rupture brutale de la relation commerciale, 5.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

- la capitalisation des intérêts,

- le rejet de toutes les demandes de la société OCITO.

Elle estime que la société OCITO ne pouvait procéder à une rétention des reversements sans une démonstration de la fraude alléguée et de son ampleur. Elle fait également valoir que la société OCITO a été défaillante dans l'exécution de ses obligations et a commis deux fautes, d'une part, en ne mettant pas en place un système de filtrage des alias pour éviter toute fraude, conformément à l'article 8 du contrat, de sorte qu'elle a dû intervenir à sa place pour pallier ses défaillances, d'autre part en bloquant l'ensemble de ses services par précaution.

Elle réfute la théorie de la chaîne contractuelle retenue par le tribunal de commerce ou d'ensemble contractuel indivisible, considérant que les divers contrats entre les opérateurs et Ocito, entre Ocito et elle-même n'ont aucun lien entre eux. Enfin elle fait valoir que la société OCITO a modifié unilatéralement le contrat en fixant arbitrairement le seuil de reversement à 40 SMS-MO par heure.

Selon écritures signifiées le 24 juin 1014, la société OCITO, intimée réclame :

- la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société BD MULTIMEDIA de l'intégralité de ses demandes,

- l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en dommages et intérêts,

- la condamnation de la société BD MULTIMEDIA à lui régler la somme de 13.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- l'irrecevabilité des demandes nouvelles de cette dernière en cause d'appel,

- le rejet de l'intégralité des prétentions de la société BD MULTIMEDIA,

- la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 5.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient qu'elle a averti immédiatement la société BD MULTIMEDIA de l'existence d'une fraude. Par ailleurs, elle excipe d'un ensemble contractuel indivisible, dans la mesure où chaque contrat est la condition de l'existence de l'autre, de sorte que l'anéantissement d'un contrat doit entraîner la résolution des autres conventions. Elle se prévaut également du principe selon lequel la fraude corrompt tout et considère que les contrats relatifs aux SMS frauduleux sont nuls et dépourvus de cause et ne doivent donc donner lieu à aucun reversement. Elle rappelle qu'elle n'a jamais perçu de sommes correspondants aux SMS frauduleux de la part des opérateurs et n'a donc pu les reverser à la société BD MULTIMEDIA. Elle réplique avoir adopté les mesures appropriées dès la découverte de la fraude relevant de l'usage dans le domaine de la téléphonie mobile et soutient qu'il a été convenu entre les parties que la société BD MULTMEDIA mettrait elle-même en place un système de filtrage.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'irrecevabilité des demandes nouvelles de la société BD MULTIMEDIA :

Considérant que la société OCITO soulève en premier lieu l'irrecevabilité des demandes nouvelles de la société BD MULTIMEDIA en vertu de l'article 564 du code de procédure civile ;

Que cette dernière s'oppose à ce moyen en objectant que la parties peuvent toujours expliciter en cause d'appel les prétentions virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence et le complément, en application de l'article 564 du code de procédure civile ;

Qu'en première instance la société BD MULTIMEDIA se prévalant des fautes contractuelles de la société OCITO, a réclamé l'exécution de la convention du 25 juin 2005 ; qu'en cause d'appel elle forme des demandes en paiement nouvelles de 10.000 euros et 5.000 euros sur les fondements respectifs des articles L. 442-6-1-2° et L. 442-6-1-5° du code de commerce, en invoquant un déséquilibre significatif du contrat conclu entre elles et une rupture brutale des relations commerciales ;

Que si la demande visant un déséquilibre significatif du contrat peut être analysé comme une demande accessoire ou complémentaire à la demande d'origine en ce qu'il s'agit pour la société BD MULTIMEDIA de faire une analyse de la nature juridique du contrat liant les parties et d'en tirer les conséquences juridiques, et peut en conséquence être accueillie, en revanche la demande visant à la rupture brutale des relations a un objet différent de la demande originaire, ne tend pas aux mêmes fins et priverait l'intimé du bénéfice du double degré de juridiction ; que ce chef de demande doit en conséquence être déclaré irrecevable ;

 

Sur les demandes de la société BD MULTIMEDIA :

Considérant que pour s'opposer aux demandes de la société BD MULTIMEDIA, la société OCITO revendique, en premier lieu, l'existence d'un ensemble contractuel indivisible entre les 4 contrats conclus (contrats entre l'utilisateur et l'opérateur, entre l'opérateur et Ocito, entre Ocito et BD Multimédia, enfin entre BD Multimédia et son propre client) soumettant l'ensemble des contrats à un sort commun, dès lors que chaque contrat est la condition de l'existence de l'autre ; qu'elle estime que l'anéantissement de l'un a pour effet de priver l'opération de sa cause et entraîne la résolution des autres conventions ; qu'elle en déduit que les contrats nuls (à savoir les SMS frauduleux) ne donnent pas lieu à reversement de sa part à la société BD MULTIMEDIA ;

Que cette dernière conteste cet argument en soutenant que les conventions sont de natures juridiques différentes et conclues entre des parties différentes, qu'elle-même n'a aucunement connaissance de la teneur des engagements entre la société OCITO et les opérateurs, que leur propre contrat (entres les sociétés OCITO et BD MULTIMEDIA) ne contient aucune clause explicite d'indivisibilité et aucune stipulation n'est de nature à démontrer leur intention commune de rendre les conventions indissociables ;

Considérant que la société OCITO et la société BD MULTIMEDIA ont signé le 27 juin 2005 un contrat de prestation de services aux termes duquel la première :

« s'est engagée à mettre en œuvre les moyens nécessaires pour fournir le service au client et permettre aux utilisateurs de participer aux opérations suivant les critères de disponibilité suivants : taux de disponibilité du service d'au moins 98,5 % 7 jours/7 sur 1 mois », « la garantie de disponibilité du service fournie par Ocito ne couvre pas le transit des SMS-MO et SMS-MT sur les réseaux des opérateurs, Ocito n'assume à cet égard qu'une obligation de moyen, et non de résultat » ;

Que la circonstance que ces conventions (dont une seule est versée aux débats) participent effectivement d'une même opération économique ne peut suffire à elle-seule à caractériser l'indivisibilité des contrats, qui ne ressort d'aucune clause du contrat du 27 juin 2005 ; que l'article 4.4 du contrat dont se prévaut la société OCITO pour démontrer le caractère indivisible des contrats, selon lequel les revenus résultant de la surtaxe prélevée par les opérateurs auprès des utilisateurs seront perçus par Ocito et feront l'objet de reversement de la part d'Ocito aux clients, dès qu'ils auront été intégralement versés à Ocito par les opérateurs « ne constitue qu'une modalité des conditions de paiement comme figurant à l'article [Conditions Financières] et non une condition de validité du service » ;

Que par ailleurs aucun élément ne permet de constater que les parties ont eu l'intention de lier le sort de ces divers contrats ;

Que l'argument de l'indivisibilité est donc inopérant ;

Considérant en deuxième lieu, que la société BD MULTIMEDIA conteste l'existence d'une fraude alléguée par la société OCITO pour procéder aux rétentions des reversements et critique l'ampleur de cette fraude déterminée de façon arbitraire par la société OCITO ; qu'elle reproche également à la société OCITO de n'avoir pas mis en place un système de sécurité, alors que l'obligation de filtrage des alias frauduleux lui incombe ; qu'elle lui fait encore grief d'avoir bloqué de manière injustifiée l'ensemble de ses services alors que tous les mots clés n'étaient pas concernés par les SMS frauduleux ;

Que la société OCITO réplique qu'il avait été convenu entre les parties que le système de filtrage serait mis en place par la société BD MULTIMEDIA qui ne l'a jamais contesté ; qu'elle-même a adopté des mesures appropriées dès la découverte de la fraude, qui sont d'ailleurs conformes aux usages du secteur de la téléphonie mobile ;

Mais considérant que l'existence d'un trafic frauduleux de SMS (qui se caractérise par des envois manifestement intensifs de SMS à l'aide d'outils informatiques appelés « pondeuses » alimentés par des cartes SIM volées et qui seraient matériellement impossibles par des personnes physiques) est suffisamment démontrée par l'échange des mails entre les parties au cours du mois de mai 2008, par la note d'information de SFR (pièce n° 2 de la société Ocito), par les articles parus dans les médias, les extraits du site internet sur les « arnaques » ; que la société BD MULTIMEDIA ne peut, sans contradiction reconnaître en page 8 de ses conclusions l'existence d'une fraude et la contester en son principe ;

Qu'en revanche à juste titre la société BD MULTIMEDIA se prévaut de l'article 8 du contrat selon lequel « le client s'engage, dans un esprit général de collaboration active et régulière à aviser par écrit OCITO de la découverte de dysfonctionnements dès qu'il en aura eu connaissance, afin de permettre à Ocito de les corriger dans les meilleurs délais » ;

Qu'il ressort de sa lecture qu'il incombait à la société OCITO, professionnel spécialisé dans le secteur de la téléphonie, agréée par l'association AFMM (association française du multimédia français), de mettre en œuvre un système de sécurité lui permettant de corriger les dysfonctionnements dès leur découverte ;

Que cette nécessité est confirmée par un mail d'Orange, opérateur téléphonique, repris par la société OCITO dans un mail du 29 mai 2008 à 12h09, par lequel il lui est demandé de « mettre en place dans les meilleurs délais et jusqu'à nouvel ordre des mécanismes automatiques ou manuels pour limiter le nombre de transactions par alias » et de « blacklister immédiatement les alias correspondants » ;

Que la société OCITO avait les moyens techniques pour y procéder ainsi que le révèle le mail du 29 mai 2008 de 13h46 de la société OCITO à SFR puisqu'elle envoie à cette dernière la liste sur les 5 derniers jours des alias ayant effectué des requêtes avec une fréquence frauduleuse ; que le même jour à 14h08, la société OCITO demande à la société BD MULTIMEDIA de « mettre en place un système de filtrage des alias qui attaquent le service » avec la liste des alias joints et précise « nous serons obligés de désactiver le mot-clé si jamais un système de filtrage n'est pas mis en place de votre côté rapidement » ;

Que contrairement à ce que prétend la société OCITO, la société BD MULTIMEDIA n'a accepté de mettre en place un système de filtrage que pour pallier les défaillances de son cocontractant, ainsi qu'il ressort du mail de réponse du 29 mai 2008 à 14h48 de M. X. « Je viens de faire votre travail ; les alias sont filtrés » et de la lettre récapitulative du 10 juillet 2008 de la société BD MULTIMEDIA qui reproche à la société OCITO son incapacité technique à réaliser un filtrage adéquat et lui rappelle que c'est dans l'urgence et sous la pression due à l'interruption du trafic qu'elle a réalisé en interne sans assistance de sa part un programme de filtrage ;

Que la société OCITO n'est pas davantage fondée à exciper d'un usage du secteur de la téléphonie mobile tiré de deux courriers de ses clients sans que soit connu la teneur des conventions qui les lie ; qu'un tel usage serait en toute hypothèse en contradiction avec l'article 8 sus-rappelé ;

Que toutefois il convient de relever d'une part, que la société BD MULTIMEDIA s'est engagée par ce même article à une collaboration active avec sa cocontractante, que d'autre part, ne pèse sur la société OCITO qu'une obligation de moyen, qu'enfin il ressort des mails échangés en cette journée du 28 mai 2008, jour de découverte de la fraude, que les services de la société OCITO ont réagi immédiatement par mails du même jour à 11h04, 13h56, 14h08 ; qu'à 14h13, elle a désactivé les mots clés S., S. et G. ; que le programme de filtrage mis en place a été opérationnel en moins de deux heures le 29 mai 2008 (pièce 26 de la société BD MULTIMEDIA) ; que dès le 30 mai 2008, elle a averti la société BD MULTIMEDIA de « repérer les codes afin de ne pas reverser de l'argent à ses clients » ; que par conséquent la faute contractuelle reprochée par la société BD MULTIMEDIA n'est pas démontrée, puisqu'en définitive, le système de filtrage des SMS frauduleux a été, dès la découverte de la fraude le 28 mai 2008, mis en œuvre très rapidement par la société BD MULTIMEDIA sur injonction de la société OCITO, tenue à une obligation de moyen ;

Qu'à supposer même que le fait d'avoir pour la société OCITO bloqué certains services pour les mots clés G., S. et C. constitue un comportement fautif de sa part, parce qu'un système de filtrage des alias efficient l'aurait évité, il n'en reste pas moins que la société OCITO n'a bloqué que 3 mots clés sur 5 et seulement pendant quelques heures, de sorte que le préjudice en résultant n'est pas établi ;

Que la fraude, contrairement à ce qu'allègue la société BD MULTIMEDIA, n'a pas persisté pendant plus d'un mois mais était en réalité antérieure à sa découverte et a eu lieu pendant le mois d'avril et jusqu'au 29 mai 2008 ;

Que dans ces conditions la société BD MULTIMEDIA n'apporte pas la preuve que la société OCITO a commis des négligences fautives à l'origine d'un préjudice subi par elle ;

Que la société BD MULTIMEDIA conteste également l'ampleur de la fraude ;

Mais attendu que les opérateurs SFR et Orange ont notifié à la société OCITO des régularisations de facturations ; que cette dernière a explicité les modalités de calcul des reversements à son cocontractant conformément à l'article 4.4 du contrat du 27 juin 2005 et aux annexes 1 et 2 dudit contrat ; que la société BD MULTIMEDIA sera donc déboutée de ses demandes en paiement des reversements et en dommages et intérêts résultant de la perte de chiffre d'affaires du fait du blocage de son activité et de son obligation de reverser des fonds à ses propres clients, et ce alors qu'elle ne justifie nullement avoir dû verser des sommes à ses propres clients ;

Que le jugement du tribunal de commerce sera en conséquence confirmé ;

Considérant que la société BD MULTIMEDIA sollicite également la nullité de l'article 4.4 du contrat du 27 juin 2005, comme instaurant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations de parties, en application de l'article L. 442-6-1-2° du code de commerce ; qu'elle estime qu'il s'agit d'un véritable contrat d'adhésion qui lui impose des modalités de paiement des reversements sans aucune contrepartie et sans justification ;

Mais considérant que cette dernière ne justifie nullement pour le contrat en cause d'une durée de trois mois, de la preuve de l'absence réelle de négociation ou de l'existence de pression ou d'un déséquilibre économique au regard de l'importance des chiffres d'affaires réalisé par chaque partie ; qu'il résulte de l'examen dudit article que la société OCITO est elle-même tributaire des opérateurs pour le paiement des surtaxes ;

Que cet argument ne saurait donc être retenu ;

 

Sur les demandes de la société OCITO :

Considérant que la société OCITO réclame une somme de 13.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, soutenant que la procédure d'appel engagée par la société BD MULTIMEDIA relève d'une intention de nuire dès lors qu'elle avait connaissance du caractère manifestement infondé de ses prétentions ;

Mais considérant que la preuve d'une action ayant dégénéré en abus n'est nullement rapportée ; que c'est au contraire, l'imprécision des termes du contrat qui a permis des interprétations divergentes ; que ce chef de demande ne saurait donc prospérer ;

Considérant que l'équité commande d'allouer à la société OCITO une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant contradictoirement,

Confirme le jugement rendu le 22 février 2012 par le tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit irrecevable la demande en paiement de 5.000 euros formée en appel par la société BD MULTIMEDIA,

Dit recevable la demande en paiement de 10.000 euros formée en appel par la société BD MULTIMEDIA,

Mais l'en déboute,

Condamne la société BD MULTIMEDIA à verser à la société OCITO une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société BD MULTIMEDIA aux dépens avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier                 Le Président